AUDITION DE MME GENEVIÈVE BECQUELIN,
DOYEN DE L'INSPECTION GÉNÉRALE DE L'ÉDUCATION NATIONALE

(13 JANVIER 1999)

Le président lit la note sur le protocole de publicité des travaux de la commission d'enquête et fait prêter serment à Mme Geneviève Becquelin.

M. le Président - Madame le doyen, nous sommes heureux de vous recevoir en cette fin d'après-midi. Vous êtes doyen de l'inspection générale de l'éducation nationale, responsabilité éminente et lourde. Ce que vous allez nous dire sera certainement très intéressant ; vous connaissez le sujet qui nous occupe.

Je vous demanderai de faire un propos introductif avant que nous vous posions quelques questions.

Mme Geneviève Becquelin - Je vous remercie, monsieur le président. Si vous le permettez, je traiterai trois points dans cet exposé, pour vous laisser le temps de poser toutes les questions que vous souhaitez.

Le premier point a trait au champ de compétence de l'inspection générale dans le domaine de l'enquête conduite par votre commission. Notre compétence est principalement, et non exclusivement, de nature pédagogique et qualitative. Vous avez entendu des responsables, directeurs de ministères, dont la compétence est évidemment de toute autre nature.

La compétence de l'inspection générale s'exerce en premier point au travers des évaluations : évaluation des personnels, évaluation des enseignements, évaluation des établissements et, plus largement, de l'ensemble du système de l'éducation dans le cadre de sa mission permanente inscrite dans la loi. Ces évaluations prennent des formes diverses, mais cette mission est la première et je souhaitais le rappeler ici.

Cette compétence s'exerce également au travers de responsabilités particulières qui lui sont confiées. Je veux parler essentiellement des concours de recrutement, des procédures de titularisation et de certains aspects de la gestion qualitative sur laquelle je reviendrai ultérieurement.

Cette compétence s'exerce également au travers de la participation de l'inspection générale aux conseils d'administration des grands organismes du système d'éducation : je veux parler des IUFM, du centre national d'enseignement à distance, du CNDP et du centre international d'études pédagogiques ; la liste est longue. Nous y exerçons là des fonctions importantes, de même que nous participons aux commissions paritaires, aux groupes de travail, aux tables rondes, aux conseils scientifiques. Là encore, la liste est longue ; tout ceci à l'initiative des cabinets ministériels, des directions de notre ministère ou des établissements qui sont nos partenaires naturels.

Notre champ de compétences s'exerce principalement de cette triple manière, sachant que nous pourrons éventuellement répondre à d'autres questions un peu plus en détail.

Deuxième point : la nature des interventions. Comment, à quel moment, de quelle manière intervenons-nous dans la gestion des personnels, au sens qui a été donné à cette expression dans la commission et dans votre exposé ?

Je crois qu'il nous faut distinguer là encore un certain nombre de manières d'agir. Nos interventions se manifestent d'abord par la remise de nombreux rapports aux ministres successifs sur les problèmes liés à la situation et à la gestion des personnels, à leur formation, à leur recrutement, soit que ces rapports nous aient été demandés par les ministres, soit qu'ils relèvent d'une auto-saisine. Par cette remise de rapports, l'inspection générale joue un rôle d'alerte et de conseil.

Nous intervenons aussi au niveau du recrutement des personnels, activité extrêmement visible et lisible ; nous présidons un nombre important de jurys de concours de recrutement, et en particulier CAPES, CAPLP, quelques agrégations, mais massivement les CAPES. A ce titre, nous participons à la réflexion sur la nature et le contenu des épreuves du concours et nous travaillons dans toute la mesure du possible à un meilleur ajustement des connaissances et des compétences de nos candidats, aux besoins observées sur le terrain.

Nous jouons un rôle de nature apparemment quantitative lors de l'établissement des listes des lauréats. J'ai dit "apparemment quantitative " : nous nous décalons souvent par rapport au nombre de postes offerts, soit parce que la liste des déclarés reçus comporte des postes non pourvus, soit parce qu'au contraire nous faisons au ministre des propositions de listes complémentaires. Mais ce n'est qu'une apparence quantitative : en vérité, nous apprécions là des problèmes de nature qualitative sur le niveau des candidats. Ou bien nous sommes en mesure de proposer des listes complètes, ou bien le président de jury, inspecteur général ou autre président de jury -mais très massivement les inspecteurs généraux- considèrent qu'ayant à répondre de la qualité des admis auprès des ministres, ils ne peuvent aller au-delà. Nous jouons donc un rôle apparemment quantitatif mais qui, de fait, est une garantie sur la qualité des lauréats.

Ayant mentionné le recrutement, je poursuis maintenant au niveau de la formation initiale. L'inspection générale participe aux conseils d'administration de tous les IUFM. En ce sens, elle est associée aux débats sur la formation ou sur les contenus de la formation, sur les plans de formation, sur le budget. Nous présidons tous les jurys de titularisation des professeurs stagiaires et, à ce titre, lorsque nous les déclarons admis et titulaires, nous nous portons garants de la formation reçue et de son adéquation aux besoins du terrain. Je dirai là que nous sommes dans des fonctions consistant à garantir la qualité, à certifier et, de ce point de vue, à nous porter garants de la qualité des personnels formés.

Nous intervenons dans le déroulement des carrières. Nous n'intervenons pas dans le mouvement général qui a été jusqu'à cette année un mouvement national, sauf par le truchement de la notation. Mais, au sens strict du terme, l'inspection générale ne travaille pas au mouvement national, sauf sur quelques points dont je parlerai tout à l'heure. La perspective du mouvement déconcentré, qui va se mettre en place dans les prochains mois, s'accompagne d'un objectif de gestion qualitative qui pourrait apporter des développements nouveaux.

