AUDITION DE M. GILBERT SANTEL,
DIRECTEUR GÉNÉRAL DE
L'ADMINISTRATION ET DE LA FONCTION PUBLIQUE
AU MINISTÈRE DE LA
FONCTION PUBLIQUE,
DE LA RÉFORME DE L'ETAT ET DE LA
DÉCENTRALISATION
(27 JANVIER 1999)
Présidence de M. Adrien GOUTEYRON, président
Le
président lit la note sur le protocole de publicité des travaux
de la commission d'enquête et fait prêter serment à M.
Gilbert Santel.
M. Adrien Gouteyron, président -
Vous avez la
parole pour un exposé introductif.
M. Gilbert Santel -
Depuis huit mois, je suis directeur
général de l'administration et de la fonction publique, au
ministère de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de
la décentralisation. A ce titre, j'ai une double
responsabilité :
- responsable du statut général des fonctionnaires ;
- responsable de la coordination des statuts de la fonction publique de
l'Etat, de la fonction publique territoriale et de la fonction publique
hospitalière.
Cette direction est, de surcroît, responsable de la cohérence des
statuts particuliers. A ce titre, le ministre de la fonction publique et
moi-même sommes, par délégation, conduits à signer
l'ensemble des textes modifiant les statuts particuliers des divers corps, soit
d'autres textes de nature réglementaire, notamment les dispositions
indemnitaires.
Au plan national, l'administration générale de la fonction
publique est l'interlocuteur privilégié des organisations
syndicales de la fonction publique, ne serait-ce qu'aux travers des grandes
négociations sur les salaires, la formation, la sécurité.
Elle est conduite également à faire revivre le paritarisme au
niveau national, notamment dans le cadre de la fonction publique de l'Etat.
Une troisième fonction mérite attention, puisqu'elle concerne
l'animation des pratiques des différents ministères en
matière de gestion des ressources humaines. En ce domaine, les textes
doivent être respectés pleinement dans leur lettre et leur esprit,
mais ils ne valent que par les hommes qui les appliquent. Nous reviendrons sur
cette notion du professionnalisme de la gestion des ressources humaines dans la
fonction publique.
J'en terminerai sur mon rôle à la DGFP, en ajoutant que je n'ai
aucune responsabilité directes avec la gestion, hormis le cas
particulier du corps des administrateurs civils, puisqu'il s'agit là
d'un corps interministériel. L'ensemble des actes de gestion sont pris
par délégation du Premier ministre, au niveau de la direction
générale.
La délégation interministérielle à la
réforme de l'Etat a succédé au commissariat à la
réforme de l'Etat qui avait été mis en place en 1995
pour une durée de trois ans. Cette délégation a
conservé l'ensemble des attributions du commissariat.
Le changement d'appellation traduit deux évolutions :
- La mise sous une responsabilité unique de la direction de la
fonction publique et de cette délégation
interministérielle, qui étaient auparavant sous la
responsabilité d'un délégué et d'un directeur
général.
- La volonté d'inscrire dans la durée les actions conduites
en matière de réformes de l'Etat, c'est-à-dire, pour ma
part, la modernisation de l'administration.
Avant d'en venir à la gestion des effectifs et des zones au sein du
ministère de l'éducation nationale, je reviendrai sur quelques
aspects particuliers de ce ministère. Il est important, pour les travaux
de la commission, de replacer la situation de l'éducation nationale dans
le cadre plus général de la fonction publique.
Ma conviction est la suivante. Nous aurions tort de sous-estimer les
progrès réalisés au sein de la fonction publique, plus
particulièrement de la fonction publique de l'Etat, depuis une quinzaine
d'années, bien qu'il reste des progrès considérables
à faire. J'illustrerai mon propos au travers d'une première
esquisse de réponse à deux questions essentielles :
1) Les ministères, notamment celui de l'éducation nationale,
utilisent-ils au mieux les moyens mis à leur disposition par la
collectivité nationale, notamment dans le cadre du vote du budget
réalisé par le Parlement ?
2) Les modes de gestion et l'utilisation des dispositions
réglementaires du statut général et des statuts
particuliers permettent-ils réellement d'affecter les bonnes
compétences au bon endroit en temps utile ?
Si je formule ces deux questions essentielles en ces termes, c'est que le sujet
qui vous préoccupe pour un ministère donné est au centre
de mes préoccupations en tant directeur général de
l'administration et de la fonction publique, fort de l'affirmation selon
laquelle les meilleurs textes ne valent que par l'application qui en est faite.
M. le Président -
Si vous nous aidez à répondre
à ces deux questions, notre rapport est fait !
M. Gilbert Santel -
J'ai parlé d'une esquisse de
réponse. Si, posée en ces termes, on doit y répondre par
oui ou non, je répondrai par la négative, car je suis convaincu
que, quels que soient les ministères, des progrès importants
restent possibles. Toute la question est de savoir quels progrès l'on
vise et comment y parvenir.
Il est fréquent de comparer le secteur public au secteur privé.
Dans cette comparaison, on insiste sur les qualités de gestion du
secteur privé et les défauts quasiment congénitaux de la
fonction publique qui serait, par nature, mal gérée et aurait
vocation à le rester. Au-delà des différences importantes
dans la logique de fonctionnement entre les secteurs privé et public,
reste un point commun que je résumerai de la façon suivante. Il
nous faut être capable de raisonner en termes d'objectifs, de
résultats, de sanctions à ces résultats. Cette
démarche, valable pour le secteur privé, doit l'être
également pour la fonction publique.
Si la question est posée de savoir si, dans la fonction publique, au
niveau régional ou local, les objectifs sont clairement fixés et
si nous avons des indicateurs pour apprécier les résultats, nous
avons des progrès à accomplir.
Enfin, dès lors que les conditions de l'appréciation des
résultats ne sont toujours pas créés, il en va de
même pour les sanctions. C'est en positif ou négatif. C'est
collectif et individuel.
Dans ce domaine de la meilleure utilisation des moyens, quelques questions sont
fondamentales. La première est celle de la définition des
objectifs. Tous ministères confondus, il est très important que
le niveau national ou local explicite les objectifs attendus de l'action des
services et les priorités, et de pouvoir juger de l'efficacité
des services par rapport à ces objectifs.
En deuxième lieu, il est important de développer les outils de
contrôle de gestion. Par exemple, comment le ministère X
répartit-il ses effectifs sur l'ensemble du territoire ? On
s'aperçoit qu'à côté d'un savoir-faire réel
-des indicateurs démographiques, économiques et
géographiques-, nous avons certaines affectations de moyens plus
intuitives, moins rationnelles. Cet élément de contrôle de
gestion est fondamental.
