AUDITION DE M. JEAN-PAUL ROUX,
SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE
LA FEN,
ACCOMPAGNÉ DE M. CARRIE, TRÉSORIER
(27 JANVIER
1999)
Le
président lit la note sur le protocole de publicité des travaux
de la commission d'enquête et fait prêter serment à M.
Jean-Paul Roux.
M. Adrien Gouteyron, Président -
Vous avez la
parole pour un propos d'introduction.
M. Jean-Paul Roux -
Je voudrais tout d'abord vous
présenter MM. Francis Carrie, trésorier national de la
FEN, professeur de collège et Gérard Demaison,
secrétaire national. Pour ma part, je suis secrétaire
général de la FEN et, professionnellement, je suis un
administratif, attaché de l'administration scolaire et universitaire,
c'est-à-dire "intendant" dans le jargon courant.
La FEN est une organisation fédérale, qui regroupe une trentaine
de syndicats nationaux, et couvre, à l'éducation nationale, tous
les personnels enseignants, y compris l'enseignement supérieur, ainsi
que les personnels de direction et d'inspection, les personnels infirmiers,
médecins, assistantes sociales, les personnels ouvriers, les personnels
administratifs ; bref la totalité du champ des personnels qui
concourent aux tâches éducatives.
Nous sommes heureux d'être auditionnés par la haute
assemblée car il nous semble que la question de la gestion de l'emploi
public, au plan général et plus particulièrement à
l'éducation nationale, est centrale.
En tant qu'organisation syndicale, nous ne pouvons répondre que sur la
partie qui est de notre compétence. Nous n'avons ni compétence du
côté ministériel et gouvernemental pour la gestion de ces
emplois, ni dans les domaines qui ne ressortissent pas à notre domaine
syndical.
Tout d'abord une réflexion de portée
générale : la gestion de l'emploi public n'a jamais fait
l'objet d'une problématique réfléchie et sérieuse,
au delà des alternances politiques. En effet, la gestion est finalement
et exclusivement budgétaire. S'il n'y a pas changement de nature, il
peut y avoir changement de niveau. Nous avons connu des périodes de
suppressions d'emplois. Dans la période actuelle, on ne supprime ni ne
crée d'emplois, mais la logique reste la même.
Dans le service public en général et dans l'éducation
nationale en particulier, il nous semble que ce sont la politique, l'objectif
et l'ambition du projet qui devraient dominer. Se fixent derrière un
projet, dans une discussion contradictoire où les moyens pèsent
de leur poids, les priorités et les moyens à y mettre.
C'est seulement si l'on est capable de suivre cette démarche dans cet
ordre que l'on pourrait traiter de la question centrale qu'est la gestion
prévisionnelle des effectifs, et des questions de modernisation des
modes de travail. Il convient en effet de s'interroger, en permanence, sur une
meilleure efficacité des moyens existants, sur l'adaptabilité et
l'évolution du service public, et sur l'évaluation
régulière du fonctionnement du service public et de ses moyens.
Ces quatre pôles de référence ne peuvent être
utilisés comme outils que dès lors qu'un projet est
élaboré collectivement et dont le gouvernement prend, à un
moment donné, la responsabilité. C'est une politique du contrat
qui se nourrit, dans l'éducation nationale, entre un gouvernement, la
nation, partie prenante avec les parents, les personnels, et surtout les jeunes
qui sont de plus en plus les acteurs directs du système éducatif.
Je n'en dirai pas plus dans mon propos préliminaire si ce n'est que,
pour avoir lu les auditions précédentes, je connais vos
interrogations.
Je souhaite d'abord intervenir sur la question de l'absentéisme. Tout
d'abord, je réfute ce mot, dont la connotation péjorative fait
référence à des absences non justifiées, et qui n'a
pas de sens dès lors qu'il existe un système administratif
censé contrôler ce type de choses. L'amalgame n'a pas non plus de
sens entre l'absence pour maladie, pour maternité, pour la formation
continue, les réunions de concertation administratives, les
autorisations d'absence à titre syndical. Il faudrait traiter chaque
sujet dans sa cohérence.
La notion d'absence pour des raisons personnelles liées à la
maladie ne sont pas plus fréquentes dans ce secteur que dans d'autres.
Les études ont montré qu'il n'y a pas plus d'absentéisme
dans ce secteur que dans d'autres secteurs privés ou publics. L'analyse
qu'il faut mener se situe plutôt en termes de comment gérer cet
inévitable système où l'absence existe pour les raisons
diverses et comment se donner les moyens de la remplacer et -pour reprendre les
mots du ministre de l'éducation nationale- pour faire en sorte qu'il y
ait toujours un maître face à une classe.
M. le Président -
Votre dernière remarque est
intéressante.
M. Francis Grignon, rapporteur -
Sur vos propos
préliminaires, vous parlez de contrat que vous voyez en termes
d'objectifs et de moyens, mais le voyez-vous également en termes de
sanctions négatives ou positives, au regard de ces résultats.
Quels seraient pour vous les critères d'appréciation des
résultats ?
Pour revenir à des choses plus terre à terre et précises,
vous avez parlé d'une politique budgétaire, mais pensez-vous que
tout est fait, au niveau ministériel, de façon à bien
ajuster le recrutement aux besoins ? Imaginons que les professeurs de
philosophie soient déjà en surnombre, ne faudrait-il pas alors
oser le dire.
Dans les réformes du mouvement, ne pensez-vous pas que les choses seront
figées plus tôt que d'habitude ? Certes, les enseignants
sauront plus tôt où ils iront. Ne pensez-vous pas qu'on arrivera
à plus de souplesse car, si les choses sont figées dès mai
par exemple, on ne saura pas les orientations prises en juin et on risquera
d'avoir des manques en septembre, ici ou là, en raison même de ce
manque de souplesse.