Sur quelques milliers de postes -dont je ne connais pas le chiffre exact, mais nous pourrons le rechercher- nous intervenons de manière directe et formulons nos propositions à la direction concernée sur les postes que nous appelons postes à profil : professeurs en classe préparatoire, professeurs dans les sections de techniciens supérieurs pour les disciplines les plus spécialisées, professeurs des sections internationales, quelques professeurs dans d'autres séries, par exemple l'enseignement artistique. Là, l'inspection générale formule un avis, examine des candidatures, examine des dossiers et ses propositions sont suivies d'effets.

Toujours dans le déroulement de la carrière, au-delà de l'affectation, nous jouons un rôle dans la notation. Nous coordonnons au plan national la notation des professeurs agrégés, celle des professeurs certifiés étant aujourd'hui déconcentrée. La notation est associée à l'inspection.

L'inspection, vous le savez, a des fonctions diverses : les contrôles, les conseils et les notations. La note attribuée joue un rôle dans la carrière des professeurs, rôle qui n'est pas nécessairement celui que nous aimerions lui voir jouer, mais il existe. Elle joue un rôle dans les promotions et les affectations des professeurs, des chefs d'établissement, des corps d'inspection territoriaux. La notation joue un rôle dans les promotions.

L'inspection générale assume sur la promotion interne des personnels une responsabilité importante. Elle préside la quasi-totalité des concours internes et réservés, donne un avis sur la liste d'aptitude et les promotions par listes d'aptitude, celles des professeurs certifiés, des PLP, des agrégés, des agrégés hors classes, des inspecteurs de l'éducation nationale. Ce rôle est également un rôle d'appréciation, d'évaluation, et qualitatif.

Je reviendrai sur certains de ces points ultérieurement, si vous le souhaitez. Je voudrais achever cet exposé introductif en évoquant quelques questions et en signalant des difficultés. J'ai mentionné en début d'exposé l'importance des rapports et des évaluations qui nous sont demandés. L'une des questions qui se posent à nous, et aux différents cabinets qui se succèdent, est celle du suivi des rapports de l'inspection générale. Nous avons rédigé au cours de ces dix dernières années un nombre assez significatif de rapports sur la formation des personnels, sur des problèmes de gestion, sur la formation des chefs d'établissements, des inspecteurs. Nos rapports s'accompagnent de propositions. Il y a un effet différé dans l'étude de ces propositions qui fait que le suivi est pour nous une réelle question, ainsi que pour les ministres successifs.

Au regard d'une bonne gestion, les retards d'inspection sont un grave défaut. Or il y en a beaucoup. Les professeurs ne sont pas inspectés de manière égale selon une périodicité que j'appellerais équitable.

Nous avons là un problème délicat à gérer qui a des effets sur la gestion et sur la carrière des professeurs. Nous nous efforçons d'y remédier, mais nous n'y parvenons pas. Certaines disciplines, de ce point de vue, sont un peu sinistrées, il faut bien le dire. Dans ces difficultés, je veux signaler l'inadéquation actuelle d'un certain nombre de concours de recrutement et de la formation dispensée en amont à l'université, mais il est juste aussi de dire qu'un travail est actuellement entrepris et qu'une réflexion sur les concours les moins bien adaptés à la réalité du terrain est faite.

Je voudrais dire également la difficulté où nous sommes sur un dossier très important qui est celui d'engager les professeurs dans une formation continue adaptée. Des travaux importants ont été conduits au printemps, des tables rondes. L'inspection générale y a participé ; j'y ai participé à titre personnel.

Cette formation continue adaptée, complémentaire de la formation initiale, n'est pas aujourd'hui dans un état que je qualifierais de satisfaisant. La première des raisons est que cette formation continue se fait sur la base du volontariat. Nul ne peut contraindre un professeur qui a besoin de formation à suivre la formation considérée. D'autre part, nous avons à définir des plans de formation. Je voudrais exprimer là un avis personnel et qu'il soit bien considéré comme tel : il me semble que nous n'avons pas un pilotage national suffisant sur la formation des personnels. La connaissance de certains systèmes éducatifs voisins me donne à penser que quelques axes forts de pilotage national, qui seraient ensuite déclinés, bien évidemment, par les IUFM, permettraient peut-être un recentrage que, pour ma part, je ressens comme nécessaire.

Je poursuis sur ces difficultés. Très largement -c'est un problème qui dépasse l'objet de l'étude que vous vous êtes donné- j'ai le sentiment que la circulation de l'information, au meilleur sens du terme, ne se fait pas bien dans notre institution. Et le sens des réformes n'est pas suffisamment perçu sur le terrain. Nous avons à réfléchir à une meilleure façon d'informer pour former. Ceci est probablement l'un des points qu'il nous faut travailler. Il a des effets sur la carrière et la gestion des professeurs.

Dernière remarque : la réflexion pédagogique et la bonne gestion administrative se rejoignent sur un point, celui de l'actuelle monovalence des professeurs, en particulier au collège. Il y a des commodités de gestion à ce que les professeurs soient monovalents. J'appartiens à ceux qui pensent que nous gagnerions en efficacité pédagogique, en même temps qu'en gestion administrative, si nos professeurs de collège -et au moins pour les deux premières années- mettaient un terme à ce cloisonnement. Monovalence des professeurs et cloisonnement des disciplines, c'est la même chose. Un effort est à faire ici. Je crois qu'il y a des décisions courageuses à prendre sur ce dossier et que, bien sûr, les choses ne sont pas faciles.

Si vous le voulez bien, monsieur le président, je m'en tiendrai à cet exposé liminaire et je répondrai bien volontiers aux questions que vous souhaiteriez me poser.

M. le Président - Merci, madame, pour cet exposé. Je ne doute pas que les réponses aux questions que nous allons poser seront aussi intéressantes que l'exposé lui-même.

Pouvez-vous préciser ce que vous venez de dire sur le pilotage de la formation ? Vous avez souhaité qu'un pilotage national soit assuré ou mieux assuré. Pouvez-vous nous dire ce que vous entendez par là, quelles dérives il faut peut-être corriger et comment peut être assuré ce pilotage national ? Enfin, sur quels points doit-il porter ?

