AUDITION DE M. HERVÉ BARO,
SECRÉTAIRE GÉNÉRAL
DU SYNDICAT DES ENSEIGNANTS
(17 FÉVRIER 1999)
Le
président lit la note sur le protocole de publicité des travaux
de la commission d'enquête et fait prêter serment à M.
Baro.
M. Adrien Gouteyron, président -
La parole
est à M. Hervé Baro pour son exposé. Ensuite, nous lui
poserons nos questions.
M. Hervé Baro -
Monsieur le président,
merci d'avoir sollicité notre audition. Avant tout, il me semble utile
de vous présenter le syndicat des enseignants. Notre syndicat regroupe
les enseignants de la maternelle au lycée et est affilié à
la Fédération de l'éducation nationale (FEN) que vous avez
auditionnée. Par le biais de la Fédération de
l'éducation nationale, nous sommes affiliés à l'Union
nationale des Syndicats autonomes, c'est-à-dire à l'UNSA.
Pour rester dans le cadre des compétences et des préoccupations
de votre commission, je dois vous dire que, par définition, en tant
qu'organisation syndicale indépendante, nous sommes opposés
à la cogestion et, par contre, que nous sommes favorables à un
contrôle par les organismes paritaires de la gestion des personnels et du
système éducatif. Nous sommes attachés à
l'amélioration générale du fonctionnement du
système éducatif. Dans ce cadre, nous plaçons notre action
pour une meilleure efficacité de notre école ; cela nous
amène à prendre position en faveur des réformes du
système éducatif que nous jugeons les plus justes et les plus
utiles, particulièrement celles qui ont pour but de favoriser les
élèves des milieux sociaux les plus défavorisés.
Ce regard que nous portons sur le système éducatif et cette
volonté de le réformer, de l'améliorer, de le faire
évoluer dans le sens que j'indique, nous amène à poser la
question des moyens. Nous sommes, comme tout citoyen de ce pays, soucieux de la
bonne gestion des moyens dévolus au système éducatif dans
notre pays. Cela ne nous empêche pas de revendiquer l'augmentation des
moyens accordés à l'école publique.
D'abord, même si la question peut m'être posée, je vous
indique que nous avons approuvé la création des
aides-éducateurs. Ils constituent un apport important : ils sont
une contribution à la lutte contre le chômage et ils contribuent
aussi à l'amélioration du fonctionnement du système. Nous
les considérons comme du personnel à part entière du
système éducatif.
Pour ce qui concerne les moyens en personnels enseignants dans le premier
degré -ce qui relève des personnels non-enseignants est de la
compétence de notre fédération mais n'entre pas dans le
champ de compétence de notre syndicat- nous considérons qu'il
convient d'utiliser la baisse démographique réelle, que nous ne
contestons nullement. Nous devons utiliser cette baisse démographique
pour améliorer la qualité du système éducatif. Et
ce, d'autant plus que se met en place une réforme de l'école
primaire sous le vocable de "Charte pour bâtir l'école du
21
ème
siècle"
.
Dans cet esprit, nous avons
besoin de moyens pour améliorer le fonctionnement de l'école.
Nous sommes attachés particulièrement à deux aspects qui
nous paraissent mis à mal par l'actuel gouvernement : le
remplacement et la formation continue. Nous avons approuvé tout ce qui
peut s'intituler "Politique du zéro défaut"
,
mais il ne
faut pas qu'au nom de cette politique, des régressions soient induites,
par exemple, vis-à-vis des moyens dévolus aux remplacements ou
des moyens attachés à la formation continue des enseignants
où nous constatons une certaine régression.
Concernant le second degré, nous sommes attachés à la
politique de déconcentration de la gestion des personnels enseignants.
Nous approuvons cette démarche, car nous considérons qu'elle va
en faveur des personnels enseignants qui seront gérés au plus
près du terrain et qu'elle pourra peut-être réduire
certains dysfonctionnements que nous avons pu constater.
Ce que j'ai dit pour le premier degré est faux pour le second
degré, encore que le contexte soit différent dans la mesure
où, premièrement, il n'y a pas la baisse démographique
constatée dans le premier degré et, deuxièmement,
l'évolution démographique du second degré durant les
années précédentes n'a pas été
compensée par des créations d'emploi en nombre suffisant.
Dans le second degré, il nous semble que l'effort doit porter
également sur la question du remplacement. Dans le premier degré,
il existe des moyens en remplacement ; dans le second degré, les
moyens en remplacement existants sont largement insuffisants. Il faut trouver
une solution pour remplacer les maîtres absents, quelle que soit la
raison de leur absence. Il nous semble, en particulier, qu'il faut faire
évoluer le statut des titulaires académiques et des titulaires
remplaçants pour les fusionner en un seul statut.