Toujours au niveau de la souplesse, l'utilisation des jeunes issus des IUFM
serait-elle une solution ? Les professeurs d'école primaire sont
polyvalents car conduits à enseigner toutes les disciplines. Pensez-vous
que l'on pourrait impulser une démarche similaire dans le secondaire,
quitte à avoir un corps de "polyvalents" pour assurer les remplacements
avec d'autres statuts ?
Par rapport à votre organisation, quels sont les organismes qui
relèvent de la FEN et le nombre d'enseignants chargés de leur
animation ?
Enfin, on nous annonce pour les années à venir une baisse des
effectifs et des départs massifs en retraite. Quels seraient les grands
axes de redéploiement des moyens qui pourraient être
envisagés dans ces conditions ?
M. Jean-Paul Roux
- Le pays doit se doter d'un projet sur
l'éducation. Ce contrat doit s'établir entre ceux qui sont
chargés de gérer le pays et la nation et, dans le système
éducatif, entre les différents partenaires qui l'animent. S'il y
a projet, il se fixe des objectifs et des moyens adéquats. Dès
lors, la gestion prévisionnelle est possible. En effet, si on se fixe
tel ou tel objectif, en tenant compte de la projection démographique, il
est possible d'anticiper la demande et les besoins. On peut ainsi commencer
à recruter, en restant conscient que ces recrutements ne porteront effet
qu'après plusieurs années, de telle façon qu'ils soient
productifs aux moments opportuns.
Cette expérience commence à être menée dans le
secteur des non enseignants. Elle a été lancée il y sept
ou huit ans. L'idée était d'anticiper à cinq ans les
besoins dans tel et tel type de mission, pour tirer la conséquence des
recrutements nécessaires à une période donnée.
Globalement, ce système de gestion prévisionnelle a donné
quelques succès.
Ces moyens sont-ils suffisants ? Cela relève d'un autre
débat.
Mais un service public doit être évalué et, à
échéances régulières et en fonction du projet, on
doit pouvoir ainsi constater ce qui a marché ou pas. Cette
évaluation doit être productive d'effets et servir à
corriger les difficultés. Cela ne nous choque pas que cette
évaluation, faisant ressortir tel ou tel défaut du
système, soit l'objet d'une réflexion pour voir de quelle
façon corriger les défauts.
Or, on a toujours eu l'impression que, dans le service public, la contrainte
budgétaire passait avant le projet et devait être la
régulation suprême. C'est une difficulté.
Quels que soient les gouvernements, la dictature de notre système
budgétaire et son annualité qui interdit de se projeter dans
l'avenir, interdisent cela. Il faut dépasser ces difficultés.
Quand nous disons évaluation, nous entendons évaluation du
système ainsi qu'évaluation du personnel. Ceux-ci sortent d'un
système de notation antédiluvien et infantilisant. On ne met plus
de notes aux élèves, mais on continue à noter les
fonctionnaires. C'est une vraie question. On pourrait passer à un
système d'évaluation plus performant qui serait une
évaluation collective, dans une équipe. Y participeraient les
corps d'inspection et l'équipe en tirerait les conséquences
formatives pour transformer son mode de fonctionnement.
Cette autre dynamique implique en premier lieu l'adhésion de
l'équipe à un projet qui contribue à son
élaboration. Bien que cette logique nouvelle et différente tend
à se mettre en place, nous souhaiterions vis-à-vis de celle-ci
une politique plus volontariste.
S'agissant des listes complémentaires, nous ne comparons jamais les
premier et second degrés. Nous connaissons les différences et
dans le second degré, l'existence de disciplines complexifiées
par le développement excessif des options qui sont un moyen de
sélection redoutable. Les options sont en effet un moyen de
sélection redoutable dont l'effet peut être contre-productif.
Sur le second degré, on recrute par corps et par discipline. Cela
empêche que, dans chaque discipline, la liste de recrutement des
reçus soit accompagnée d'une liste complémentaire dans
laquelle on viendrait, au fur et à mesure des désistements
possibles, piocher pour compenser les départs, c'est-à-dire soit
les refus au moment de la nomination, soit les départs en cours
d'année.
C'est d'ailleurs un principe du statut général de la fonction
publique, peu ou mal appliqué. En effet, les politiques très
malthusiennes des jurys ont fait que certains postes mis aux concours n'ont pas
été comblés alors que les candidats existaient. En
revenant aux principes simples de la fonction publique, on aurait le moyen
d'éviter le risque du poste vacant, non pourvu par un titulaire. On
recrute donc un non titulaire et on crée ainsi un volant...
M. le Président -
Dans un pays comme le nôtre, n'est-ce pas
généraliser le système des "reçus collés
"dont on connaît le résultat ?
Vous établissez une liste en reconnaissant que ses membres ont
compétence pour enseigner, mais vous vous arrêtez à un
certain niveau en indiquant que ceux en dessous ne passent pas et qu'on ne fera
appel à eux qu'en cas de nécessité.
M. Jean-Paul Roux -
Je renvoie au statut
général de la fonction publique. Il y cent emplois vacants au
concours. Les cent premiers sont reçus, mais cent autres sont en liste
complémentaire. Ils savent qu'on peut faire appel à eux dans la
mesure où sur les cent premiers, on reçoit dix ou quinze refus
d'emploi. Cela n'a jamais présenté de difficultés dans
l'application. Il n'y a pas de "reçus collés", mais simplement un
potentiel de candidats en attente d'accéder à la liste
principale.
Les listes complémentaires, malgré l'existence des disciplines,
peuvent exister. S'agissant des disciplines rares, on est à la marge.