Mme Geneviève Becquelin - Aujourd'hui, aucune des directions du ministère n'a la responsabilité de la formation des professeurs. Elle est formellement du côté de la direction de l'enseignement supérieur puisque les IUFM y sont gérés, mais en termes de contenu, elle relève de la direction de l'enseignement scolaire puisque professeurs d'écoles, de collèges et de lycées relèvent de la DESCO.

La formation est définie au sein des IUFM, -j'allais dire- académie par académie. Je veux croire que globalement, bien sûr, chacun ressent les priorités nationales ou locales. Il me semblerait utile qu'annuellement, et dans un texte extrêmement bref, un ministre dise : "Voici les priorités de la formation cette année". Nous les disons, bien sûr, en termes d'objectifs : la lecture, par exemple dont la maîtrise est un objectif essentiel dans notre système éducatif. On sait bien les retards constatés à l'entrée au collège et les effets de ces retards. L'éducation à la citoyenneté en est un autre. J'aimerais pour ma part que l'on annonce annuellement ou bisannuellement aux IUFM chargés de mettre en oeuvre la formation : "Voici quatre axes, cinq axes, qui seront prioritaires dans tous vos plans de formation". Je pense que nous aurions alors un cadrage général qui laisserait une grande liberté sur la façon de le faire, mais qui dirait les besoins du pays en termes de formation prioritaire des maîtres. C'est un dispositif que nous n'avons pas.

M. le Président - C'est une réponse intéressante à une question qu'il fallait poser.

M. Francis Grignon, rapporteur - Vous avez placé le débat sur le terrain de la qualité, c'est parfait parce que l'objectif de notre commission d'enquête est quand même d'observer la gestion des personnels, de voir l'adéquation des besoins et des moyens pour aboutir à une meilleure qualité.

Pensez-vous qu'il y a des dysfonctionnements entre cette adéquation moyens-besoins qui ont des impacts sur la qualité ? Je suis tenté de vous poser toutes les questions que l'on a posées aux autres, mais en privilégiant leur impact sur la qualité.

Par exemple, la déconcentration permettrait-elle d'obtenir une meilleure qualité de gestion du système ? Faudra-t-il aller jusqu'à la déconcentration des concours de recrutement ? Faudrait-il renforcer les prérogatives des chefs d'établissements ? J'ai bien compris que le contrôle pédagogique relève des inspections. Faudrait-il faire un pas de plus, puisque vous nous avez dit que là, il y avait peut-être des lacunes ? Est-il envisageable de renforcer les prérogatives des chefs d'établissements au niveau de l'évaluation des personnels ? Vous avez parlé de formation continue ; est-ce un manque de moyens voulu au niveau national ou un manque de volonté des enseignants ? Des objectifs clairs permettraient-ils de résoudre les problèmes en obligeant les uns à mettre les moyens en place et les autres à utiliser ces moyens ?

On parle de 350 disciplines. Pensez-vous qu'il serait possible d'en réduire le nombre et que cela aurait un impact sur la qualité ? Les variables d'ajustement telles que maîtres auxiliaires, heures supplémentaires, ont-elles aujourd'hui aussi un impact négatif sur la qualité ? Le fait de les supprimer aurait-il des effets positifs ?

Pensez-vous que l'on peut traiter tous les établissements de la même façon ? Vous avez dit que les circulaires allaient surtout du haut vers le bas. Doit-on interpréter et retenir que l'information va toujours du haut vers le bas et jamais du bas vers le haut ? Et pour quel type d'information ?

Dernière question : comment mesurez-vous la qualité ? A la quantité des connaissances acquises ou à l'insertion professionnelle réalisée ?

Mme Geneviève Becquelin - Je vais essayer de répondre à toutes les questions que vous m'avez posées. Je parlerai d'abord des chefs d'établissements, si vous le voulez bien. Ma discipline d'origine, l'anglais, m'a conduite à travailler sur les systèmes d'éducation britanniques. Il est évident que comparer la mission d'un chef d'établissement dans une école anglaise à celle d'un de nos chefs d'établissements est difficile.

La responsabilité pédagogique de nos chefs d'établissements est théoriquement affirmée. Je pense d'ailleurs que si le recrutement des chefs d'établissements se fait parmi les professeurs certifiés et agrégés, c'est que l'on veut donner un sens à sa dimension pédagogique. Sinon, après tout, on pourrait se tourner vers d'autres corps de fonctionnaires. Cette dimension pédagogique est donc affirmée au niveau du recrutement : il faut avoir été professeur pour être chef d'établissement. En même temps, force est de constater que peu d'entre eux ont les moyens d'assumer ce rôle d'une manière pleine. Alors comment l'assument-ils ?

Ils l'assument au niveau du projet d'établissement : un bon établissement est celui où le chef d'établissement a su rassembler autour de lui les professeurs pour élaborer un projet d'établissement prenant en compte la réalité du terrain, la réalité des élèves, la réalité du secteur, dans le cadre global des obligations qui sont les siennes au sein du service public. Il a su renforcer les points qui devaient l'être, affirmer des priorités, et il sait surtout le faire en liaison avec ses équipes pédagogiques. S'il n'a pas l'adhésion de ses équipes pédagogiques, il n'arrive à rien. C'est bien clair.

Je suis de ceux qui pensent que les chefs d'établissements devraient avoir une autorité renforcée. Je donne à l'autorité, bien sûr, sa pleine signification. Ils sont aujourd'hui face à une tâche très difficile : recueillir l'adhésion de professeurs nommés sans qu'ils aient leur mot à dire dans ces nominations. C'est un fait ; je ne suis pas sûre qu'il faille changer ce fait, mais je suis sûre qu'il existe.

Il faut rassembler, autour d'un projet, des professeurs qui sont nommés pour des raisons tout autres que le projet d'établissement. Il a besoin de moyens d'action dont je ne suis pas sûre qu'il les ait pleinement aujourd'hui.