Voilà ce que je souhaitais dire pour vous indiquer notre état
d'esprit, à la fois sur la réforme des systèmes
éducatifs et sur la question des moyens, ce qui fait partie des
principaux soucis de votre commission.
M. Grignon, rapporteur -
Pensez-vous qu'aujourd'hui, on peut
avoir une meilleure utilisation des personnels de l'éducation en
agissant, soit au niveau des méthodes, soit au niveau de
l'évolution des compétences, soit encore au niveau des
moyens ?
Ces trois variables existent : au niveau des méthodes, par exemple,
c'est la déconcentration mais cela peut aller plus loin. Au niveau des
compétences, ce peut être grâce à la formation
continue, ce peut être l'instauration d'une certaine bivalence. Vous avez
déjà évoqué le niveau des moyens.
Pensez-vous que, dans l'état actuel des choses, nous pourrions en faire
une meilleure utilisation ? Dans quelle direction pourrions-nous
aller ? Pour les systèmes de remplacement, dans le secondaire
particulièrement, comment verriez-vous les choses ? Vous avez
parlé de moyens, certes, mais, au niveau des méthodes et de
l'évolution des compétences, n'y aurait-il pas des pistes pour
améliorer le remplacement dans le secondaire ?
M. Hervé Baro -
J'ai déjà
répondu en partie à la question concernant une meilleure
utilisation des personnels enseignants ; au Syndicat des enseignants, nous
pensons que la déconcentration de la gestion des personnels enseignants
est une méthode qui doit permettre de mieux gérer et de mieux
utiliser les personnels.
Dans le système antérieur -qui est en cours de modification- nous
avons fait le constat d'une grande déperdition dans la gestion des
personnels enseignants du second degré en raison même de la
façon dont elle était conçue. Dans le cadre de cette
gestion, à la condition que l'administration de l'éducation
nationale la dote d'outils fiables pour apprécier les besoins en
fonction des moyens dont elle dispose, nous espérons que la
déconcentration puisse être une méthode permettant de mieux
utiliser les personnels, permettant d'être profitable à la fois au
système et aux personnels eux-mêmes.
Sur les compétences, nous avions ouvert une piste, celle de la
bivalence. Ce sujet ne concerne que le second degré, bien entendu, dans
la mesure...
M. Francis Grignon, rapporteur -
Dans la mesure où
l'on a introduit beaucoup de spécialistes dans différentes
disciplines ?
M. Hervé Baro -
...dans la mesure où, dans le
premier degré, les enseignants sont polyvalents. Les
spécialisations qui interviennent dans le premier degré sont des
apports de compétence : nous constatons que les enseignants du
premier degré ne peuvent pas répondre à toutes les demande
de l'enseignement, même au niveau du premier degré, en particulier
dans certaines disciplines.
Sans entrer dans un débat dogmatique sur la bivalence ou la monovalence,
pour le second degré, nous sommes favorables à une
évolution du collège qui devrait être mieux rattaché
à l'école primaire et fonder un bloc commun
école-collège, qui assoie de façon visible l'école
de la scolarité obligatoire.
D'un point de vue pédagogique, cela peut rejoindre, par la suite, des
impératifs de gestion. Dans ce cadre, nous pensons qu'il convient de
réfléchir et de nous attacher à introduire, au niveau du
collège, une différenciation disciplinaire progressive,
c'est-à-dire aller progressivement vers une différenciation plus
marquée, notamment à l'entrée au lycée.
Un tel système, qui obéit à un impératif
pédagogique, ne peut avoir que des conséquences sur la gestion
des personnels qui s'en trouveraient améliorés et
simplifiés ; il aurait donc des incidences sur la question du
remplacement par exemple, sujet difficile à aborder dans le second
degré. Dans le premier degré, c'est relativement facile dans la
mesure où les enseignants sont polyvalents et où les instituteurs
ou les professeurs des écoles peuvent remplacer n'importe lequel de
leurs collègues. Dans le second degré, il est assez difficile de
demander à un professeur d'anglais de remplacer un professeur de
mathématique ; c'est beaucoup plus compliqué.
Cela étant, aujourd'hui, dans le premier degré, le volume du
personnel destiné au remplacement est relativement important : il
permet de répondre de façon assez satisfaisante aux
remplacements, mais pas partout et pas en toutes circonstances. Dans le second
degré, en revanche, on se trouve très loin de cet objectif qui ne
pourra être atteint qu'en augmentant de façon considérable
le nombre de titulaires remplaçants.