Déjà sur de grandes disciplines centrales, le système peut
fonctionner ; les efforts engagés ces temps derniers dans ce
domaine ont d'ailleurs porté leurs fruits. Il est vrai aussi que le
volant exorbitant de non titulaires, créé par l'administration,
met les intéressés dans une situation difficile. Notre voeu est
de les stabiliser, mais le fait qu'il y ait de moins en moins d'emplois vacants
fait qu'ils se retrouvent pris entre deux feux.
M. Francis Grignon, rapporteur
- Dans l'enseignement
primaire, il existe un volant de professeurs des écoles pour effectuer
des remplacements. Dans le secondaire, ne pourrait-on pas avoir le même
dispositif avec des personnels polyvalents ?
M. Jean-Paul Roux -
J'ai répondu à votre
question sur les listes complémentaires, qui interviennent après
le concours. Les remplacements sont d'une autre nature. Ne comparons pas les
premier et second degrés. Pour le premier degré, c'est
l'homogénéité des missions, c'est relativement simple et
cela fonctionne correctement. Quant au second degré, je reconnais la
difficulté des disciplines.
Tout d'abord, ce système de titulaire remplaçant peut
déjà fonctionner pour un certain nombre de grandes disciplines.
Néanmoins, je ne crois pas que l'on puisse, compte tenu de la nature
même des disciplines, assurer les remplacements à courte
durée. Pour une heure ou trois heures d'absence sur une semaine, le
remplacement, discipline pour discipline et heure pour heure, sera infiniment
délicat à gérer. C'est là qu'il faudrait faire
preuve d'imagination.
Imaginons que ces heures ouvertes à un temps donné bref puissent
être utilisées par des collègues d'autres disciplines, pour
des temps de soutien, quitte à que ces heures puissent être
récupérées à un autre moment de l'année.
Si on convient que le temps scolaire s'étend sur la durée de
l'année scolaire, on peut imaginer ne pas figer cela dans la stricte
durée de la semaine. L'acte éducatif n'est pas un acte
haché entre les disciplines. Il y a là la souplesse
nécessaire qui permettrait, avec des séquences
interdisciplinaires, d'articuler ces remplacements courts par d'autres
activités.
M. Francis Grignon, rapporteur
- On pourrait annualiser
l'enseignement.
M. Jean-Paul Roux -
Nous sommes à l'aise avec
l'annualisation. C'est une pratique qui peut fonctionner avec les bonnes
règles du jeu.
Une autre question concernait la bivalence. Ce n'est pas dans cette grande
maison que je dirai que l'initiative de mettre en voie d'extinction le corps
des PEGC est venue de vous ; elle est venue d'un ministre de
l'éducation nationale qui fut ensuite le président de cette
grande maison. Je crois que c'était une erreur. Non pas d'avoir mis en
voie d'extinction un corps dont nous avions dit qu'il fallait le faire
évoluer, mais de n'avoir pas été en mesure de faire
émerger un corps de professeurs de collège
spécialisés dans ce niveau très particulier d'enseignement
et capable d'enseigner, non pas sur une discipline étroite, mais sur des
champs disciplinaires -professeurs recrutés et formés au
même niveau-, comme le sont désormais les professeurs
d'école ou de lycée. C'était l'un des enjeux, avec un
horaire adapté et un enseignement différent.
On sait fort bien que, sur ce terrain, la diminution progressive du nombre de
PEGC amène de plus en plus une difficulté en gestion dans les
collèges.
M. le Président -
Cela fait 25 ans qu'on bute sur ce
point.
M. Jean-Paul Roux -
Ce n'est pas en supprimant ce corps,
sans savoir comment le remplacer, qu'on résoudra le problème. Le
problème semble dépassé car le débat statutaire est
désormais tracé sur d'autres voies. Mais, c'est une erreur qui
fut commise en 1986. Monsieur le rapporteur, vous avez certainement
gardé en mémoire les débats qui ont eu lieu à
l'époque.
M. Jean-Léonce Dupont, vice-président -
Qu'envisagez-vous pour la corriger ? Je partage votre point de vue
quant au fait de dire que c'était une erreur. Concrètement, que
faites-vous ?
M. Jean-Paul Roux -
Il faudrait également poser la
question au gouvernement. On déborde le cadre de notre champ, mais il
convient de retracer les perspectives. L'urgence pour nous est d'assurer la
continuité éducative de l'école du premier degré et
du collège. C'est un tout. Il y a continuité. Si c'est le cas, il
faut que la rupture, au niveau de la 6
e
, soit atténuée
au maximum. Cela implique de trouver le moyen, par le travail en équipe,
au niveau du collège, de réduire la multiplicité des
interventions auprès des jeunes et d'empêcher ce basculement d'une
logique du maître unique à la logique de la multiplicité
des maîtres.
Le travail d'équipe est une réponse ainsi que
l'interdisciplinaire. Le terme de " champ disciplinaire " a
été utilisé dès 1988 par le ministre de
l'éducation nationale, lorsqu'il était conseiller auprès
du ministre de l'époque. Cette question n'a pas été
suffisamment creusée.
M. Jean-Léonce Dupont, vice-président
-
Concrètement, vous n'êtes pas opposé à
des systèmes de polyvalence tels que ceux que l'on trouve dans d'autres
pays européen ?
M. Jean-Paul Roux -
Pas du tout.
M. André Vallet, rapporteur adjoint
- J'apprécie votre dernière réponse concernant le
collège. En effet, la bivalence ou la polyvalence, certes souhaitable
sur le plan pédagogique, aurait un effet non négligeable sur le
plan économique. Nous avons entendu trop de personnes entièrement
opposées à ce système de bivalence dans les
collèges, du moins pour les petites classes.
Le ministre de l'éducation nationale a fait part, à plusieurs
reprises, d'anomalies dans le fonctionnement de l'éducation nationale.