Vous savez qu'il y a au sein de l'inspection générale un groupe "établissements et vie scolaire" important ; c'est un groupe de trente inspecteurs généraux qui a pour mission de rendre visite aux chefs d'établissements, de porter un avis lorsqu'ils demandent leur mutation, de rechercher l'adéquation des personnes aux profils de postes. L'inspection générale a d'ailleurs remis très récemment un rapport sévère sur la formation des chefs d'établissements. Il est vrai que nos collègues de l'inspection générale du groupe "établissements et vie scolaire" déplorent le peu de moyens qu'ils ont d'agir.

Je réponds donc oui à la question que vous avez posée : je serais prête à dire que des moyens d'action plus importants et une plus grande autonomie seraient bénéfiques au système. Encore faut-il avoir résolu le problème de la qualité du recrutement. Vous savez que cette affaire est délicate.

Il existe un certain volant d'autonomie aux établissements qui n'est pas toujours pleinement utilisé d'ailleurs. Il y a une certaine flexibilité des horaires dans les collèges. Quelques heures dans les collèges, dans les classes de sixième, sont à la disposition des équipes pédagogiques autour du chef d'établissement pour qu'elles soient utilisées en relation avec les besoins forts tels qu'on les constate dans l'établissement. Je ne crois pas que l'on puisse dire -mais je suis sûre que vous n'avez pas voulu le dire- que l'autonomie des chefs d'établissement rencontrerait un obstacle parmi les corps d'inspection. Je pense aux corps d'inspection territoriaux. Je crois davantage qu'il faudrait un travail en commun entre les corps d'inspection et les chefs d'établissements pour utiliser cette autonomie de la manière la plus efficace possible. Il me paraît possible de le faire.

Vous avez parlé d'égalité entre les établissements. Quel sens donner à ce mot égalité ? S'il s'agit d'une distribution identique des moyens en tous lieux, je pense que ce n'est pas une solution aux problèmes que nous connaissons aujourd'hui. Il faut aider davantage ceux qui ont le plus besoin d'être aidés. Je crois que c'est une vérité ; à mes yeux, elle a valeur de certitude. On peut travailler très certainement à 30 ou 35 élèves dans des lycées de second cycle, de coeur de ville, assez protégés. Je ne pense pas qu'on puisse travailler efficacement à plus de 20 élèves dans certains lieux du territoire. Si l'égalité était de répartir également les moyens, c'est une erreur à mes yeux. En revanche , une étude approfondie des difficultés précises en tel et tel endroit doit conduire à une répartition des moyens non plus égalitaire mais équitable, ce qui n'est pas la même chose. C'est ainsi que je pense pouvoir répondre à votre question sur l'égalité.

Vous avez évoqué les 350 disciplines. Un nombre important de ces 350 disciplines recouvre, je pense, le secteur technologique et professionnel. Cependant, le chiffre annoncé de cette manière paraît assez déraisonnable. Surtout si l'on songe que les 350 disciplines vont représenter 350 spécialités de professeurs, dans la monovalence dont je parlais. Et là, en termes de gestion des moyens, en termes d'efficacité pédagogique, il est légitime de s'interroger. Nous sommes sans doute allés un peu loin dans cette diversification des disciplines enseignées au collège et au lycée.

Vous avez repris une phrase que j'avais dite, et sans doute n'avais-je pas été suffisamment claire. Vous avez parlé de l'information ; j'ai dit qu'à mon sens elle ne circulait pas bien. J'ai envie de dire qu'elle ne circule pas bien dans les deux sens. Le rôle de l'inspection générale, et avec elle des inspections territoriales, est de rapporter au ministre, aux recteurs, des éléments d'information recueillis sur le terrain, au plus près des élèves et des professeurs, afin que le ministre et les recteurs, dans leurs académies, puissent en tirer les conséquences.

Je vous ai parlé brièvement du suivi de nos rapports. Cela rejoint la même question. Nous avons le sentiment que nos rapports, qui reposent sur des analyses nombreuses, approfondies, prolongées, donnent une photographie de la réalité dont on ne tient pas toujours suffisamment compte. Par conséquent, là, nous sommes du bas vers le haut, mais c'est également vrai du haut vers le bas.

Nous avons actuellement toute une série de chantiers ouverts : l'école du XXIe siècle, la réflexion sur le collège, "Quelle charte pour le lycée ?" Nous avons un travail considérable qui est engagé auquel il faut associer les professeurs, les corps d'inspection territoriaux, tous les partenaires. Je ne suis pas sûr que nous arrivions très bien à faire passer, sur le terrain, le sens de ces questions, de ces réformes ou de ces projets de réformes. C'est ce que j'ai voulu dire lorsque, dans cette phrase assez rapide, j'ai dit qu'à mon sens l'information ne circulait pas bien. C'était dans les deux sens.

Enfin, je crois que vous avez demandé de quelle manière nous apprécions l'efficacité : par l'insertion professionnelle ou par les connaissances ? L'insertion professionnelle est évidemment le premier critère de qualité des enseignements pour tous les enseignements technologiques, pour toutes nos sections de techniciens supérieurs, dont les programmes et les contenus sont élaborés en permanence avec les commissions paritaires consultatives, et en permanente évolution. Il est évident que des cursus et des diplômes dont la finalité est l'insertion professionnelle se mesurent à l'aune de cette insertion professionnelle. Nous avons des secteurs où nous faisons 100 % en termes d'insertion professionnelle.

S'agissant du lycée, la question de l'insertion professionnelle ne se pose pas. Le lycée d'enseignement général ne débouche que sur un autre niveau d'enseignement, c'est-à-dire l'enseignement post-baccalauréat. L'insertion professionnelle est différée à deux, trois ou quatre ans. La sortie du baccalauréat d'enseignement général n'est pas l'insertion professionnelle.

Nous avons là un double regard sur cette qualité : très certainement, la culture générale de nos élèves, tradition française à laquelle nous sommes extrêmement attachés. Le lycée français honore les valeurs de la République et de la culture générale des citoyens. En même temps, nous avons obligation à préparer nos élèves à devenir demain de futurs étudiants, c'est-à-dire de s'engager dans des cycles universitaires qui, eux, seront spécialisés.