A cet égard, il serait bon de définir des aires
géographiques de remplacement, d'étendues variables selon les
disciplines et la géographie des académies, et que l'on
transforme les actuels emplois de titulaires académiques en emplois de
titulaires remplaçants.
M. le Président -
Sur ce point, pouvez-vous nous en dire un
peu plus, en expliquant la différence entre titulaire académique
et titulaire remplaçant ?
M. Hervé Baro -
Dans le premier degré, il
n'existe que des titulaires ou des titulaires remplaçants. Pour le
premier degré, un titulaire est titulaire d'un poste de classe. Grosso
modo, et en fonction des départements vu la diversité des
politiques départementales, il existe deux types de
remplaçants : les brigades départementales qui sont des
personnes chargées d'assurer les remplacements longs sur l'ensemble du
département et des "ziliens", chargés des remplacements courts
sur des zones localisées, la ZIL étant la "zone d'intervention
localisée". Ce système fonctionne convenablement, mais il est
toujours possible, sans doute, de trouver des moyens de l'améliorer.
Dans le second degré, il existe des titulaires remplaçants ;
leur nombre est de l'ordre de 2000 ou de 3.000. En tout cas, il reste
très faible au regard des 400.000 et quelques enseignants du second
degré. Ce sont des titulaires remplaçants, des personnes
affectées sur des zones de remplacement très larges. En effet,
ces gens appartiennent à une discipline, chargés de remplacer les
personnels absents dans la discipline concernée. Pour qu'ils soient
employés à temps complet, leurs zones doivent être
étendues. Il est aussi prévu qu'ils fonctionnent hors zone de
remplacement.
Vous pouvez vérifier les chiffres que je vous cite de mémoire
auprès des services compétents du ministère de
l'éducation nationale.
Par ailleurs, à côté de cette catégorie, il existe
40 à 45.000 titulaires académiques, personnels rattachés
auprès du recteur mais non affectés définitivement ni sur
un poste ni sur une zone précise. Ils sont mis à disposition des
recteurs à la rentrée. Le recteur de l'académie ou les
services du rectorat sont amenés à les affecter soit sur des
postes à l'année, soit sur des remplacements à
l'année, soit sur des remplacements.
M. le Président -
Merci de votre précision et de
la clarification, mais je voulais surtout vous demander si vous étiez
partisan de transformer les postes de titulaires académiques en postes
de titulaires remplaçants, nombre pour nombre ?
M. Hervé Baro -
Tout à fait. Je ne sais pas
si c'est nombre pour nombre mais, tant du point de vue de la simple gestion que
pour l'intérêt même des personnes, nous ne pouvons pas
laisser des gens dans l'ignorance de leur affectation jusqu'au jour de la
rentrée, voire au-delà. Il convient de définir des zones
de remplacement de taille raisonnable pour ces enseignants. Et il faut que les
personnes en question sachent qu'elles auront des remplacements à
effectuer dans la zone dans laquelle elles seront affectées et dans la
discipline qui est la leur.
M. le Président -
Dernière observation :
"dans la discipline qui est la leur",
n'est-ce pas contradictoire avec
ce que vous avez dit sur la polyvalence et la bivalence ?
M. Hervé Baro -
Monsieur le président, je
me situe dans la situation d'aujourd'hui, du découpage disciplinaire tel
qu'il est.
M. le Président -
Très bien : tel
qu'il est. La parole est à M. le rapporteur adjoint.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur adjoint
-
Monsieur le secrétaire général, vous êtes
soucieux de la bonne gestion des moyens accordés à l'école
publique. C'est l'objectif même de notre mission d'enquête, c'est
ce vers quoi nous devons tendre.
Peut-on y parvenir à moyens constants et non, comme cela a toujours
été fait jusqu'à présent, par la seule inflation
budgétaire, qui est la réponse la plus facile ? Peut-on
améliorer le système à moyens constants, notamment par des
redéploiements ?
Ma deuxième question a trait aux remplacements : vous avez
parlé des divers statuts qui montrent qu'il y a autant de contraintes
que de freins. Les remplacements nécessitent une
réactivité et une souplesse. L'appel à un "corps de
vacataires" dont il faudrait peut-être définir le statut ou qu'il
conviendrait de choisir parmi les étudiants peut-il permettre
d'améliorer le système ?
Ma troisième question concerne les options, sans doute très
intéressantes et facteurs certains d'attractivité pour les
établissements, mais très consommatrices de moyens humains. Ces
options sont-elles toutes nécessaires et indispensables ou ne
conviendrait-il pas, en ce domaine aussi, de rationaliser et de mutualiser un
certain nombre d'options ?