La troisième idée concerne le développement de la
contractualisation entre administration centrale et services
déconcentrés. Si l'on veut avancer, il faut mettre chaque niveau,
notamment départemental car proche du terrain, en pleine situation de
responsabilité. A cet effet, il convient de leur indiquer leurs moyens,
les résultats attendus et de vérifier, année après
année, qu'avec les moyens dont ils disposent, les résultats
fixés sont effectivement atteints. C'est cette démarche qu'il
importe d'impulser dans l'ensemble de la fonction publique.
Qui dit contractualisation dit pluriannualité. On a trop longtemps
travaillé avec, non pas l'annualité budgétaire, mais avec
une vision intra-annuelle, c'est-à-dire qu'à travers un
dispositif d'échelle d'emploi, d'annulation et de régulation de
crédits, un gestionnaire local a une vision à quelques mois et,
très souvent, connaît les crédits dont il peut disposer
à la fin de l'année, parfois même après qu'il soit
possible de les engager.
A minima, il faut cette vision non seulement annuelle, mais également
pluriannuelle. Je reste respectueux de l'ordonnance organique, du vote annuel
du budget et de la responsabilité du Parlement. Si le Parlement
décide de telle ou telle action, on en tient compte dans la
démarche pluriannuelle envisagée. Il s'agit là d'un
instrument qu'il convient de développer. A la lumière de ces
divers éléments, j'ai le sentiment personnel que le
ministère de l'éducation nationale a eu la préoccupation
de commencer à avancer dans cette direction.
J'évoque, à la fois, un certain nombre d'outils mis en place pour
répartir les moyens entre les divers rectorats et établissements
ainsi que les premières expériences conduites en matière
de contractualisation avec des rectorats, à partir des projets
pédagogiques élaborés à ce niveau. Je suis
conscient que nous sommes, en partie, dans des phases expérimentales et
que nous ne pouvons gagner que si nous sommes capables d'aller vers une
généralisation et ce fonctionnement de "objectifs,
résultats et sanctions".
La seconde question que je voulais évoquer concerne la gestion des
ressources humaines. Sommes-nous en situation d'affecter, au bon endroit et au
bon moment, les compétences nécessaires ?
Je constate que la France est dans une situation atypique à
l'échelle internationale, en ce sens que les pays qui ont fait le choix
de la fonction publique de carrière, par rapport à la fonction
publique de l'emploi, sont maintenant minoritaires dans les pays
développés. Je veux toutefois insister sur le fait que,
même les pays ayant le choix de la fonction publique de carrière
hésitent à affirmer que l'on peut moderniser l'administration en
conservant cette fonction publique de carrière.
En d'autres termes, on considère souvent que la flexibilité et
l'adaptabilité nécessaires au service public peuvent être
atteintes par une sortie plus ou moins importante du statut
général.
Je veux vous faire part d'une conviction. Le statut général
constitue une contrainte, au moins autant qu'une opportunité. Quand on
évoque la dimension "contrainte" du statut général, elle
s'identifie soit à un manque de savoir-faire et de professionnalisme,
soit, dans certains cas, de laxisme ou de démission dans la gestion.
Le statut général est un équilibre entre les droits et les
devoirs. Il est du devoir de chacun de faire respecter les uns et les autres.
C'est aussi une convention collective. Le secteur privé travaille avec
des conventions collectives et ne s'en porte pas plus mal. L'équilibre
des droits et devoirs me paraît consubstantiel dans la fonction publique,
à condition de les faire respecter pleinement.
Je vous cite trois exemples succincts :
Premier exemple : Le recrutement. Jusqu'à la loi Le Pors
de 1983, on a recruté un grand nombre de contractuels à
durée indéterminée, dans la fonction publique de l'Etat.
Cette souplesse de gestion a été, dans des conditions variables,
largement utilisée par les ministères, notamment dans les
secteurs dans lesquels de nouvelles compétences étaient
nécessaires, où apparaissaient de nouveaux problèmes
à résoudre.
La loi de 1983 stipulait que tout emploi permanent devait être
occupé par un fonctionnaire. Pour le bon fonctionnement de ce
système, il faut donc être capable d'adapter profondément
les conditions de recrutement dans la fonction publique. Je ne remets pas en
cause le principe du concours. Toutefois, entre l'organisation d'un concours et
d'une formation d'ingénieur en trois ans et la possibilité de
recruter sur titre en deux mois sont là deux types de recrutement
radicalement différents.
En présence d'un besoin urgent à résoudre, s'il l'on suit
le premier cas de figure, on aura un poste vacant pendant trois ans. J'ai pris
cet exemple car il est nécessaire, tout en respectant les règles
de la fonction publique, de faire évoluer ces règles de
recrutement. Faute de quoi, il se passe la pire des choses. Comme les faits
sont têtus, on est conduit à utiliser des subterfuges, des moyens
parallèles, comme l'emploi précaire, et on voit revenir, à
échéance régulière, la nécessité de
régler un certain nombre d'emplois précaires.
Je prétends que ce n'est pas une fatalité, à condition
d'aborder ce problème de fond et d'y travailler.
Deuxième exemple : La mobilité. Je constate avec
stupéfaction que la mobilité n'est pas une donnée de
gestion partagée par l'ensemble des gestionnaires. Dans
l'intérêt des agents mais aussi dans celui du service public, nous
ne pouvons fonctionner que s'il y a mobilité raisonnable des agents de
l'Etat.
Disant cela, j'évoque à la fois l'intérêt d'avoir
des expériences professionnelles diversifiées et l'adaptation
à l'évolution des situations, les problèmes de
déontologie, et enfin le fait que tous les métiers et
compétences nécessaires figurent au sein de la fonction publique.
Toutefois, dans chaque service, on n'a pas toutes les compétences
nécessaires. Sans doute faut-il que des agents du ministère des
finances aillent aux affaires sociales et réciproquement.
Sur une telle question, j'insistais sur le professionnalisme. Il existe
quelques problèmes de gestion, quelque problèmes
réglementaires, des obstacles liés aux différences de
primes. Mais tous ces obstacles sont peu de choses à côté
du consensus implicite qui s'est établi entre les responsables
administratifs et les syndicats, selon lesquels chacun reste chez soi et tout
se passe le mieux possible. Pour ma part, il convient de tenir un discours
radicalement opposé.