Il y a donc là un double regard à porter à la sortie de l'enseignement secondaire, et qu'il n'est pas facile de gérer. C'est le sens de la réforme actuellement à l'étude, en concertation avec cette exigence de culture générale très forte jusqu'à la classe de première, et une ébauche en classe de terminale de pré-spécialisation universitaire, avec une filière littéraire forte, une filière économique et sociale, et une filière scientifique. Il faut bien choisir un jour ; quand nos lycéens ont 17 ou 18 ans, il est temps de choisir tout en leur ménageant des passerelles s'il y a eu des erreurs d'orientation.

Nous avons donc cette double exigence. Je crois que nul dans l'institution, et plus largement dans le pays, n'est prêt à renoncer à cette exigence de culture générale qui fait la qualité et l'excellence de notre système. Je ne crois pas que nous rêvions d'un système britannique avec trois disciplines dans les "high-level" à partir de l'âge de 16 ans. Nous avons une volonté de culture générale qui, je crois, est fondamentale et à laquelle tout le pays est attaché. Mais en même temps je rappelle la nécessité de préparer des cursus post-baccalauréat, qu'ils soient dans les classes préparatoires, dans les universités, dans les IUT ou les sections de techniciens supérieurs.

Mme Hélène Luc - Je vous remercie, madame l'inspectrice, parce que je me posais des questions sur le rôle plus précis des inspecteurs. J'ai mieux compris, j'ai trouvé votre exposé intéressant.

Je me pose une question essentielle sur la qualité des enseignants, leur formation, qui joue forcément un grand rôle dans leurs missions nouvelles dans l'éducation, avec le nombre d'élèves en plus, la crise et la violence, avec la formation qu'ils doivent donner pour être capables en 2025 -comme nous disait tout à l'heure un responsable du syndicat de l'enseignement primaire- d'assurer les métiers que l'on ne connaît peut-être pas encore.

Je voudrais vous interroger sur les IUFM et la manière dont on recrute les enseignants. Personnellement, je suis de ceux qui pensent que les enseignants doivent être forcément très motivés, car c'est un métier très difficile. Ils ont des connaissances à transmettre, mais aussi beaucoup d'autres choses qui passent par l'enseignement mais pas de manière exclusive.

Les IUFM : on devrait faire une nouvelle évaluation. Cela m'intéresserait, parce que je suis membre d'un conseil d'administration d'IUFM, dont on a d'ailleurs changé de directeur ; il faut que l'on ait une idée plus claire de la mission des IUFM, cela n'est pas encore le cas.

Je suis très contente que vous ayez dit tout haut ce que je pense tout bas, et que j'ai abordé lors de la discussion du budget de l'éducation nationale. Que pourraient être ces trois axes principaux pour améliorer la formation des enseignants ? D'autre part, comment se fait l'intégration des MAFPEN dans les IUFM ? Enfin, ne pensez-vous pas que l'on devrait rétablir les bourses que l'on donnait aux élèves enseignants ?

Mme Geneviève Becquelin - J'ai compris, madame, qu'il y avait trois questions, dont une sur la qualité des enseignants. Si vous le permettez, avant de parler de leur formation, je voudrais rappeler un ou deux points sur leur recrutement. Nous travaillons actuellement à une modification d'un certain nombre de concours de recrutement.

Pour le CAPES, cela fait des années que nous travaillons sur ce sujet. Je citerai le CAPES d'anglais qui l'est constamment ; je le dis d'autant plus volontiers que c'est ma discipline et que je l'ai présidé durant de longues années. Le problème pour nous est d'avoir des épreuves de CAPES qui recrutent les étudiants sur les compétences dont ils vont avoir besoin, et pas forcément sur les compétences que les universités aiment à enseigner. Nous avons une forte tradition littéraire dans l'université française dont je me réjouis ; en même temps, il est clair que la maîtrise opérationnelle, brillante, permanente de la langue étrangère est la première des vertus d'un professeur d'anglais. Nous travaillons actuellement -le cabinet du ministre y travaille et la réflexion était engagée auparavant- à une modification des épreuves du CAPES d'anglais. C'est un bon exemple. Il y en a d'autres, mais avant parler de la formation, il nous faut faire évoluer un certain nombre de concours de recrutement. Je crois que c'est important.

Sur les IUFM, je vous ai dit mon sentiment. En mon nom personnel, ce n'est pas une idée actuellement en débat, je serais favorable à ce qu'il y ait un pilotage national qui ne contraigne pas sur les méthodes, mais qui indique les objectifs prioritaires. J'y inclurai par exemple les technologies nouvelles sur lesquelles nous faisons actuellement de grand progrès, après avoir eu un retard assez important. Les IUFM débattent aujourd'hui des plans de formation dans leur conseils d'administration, préparés par des commissions préalables. Il faut que ces débats soient de vrais débats. Nous n'avons pas été, vous et moi, madame, dans le même, mais nous avons peut-être fait des expériences de part et d'autre de Paris qui sont assez comparables. Aujourd'hui, les IUFM sont confortés dans leur mission. Après des années d'hésitation, nul ne songe à revenir sur leur existence.

La tâche est difficile. Ce que l'on a fait, et qui me semble positif, c'est ce que nous appelons la pré-professionnalisation, qui met les candidats au concours en contact avec les classes pendant quelques semaines, pour qu'ils puissent tester la qualité de leur vocation, puisque vos propos étaient teintés du goût d'enseigner, si ce n'est de la vocation. Cette pré-professionnalisation a été introduite il y a quelques années ; elle est peut-être aujourd'hui un élément de garantie sur le goût réel que l'on a pour ce travail.

Cela dit, comme il est difficile de faire un pari sur l'avenir quand on a 23 ou 24 ans, au regard de la diversité d'exercice du métier ! Par conséquent, la formation se doit de garantir ce que j'appellerai les fondamentaux de la formation. Il y a les fondamentaux de l'école primaire pour les élèves, mais il y a les fondamentaux de la formation. Je crois que c'est cet effort-là que nous devons faire partout. Je ne vois pas comment répondre autrement à l'interrogation que vous avez formulée.