M. Hervé Baro -
Peut-on améliorer le
système à moyens constants ? Ma réponse est oui,
certainement. Depuis le début, j'ai dit, par exemple, que la
déconcentration de la gestion des personnels était une
façon d'y parvenir. A mon point de vue, cela ne signifie pas qu'on fera
mieux avec moins de moyens. Il faut distinguer la bonne gestion de la question
des moyens.
Ces éléments ne sont pas pour autant contradictoires ? Nous
pouvons rajouter des moyens au système éducatif et ne pas obtenir
d'amélioration en termes de résultat. Nous cherchons donc
à la fois une meilleure utilisation des moyens existants et, quand c'est
nécessaire, la création d'emplois supplémentaires.
J'ai dit tout à l'heure que, pour l'école primaire, il nous
semblait que la politique de moyens constants était intéressante,
qu'elle pouvait permettre une amélioration qualitative. Nous sommes
conscients que cela passe par un minimum de redéploiements que nous
n'avons jamais contestés, à condition que ces
redéploiements consistent à mieux répartir la richesse
nationale ou à donner plus à ceux qui ont le plus de besoins.
Nous sommes partisans d'une politique de gestion et -bien que le terme soit
malheureux- de "discrimination positive" dans l'éducation nationale.
En ce qui concerne les remplacements, je dis très nettement que nous
sommes opposés au recours à des vacataires. Je ne vous en ai pas
parlé mais nous connaissons l'expérience, qui existe encore, des
maîtres auxiliaires comme nous avions connu, dans un passé
lointain, l'expérience des suppléants éventuels dans le
premier degré. Le fait que nous soyons quasiment sortis de l'appel aux
suppléants éventuels dans le premier degré fait que nous
sommes arrivés à une gestion plus saine et plus efficace. Il
reste encore des suppléants éventuels en petit nombre, notamment
dans deux départements d'outre-mer et dans quelques départements
de la métropole. En Guyane et à la Réunion, il en reste un
nombre assez important.
A titre d'exemple, cette année, il a été
créé par le ministère de l'éducation nationale -par
le précédent gouvernement mais mis en place par l'actuel
gouvernement- un concours spécifique pour résorber les
suppléants éventuels, non titulaires de la licence -qui nous
posent problème du fait qu'ils ne peuvent accéder au corps des
professeurs des écoles- afin de leur permettre d'accéder au corps
des instituteurs. Ce concours spécifique est créé pour une
durée de quatre ans. De mémoire, la première année
de sa mise en oeuvre, le département de la Guyane a
bénéficié de 110 emplois ouverts. Ce département
recrute d'ailleurs, encore actuellement, des suppléants éventuels.
M. le Président -
Peut-on considérer que le
corps des instituteurs est en voie d'extinction ?
M. Hervé Baro -
On peut le considérer.
M. le Président -
C'est bizarre : organiser
un concours pour permettre d'entrer dans un corps en voie d'extinction.
M. Hervé Baro -
La Guyane vit une situation
particulière. Inutile d'en parler plus longuement pour l'instant :
puisque vous avez l'occasion d'y aller, vous verrez vous-mêmes.
Dans ce département, il y a une démographie mal
maîtrisée, une immigration importante et une population en
âge scolaire mais non scolarisée très importante. Le nombre
d'enfants actuellement non scolarisés en Guyane est estimé
à environ 4.000. Voilà qui explique le retard important du
système éducatif guyanais. Par ailleurs, comme
l'université guyanaise en tant que telle n'existe pas puisqu'il
s'agissait de l'université des Antilles et de la Guyane, le nombre des
jeunes titulaires d'une licence est insuffisant pour pourvoir les postes mis au
concours de recrutement de professeurs des écoles ; d'où les
problèmes de suppléants éventuels que j'ai
signalés.
Pour en revenir à la question des remplacements, nous sommes
opposés au recours à des vacataires. Dans le premier
degré, il est mis fin aux suppléants éventuels. Dans le
second degré, on s'attaque, mais insuffisamment rapidement, à la
résorption de l'auxiliariat. Il subsiste encore 28.000 maîtres
auxiliaires, ce qui -je le rappelle- une situation précaire, je le
rappelle.
Aujourd'hui, nous regrettons, puisque les maîtres auxiliaires ne sont
plus recrutés, que l'on fasse appel à des vacataires, à
des contractuels pour assurer les remplacements. Ces personnels, quelles que
soient leurs qualités, n'ont pas les compétences et ne sont pas
formés pour venir en aide aux élèves ou les prendre en
charge, particulièrement dans les endroit les plus difficiles, mais
aussi, au-delà de cette question d'élèves en
difficulté, quel que soit l'endroit.