C'est peut-être même lui qui a amené cette commission
d'enquête. Il vient de présenter sa réforme de
l'école du XXIème siècle. Quelle en est votre
appréciation globale ? S'agissant de la gestion des personnels,
pensez-vous que ces réformes annoncées vont amener une meilleure
situation ou ne changeront rien aux difficultés rencontrées ici
ou là ?
Que pensez-vous des emplois-jeunes pour lesquels nous avons eu des points de
vue divergents : certains disent que c'est une excellente chose, tandis
que d'autres disent qu'ils n'appartiennent pas à l'éducation
nationale et n'ont rien à faire dans les établissements
scolaires. Je caricature à peine.
Quelle est votre position quant au chef d'établissement ? Votre
syndicat couvre les personnels enseignants et non enseignants. Etes-vous
favorable à la redéfinition de leur mission et au renforcement
éventuel de leurs prérogatives auprès des
enseignants ?
M. Jean-Paul Roux -
Le projet de l'école du
XXI
e
siècle, présenté par le ministre,
concerne le premier degré. Les questions de réforme de gestion
des personnels concernent, en priorité, le second degré.
M. André Vallet, rapporteur adjoint
- Nous sommes également interpellés sur le premier
degré.
M. Jean-Paul Roux -
Sur le premier degré,
la gestion des personnels n'est pas en cause, car déjà
déconcentrée depuis longtemps. Elle fonctionne à un niveau
où la proximité des organes de gestion des emploi est telle que
les ajustements se font dans de bonnes conditions.
M. André Vallet, rapporteur adjoint
- Je
n'ai peut-être pas suffisamment développé ma question.
Dès lors que le ministre de l'éducation nationale annonce
certains intervenants extérieurs dans les établissement, je fais
la remarque suivante : les enseignants qui faisaient 27 heures
d'enseignement ne les feront plus, puisque d'autres les feront à leur
place. Si l'on veut quand même maintenir les 27 heures, ne va-t-on
pas gagner des postes sur le dos des collectivités locales ? Nous
aimerions avoir votre appréciation.
M. Jean-Paul Roux -
Nous sommes favorables aux grandes
orientations du projet du ministre. Ce point de vue est partagé par les
enseignants et les parents d'élèves. Il faut ensuite s'attacher
à la mise en oeuvre, phase plus délicate. Le projet qui fixe,
dans le rythme de la vie du jeune, les périodes passées au sein
de l'école et celles en situation éducative hors de
l'école dans les activités périscolaires, ne peut plus
permettre de ne considérer que l'acte éducatif au sein de la
classe.
Aujourd'hui, et ce depuis des années, il existe des partenaires de
l'école qui travaillent autour de l'école -telles que les
associations et les collectivités locales- et sont impliqués dans
les tâches éducatives. Nous n'avons pas dit que la seule
tâche éducative se fait dans l'école ; elle est
beaucoup plus large. Il ne s'agit pas de concevoir un temps rythmé par
six heures de cours par jour et, comme c'était le cas dans le projet
précédent, une matinée de cours et un après-midi
sans cartable. Cela n'a pas aucun sens quant au rythme des jeunes.
Par contre, si on considère une période où le jeune, entre
8 heures et 18 heures, passe à une succession
d'activités, au sein de la classe, plus ludiques à
l'extérieur de la classe, puis retour à une activité plus
centrée sur l'apprentissage des savoirs fondamentaux, passage en
études dirigées et soutien, nous avons là un rythme
où vont alterner, sous la responsabilité du maître, non
seulement l'acte d'enseignement du maître mais également ceux des
intervenants extérieurs. Le rôle des emplois-jeunes devient alors
fondamental. Ils assurent toutes ces interfaces entre ces différentes
périodes et la conduite de certaines activités de soutien.
Aujourd'hui, le bilan de la mise en place d'emplois-jeunes dans le premier
degré est une analyse positive. Nos collègues, très
majoritairement, le considèrent ainsi.
Pour enchaîner rapidement sur l'action des emplois-jeunes, nous avons
été favorables à une mise en place de ceux-ci. En effet,
l'une des formes les plus insupportables du chômage est celle du
chômage des jeunes. Etre chômeur avant d'être travailleur
revient à marquer le pays de risques sociaux que nous paierons dans les
années qui viennent, durablement. Rentrer dans la vie par le
chômage est la pire des choses. Ce pied à l'étrier, dans de
vrais emplois, garantis dans une durée suffisante et avec une formation,
nous paraît un bon outil.
Toutefois, on ne peut en rester à un objectif à finalité
courte. Dans cinq ans, lorsque l'expérience s'arrêtera, que
fera-t-on ? Plusieurs options sont possibles. Le première est que
nous sommes en présence d'emplois émergents. Dans quatre ou cinq
ans, on constatera la nécessité de les stabiliser et d'en faire
des emplois publics.
M. André Vallet, rapporteur adjoint
- On
crée un corps de fonctionnaires de plus !
M. Jean-Paul Roux -
Je ne dis pas cela, je dis qu'il y a
nécessité de...
M. André Vallet, rapporteur adjoint -
De
stabilisation.
M. Jean-Paul Roux -
On les stabilise. Faut-il les
stabiliser sur des emplois de fonctionnaires ? C'est à la nation
d'en décider. Faut-il créer un type d'emploi nouveau qui serait
un emploi où des jeunes -car la condition de la jeunesse est
essentielle- se succéderaient, comme cela existe déjà dans
d'autres domaines, avec les emplois de surveillants d'internat et d'externat.
Pour les emplois-jeunes, ce serait le pied à l'étrier.
Cette interface entre le monde du travail et l'éducation manque
aujourd'hui, car souvent les patrons veulent des personnes ayant
déjà acquis une expérience professionnelle.