Troisième exemple : la déconcentration. Dans leur
écrasante majorité, les organisations syndicales n'y sont pas
favorables. Mais la déconcentration est l'élément
fondamental d'une bonne gestion des ressources humaines dans la fonction
publique. Il s'agit là encore de respecter les règles du jeu. Par
exemple, le Conseil d'Etat a indiqué qu'il considérait que, pour
une déconcentration pleine de la gestion, des unités de cinquante
personnes représentaient un seuil pertinent. Cet avis peut être
discuté. Il y a certainement quelques précautions à
prendre.
Les expériences tentées en matière de
déconcentration, tant à l'éducation nationale qu'au
ministère de l'équipement, s'avèrent chaque fois largement
concluantes du point de vue de la qualité du dialogue social et de la
gestion des ressources humaines.
Les commissions de discipline déconcentrées sont beaucoup plus
sévères que les commissions de discipline nationales. Cela
mérite réflexion. Mais surtout, cela permet une meilleure
adéquation des agents par rapport aux postes. Il y a
nécessité de donner un coup d'accélérateur
significatif.
Pour vous donner le fond de ma pensée, c'est un domaine sur lequel les
gouvernements successifs ont insisté. Les avancées,
significatives lorsqu'elles ont été réalisées, sont
toutefois restées globalement modestes dans l'ensemble de la fonction
publique. Faut-il continuer à faire confiance ou à passer par la
voie réglementaire pour imposer un certain nombre de dispositions de
déconcentration ? Si non, je crains que nous continuions à
prendre du retard.
Ce sont quelques éléments que je souhaitais mettre en exergue.
Tout n'est pas parfait au sein du ministère de l'éducation
nationale dont la taille a mis en évidence certaines difficultés.
Je constate néanmoins qu'en matière de déconcentration,
c'est l'un des ministères qui a le plus avancé. Je suis conscient
ainsi que mes collègues au ministère de l'éducation
nationale, des efforts qu'il reste à accomplir. Je tiens pour positives
les mesures prises récemment en matière de déconcentration
du mouvement.
Enfin, qu'il s'agisse de la bonne utilisation des crédits publics, des
moyens ou de la gestion des ressources humaines, si l'on peut considérer
que nous avons pris un certain retard, il faut être conscient qu'il y a
tout juste une quinzaine d'années que ces questions ont commencé
à être prises à bras le corps dans les ministères.
Longtemps, l'idée a été qu'un bon fonctionnaire
était un fonctionnaire compétent. La compétence des
fonctionnaires n'est pas contestée, que ce soit au niveau national ou
international. Toutefois, on a oublié de dire à l'ensemble de
l'encadrement qu'il avait aussi vocation à être chef
d'équipe, "patron" pour utiliser un terme compréhensible.
Former à la gestion des ressources humaines, professionnaliser cette
fonction ainsi que la dimension "managériale", fait partie des
priorités actuelles. Bien qu'un coup d'accélérateur
significatif est donné, je reste conscient de l'ampleur de la
tâche restant à accomplir.
M. le Président -
Nous passons aux questions.
M. Francis Grignon, rapporteur -
Si je reprends la
trame de votre exposé, il est important de fixer des objectifs, de
constater des résultats et de prononcer des sanctions
éventuelles. Entre les objectifs et les résultats, il y a les
moyens à mettre en oeuvre. Vous indiquez que les objectifs ne sont pas
toujours très connus. C'est grave car des moyens sont mis en place sans
savoir exactement quels sont les objectifs.
Peut-on améliorer la prospective dans un domaine aussi difficile que
l'éducation nationale ? Comment, au regard des problèmes
démographiques, sociologiques, variations de programmes et autres,
verriez-vous, de façon significative, l'amélioration de la
prospective ? Est-ce par la communication, le management ?
Vous avez ensuite parlé de résultats et de sanctions. Un
contrôle financier est mis en place, depuis 1997, au niveau des TPG
sur le personnel de l'éducation nationale. Il semblerait que ce
contrôle global, qui réussit à déterminer que des
personnes existent et qu'elles sont payées, ne réussit pas
à déterminer ce qu'elles font.
Serait-il souhaitable et possible d'aller plus loin que le type de
contrôle effectué actuellement, afin de suivre la progression de
la personne dans ses diverses affectations ? Serait-ce de nature à
améliorer le fonctionnement global du système ?
Vous avez indiqué ensuite que des contrats pluriannuels entre
l'administration centrale et les administrations décentralisées
seraient indispensables. Cela signifie-t-il plus d'autonomie au niveau du
rectorat ou même, au niveau du chef d'établissement ?
Vous avez parlé d'évolution "managériale" avec des termes
utilisés habituellement dans le privé. Peut-on aller jusque
là au niveau de l'établissement, du rectorat et instaurer cette
culture dans l'administration ?
S'agissant de la seconde partie de votre exposé, j'aurais quelques
questions sur le surcalibrage et le recrutement. Dans l'éducation
nationale, on a un surcalibrage pour s'assurer des moyens, des variables
d'ajustement. Cela existe-t-il dans les autres administrations ? Une fois
les recrutements faits, les mutations se font-elles par rapport au
barème ? Pensez-vous qu'il serait souhaitable d'avoir d'autres
types de mutation que cette approche purement administrative et lesquels ?
Vous indiquez que, pour la déconcentration, le Conseil d'Etat avait
stipulé un minimum de cinquante personnes. Quel est, à votre
avis, le maximum que l'on peut raisonnablement manager ? Certes, ce n'est
pas un ordinateur central à Montrouge qui peut gérer quelques
centaines de milliers de personnes ; quelle serait donc la bonne
échelle ?
Enfin, vous avez parlé de culture à faire évoluer.
Pensez-vous qu'on puisse arriver à une culture de dialogue plus
qu'à une culture d'affrontement ?
M. Gilbert Santel
- Je suis enclin à dire que l'on peut
améliorer la prospective, tout en insistant sur les deux
éléments suivants. Faire de la prospective en matière
d'éducation nationale, c'est avoir la connaissance la plus
précise possible de l'évolution démographique. Il y a une
donnée de base, celle de l'augmentation ou de la diminution du nombre
d'élèves. C'est un premier facteur de calibrage des moyens.
Une seconde donnée tient au contenu pédagogique, au contenu de
l'enseignement. Il est évident que, si l'on envisage d'augmenter ou de
diminuer de façon importante le nombre d'heures de classe, les
conséquences sont directes sur les moyens.
Il existe une troisième notion, celle de l'appréciation des
résultats. La culture de départ de l'administration
française, toutes administrations confondues, a été trop
peu tournée vers l'usager et le citoyen. On a beaucoup plus
fonctionné à partir de logiques de procédure que de la
préoccupation de l'efficacité de l'action. Traditionnellement, un
bon agent est celui qui dépense ses crédits ; un bon
responsable est celui qui dépense ses crédits.