Le dernier point est la question des options. Il faut associer la
diversité que l'on doit offrir aux jeunes dans le cadre de leur cursus
scolaire, sans tomber dans l'outrancier -c'est votre souci- qui, à la
fois, conduit à une consommation excessive de moyens et, d'après
moi, à un effet encore plus pervers : les options sont les moyens
de sélection, de filiarisation qui font qu'aujourd'hui certains
lycées sont nobles, chics à côté d'autres qui le
sont moins. A la limite, nous serions favorables à l'existence d'options
rares à condition de les implanter dans les établissements
où existent le plus de difficultés scolaires. Or, tel n'est pas
le cas : les lycées les plus consommateurs d'options rares sont
ceux qui scolarisent les élèves à moindres
difficultés.
M. le Président -
Une question connexe à
l'une de celles posées par Jean-Claude Carle : quelle est votre
position sur les MI-SE. (maître d'internat et surveillant d'externat),
sur les surveillants dans les établissements scolaires dont -si j'ai
bien compris- le ministre a envisagé de modifier le recrutement pour
faire face à certaines tâches pédagogiques, y compris
à des remplacements ?
M. Hervé Baro -
C'est vrai qu'à un moment,
le ministre a voulu modifier le statut des maîtres d'internat. Nous
sommes favorables au maintien et même à l'augmentation du
recrutement des MI-SE mais ce dossier doit être examiné en
même temps que le statut social de l'étudiant. En effet, les MI-SE
sont des étudiants salariés, à la différence des
éducateurs qui sont des salariés.
Nous pensons que ces jeunes doivent être en nombre relativement important
dans les établissements scolaires, qu'ils doivent remplir des
tâches de surveillance et des tâches d'éducation. Leur
statut actuel leur permet d'assurer des remplacements de courte durée.
Nous ne se sommes pas hostiles à l'idée qu'ils puissent assurer,
dès lors qu'ils sont volontaires et en ont la compétence, en
particulier les titulaires d'une licence, des remplacements de courte
durée. Il faut que ce soient vraiment des remplacements de courte
durée.
Dernier point sur la question des MI-SE : nous sommes favorables à
la réduction de leur horaire de présence. Comme ce sont des
étudiants salariés, il ne faut pas oublier qu'ils sont d'abord
étudiants. L'objectif des MI-SE est surtout de réussir leurs
études universitaires. Le nombre d'heures qu'ils doivent accomplir
aujourd'hui est relativement important, puisqu'il est de l'ordre de 27 à
28 heures, et ne permet pas d'assurer leur réussite universitaire.
Mme Hélène Luc -
A propos de la
déconcentration, j'ai l'impression, pour en avoir quelques échos,
que beaucoup de professeurs ne savent pas comment cela va se passer, qu'ils
manquent d'informations. En cas de mouvement inter-académique, les
choses sont assez simples mais le mouvement intra-académique est plus
compliqué.
Certains professeurs occupent un poste qui n'est pas mis en mouvement depuis un
certain temps et sur lequel ils comptent rester. Voilà qui pose
problème. En avez-vous personnellement des échos ?
Ma deuxième question concerne la dotation des collèges.
Actuellement, les conseils d'administration ne décident pas, car ils
reçoivent une enveloppe qu'ils ont à répartir. De
nombreuses questions se posent, y compris dans des collèges en ZEP qui
ne sont pas satisfaits de la dotation en enseignants. J'en ai un exemple
à Choisy : certains professeurs pensent que ce n'est plus
suffisant.
Que pensez-vous des Réseaux d'éducation prioritaires, qui se
situent entre la zone banale, normale et la zone d'éducation
prioritaire ? En dépit d'un supplément d'horaire à
assurer, les professeurs n'ont pas d'indemnité alors que les professeurs
de zone d'éducation prioritaire en perçoivent une. Comment
pensez-vous que cela se passe ?
M. Hervé Baro -
Sur la question du mouvement
déconcentré, quand on change le système pour passer
à un autre, il est légitime que les enseignants -c'est vrai aussi
pour tout citoyen- manifestent une forte inquiétude. Une information a
été faite par les soins de notre organisation syndicale
auprès de nos mandants pour leur venir en aide.
Cela n'empêche pas que nous ayons une certaine inquiétude, car
nous ne savons pas comment réagiront les services académiques qui
seront confrontés à une nouvelle forme de gestion à
laquelle ils n'ont pas été tous préparés. Face
à ce mouvement, il y a des interrogations. Nous sommes convaincus qu'au
bout du compte, ce dispositif contribuera à bonifier la gestion des
personnels, qu'il apportera un mieux-être aux personnes et qu'il
améliorera la gestion du système. Bien sûr, comme dans tout
changement, il demeure des inconnues. Nous ignorons comment réagiront
les divers échelons administratifs.