Cette interface formatrice pourrait voir se succéder en permanence des
jeunes, dont le rôle serait essentiel à l'éducation
nationale. Ils apporteraient, par leur niveau d'âge, leur fraîcheur
d'appréhension des problèmes, un air nouveau. Ce plus leur
permettrait ensuite d'accéder aux concours de la fonction publique, tout
comme d'aller dans le privé. Tous les Français n'ont pas vocation
à être fonctionnaires. L'emploi du privé est devenu
aujourd'hui terrifiant. Mais le droit à l'emploi est bien dans le sens
du droit au travail.
Si ces emplois-jeunes sont bien cette innovation, dans cinq ans, ils peuvent
être un outil nouveau de lutte contre le chômage et pour
l'insertion des jeunes.
Ce pari n'est pas gagné. Cela part dans un secteur donné, mais
surtout dès l'instant que l'on ne fait pas de la substitution à
l'emploi public. Cela marche dans le premier degré parce qu'on a rempli
un besoin qui n'était pas pourvu.
S'agissant du second degré, je serai plus réservé. Les
expériences menées dans les collectivités territoriales
ont montré que les effets d'aubaine consistent à utiliser des
emplois-jeunes comme un emploi public. Cela peut être redoutable. En
effet, comment traiter dans cinq ans des personnes recrutées sur des
missions de service public classique ? Il faudra peut-être en faire
alors des postes de fonctionnaire sans le financement, ce qui sera la
difficulté.
Enfin, je traiterai des décharges de service qui nous concernent
à titre syndical et non pas des mises à disposition, qui ne
relèvent pas de notre compétence. Nous sommes dans un domaine
normé. L'initiative première de ces créations dans la
fonction publique a été prise par M. Chaban-Delmas en
septembre 1970, rendue réglementaire par le décret
de 1982.
Ce système consiste à définir, chaque année, selon
des critères précis de représentativité, un certain
nombre d'autorisations de décharges de service, suivant un barème
très précis du ministère. Cela fait que l'éducation
nationale, de par son nombre de fonctionnaires, est probablement le
département ministériel le moins bien traité.
Je vous donne deux chiffres à cet égard. En vertu du
barème, au ministère de la Culture, il y a une décharge de
service possible pour 350 fonctionnaires tandis qu'à
l'éducation nationale, il y a une décharge de service possible
pour 2 000 fonctionnaires.
Cela fonctionne comme l'impôt sur le revenu en sens inverse : par
tranche. Dans ce domaine, l'éducation nationale n'est pas la plus grosse
consommatrice de décharges de service, bien au contraire.
Néanmoins, il y a une spécificité à
l'éducation nationale. Dans le droit syndical, outre la décharge
de service, il existe des autorisations d'absence dites au titre du
millième. En 1982, quand le texte a été
appliqué, Alain Savary, ministre de l'éducation nationale de
l'époque, nous avait demandé d'ouvrir une discussion sur la
possibilité de réduire ce nombre possible d'autorisations
d'absence dont il estimait qu'elles étaient difficiles à
gérer au niveau des remplacements, notamment pour les enseignants. Il
était préférable de les transformer en décharges,
car elles sont connues sur une année donnée et permettent ainsi
d'assurer le remplacement sur l'année.
Nous avions négocié, à l'époque, la transformation
de 50 % des autorisations d'absence en décharges de service.
En 1995, à la demande de M. Bayrou, ministre de
l'éducation nationale à l'époque, j'ai été
amené à négocier avec lui la transformation de
25 % supplémentaires d'autorisations d'absence en
décharges. Il ne reste plus que 25 % d'autorisations d'absence,
limitées aux congrès locaux, le restant étant
géré par des décharges de service totales ou partielles,
distribuées sur le pays, et que nous devons déclarer
impérativement dès le mois de mai, afin que les remplacements
soient assurés à la rentrée.
M. le Président -
Quel est le fondement de ces
autorisations ?
M. Carrie
- C'est l'article 14 du décret de 1982
et les décharges figurent à l'article 16. Il y a une
journée d'autorisation d'absence par 1.000 heures
travaillées.
M. le Président -
Pouvez-vous nous assurer que, hormis ces
décharges de service réglementaires qui découlent des
règles de la fonction publique et cette seconde catégorie qui
découle de la transformation d'autorisations d'absence en
décharges de service, il n'en existe pas une troisième moins
officielle qui se traite localement ?
M. Jean-Paul Roux -
Ce ministère est d'une rigueur
implacable dans l'attribution des décharges de service. Cela descend
ensuite dans les rectorats et les inspections académiques, car c'est
décliné au plan local. Chaque organisation a son contingent que
nous répartissons. Nous envoyons ensuite au ministère ces
décharges de service qui sont ensuite attribuées. Elles sont
ensuite déclinées sur le terrain, de façon très
rigoureuse.
Ayant une expérience de la fonction publique plus large que celle de
l'éducation nationale, c'est ce dernier ministère qui, dans ce
domaine, a la pratique la plus rigoureuse. J'allais dire hélas, mais je
ne le ferai pas car, dans ce domaine, la rigueur me paraît s'imposer.
Il peut arriver que les 25 % restants d'heures d'autorisations d'absence
fassent l'objet, au plan local, d'une transformation pour des ajustements
à la marge. Mais cela se fait sur des moyens qui vont de l'autorisation
d'absence à la décharge. C'est toujours géré dans
le cadre de l'enveloppe existante des moyens. Il appartient aux recteurs et aux
inspecteurs d'académie de faire ces ajustements.
M. Carrie
- Sur les transformations d'autorisation, dont les
commissaires de l'éducation nationale, cela représente 75 %.
Nous sommes aussi représentatifs dans plusieurs ministères. Au
ministère de la Culture et au ministère de la Jeunesse et des
Sports, il y a eu un accord pour que ce soit la totalité. En
contrepartie, en ce qui nous concerne, nous avons pris l'engagement que
personne de notre organisation ne demandera un jour de bénéficier
d'autorisations spéciales d'absence puisqu'on en a transformé la
totalité. C'est un complément que je voulais vous donner pour
avoir une vision correcte.