Pour ma part, je pense qu'il vaut mieux vérifier que les crédits
ont été dépensés de façon appropriée
plutôt que de s'assurer qu'ils ont été
dépensés intégralement, et de montrer du doigt celui qui
n'en a dépensé que 90 %. Cela paraît trivial de le
présenter ainsi, mais il faut savoir que la culture de départ est
inverse.
J'illustrerai mon propos d'un exemple pris dans le secteur de la construction
dont j'ai été responsable. Dans le secteur du logement,
traditionnellement, on étudie si on a construit le nombre de PLA
prévus ou réhabilité le nombre de logements prévus.
C'est un critère de gestion. Par contre, il me paraît très
important de savoir si, après avoir effectué tous les travaux et
dépensé cet argent, les Français sont mieux ou moins bien
logés.
Le rapport qualité prix a-t-il ou non été
amélioré ? Cela suppose, domaine par domaine, production par
production, une réflexion sur les objectifs recherchés. Cela
s'applique également à l'éducation nationale.
J'ai lu, dans un article récent, des données comparées
concernant l'illettrisme. C'est un critère d'appréciation. On va
au résultat. On peut également s'interroger sur la socialisation
qui résulte de l'enseignement dispensé ou entre le bon
apprentissage de l'écriture et de la lecture, et la socialisation.
Qu'est est l'élément le plus important ? Est-on capable de
l'évaluer ? Y a-t-il des éléments prioritaires ?
Ce sont des questions fondamentales.
S'agissant du contrôle effectué par les TPG, il est primordial,
quels que soient les services -les écoles comme toute autre direction
départementale- d'avoir un certain nombre de ratios de gestion qui
permettent aux services de se comparer.
Le
"Bench marking"
ou l'analyse comparée est sûrement l'une
des voies de progrès les plus efficientes en matière de
modernisation de la fonction publique. Pour faire référence
à mon expérience passée, nous avions mis en place des
indicateurs de gestion simplistes, en soi faux, l'objectif n'étant pas
d'aller rechercher la moyenne : combien d'agents par kilomètre de
route nationale ou de permis de construire délivrés annuellement
par un agent ? Les écarts de 20 % font partie de la finesse de
la mesure ; les écarts de 50 % relèvent parfois des
réalités locales différentes, mais il convient de
s'interroger sur des écarts de 100 %.
Dès lors qu'on met en place des indicateurs, même simples de
gestion, quels que soient les domaines, on s'aperçoit que les
écarts sont plutôt de l'ordre de 100 % que de 20 %,
d'où la nécessité d'aller en ce sens.
Ce type de ratios permet de s'interroger sur les activités de ces
personnes. On a parlé de résultats et de sanctions, je
considère que le statut général ne doit pas avoir pour
conséquence une gestion générale à
l'ancienneté. Au contraire, il est dans l'esprit du statut, même
si on l'a quelque peu oublié, de considérer que l'activité
des uns et des autres mérite d'être reconnue. On rentre dans la
fonction publique en passant des diplômes ou un concours, mais les
personnes sont différentes. Notre devoir est de les utiliser le mieux
possible, en tenant compte de leurs qualités propres.
S'agissant de la contractualisation et du niveau, ce processus, ainsi que vous
l'avez pertinemment rappelé, intègre également la
dimension et les moyens. Ce ne sont pas uniquement des objectifs et des
résultats ; c'est un triptyque
objectifs - moyens - résultats.
Il faudrait essayer non seulement de le développer entre centrale et
services déconcentrés, mais également descendre jusqu'au
niveau de la cellule de base, c'est-à-dire l'établissement pour
les écoles, les administrations qui ont une organisation
intradépartementale (impôts, subdivisions de l'Equipement etc.).
En matière de recrutement et de mutations, le surcalibrage, qui est
réel concernant l'éducation nationale, a tenu à un
élément assez spécifique.
M. le Président -
Vous avez insisté sur trois
points : le recrutement, la mobilité, la déconcentration.
Sur le recrutement, vous avez distingué le recrutement sur concours et
le recrutement sur titres. Cela signifie-t-il que le recrutement sur titres
permet de mieux ajuster les recrutements aux besoins et d'éviter, par
exemple, les surcalibrages. Est-ce pour vous une solution ?
M. Gilbert Santel -
Ma réponse est clairement
positive. Prenez, par exemple, le corps d'ingénieurs des travaux publics
de l'Etat...
M. le Président -
Cela vous paraît-il possible dans le
domaine de l'enseignement ?
M. Gilbert Santel -
Ma réponse est
également positive.
Par exemple, on recrute à la sortie des classes préparatoires,
des ingénieurs des travaux publics de l'Etat. On les forme pendant trois
ans. Quelle que soit la qualité de la formation, il n'est pas certain de
pouvoir recruter à la sortie, pour un poste très
spécialisé en géologie ou en chimie, le spécialiste
que l'on aura formé en trois ans. Les conditions de recrutement ont donc
été adaptées, c'est-à-dire que l'on poursuit le
processus habituel, mais pour 5 %, on fait un recrutement sur titres pour
un poste particulier, en indiquant un poste vacant d'hydrogéologie est
disponible dans tel service. On recrute un DEA ou un DESS ayant une certaine
expérience pour le poste qui se trouve à Lyon ou à
Marseille.
Ce mode opératoire permet, à la fois, d'avoir la bonne
compétence, et ce au bon endroit. Par rapport aux contrats à
durée indéterminée, ce n'est pas tout à fait en
temps réel. L'organisation d'un recrutement sur titres se fait dans un
délai de trois mois, mais on peut se permettre une telle vacance.
J'ai surtout voulu insister sur le fait qu'en maintenant le principe des
concours, les modalités de l'égalité d'accès aux
emplois publics et les modes opératoires pouvaient être
diversifiés dès lors que l'on prenait conscience de ces
réalités et que l'on restait dans le cadre général
fixé.
M. le Président -
Ceci dans le respect du statut
général de la fonction publique.
M. Gilbert Santel -
Ce mode opératoire peut
également être adapté à l'éducation nationale.
Concernant les mutations et le barème, si nous voulons des services qui
fonctionnent, un chef de service doit pouvoir choisir ses collaborateurs. C'est
ma donnée de base.
Je le dis pour l'ensemble de la fonction publique, tout en étant
conscient du nombre de spécificités existant au sein de
l'éducation nationale. Toutefois, ne partons pas de l'idée que le
statut général signifie la mutation au barème. Je pense
l'inverse.