Avec la question de la dotation, pour en revenir à un problème
qui touche aux moyens, améliorer le système à moyens
constants est souhaitable mais, à certains moments, il faut des moyens
supplémentaires. L'inquiétude que vous soulignez concernant les
collèges pourrait aussi être étendue aux lycées,
voire aux écoles, ici ou là dans certains départements.
C'est vrai que nous sommes alertés par des collèges qui
considèrent que la dotation qui leur est accordée ne leur
permettra pas de fonctionner dans de bonnes conditions à la
rentrée prochaine.
Sur la question des ZEP et des REP, à l'origine, c'est-à-dire en
1981, nous n'avions pas été de farouches partisans de
l'introduction d'une indemnité pour les ZEP. En effet, nous ne
considérons pas que la prime de risque supprime le risque. Nous pensons
que, pour traiter la question de la difficulté scolaire, c'est par un
aménagement des rythmes scolaires, par des dotations
supplémentaires en personnel, par une autre organisation du
système qu'on y parviendra. Quant à la valorisation des
personnes, si nous avions à choisir, nous préférerions des
formules de type "accélération de carrière" au type
"indemnitaire"
Vous me demandez la différence que je fais entre les zones
d'éducation prioritaire (ZEP) et les réseaux d'éducation
prioritaire (REP). Vous l'avez trouvée vous-même : la
différence entre les deux, c'est une indemnité dans un cas et pas
dans l'autre ; ce qui prouve d'ailleurs les limites du système.
Mme Hélène Luc -
En plus, pour les REP, on
fait ce qu'on peut.
M. Hervé Baro -
Pour les REP, on fait ce qu'on
peut et, pour les ZEP, c'est à peu près la même
chose : nous aurions peut-être dû resserrer le dispositif,
transformer les indemnités en accélération de
carrière de façon à ne pas perturber le système par
le biais indemnitaire. L'occasion aurait dû être saisie
d'intégrer cette indemnité dans le traitement de ceux qui la
percevaient de façon à ne rien faire perdre aux collègues
et de traiter la question de la difficulté scolaire par une
amélioration en termes de personnel, de moyens, d'organisation des
services plutôt que par le biais indemnitaire. Nous avons ainsi un
dispositif qui, je le crains, restera figé pour longtemps.
M. le Président -
Je vais vous poser une question
brutale sur un tout autre sujet : toutes les organisations syndicales
bénéficient de mises à disposition. Les textes qui
régissent la fonction publique en définissent les règles
et établissent des barèmes. Votre organisation syndicale
bénéficie-t-elle de mises à disposition au-delà de
ce que les textes permettent ?
M. Hervé Baro -
Monsieur le président,
permettez-moi une rectification : les organisations syndicales ne
bénéficient pas de mises à disposition mais de
décharges syndicales, ce qui n'est pas pareil. Les mises à
disposition et les détachements sont accordés aux associations
périscolaires, par exemple, la Ligue de l'enseignement, pour n'en citer
qu'une. Les décharges d'activités de service dont nous
bénéficions sont définies par le décret du
28 mai 1982.
A la question précise que vous me posez, avec la rectification que j'ai
apportée, ma réponse est simple : nous
bénéficions du nombre exact de décharges qui nous sont
dévolues par la loi ou par le décret. Elles sont actuellement
pour nous au nombre de 212. Pour éviter toute ambiguïté, je
précise qu'il s'agit de 212 équivalents temps plein, inclus dans
le nombre de décharges dont la FEN a signalé qu'elle
bénéficiait et ne s'y rajoutent donc pas.
M. le Président -
J'ai posé la même
question à la FEN. J'insiste un peu : les recteurs n'en
rajoutent-ils pas un peu pour vous faire plaisir ?
(signe de
dénégation de M. Baro)
C'est certain ?
M. Hervé Baro -
C'est sûr que non. Pour
être précis et ne rien oublier, en plus des décharge de
service, la réglementation prévoit des journées
d'autorisation d'absence. A ce titre, en plus des 212 équivalents
temps plein des décharges dont je vous ai parlé, nous profitons
de 1.292 journées d'autorisation d'absence. Il se peut que, dans
certains rectorats, une partie de ces journées soit transformée
en équivalents temps plein.
M. le Président -
Il me semble que l'on nous avait
expliqué que cette transformation avait été admise sur le
plan national ? A raison de 75 % ?