M. Jean-Paul Roux -
Pour la transparence, à la
rentrée 1998, la FEN et ses syndicats nationaux, au titre des deux
moyens (les décharges et les transformations en autorisations d'absence)
bénéficiaient de 440 décharges de service, dont 88 au
titre de la fédération et 352 au niveau de ses syndicats
nationaux les plus divers.
Ces chiffres sont publics. Il restait à utiliser 12 230 heures
d'autorisation d'absence au titre du millième, réparties en
2 447 journées fédérales et 9 783 au
niveau des syndicats nationaux. Cela résulte de la règle de trois
pratiquée au ministère.
M. le Président -
Vous dites 440 décharges. Cela
équivaut-il à 440 postes ?
M. Jean-Paul Roux -
Certaines décharges sont
fractionnées. Une petite minorité...
M. le Président -
Quand vous parlez de 440 décharges,
cela implique-t-il 440 personnes totalement ou partiellement
déchargées ?
M. Jean-Paul Roux
- Non, cela signifie
440 possibilités de décharges complètes, mais qui
sont pour la plupart des décharges partielles. Cela ressort des textes
de la fonction publique, à la virgule près.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur adjoint
- Le
chef d'établissement est un personnage clef du système
éducatif dont, aujourd'hui, le recrutement connaît un
déficit. Quelles sont les raisons de ce déficit ? Comment le
réduire ou améliorer la situation ? Quant à leurs
missions, pensez-vous possible d'élargir leurs prérogatives,
notamment vis-à-vis des personnels et des enseignants ?
M. Jean-Paul Roux
- Ce sujet nous préoccupe. Le
SNPDEN est un syndicat de la FEN et reçoit environ 80 % des voix
aux élections professionnelles. C'est donc le syndicat de la profession.
Nous sommes aussi inquiets que vous sur la pénurie de recrutement. Cela
tient à la difficulté exorbitante du métier de chef
d'établissement, avec son interface entre les contraintes des
personnels, des collectivités, des parents, des élèves et
des enseignants.
Si l'on dépasse le cadre des chefs d'établissement, les
inspecteurs de l'éducation nationale ont également un rôle
essentiel. Ils irriguent tout un tissu d'encadrement déconcentré
essentiel. L'encadrement administratif a également son rôle
à jouer. Contrairement à ce que l'on dit, le système de
l'éducation nationale est très déconcentré depuis
longtemps.
Dans un tel système, le rôle des personnels de l'encadrement de
terrain est devenu essentiel. Cela passe par l'attractivité d'un
métier. Pour qu'un enseignant souhaite changer de métier -car
c'est un métier différent- et devenir chef
d'établissement, il faut lui en donner l'envie et que le métier
soit attractif. D'autre part, s'agissant des craintes que peut
légitimement susciter ce métier, il faut travailler sur la
formation. Cela s'apprend. C'est un métier différent qui consiste
à gérer de la matière humaine, matière très
délicate s'il en est.
En troisième lieu, je ne pense pas qu'on doive y travailler dans le sens
d'un renforcement. Tout du moins, en termes de hiérarchie, le chef
d'établissement doit devenir, de plus en plus, un animateur d'une
équipe éducative. Il est au coeur d'une équipe
éducative dans laquelle nous mettons les enseignants et tous les
personnels non enseignants. La communauté éducative qui fait
tourner l'établissement forme un tout, dont le chef
d'établissement est le coeur.
Son autorité restant ce qu'elle est, il doit pouvoir faire en sorte que
l'élaboration du projet, qui va rassembler sa communauté
éducative, soit de sa responsabilité. L'enjeu n'est pas d'en
faire un super chef de service qui va simplement appliquer les directives
venues d'en haut, mais aussi de faire naître une dynamique qui va souder
les diverses parties de la communauté éducative.
Dans certains établissements, cela se fait facilement. Dans les secteurs
que l'on baptise pudiquement "zones difficiles", c'est un métier
redoutable, physiquement. Une commission, mise en place par
M. Allègre et menée par le recteur Blanchet et à
laquelle participe également notre syndicat, se préoccupe de ces
questions. Il faut tracer de grandes pistes nouvelles qui permettent d'attirer
vers ce métier, non pas les meilleurs mais ceux qui y auront le plus
d'aptitude. Je ne peux en dire plus, la réflexion est en cours. Mais le
rapport du recteur Blanchet, de l'académie de Paris, sera essentiel.
Mme Hélène Luc
- Concernant le taux
d'encadrement dans l'école primaire, Certaines écoles, qui
pourraient être classées en ZEP, sont encore en zone sensible et
peuvent se retrouver en REP . Que pensez-vous du taux d'encadrement ?
Pensez-vous que la formation des I.U.F.M. correspond bien aux attentes ?
J'ajouterai quelques mots sur la bivalence des professeurs. Je parle pour les
collèges, car il n'y aucun problème pour les écoles
primaires, encore que pour l'éducation physique, il faudrait absolument
avoir des professeurs d'éducation physique. Mon fils qui est dans ce cas
de figure pense qu'à l'école primaire, les instituteurs doivent
pouvoir enseigner l'éducation physique. Le débat est donc
difficile. Personnellement, je suis contre la bivalence dans les
collèges.
M. Jean-Paul Roux -
Sur la seconde partie de votre
question, comme nous nous connaissons bien, je me doutais bien d'un point de
désaccord sur ce sujet. Il me semble qu'aujourd'hui, les faits nous
interpellent sur le collège et le fait, en particulier, que le ministre
de l'éducation nationale ait voulu traiter en dernier, dans sa boulimie
de réformes, le collège, montre bien qu'il est le noeud de toutes
les difficultés et le lieu de toutes les contradictions. Ce débat
mériterait une autre commission d'enquête.