Vous avez parlé, madame, immédiatement après, de l'intégration des MAFPEN. J'ai reçu récemment la conférence des présidents d'IUFM à leur demande ; ils sont cette année dans une année de transition. Le plan de formation qui avait été préparé ne l'avait pas été par eux ; nous ne pourrons juger de l'efficacité de cette opération que l'an prochain. Ils vont préparer, en liaison avec les services rectoraux, le plan de formation des professeurs. Nous sommes dans une année intermédiaire où il serait injuste et probablement déraisonnable de porter jugement. En ce moment, nous sommes dans une situation d'attente.

Il y a là une idée forte, qui est qu'on ne peut pas séparer la formation continue de la formation initiale. En fait, si la formation continue est bien construite, elle se doit de prolonger, d'approfondir et de compléter ce qui a été entrepris en formation initiale. Pour ma part, je serais assez favorable à ce qu'il y ait un contrat de formation à l'IUFM, et qu'un jeune professeur quitte l'IUFM avec ce "carnet de formation" qu'il lui appartiendra ensuite de compléter. On peut ne pas avoir eu le temps, c'est tout à fait légitime pendant une année de formation, par exemple, de s'intéresser à l'enseignement aux élèves handicapés ou aux technologies nouvelles et à leur intégration dans les sciences expérimentales. Tout ne peut pas être fait la première année. L'idée que cette formation ne s'interrompe pas, qu'il y ait par exemple une formation qui soit l'adaptation au premier emploi, souvent tellement différent du lieu de stage, sont des idées qui pourraient faire probablement progresser la formation de nos jeunes professeurs en particulier, autre problème que celui des professeurs en place depuis longtemps.

M. André Vallet, rapporteur adjoint - Madame, vous avez évoqué les nombreux rapports que fournit l'inspection générale. Je savais qu'ils étaient nombreux, et je savais aussi -mais vous l'avez confirmé- qu'ils ne sont pas étudiés tout de suite ; le moins que l'on puisse dire est que quelques-uns traînent dans les cartons et n'ont pas été ressortis comme vous l'auriez souhaité. Pensez-vous que ces rapports, souvent demandés par le ministre lui-même, ne sont pas en règle générale assez suivis d'effets et assez bien considérés ?

La seconde question concerne l'évaluation des professeurs. Vous avez indiqué que les professeurs n'étaient pas inspectés de façon égale et qu'il y avait d'énormes disparités. Ne pensez-vous pas qu'il y a aujourd'hui, pour les meilleurs enseignants, un certain découragement devant cette situation et par contre un encouragement pour ceux qui ne donnent pas obligatoirement satisfaction. Est-il bien normal que, dans notre système éducatif, il n'y ait pas une évaluation correcte des enseignants ? Ne pensez-vous pas -vous l'avez peu évoqué mais j'aimerais que vous y reveniez- que les chefs d'établissements devraient avoir un rôle accru dans cette évaluation ?

La troisième question concerne la formation continue. Je suis de ceux qui sont sidérés lorsque j'entends qu'un professeur, s'il n'est pas volontaire, peut échapper à toute formation pendant l'ensemble de sa carrière professionnelle ! C'était peut-être possible il y a cinquante ans ; cela me semble tout à fait aberrant aujourd'hui. Dans tous les rapports que vous produisez, est-il prévu une obligation de formation continue pour les professeurs ? Pensez-vous que ce système puisse être mis en place et qu'il a quelque chance de voir le jour ?

Ma quatrième question concerne la monovalence et ce que vous avez évoqué. D'abord, je dois signaler que vous êtes la première à évoquer ce problème. Nous avons entendu beaucoup de personnes, la question a été posée plusieurs fois ; il y a, notamment de la part des syndicats, une opposition assez forte à cette proposition.

Au-delà des considérations économiques et de gestion, ne pensez-vous pas que pédagogiquement, il serait souhaitable que cette bivalence soit assurée ? Ne pensez-vous pas qu'un enfant de sixième ou de cinquième mérite mieux qu'un éparpillement des professeurs, comme cela est actuellement le cas ? Ne serait-ce pas plus rassurant ?

Enfin, concernant les ZEP, zones d'éducation prioritaires, première question un peu brutale : à votre avis, fallait-il les ZEP ? Fallait-il créer des zones d'éducation prioritaires ? Seconde question : les choix des sites sur lesquels on a implanté des ZEP ont-ils été bien faits ? Méritent-ils d'êtres revus ? A-t-on véritablement choisi les bons endroits ? Troisièmement, cette politique des ZEP doit-elle avoir des conséquences sur la gestion des personnels ? Pensez-vous que, dans ces établissements ainsi classés, le personnel doit avoir un allégement de service, doit être moins en présence des élèves ?

M. le Président - Je vais tout de suite passer la parole à M. Lagauche, ce qui vous permettra peut-être, madame, de regrouper les réponses.

M. Serge Lagauche - Je vais être un peu caricatural. Je ne suis pas enseignant, mais j'ai été présent dans de nombreux conseils d'administration. Un conseil d'administration de collège ou de lycée qui dure entre trois et six heures, cela me paraît aberrant, surtout quand il se termine à 23 heures et qu'il a commencé à 18 heures. C'est relativement fréquent. Cela me paraît tout à fait inutile. On se plaint que les personnalités extérieures et les élus n'y aillent pas ou n'y aillent plus, et c'est un réel problème. Il ne semble pas que les recteurs ou les inspecteurs d'académie en prennent vraiment conscience.