Je fais référence à un cas de ma connaissance. On publie
les postes, certains se portent candidats, le chef de service donne un avis
favorable ou non. S'il donne un avis défavorable, cela implique que la
candidature n'est pas examinée. Parmi les avis favorables, le chef de
service donne un ordre de priorité qui peut faire l'objet d'une
discussion dans le cadre d'une CAP avec divers critères, dont celui
d'ancienneté.
Si on entend, sur une question telle que la mobilité, gérer la
fonction publique avec des barèmes, tout est dit !
Dans un organisme tel que Météo France où la
compétence technique est fondamentale, les mutations se font assez
largement au barème, y compris pour l'encadrement. On s'aperçoit
que cela ne fonctionne pas. Un certain type de qualité est requis de
chaque candidat, selon que l'on souhaite en faire un spécialiste
technique dans un domaine donné ou le responsable de trente ou cinquante
personnes.
Dès lors que l'on est convaincu de ces arguments, il faut examiner ce
que cela signifie dans chaque cas. Si l'on envoie un enseignant, fragile
psychologiquement, dans une zone d'éducation prioritaire, le
résultat est inscrit d'avance. Si le barème doit conduire
à cela, on ne crée pas une gestion dynamique de la fonction
publique.
M. le Président -
Vous vous êtes félicité des
mesures de déconcentration prises ou envisagées au
ministère de l'éducation nationale. Pensez-vous que cette
déconcentration, pour être effective, doit se libérer du
barème national ?
Pour préciser ma question, les barèmes doivent-ils être
adaptés à la réalité de l'académie, dans le
cadre de laquelle se réalisera la déconcentration ou les
éléments du barème doivent-ils être
"parachutés" du ministère de l'éducation nationale ?
M. Gilbert Santel -
Le dialogue social est l'un des acquis de
la déconcentration. Quand on déconcentre, il faut en accepter
toutes les conséquences et le jouer à fond. S'agissant de la
question de la mobilité, il faudrait engager une discussion au niveau de
chaque rectorat et voir en fonction des réalités
spécifiques. Une affectation dans un établissement en
région parisienne ou dans l'académie de Toulouse ne se pose pas
dans les mêmes termes.
M. Gérard Braun -
Des freins essentiels à
l'évolution et à la modernisation de la fonction publique
-décentralisation, mobilité- ne sont-ils pas liés au
nombre de statuts différents existant dans la fonction publique, en
particulier dans l'éducation nationale ? Combien
dénombre-t-on de statuts différents dans la fonction publique et
dans l'éducation nationale ?
Quelle est votre position dans le cadre de la modernisation de l'Etat pour
réduire ce nombre de statuts qui empêche toute
mobilité ? Les gens sont dans un statut comme dans un cocon, ils ne
veulent pas en changer parce qu'ils perdraient tel ou tel avantage de logement
ou autre.
M. Gilbert Santel -
Sur ce point, on avance classiquement le
chiffre de 1 700 statuts pour l'ensemble de la fonction publique,
dont 600 sont des statuts en voie d'extinction, sachant que certains corps
vont de quelques agents à plusieurs dizaines de milliers. Il me
paraît donc hautement souhaitable d'aller vers une réduction
drastique du nombre de statuts.
Toutefois, un point me tient à coeur : il faut faire attention,
dans la fusion des corps, à ne pas subir de déperdition de
compétences. La marge de manoeuvre est considérable. Chaque corps
a été constitué en fonction de métiers
particuliers. Quand je cite des corps avec quelques agents, ce sont des
métiers très spécifiques. Dès lors qu'on les
intègre dans des ensembles plus vastes, il convient de s'assurer que la
compétence sera maintenue à travers la formation permanente etc.
Sur ce dossier de la réduction de corps, les choses avancent trop
lentement. Mais il faut comprendre que c'est une question de fond qui est
posée là.
Toute l'organisation de la fonction publique est fondée sur le tuyau
vertical : un ministre, des corps, des services. Il en est ainsi car le
fonctionnement d'ensemble, y compris l'ordonnance organique et les
modalités de vote du budget, est ainsi organisé. Il est clair que
c'est l'élément le mieux partagé par les organisations
syndicales, les gestionnaires, peut-être aussi par les ministres, chacun
voyant quelques avantages au maintien du
statu quo
.
Il faut donc essayer de saisir toutes les opportunités. J'évoque
à court terme deux éléments. Tout d'abord, il y a
déjà place pour des évolutions importantes en termes de
fusions de corps de centrale et de services déconcentrés.
L'avantage est que nous sommes dans les différents tuyaux. Il y a
beaucoup à gagner au fait que nos agents, en centrale en particulier,
connaissent le terrain. Dès lors qu'on réaliserait cette fusion
des corps, il y aurait une plus grande mobilité verticale.
Par ailleurs, il convient de profiter de toutes les réformes statutaires
pour poser la question de la fusion des corps. C'est un moment
privilégié pour améliorer la situation des uns et des
autres. On ne fait pas une réforme pour dégrader la situation.
M. André Vallet, rapporteur adjoint
- Un
exemple de fusion des corps, qui a étonné la commission et
quelque peu contrarié les syndicats que nous avons entendus, est celui
des différents horaires selon la formation de l'enseignant :
professeur certifié et professeur agrégé. En effet, ces
derniers, qui ont reçu une formation différente mais enseignent
dans les mêmes classes, devant les mêmes élèves,
bénéficient de cette formation prolongée durant toute leur
carrière. La réponse des syndicats est d'aligner les
certifiés sur les agrégés. Ils ne peuvent avoir d'autres
réponses.
Dans cette fusion des statuts, envisagez-vous de corriger des anomalies de ce
type ? Je peux en citer d'autres. Il serait intéressant d'avoir
votre avis sur ce sujet.
S'agissant de la prospective évoquée par M. Grignon, nous
avons entendu que, peu à peu, les effectifs de l'éducation
nationale décroissent de plus en plus. S'il n'est pas possible de faire
des prévisions à 2020, il est certain que
jusqu'à 2006-2007, il y aura moins d'élèves
qu'auparavant. On a appris, avec surprise, que le nombre d'enseignants n'a
cessé d'augmenter. Dans vos prévisions, est-ce la même
situation qui va se produire ? En 2006 , par exemple, il y aura
311 000 élèves de moins dans le secondaire. Cela
va-t-il mener à une diminution des effectifs d'enseignants ou, au
contraire, comme cela a été le cas dernièrement, à
une augmentation ?