Mme Hélène Luc
- La méthode se
discute.
M. Jean-Paul Roux
- La question du taux d'encadrement ne
peut être traitée par une norme nationale. Nous avons, depuis une
quinzaine d'années, prôné le traitement
différencié.
Nous avions été d'accord avec la politique des ZEP, sous deux
réserves :
Premièrement, la politique des ZEP, qui a produit des fruits à un
moment donné, a eu l'inconvénient, comme toute politique de
zonage, de tracer des frontières, toute frontière étant
arbitraire par nature.
On sait que la difficulté sociale ne va pas s'arrêter au
n° 43 de telle rue pour ensuite entrer dans une zone où les
choses vont mieux. Cela a créé un problème, non pas de
ghettoïsation, mais de zonage qui n'a pas rendu la réalité
complexe des difficultés sociales.
La seconde erreur aura été d'appliquer un traitement
différencié aux personnels, non pas en termes d'encadrement -car
il aurait fallu jouer sur les conditions de travail et d'encadrement- mais en
termes de rémunération. On a créé le risque d'une
fixation qui empêche de faire évoluer les choses.
Humainement, lorsqu'une ZEP a produit ses fruits, la logique voudrait qu'elle
sorte de ZEP. Mais le fait qu'elle produise des conséquences
individuelles sur des personnels en termes de rémunérations est
un frein. Si l'on avait travaillé en termes de moyens
supplémentaires, de taux d'encadrement, d'allégement horaire,
bénéfiques pour l'enseignement, on aurait pu avoir une gestion
plus souple. D'autant que la solution qui se met en place -de ne plus
travailler en zone mais en réseau- est une méthode plus souple et
qui s'adapte mieux à une réalité sociale, que l'on peut
faire évoluer au rythme du temps.
Nous sommes dans une période de basculement de logique, mais l'ancienne
logique a stratifié les choses. Nous sommes devant une véritable
difficulté que nous sommes, syndicalement, obligés de
gérer car concernés par ces questions et par les collègues
qui nous interrogent. Pourtant il faut en sortir.
La question de l'encadrement ne pourra pas se traiter autrement qu'en prenant
en compte les besoins sociaux de tel ou tel réseau, c'est-à-dire
de répondre en termes d'encadrement par les besoins et la
nécessité.
M. Jean-Léonce Dupont, vice-président -
Une
petite réflexion. J'ai un point de désaccord fondamental. On pose
des hypothèses, on fait tourner le modèle et ensuite, on dit que
le modèle tourne bien en fonction des hypothèses. Le
problème est d'être d'accord sur les hypothèses de
départ.
Je ne suis pas d'accord quand vous dites qu'il faut fixer les objectifs et le
contrat puis, ensuite, voir les moyens et ce que l'on peut faire. On
étudie d'abord les moyens, ensuite on se fixe les objectifs. Dans une
famille comme au niveau de l'Etat, c'est le problème fondamental de la
fonction publique.
Peut-on réellement développer une politique des ressources
humaines dans une organisation où les syndicats informent de l'ensemble
des mouvements, avant l'organisation elle-même ? Par ailleurs,
combien avez-vous de personnels détachés ou mis à
disposition à la FEN et dans les diverses structures dépendant de
votre organisation ?
M. Jean-Paul Roux -
Je ne peux répondre que sur
les décharges. La mise à disposition est un principe de la
fonction publique : l'Etat met à la disposition d'associations ou
de mutuelles, pour partie pour le service public, des personnels que l'Etat
rémunère dans certains cas, mais qui font l'objet de
remboursement par l'organisation. Il conviendrait de poser cette question aux
associations et aux mutuelles qui participent à ce type de
système.
Les syndicats n'ont pas droit aux mises à disposition, mais seulement
aux décharges et aux détachements. Il y a donc une
séparation très claire.
M. Carrie
- Le total des détachés et mises
à disposition aux services de la FEN est égal à
zéro.
M. Jean-Paul Roux -
Pour l'anecdote, un cas de mise
à disposition datant du ministère précédent
concernait la société des agrégés. Je crois savoir
que le ministre actuel y a mis fin, en proposant un détachement, ce qui
est de bonne méthode.
Si vous posez le problème ainsi, nous aurons un désaccord de fond
sur la façon de procéder. Dans notre République, plusieurs
options sont possibles. Si vous connaissez notre organisation, nous n'avons
jamais dit qu'il suffit de donner des moyens pour résoudre les
problèmes. Cela n'a jamais été notre position. Les moyens
sont toujours en fonction d'une évolution, d'un changement, d'un projet
et d'un objectif.
Il est vrai que, dans une famille donnée, on ne peut aller
au-delà du budget, mais à l'intérieur, on peut faire des
choix de priorité. Il appartient à la nation de faire ces choix.
La nation n'a pas d'autre avenir qu'un projet éducatif qui donne,
à cette nation, la capacité de former les jeunes.
M. Jean-Léonce Dupont, vice-président -
Il
y a la santé etc...
M. Jean-Paul Roux -
Mais comment mettre en place un
système de santé si les jeunes qui viendront assurer ce
système de santé ne sont pas formés ? C'est
l'élément premier. C'est, à la fois, la politique de
formation et d'insertion. Aucun pays au monde ne peut fonctionner si, au
départ, on n'a pas fait des jeunes, des citoyens, des travailleurs...
M. Jean-Léonce Dupont, vice-président -
Nous
sommes d'accord, mais ce sont des mots, car il faut aussi gérer un
budget.
M. Jean-Paul Roux -
Ce ne sont pas que des mots, mais
aussi des convictions.