La question se pose de savoir, et souvent les gens la posent, si les comptes-rendus sont lus. Comme ces comptes-rendus sont très "léchés", en quelque sorte, on se pose parfois des questions. Il y a quand même les élèves derrière tout cela. Il y a un éloignement. Les élèves ne connaissent pas l'inspection, et pour moi qui siège dans des conseils d'administration, l'inspection ce sont des circulaires quand j'entends les enseignants. Quand une circulaire de l'inspection arrive dans un établissement, on téléphone à une secrétaire pour se la faire expliquer, pour bien comprendre. Souvent, on veut savoir si la circulaire va s'appliquer, ne pas s'appliquer. Souvent, elle arrive -paraît-il- trop tard pour être appliquée.

Je pousserai un peu plus loin. L'inspection me paraît essentielle. Je pense que c'est en quelque sorte un tutorat, au sens noble, pour permettre de retrouver ses esprits et de prendre du recul. Avez-vous vraiment suffisamment de moyens pour encadrer l'ensemble de ces établissements ?

Vous disiez tout à l'heure que certains enseignants n'étaient pas inspectés, que les niveaux ne sont pas bien connus. Vous faites un travail considérable, mais une partie de ce que vous faites n'est pas lue. Souvent, vous n'avez pas le temps de savoir si vos circulaires sont appliquées, qu'il y en a déjà une autre derrière. Idéalement, ne pensez-vous pas qu'il y aurait une réforme à faire dans votre corps, quelque chose à voir ? C'est quand même essentiel pour la bonne marche des établissements.

Mme Geneviève Becquelin - Je rectifie un point : l'inspection ne fait pas de circulaires. Nous n'avons pas ce pouvoir ; les circulaires sortent des directions. Il ne peut pas y avoir de circulaires des corps d'inspection. Le terme est impropre ; au mieux, nous formulons des conseils. Nous conseillons les directions qui font les circulaires. Mais au sens strict du terme, cette circulaire de l'inspection n'existe pas.

Si vous le voulez bien, je vais reprendre certaines questions très brièvement.

Je me suis exprimée clairement, je l'espère, sur la monovalence. Je vous ai dit que mon sentiment était que la bonne gestion administrative et l'intérêt pédagogique, à mes yeux, se rejoignaient. Je l'ai dit pour le collège, il faut réfléchir aux conditions de cette bivalence. Je l'ai dit, je m'exprime à titre personnel, sachant à quel point ce sujet suscite des oppositions fortes.

Dans la réflexion actuellement conduite sur le collège qui, je l'espère, aboutira à des propositions, c'est un des points qui pourraient être évoqués. Certainement. Les enfants de dix, onze ou douze ans, sortent de l'école primaire où ils ont souvent eu un professeur d'école, un maître associé d'ailleurs maintenant à quelqu'un d'autre. Il y a des emplois jeunes, un peu de mouvement dans les classes à l'école primaire ; elles ne sont pas aussi monolithiques qu'on voudrait bien le dire.

Pour ma part, je crois que la réflexion sur la bivalence, voire la polyvalence, est une bonne réflexion. Ne serait-ce que pour reconstituer des champs disciplinaires. Je pense à tout ce qui relève de l'expérimental au collège. Je ne suis pas sûr qu'il faille des professeurs appartenant à des disciplines distinctes. Pour moi, il y a là une réflexion à engager ; à mes yeux elle serait fructueuse au plan pédagogique. La chance est qu'elle rejoigne des commodités gestionnaires.

Je reviens aux rapports de l'inspection générale. J'espère ne pas m'être mal exprimée. Je n'ai pas voulu dire qu'ils restaient dans les cartons, il arrive même qu'ils aient un peu trop de publicité dans la presse et qu'on en parle un peu trop. Je veux simplement dire que le suivi, dans les décisions, est souvent lent. Nous vivons dans un système à effets différés. Les propositions que nous formulons sur de grands sujets -formation des professeurs, formation des chefs d'établissements- ne sont pas mises en oeuvre rapidement. Il arrive qu'elles ne le soient pas du tout, et que l'on reprenne trois, quatre ou cinq ans après, des propositions déjà formulées. Donc je parlerai du suivi de nos rapports, qui est une question. Elle est d'ailleurs à l'étude actuellement ; elle impliquerait l'existence d'un comité de suivi, de contacts avec les partenaires, et cela est important. Nos rapports sont souvent largement diffusés, lus par la presse, par les organisations syndicales, pas toujours salués avec plaisir par ceux dont nous parlons. Nous ne sommes pas toujours là pour faire plaisir.

Vous avez parlé ensuite de l'évaluation des professeurs et du rôle éventuel que les chefs d'établissements pourraient y jouer. Je vous ai dit très honnêtement -nous témoignons ici avec toute l'honnêteté que vous êtes en droit d'attendre- que nous n'inspectons pas suffisamment. Les professeurs ne bénéficient pas d'un même rythme d'inspection selon les disciplines et selon les lieux. Cela relève de la très lourde charge qui pèse sur les corps d'inspection : corps d'inspection au plan national, inspection générale, mais aussi corps d'inspection territoriaux. Il est vrai qu'ils ne le sont pas suffisamment et que certains peuvent en souffrir dans leur carrière. Nous recevons d'ailleurs en permanence des demandes d'inspection. La demande d'inspection est un courrier que les professeurs savent faire.

Vous avez parlé d'un rôle accru des chefs d'établissements. Je crois que dans la réflexion qui va être conduite -le ministre vient de confier une mission sur le rôle des corps d'inspection territoriaux- je remplacerais volontiers la formule "rôle accru" par "partenariat inspecteurs-chefs d'établissement" ; que l'on travaille ensemble à l'évaluation du professeur. Je ne sais pas s'il faut accroître, mais en tout cas que cette évaluation soit conduite ensemble me paraîtrait un réel progrès et une meilleure manière de cerner la qualité du travail effectué.

Vous avez ensuite parlé de ce que j'avais signalé à propos de la formation continue : elle se fait est, à de très rares exceptions près, sur la base du volontariat. Les quelques exceptions relèvent de modifications de programmes, où là nous avons un tableau de réunions obligatoires dans les établissements. Mais globalement, on s'inscrit volontairement à des actions de formation continue. Le programme de formation continue est diffusé dans les établissements au printemps qui précède l'année scolaire suivante. Les professeurs posent leur candidature, demandent librement tel ou tel stage, sur la base du volontariat. C'est vrai que c'est une question.