M. Hervé Baro -
Absolument.
M. le Président -
Abandonnons ce sujet. Les
collègues ont demandé à poser des questions et je laisse
la parole à M. Martin.
M. Pierre Martin -
Vous avez exprimé votre
désaccord avec la politique du gouvernement concernant le traitement des
remplacements et la formation continue.
On sait que les professeurs titulaires sont en surnombre. Evidemment, ils ont
été formés pour exercer sur une spécialité.
Les maîtres auxiliaires sont aussi dans ce cas. Trouvez-vous normal que
certains, parmi les titulaires, refusent ce qui leur est proposé, et
plus encore parmi les maîtres auxiliaires, alors qu'ils sont avant tout
des enseignants ? Le besoin du service est bien d'avoir un enseignant
devant les enfants plutôt que des enfants sans enseignant ou dans une
autre situation ?
M. Hervé Baro -
Je vous laisse la
responsabilité de votre question. C'est vrai qu'il y a des enseignants
en surnombre. Je veux dire par là qu'il y a un nombre d'enseignants
supérieur au nombre de supports budgétaires existants. C'est une
réalité. Que des enseignants refusent, si tel est le cas, cela ne
me paraît pas normal, sauf, bien sûr, s'ils refusent d'enseigner
dans une discipline très éloignée de la leur.
En revanche, je pense que tout enseignant, titulaire ou auxiliaire,
bénéficie d'un salaire ou d'une rémunération et
doit donc être utilisé. S'il n'y a pas de remplacement à
confier, s'agissant de personnels non affectés à des postes, on
peut très utilement les affecter à des tâches de soutien
aux élèves, dans les établissements auxquels ils sont
rattachés. C'est ce que nous souhaitons. Bien entendu, il faut que ce
dispositif permette à ces personnels d'être détachés
de cette aide et de ce soutien si un remplacement ou un autre besoin se fait
jour.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur adjoint -
Une
question qui concerne les chefs d'établissement. Aujourd'hui, nous
constatons un déficit dans le recrutement des chefs
d'établissements. A quoi cela tient-il ? Comment remédier
à cette situation ? Vous paraît-il souhaitable de
redéfinir les missions du chef d'établissement, voire de
renforcer ses prérogatives vis-à-vis des enseignants ?
M. Hervé Baro -
Je suis incompétent pour
parler des chefs d'établissement, dans la mesure où cela ne se
situe pas dans notre champ de syndicalisation pour le personnel enseignant du
second degré. Je saisis l'occasion pour parler des directeurs
d'école.
En effet, la question que vous évoquez sur la désaffection envers
la fonction de chef d'établissement existe également dans le
premier degré. Nous atteignons là des limites qui devraient
alerter les pouvoirs publics et le ministre de l'éducation nationale.
Aujourd'hui, on demande aux directeurs d'école d'accomplir des
tâches et des missions de plus en plus importantes. Il leur est
demandé de prendre de plus en plus de responsabilités : par
exemple, certains d'entre eux ont été sollicités pour
absorber l'arrivée des aides-éducateurs ; il est leur
demandé d'animer toujours davantage d'activités, d'assurer les
relations avec la famille, d'assurer les liens avec les collectivités
locales. Vous êtes très attachés à cette question en
tant qu'élus locaux.
Nous, nous souhaitons aller vers une amélioration de la situation des
directeurs d'école. Notre demande essentielle sur ce problème est
d'améliorer leurs décharges de service.
M. le Président -
Hier, nous nous trouvions
à l'académie de Paris. Nous nous sommes faits expliquer le
régime dont bénéficient les directeurs d'école de
Paris. Est-ce le modèle que vous visez ?
M. Hervé Baro -
Non, le modèle de Paris est
ce qu'il est. Nous pensons que les directeurs d'école doivent demeurer
-sauf dans les très grosses écoles où il sont dès
à présent déchargés de service- des enseignants,
des animateurs pédagogique et qu'ils doivent consacrer une partie de
leur service à des tâches d'enseignement.
Cela dit, nous estimons que le régime des décharges doit
être amélioré. Il faudrait dégager de leur temps
d'enseignement un temps durant lequel ils pourraient exercer leurs fonctions de
directeur d'école. Cela peut être un quart de décharge ou
une demi-décharge de service. Pour les plus petites écoles,
peut-être une journée mensuelle de décharge. Il faut
considérer que la tâche de directeur d'école est devenue de
plus en plus complexe et prenante : impossible d'ignorer cette
réalité.