Dans le budget, dès lors qu'on fait les choix, on décide
d'accorder, en fonction des objectifs, tel et tel choix, et on assure une
programmation. Il existait bien une loi de programmation militaire. Pourquoi
n'existerait-il pas une loi de programmation...
M. le Président -
Il ne faut pas faire cette
comparaison !
M. Jean-Paul Roux -
... sur cinq, dix ans pour planifier
les moyens dont le pays veut se doter pour son système éducatif.
Est-ce impensable ?
Par exemple, dans l'enseignement supérieur dont on voit les enjeux, il
n'y aurait pas nécessité, à cinq ou dix ans, de
connaître les moyens dont on va disposer, sachant que le nombre des
étudiants croît chaque année ?(
Protestations
).
M. Jean-Léonce Dupont, vice-président -
Les
effectifs baissent : moins 30 000 étudiants.
M. Jean-Paul Roux
- La proportion de jeunes
scolarisés a globalement tendance à être de plus en plus
forte, au niveau de l'enseignement supérieur, car nous sommes
arrivés à une période où près de 70 %
des jeunes arrivent au baccalauréat.
M. Jean-Léonce Dupont, vice-président
-
Parce que les générations sont moins nombreuses, mais
le nombre total est en baisse.
M. Jean-Paul Roux -
Nous sommes arrivé à un
niveau où la massification que l'on a connue dans les collèges
à une certaine période, arrive dans le premier cycle de
l'enseignement supérieur.
M. Jean-Léonce Dupont, vice-président -
C'est
fini.
M. Jean-Paul Roux -
Cela exige un traitement d'une autre
nature que celui d'un aménagement à la marge. Cela veut dire
qu'aujourd'hui, l'hétérogénéité des jeunes
atteint l'enseignement supérieur et nécessite un traitement
différencié beaucoup plus complexe que celui qui était
appliqué lorsqu'il y avait 5 ou 10 % des jeunes lorsque je suis
entré à l'université.
M. le Président -
Je reviens au début de votre propos.
Vous avez parlé de l'absentéisme, vous en avez
énuméré les diverses causes en expliquant qu'il ne faut
pas tout mélanger. Ce n'est pas nous qui mélangeons tout ;
quelques déclarations au début ne brillaient pas par leur
clarté.
Vous avez dit aussi comment gérer les absences, c'est-à-dire -si
j'ai bien compris- comment faire pour que les absents soient remplacés
le plus rapidement possible, de sorte qu'il y ait toujours un enseignant devant
les élèves ? Ne peut-on aussi se demander comment faire pour
qu'il y ait moins d'absences ? Je ne parle pas des congés
maternité ou maladie pour lesquels on sait qu'il n'y a pas plus
d'absentéisme dans le corps enseignant qu'ailleurs.
En revanche, s'agissant de la formation continue ou des stages, j'avais cru
comprendre que le ministre envisageait de faire bouger les choses dans ce
domaine. Quelle est la position de votre organisation ?
M. Jean-Paul Roux -
Le ministre, par une maladresse
relativement lourde, en pratiquant les amalgames, a provoqué des
crispations inutiles alors que le sujet méritait un traitement plus fin.
La formation continue est une nécessité vitale aujourd'hui, non
seulement pour les enseignants, mais pour tout le monde. Le monde change vite,
on a besoin de formations. Depuis 1970, la formation se fait sur le temps
de travail.
M. Jean-Léonce Dupont, vice-président -
Les
règles peuvent évoluer.
M. Jean-Paul Roux -
Il faut changer les lois de 1970
qui avaient été mises en place, à l'époque, par
M. Chaban-Delmas. Nous en avions trouvé l'intérêt
économique et social évident.
M. Jean-Léonce Dupont, vice-président
-
Vous dites que la formation continue se fait sur le temps de travail.
M. Jean-Paul Roux -
C'est la règle
générale. Il convient déjà de faire tomber un faux
débat sur lequel le ministre n'a pas insisté. La
difficulté vient du fait que les enseignants ont une part
chiffrée de leur temps de travail en présence des
élèves et une part non chiffré hors présence des
élèves.
Les enseignants, convoqués par l'administration pour suivre une
formation continue, le font à un jour et une heure donnés et en
fonction de leur emploi du temps. Cela se fait sur du temps de travail "en
présence des élèves" ou hors temps de travail :
lorsqu'un professeur certifié est convoqué un jeudi, qu'il a
trois heures de cours et qu'il fait six heures de formation, il a bien trois
heures de cours qui vont sauter, mais les trois autres heures seront faites sur
son temps normal de préparation. Cette question est une fausse question.
Une question plus difficile à résoudre peut l'être en
partant des propositions du rapport Meirieu. Si le métier
d'enseignant contraint à un certain nombre d'absences liées
à ce métier qui tiennent notamment à la
multiplicité nécessaire des concertations, du travail en
équipe, des rencontres pédagogiques nécessaires, pourquoi
ne pas intégrer, dans le service normal fixé, des heures
réservées à d'autres activités que celle de
cours ? (la proposition du rapport Meirieu est de 16 plus 2). Un
certain nombre de ces activités prendrait alors place dans ces deux
heures et viendrait donc moins imputer les seize heures
précédentes.
On ne résoudra pas tout ; la formation continue ne pourra pas tenir
dans ces heures, ce n'est pas leur objet. Mais il y a déjà des
concertations normales et naturelles du travail en équipe qui pourraient
déjà dégager d'autant les heures de cours et qui se
feraient dans le temps normal de travail.
M. Jean-Léonce Dupont, vice-président
-
Vous êtes pour cette proposition ?
M. Jean-Paul Roux -
Nous avons soutenu le
rapport Meirieu et notre seul regret est qu'il ne se mette pas en place
assez vite.
M. le Président -
Nous vous remercions.