Une élément de fond me paraît essentiel et, au cours de
toutes les auditions, c'est celui qui m'a le plus étonné.
Savez-vous où se trouvent les postes de l'éducation
nationale ? Pouvez-vous affirmer que vous connaissez toutes les
affectations des fonctionnaires qui relèvent de ce
ministère ? J'ai entendu des choses ahurissantes
énoncées par des responsables de l'éducation
nationale : par exemple, dans le premier degré,
51 000 instituteurs ne seraient pas devant des élèves.
Mais où sont-ils alors ?
Pour certains d'entre eux, nous avons reçu des réponses, mais
lors de nos calculs, nous sommes arrivés à moins
2 500 personnes dont personne ne peut dire où elles sont
affectées. Est-il exact que, dans le secondaire, un certain nombre de
titulaires académiques remplaçants, à des périodes
où les vagues de grippe sont moins fortes, restent chez eux, percevant
leur salaire sans avoir la moindre activité ? J'aimerais en avoir
confirmation.
Un autre problème a également été
évoqué lors de ces auditions, celui du personnel précaire,
des maîtres auxiliaires et autres. Je sais que l'éducation
nationale n'est pas un ministère comme les autres. Certains
élèves ont plus besoin d'avoir quelqu'un en face d'eux que de ne
pas être accueillis. Cela dit, nous avons souvent été
surpris par la manière dont sont gérés les remplacements
dans ce ministère.
L'intervention du recteur de Lyon nous a paru intéressante. Ce recteur
est-il dans les règles de la fonction publique quand il supplée
les professeurs malades par des étudiants, ayant le niveau permettant
d'enseigner ? Il ne les utilise que pour ces tâches. Cela leur
permet d'avoir une rémunération annuelle de l'ordre de
40 000 francs pour leurs études. De plus, ces étudiants
s'acquittent remarquablement du travail qui leur est confié. Il a
même ajouté que ce travail lui paraissait plus intéressant
que celui que pouvait fournir les maîtres auxiliaires, qu'il semble
bannir de l'académie de Lyon.
S'agissant des décharges syndicales, nous avons eu quelques
débats avec les représentants des enseignants. Les
décharges syndicales attribuées aux fonctionnaires de
l'éducation nationale qui représentent le syndicat
correspondent-elles à un statut particulier de décharges ou
s'agit-il des décharges générales de la fonction
publique ?
Enfin, des enseignants sont-ils employés par des oeuvres, des
associations, des mutuelles, toutes sortes d'organismes péri ou
parascolaires ?
M. Gilbert Santel -
Dans un domaine tel que
l'éducation nationale, il faut développer la prospective, le
premier élément à connaître étant
l'évolution de la population à enseigner. Il serait singulier,
par exemple, que de façon importante, l'activité diminue et que
les moyens augmentent.
Cela étant, nous sommes au coeur du débat sur le fonctionnement
du service public.
J'ai été éduqué dans une classe unique d'une
quarantaine d'élèves. J'ai connu, en tant que parent
d'élèves, l'évolution vers les classes de
25 élèves. J'ai lu récemment des tracts, notamment
syndicaux, considérant qu'en zone d'éducation prioritaire, il
était important de descendre en dessous de 25 élèves.
Je rappelle ces éléments pour indiquer que les normes sociales
évoluent ainsi que l'acceptation sociale, comme évoluent
d'ailleurs la richesse du pays et la part que le pays peut consacrer à
ce type d'activité.
En d'autres termes, il faut être attentif à l'évolution du
nombre d'élèves ainsi qu'aux types d'enseignement et aux modes
pédagogiques que l'on entend retenir.
S'agissant des étudiants enseignant devant élèves,
j'imagine qu'ils sont utilisés dans le cadre de vacations.
Naturellement, surtout dans de grosses " machines " telle que
l'éducation nationale, il faut quelques facteurs de souplesse. Ce n'est
pas choquant. Ce qui le serait à l'inverse, serait que l'on consolide
ces instruments de souplesse pour en faire autant d'emplois permanents
complémentaires et qu'ensuite, on déplace en permanence le seuil
à partir duquel on déclenche les outils de flexibilité.
A propos des décharges syndicales, un décret de 1982
définit les règles du jeu. Il est défini pour l'ensemble
de la fonction publique et s'applique donc au ministère de
l'éducation nationale comme aux autres ministères.
Les observations qu'ont pu vous faire les interlocuteurs syndicaux, tiennent
moins au fait qu'on leur appliquerait un statut particulier qu'au fait que les
dispositions du décret de 1982 prévoient un quota
dégressif, en fonction de l'importance du ministère. Le
pourcentage attribué est d'autant plus important que le ministère
est petit. Un ministère aussi important que l'éducation nationale
est proportionnellement moins bien traité, en termes du nombre d'agents,
que celui de la Jeunesse et des Sports.
M. le Président -
Ne pensez-vous pas que le ministère de
l'éducation nationale tend à élargir le carcan ?
M. Gilbert Santel -
Sur ce point, les dispositions du
décret de 1982 sont explicites. Très honnêtement, je
n'ai pas d'information sur une plus grande souplesse qui serait donnée.
Concernant les enseignants employés par les mutuelles ou d'autres
organismes, il convient de revenir aux données du statut
général. Ce dernier prévoit certaines positions pour les
fonctionnaires : la position normale d'activité, la position de
détachement, la position de mise à disposition. Cette
dernière est prévue par le statut général, dans des
cas bien énumérés. En particulier, il y a la
possibilité de mise à disposition entre organismes d'Etat, mais
aussi pour des organismes d'intérêt général. Tout
dépend ensuite de l'utilisation faite de cette disposition.
J'estime que la mise à disposition d'un agent est un acte important,
lourd et significatif. Une convention, visée par le contrôleur
financier, doit être signée entre l'administration qui met
à disposition et l'organisme. Elle donne les raisons pour lesquelles on
peut être conduit à mettre à disposition de tel ou tel
organisme.
M. André Vallet, rapporteur adjoint
- Ce
n'est pas sur la régularité. Ne trouvez-vous pas choquant qu'une
personne, formé pour enseigner devant des élèves, se
retrouve, à 30 ans, dans une mutuelle ou autre, et n'exerce plus la
fonction pour laquelle elle a été formée ? Que cela
soit fait régulièrement, je n'en doute pas.
M. Gilbert Santel -
Honnêtement, non. Tout
dépend de la manière dont une telle mise à disposition
s'inscrit dans un déroulement de carrière.