M. Jean-Léonce Dupont, vice-président -
Une
question plus générale : comment expliquez-vous
culturellement cette difficulté à envisager une diminution des
effectifs pour l'adapter à l'évolution
démographique ? Vous avez dit qu'il fallait utiliser la baisse de
la démographie pour améliorer la qualité. Je ne suis pas
tout à fait d'accord. Pourquoi ce blocage ? Pourquoi ne pas adapter
les moyens aux besoins ?
Avec une diminution de 25 % de la population scolaire, allons-nous
maintenir le nombre des enseignants pour augmenter la qualité, de
façon indéfinie ? A un moment, il faut corréler
l'évolution des effectifs à la population et surtout aux moyens
de la nation. Pourquoi un tel blocage culturel à ce propos ?
M. Hervé Baro -
C'est votre opinion, monsieur le
sénateur. Personnellement, j'en ai développé une autre,
à l'opposé de la vôtre. D'après moi, il faut
rechercher la meilleure efficacité du système ; elle se
mesure en résultats pour les élèves. Tant que nous
constatons que des élèves arrivent au terme de l'école
primaire avec des difficultés en lecture, en calcul, en expression
orale ; tant que nous constatons que des élèves sortent du
système éducatif sans qualification -50, 60 ou 100.000 par an, en
tout cas un nombre assez important- ; tant que nous constatons que
l'école reproduit, d'une manière certaine, les
inégalités sociales, nous pensons que le système n'est pas
totalement à l'image de ce que doit être la République,
c'est-à-dire égalitaire.
M. Jean-Léonce Dupont, vice-président
-
Monsieur le secrétaire général, c'est
déjà le cas : nous avons sans cesse augmenté les
moyens et nous constatons a priori, statistiquement, une augmentation de
l'illettrisme !
M. Hervé Baro. -
Nous avons une augmentation
de l'illettrisme, nous avons une diminution et même une réduction
importante du nombre d'élèves sortant sans qualification. Les
statistiques et les études montrent qu'il sera de plus en plus difficile
de réduire ce nombre, d'où la nécessité d'augmenter
l'encadrement éducatif pour réduire le nombre de sorties sans
qualification.
Je ne dis pas ici qu'il faut augmenter systématiquement les moyens.
M. Jean-Léonce Dupont, vice-président
-
Toute votre démonstration a consisté à nous
expliquer que, quand les effectifs diminuent, on ne pouvait pas diminuer mais,
par contre, des besoins nouveaux devaient être couverts, notamment par
les aides-éducateurs. D'ailleurs, on se posera le problème de
leur avenir dans cinq ans ; non pas parce que les besoins n'existent pas,
car ils existent. Comment trouver les moyens de répondre aux besoins qui
sont infinis ?
M. Hervé Baro -
Pour ma part, je suis
attaché à l'amélioration de la performance du
système. Je ne crois pas, contrairement à vous, que l'on puisse
améliorer le système en corrélant la diminution des
effectifs d'élèves à la diminution des effectifs
d'enseignants, sinon le système va régresser au lieu de
progresser.
(Signe de dénégation de M. Dupont.)
Pourtant, au Syndicat des enseignants, comme pour vous, notre souci est
d'arriver à un système le plus performant possible. Or, il a
été démontré qu'il ne faut pas espérer
améliorer le système d'un point de vue qualitatif en diminuant de
façon quantitative le nombre de personnels d'enseignement.
M. Jean-Léonce Dupont, vice-président
-
C'est un a priori. Les nouvelles technologies et un certain nombre
de donnes peuvent laisser penser qu'il y aura demain des façons
d'évoluer différentes.
M. Hervé Baro -
Quand il aura été
démontré que les nouvelles technologies sont des instruments
à la disposition de toutes les écoles, de tous les
collèges et de tous les lycées, que les nouvelles technologies
peuvent permettre de réduire les effectifs en enseignants,...
M. Jean-Léonce Dupont, vice-président
-
...d'adapter, de corréler les effectifs à la
diminution de la population scolaire...
M. Hervé Baro -
...alors, nous serons prêts
à reprendre les débats. Pour l'instant, s'agissant des nouvelles
technologies, je constate que nous n'en sommes qu'au stade du balbutiement
à l'éducation nationale ; je ne parle que de ce que je connais.
Je suis partisan du développement des nouvelles technologies et je suis
partisan de l'adaptation du monde enseignant à leur utilisation, mais je
ne veux pas lâcher la proie pour l'ombre et considérer que les
nouvelles technologies nous permettront de mieux faire qu'aujourd'hui, à
moindre coût. Nous verrons.
M. le Président -
Très bien, monsieur le
secrétaire général. Merci pour vos réponses
très franches.