Vous savez qu'une table ronde a été organisée au printemps dernier sur les problèmes de la formation continue et que le rapport devrait en être rendu public dans un délai très bref. C'est un rapport très attendu et très important qui devrait répondre à certaines questions que j'ai soulevées. Bien sûr, nous nous en réjouissons.

Question sur les ZEP et les conséquences éventuelles sur la gestion des personnes. Fallait-il faire des ZEP ? Ceux qui ont été classés zone d'éducation prioritaire y tiennent, nous le voyons tous les jours dans les manifestations publiques. Menacer un établissement de lui retirer son classement ZEP, c'est créer immédiatement la grève, l'agitation, la manifestation des parents d'élèves. En ce sens, le dispositif des ZEP a répondu à une attente, à une demande.

Un autre dispositif est envisagé. Vous savez tout le travail qui a été fait l'année dernière ; un inspecteur général travaille à temps plein sur le problème des ZEP. Une autre perspective a été ouverte qui est celle des REP, réseaux d'éducation prioritaires. C'est une autre approche qui a la qualité d'un peu plus de souplesse. Je ne sais pas si l'on peut répondre à votre question. Fallait-il le faire ? Ce que je sais, en tout cas, c'est qu'on ne peut pas les supprimer et qu'il n'en est pas question. Il y a une aide à apporter dans des secteurs difficiles aide qui passe précisément par ce que je disais précédemment. Le problème pour nous n'est pas l'égalité en termes de moyens, d'enveloppes égales pour tous, mais davantage de moyens adaptés aux besoins là où ils sont les plus évidents. En ce sens, ces dispositions répondent à la demande.

Doivent-ils avoir une conséquence sur la gestion des personnes ? Ma réponse est claire : oui. Doivent-ils avoir une conséquence sur les moyens, sur les effectifs des classes ? Ma réponse est oui. Je vous disais il y a un instant qu'on peut travailler à 30 ou 35 élèves dans les lycées du coeur des grandes villes, qui ne posent pas de problèmes particuliers, mais on ne peut pas travailler à plus de 15 ou 20 dans les secteurs les plus difficiles.

Il y a donc des conséquences sur la gestion des personnels. Nous l'avons déjà mis en oeuvre, mais je crois que ce serait folie de ne pas poursuivre. Mieux vaut approfondir la réflexion sur ce sujet que d'y renoncer. C'est un métier difficile que d'être professeur dans certains de ces collèges, puisqu'il s'agit essentiellement des collèges. Il est tout à fait légitime d'avoir moins d'heures de cours dans un collège aussi difficile qu'en d'autres lieux. Personnellement, cela ne me choque pas. Faire passer l'idée, c'est autre chose.

Vous avez posé une question sur les conseils d'établissements, en disant que vous étiez assez dubitatif sur la lecture qu'en faisaient les responsables. J'espère que non ; j'espère qu'ils sont vraiment lus. Dans les cas difficiles, ils le sont. Le sont-ils toujours ? Je ne suis pas en mesure de vous répondre. Si le conseil d'administration a été bien préparé, si le chef d'établissement a convenablement préparé cette opération et en donne un compte-rendu attractif, il sera lu. Là encore, l'affaire est sans doute délicate. Je ne saurais pas répondre plus précisément à cette question.

Sur les moyens de l'inspection : l'inspection générale de l'éducation nationale compte 156 postes d'inspecteurs généraux. Ils sont aujourd'hui pourvus. Pas un n'est vacant. Je crois pouvoir dire que les 156 inspecteurs généraux sont attachés à leur tâche et accomplissent un travail considérable. Ils sont quotidiennement, pour la majorité d'entre eux, dans les établissements. Ils remplissent un rôle important de contrôle, de conseil ; ils aident à la gestion sur les postes dont j'ai parlé.

Actuellement, nous avons des centaines d'inspections à réaliser pour préparer le mouvement des chefs d'établissements. Tout chef d'établissement candidat a, dans son dossier, une fiche d'inspection qui précise l'adéquation de sa personnalité au regard du poste profilé. Nous sommes en ce moment en pleine préparation du mouvement CPGE. J'ajoute que nous avons un dossier international important et que nous avons, avec les systèmes éducatifs étrangers, des relations par l'intermédiaire de notre délégation aux affaires internationales. Je serai demain dans l'avion pour travailler avec le conseiller culturel du Maroc sur la collaboration des inspections française et marocaine, dans la journée de vendredi.

Nous avons une demande extrêmement forte. De manière un peu immodeste, pas en mon nom personnel mais plutôt en celui de la fonction que j'occupe, je dirai que l'inspection générale jouit d'une immense estime en France sans doute et hors de France assurément. La qualité de son travail est très largement reconnue. Pour cette raison, elle est très largement sollicitée.

Des moyens ? Je dirai oui, sans doute. Peut-être un effort d'organisation à faire mais, au regard de cette matière humaine qui est la nôtre, c'est difficile. Sans doute faut-il laisser les relations se faire d'une manière que je qualifierais d'humaine, de qualitative. Nous avons des relations hors voie hiérarchique avec les professeurs et nous y tenons. Tout professeur, en France, écrit librement à l'inspection générale. C'est bien ; il faut que les professeurs puissent avoir cette liberté d'expression. Nous y sommes très attachés.

Au poste où je suis, je ne me pose pas la question en termes de moyens, mais bien sûr et toujours en termes de plus grande efficacité.

M. le Président - Madame, nous regrettons de devoir mettre fin à cette audition tout à fait intéressante, mais vous savez que si vous avez des informations ou des opinions à nous communiquer, non seulement vous pouvez le faire, mais vous devez le faire. Nous en tirerons tout le parti possible. Il n'est pas exclu, d'ailleurs, que nous vous retrouvions avant la fin des travaux de cette commission d'enquête. Merci.