Je parle des agents administratifs d'une mutuelle. Si l'on recrute les
enseignants pour que toute leur carrière soit faite ailleurs, il y a
quelque chose d'anormal. Que, dans un déroulement de carrière, il
y ait deux ou trois ans passés dans une activité de mise à
disposition, ne me choque pas, dès lors que cela se fait en parfaite
régularité. Je pense à des agents passés par des
mises à disposition et qui avaient eu, de fait, une expérience
professionnelle complémentaire. Dès lors que le statut
général le prévoit et que l'application qui en est faite
est régulière, je ne vois rien à y redire.
Je n'ai pas répondu à votre question de savoir où sont les
fonctionnaires de l'éducation nationale. La gestion en est
assurée directement par le ministère. Sur ce point, les
informations dont je peux disposer sont celles que vous trouverez au
ministère de l'éducation nationale.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur adjoint
- Je
reviens sur le triptyque très important que vous avez
évoqué : objectifs, résultats et sanctions.
S'agissant des sanctions, est-il possible d'en appliquer ou cela reste-t-il un
voeu pieux ? Vous avez dit que le statut est une opportunité à
saisir, mais qu'il implique également des contraintes. Il faut saisir
les opportunités, mais également vaincre les contraintes,
c'est-à-dire un certain nombre de corporatismes. Comment faire avancer
les choses ? Par la voie réglementaire ou par des
expérimentations ?
M. Gilbert Santel -
Un mot sur le terme de sanctions, qui
peuvent être positives. Dès lors que l'on a les résultats,
on analyse les conséquences que l'on en tire. J'ai précisé
que cela pouvait être collectif ou individuel.
Votre question concerne surtout les conséquences que l'on en tire sur le
plan individuel. Je ne pense pas que la lettre et l'esprit du statut
général de la fonction publique ou des statuts particuliers
soient l'égalitarisme, mais plutôt le contraire.
Par exemple, on a coutume de dire que le statut serait une contrainte et qu'il
ne permettrait pas de récompenser les meilleurs. La modification
annuelle d'ancienneté permet de gagner trois mois d'avancement, chaque
année, pour un avancement d'échelon. Amusons-nous à faire
le total des gains d'un agent qui bénéficierait de tous les
avancements d'ancienneté et d'un agent qui n'en
bénéficierait pas du tout ; cela fait déjà une
différence très importante.
Il y a également la promotion sociale au sein de la fonction publique,
notamment la possibilité de changer de grade, et surtout, de corps.
Là encore, il y a des différentiations importantes, qu'il faut
utiliser pleinement, entre celui qui passe très jeune et celui qui ne
passe jamais.
Le dernier élément est la rémunération. On a
coutume de dire que la rémunération est figée et qu'un
chef de service ne peut rien faire. La moyenne des primes, dans la fonction
publique, est de l'ordre de 15 %, avec des montants très variables
selon les catégories et les ministères. Utilise-t-on l'outil
indemnitaire pour différencier les situations ? Un régime
indemnitaire est fait pour permettre d'adapter et de tenir compte de
l'importance du poste, mais aussi de la manière de servir. Il faut aller
dans ce sens.
Enfin, faut-il des instruments réglementaires ou faire confiance aux
agents ? Par nature, je préfère la seconde hypothèse.
La modification indiciaire, qui a conduit à coder des postes et à
attribuer des points aux postes en question et, par conséquent, une
rémunération adaptée à l'importance du poste, est
l'outil qu'il convient d'utiliser. Dès lors qu'on a fait la cotation et
qu'on l'a affichée, elle conduit à moduler en fonction de
l'importance du poste.
Reste ensuite, sur l'autre partie du régime indemnitaire, à
utiliser les modulations en fonction de la manière de servir. Là,
on essaie de jouer, notamment pour l'encadrement supérieur, sur les deux
claviers.
Je considère qu'il est de mon devoir de vous tenir ce discours sur le
fait que la gestion de la fonction publique n'était pas
l'égalitarisme. Il me revient aussi de proposer diverses mesures
réglementaires permettant de garantir un certain nombre de modulations.
M. le Président -
Reste une question qu'on ne peut pas
ne pas vous poser. Vous avez une vue générale de la fonction
publique. A la suite de la revalorisation de la rémunération des
enseignants, lorsque M. Jospin fut ministre de l'éducation
nationale, les enseignants se situent-ils à un niveau satisfaisant eu
égard à leurs rémunérations ?
Par ailleurs, vous avez eu quelques mots sur ce que permet le statut
général de la fonction publique et la nécessité de
profiter des avancées pour faire évoluer les choses. Pensez-vous
que l'on ait profité de l'avancée que représente
l'augmentation des rémunérations des enseignants pour faire
évoluer les choses, et avancer dans la direction que vous-même
préconisez ?
M. Gilbert Santel -
Vos questions ne sont pas faciles.
Est-on au bon niveau en matière de rémunérations ? Il
faut prendre en compte deux facteurs : l'importance de la fonction
exercée et les références que l'on peut
éventuellement faire par rapport au marché du travail. Sur les
mesures prises, dont celles par M. Jospin lorsqu'il fut ministre de
l'éducation nationale, il convient de constater que, sur les dix
dernières années, chaque ministre de l'éducation nationale
a été conduit à prendre certaines mesures qui ont
concerné les statuts et les rémunérations.
J'ai le sentiment qu'il y a eu une indiscutable remise à niveau.
Toutefois, je ne suis pas sûr que cette remise à niveau, qui
globalement me paraît satisfaisante, conduise à bien
répondre à l'ensemble des situations particulières.
Prenons le cas de l'exercice des missions dans les quartiers les plus
difficiles. Dans des cas de cette nature, traite-t-on l'ensemble des agents en
toute justice ? La question mérite d'être posée.
Voilà ma réponse.
A-t-on profité de l'avancée pour promouvoir certaines
évolutions ? Prenons l'exemple du processus en cours actuellement
et qui n'est pas encore achevé, comme celui de la déconcentration
du mouvement. Personnellement, je pense qu'il a été rendu
possible, non seulement compte tenu de la volonté du ministre, mais
aussi de certains acquis antérieurs, y compris sur le plan de la
rémunération.
Autrement dit, fallait-il négocier la déconcentration au moment
où il y avait des améliorations et faire un paquet du tout ?
Cela se gère-t-il dans le temps ? Je ne suis pas aux commandes de
l'éducation nationale et pas suffisamment averti des choses de
l'éducation nationale pour pouvoir vous répondre de façon
définitive.
M. le Président -
Si elle n'est pas définitive, votre
réponse en est une quand même.
M. Gilbert Santel -
L'important est de pouvoir regarder, dans
chaque ministère, si les mesures prises, par rapport aux convictions que
j'ai exprimées, vont dans le bon sens. Par ailleurs, cela y va-t-il
suffisamment vite ?
Ce sont les deux questions que je me pose par rapport à chaque
ministère. J'ai sincèrement le sentiment que, tous
ministères confondus, on peut répondre par l'affirmative à
la première question, c'est-à-dire que des initiatives prises,
certes inégales, vont dans le bon sens. Cela va-t-il suffisamment
vite ? Globalement, je considère que non. Il est nécessaire
de donner un coup d'accélérateur, notamment dans la gestion des
ressources humaines.
M. Jean-Léonce Dupont, vice-président
-
Nous sommes dans un discours général : on fait le
maximum, "tout le monde est beau et gentil." Quand il y a un problème
d'ajustement quantitatif, on nous dit qu'il faut améliorer le
recrutement pour favoriser la mobilité. De temps à autre, il faut
prendre des décisions claires et nettes et, les effectifs diminuant,
envisager les moyens de faire sortir un certain nombre de postes. On a toujours
un effet " cliqué " à la hausse et un effet de blocage
à la baisse. Il y a donc un vrai problème d'ajustement.
Par ailleurs, quand vous dites qu'on peut faire des différences dans la
carrière et faire bénéficier annuellement d'une
ancienneté par prise de trois mois, on peut faire une promotion sociale
par changement de corps. Cela ne remet pas en cause 95 % de l'ensemble des
membres enseignants qui sont d'extraordinaire qualité. Mais, comme dans
tout grand corps, certains ne font pas convenablement leur travail et on note
bien une difficulté à les sanctionner. Je connais, dans mon
environnement, des enseignants qui ne font pas bien leur travail et contre
lesquels aucune sanction ne peut être prise. On peut aller jusqu'à
des exemples d'instituteurs qui battaient des élèves et pour
lesquels il a fallu des circonstances exceptionnelles pour prendre les
sanctions appropriées.
Peut-on positiver lorsqu'il y a lieu le faire ou prendre des sanctions ou des
ajustements quantitatifs quand il y a nécessité, et ne pas
arriver, comme dans certains ministères, où il y a plus de
fonctionnaires que de sujets traités ?
M. Gilbert Santel -
S'agissant des ajustements, si je
prends l'orientation retenue par le gouvernement qui est celle de la
stabilité des effectifs de la fonction publique, cela ne signifie pas
stabilité par ministère ou au sein de chaque ministère.
Des mesures ont été prises qui produiront leur effet sur
plusieurs années en matière de justice. Il est prévu des
créations d'emploi au ministère de la Justice. Si l'on dit
à la fois que l'on crée des emplois au ministère de la
justice et qu'il y a stabilisation globale de l'emploi des fonctionnaires, cela
signifie qu'il y aura du moins dans certains ministères. Que ce soit en
augmentation, en diminution ou en stabilité, s'agissant de l'affectation
des moyens, il y a place pour des redéploiements en fonction des
situations et de leur évolution, ceci me paraissant vrai pour l'ensemble
des ministères.
Sur le second point, de façon générale, je pense qu'il
vaut mieux guérir que punir. Cela passe par beaucoup de choses, y
compris dans le suivi plus précis et individuel des carrières,
quand il y a difficulté. Là encore, le statut
général prévoit des dispositions, y compris de sanctions,
lorsque l'on est en situation d'insuffisance professionnelle.
Il y a là un ensemble de règles du jeu. Cela étant, je
n'appelle pas à des mesures généralisées de
sanctions. Pour reprendre la formule, il vaut mieux guérir que punir.
Dans certains cas d'insuffisance, il y a aussi le fait que les conditions
générales n'ont pas été créées,
notamment en termes de management de l'ensemble. Si quelqu'un fait preuve de
laxisme en matière d'horaires et que vous faites une observation
dès que le problème se produit, il y a de fortes chances que cela
rentre dans l'ordre. Si vous le faites après dix ans, cela devient
difficile. On pourrait multiplier les exemples de cette nature.
M. le Président -
Si j'osais une comparaison, c'est un peu comme
les articulations du bras ou du genou qui doivent fonctionner. Mais il y a
parfois de l'arthrose. Nous aurions aimé savoir quelles mesures vous
préconisez pour réduire l'arthrose.
M. Gilbert Santel -
Les deux premières mesures
indispensables sont les suivantes :
1) Enoncer clairement les idées force, les éléments
constitutifs d'une gestion des ressources humaines dans la fonction publique.
J'ai évoqué la déconcentration, la mobilité, la
modulation des carrières et le recrutement. J'aurais dû insister
davantage sur l'évaluation.
J'ai demandé un rapport sur cette question. Je réunirai demain
l'ensemble des directeurs du personnel de tous les ministères pour
débattre de ce sujet. Mon souhait serait d'aller vers l'affichage d'une
charte de la gestion dans la fonction publique à laquelle chacun puisse
se référer. Elle serait bien évidemment discutée
avec l'ensemble des organisations syndicales.
2) Le professionnalisme. Il faut absolument créer les conditions
pour que l'ensemble des gestionnaires au niveau national, mais aussi ceux qui,
dans chaque ministère, assument la fonction gestion des ressources
humaines, soient pleinement reconnus et puissent bénéficier du
professionnalisme nécessaire.
Pour un certain nombre de cadres, la fonction GRH est considérée
comme la dernière fonction à pourvoir. Des mesures
particulières sont à prendre. Cela signifie très
simplement : comment est valorisé le passage à des fonctions
de ressources humaines dans un déroulement de carrière ?
Faut-il avoir, le cas échéant, un complément de
rémunération ou des primes pour des fonctions de cette
nature ? Certains ministères l'ont fait. Mon souci est de passer
à une généralisation de ce type de pratique.
Nous n'en sommes pas au niveau des textes de loi ou des dispositions
réglementaires, mais de la pratique. C'est pourquoi j'insistais
fortement sur le fait que les textes ne valaient que par les hommes qui les
appliquaient. Ensuite, je crois qu'un certain nombre de dispositions
réglementaires sont à prendre.
La question que je me pose, à laquelle je n'ai pas répondu, est
la suivante : faut-il avoir des dispositions réglementaires en
matière de déconcentration ? Faut-il faire évoluer le
dispositif d'évaluation ? Des dispositions réglementaires
sont certainement à prendre, mais sous réserve là aussi,
que les objectifs poursuivis soient clairement affichés et que les
hommes pour les mettre en oeuvre soient clairement identifiés et aient
les moyens de le faire.
M. le Président -
Nous vous remercions.