AUDITION DE M. DANIEL BLOCH,
RECTEUR DE L'ACADÉMIE DE
MONTPELLIER
(13 JANVIER 1999)
Présidence de M. Jacques LEGENDRE, Vice-président
Le
président lit la note sur le protocole de publicité des travaux
de la commission d'enquête et fait prêter serment à M.
Daniel Bloch.
M. Jacques Legendre, président -
Notre
président, M. Gouteyron, nous rejoindra dès que possible
après son rendez-vous avec le ministre de la défense. Monsieur
le recteur, je vous remercie d'être présent parmi nous.
Vous avez la parole pour un exposé liminaire à la suite duquel
nous vous poserons quelques questions.
M. Daniel Bloch -
Je pense que m'avez fait venir
- mais je suis bien évidemment à votre disposition pour
parler d'autres choses - essentiellement en tant qu'ancien animateur et
président d'une table ronde intitulée : "Pas de classe sans
enseignant". Cette table ronde s'est tenue, il y a un peu plus d'un an,
à la demande du ministre de l'éducation nationale et de la
ministre déléguée. Elle avait pour objet de faire le point
sur les absences des enseignants, les raisons de ces absences, d'évoquer
également le mode de remplacement des enseignants absents,
l'efficacité de ces remplacements.
L'objectif était bien sûr de proposer un certain nombre de
solutions pour, qu'à terme, il n'y ait pas de classes sans enseignant,
qu'il y ait toujours un enseignant, tous les jours de l'année, du matin
au soir, de huit heures du matin à tard dans l'après-midi.
Voilà l'objectif, tel qu'il était très clairement
fixé.
Un rapport a été fait. Je résumerai rapidement les
principaux constats et les principales solutions. J'évoquerai ensuite
l'état des lieux, puisque que je préside actuellement une
commission de suivi installée à la demande du ministre
après leur prise en compte des propositions émises par la table
ronde. Je suis donc amené à suivre la mise en application des
propositions en question.
Concernant cette table ronde, il y a trois éléments à
souligner.
Premier élément : avant même de parler de ce qu'elle
est du point de vue dynamique et de son évolution, il faut d'abord faire
l'état des lieux, de la situation,. Que connaît-on avec
précision et que connaît-on moins bien ?
Deuxième point : que faut-il faire pour réduire le nombre de
jours d'absence des enseignants ?
Troisième point : une fois que l'on a diminué ce nombre en
mettant en place des mesures pour le réduire, comment faire en sorte
qu'en cas de nécessité de remplacement - en moins grand
nombre, on l'espère - il y ait de bonnes solutions permettant que
chaque absent soit correctement remplacé.
Il y a donc trois volets dans cette affaire : état des lieux,
propositions pour réduire le nombre d'absences et propositions pour
faire en sorte que les remplacements soient mieux assurés.
La situation de départ est très différente dans les
premier et second degrés. Je vous donne quelques chiffres pour fixer les
ordres de grandeur : les absences pour maladie, pour maternité,
tournent autour de 5,5 points. Les absences de ce genre sont à peu
près les mêmes et ont une valeur similaire dans le second
degré ; les professeurs d'écoles ne sont pas vraiment moins
malades, ni plus malades que les professeurs de collèges ou les
professeurs de lycées.
A ces absences de base s'ajoutent à peu près 2,5 %
d'absences pour cause d'activités de formation continue, soit un total
de 8 points. Le nombre de journées consacrées à la
formation continue n'est pas bien différent dans le premier et le second
degrés ; on arrive à quatre ou cinq jours par an et par
enseignant.
S'agissant des remplacements, dans le premier degré, le potentiel de
remplacement est supérieur à ces 8 % avec un taux de
8,5 %. Approximativement, c'est 7,5 points à travers des
emplois spécifiques de remplacement, locaux ou départementaux, et
un point correspondant au potentiel apporté par les enseignants de
deuxième année d'IUFM qui doivent un quart de leur temps. Ce
temps est consacré à des remplacements d'enseignants, de
professeurs des écoles et des instituteurs qui, pendant ce temps, vont
suivre des actions de formation continue.
On tourne donc autour de 8,5 points environ de potentiel de remplacement
pour 8 % environ d'absences. En dépit de cela, il reste à
peu près 1 % d'absences non remplacées, parce que s'il y a
8, 5 % de potentiel de remplacement, il n'est pas utilisé en
permanence. Par moments, il n'y a pas assez de remplacements : une bonne
grippe ou une bonne épidémie portent atteinte à
l'efficacité du potentiel de remplacement. Cela varie assez fortement
entre les départements, de 40 % à plus de 90 %.
Cela étant, le coefficient d'utilisation des remplaçants est
à peu près de 75 ou 80 %. Cela explique qu'il reste 1 %
d'absences avec un taux de 8 à 8,5 % de potentiel de remplacement.
Ces absences ne sont pas forcément ressenties dans le premier
degré, sachant que des professeurs absents non remplacés, ne
signifie pas forcément des élèves sans professeur.
Très souvent, on se répartit les élèves entre les
classes, tout au moins quand cela ne dure pas trop longtemps et que ce n'est
pas une école à classe unique. Cela fonctionne bien. Autrement
dit, environ 1, 5 % d'absences non remplacées, mais moins de
1, 5 % d'élèves sans enseignant puisqu'on fait face.
On a fait quelques remarques, sur
l'hétérogénéité de la distribution de ce
potentiel de remplacement pour montrer que, dans certains départements,
il y en avait peut-être un peu trop, pas assez dans d'autres, et qu'il y
avait donc intérêt à optimiser un peu ce potentiel de
remplacement. Mais le remplacement fonctionne dans le premier degré.
Dans le second degré, les choses sont beaucoup plus complexes, beaucoup
plus difficiles. Supposons qu'on commence par la fin et qu'on veuille
remplacer... On ne remplace pas de la même façon un professeur
d'école polyvalent et un professeur de mécanique ou de
textile ; on n'a pas à notre disposition, partout en France, des
professeurs de mécanique, de textile sous la main. Cela rend
évidemment le jeu bien plus compliqué. De plus, les remplacements
ne se font pas par service complet ; cela peut être quelques heures. Le
service n'est pas le même, ce n'est pas toute la journée ;
c'est donc plus difficile à organiser. Les disponibilités sont
plus éparses et on a beaucoup moins de potentiel de remplacement.
Quelle est la situation ? On va essayer d'en voir les différentes
facettes si l'on veut bien comprendre les choses, car on ne voit pas la
même chose avec les yeux de l'administration ou avec les yeux du grand
public. Les chiffres qui sont diffusés sont tous corrects et
cohérents, mais apparaissent quelquefois comme non cohérents
parce qu'on ne parle pas de la même chose.
Vu du côté des enseignants, quelle est la part du service non
assuré en face à face pédagogique avec les
élèves ? Le nombre d'heures non faites en face à face
pédagogique est de l'ordre de 12 % pour les lycées et les
lycées professionnels et 8 à 9 % pour les collèges.
Comment cela se passe-t-il, et comment cela est-il vu à la base ?
D'abord, quand un professeur est absent à hauteur de 12 % où
il fait autre chose (examens, concours), il est remplacé pour une partie
de son temps, et donc la classe fonctionne normalement.
Si l'on prend en compte le potentiel de remplacement qui existe,
le 12 % devient à peu près 9, 5 %, puisqu'on
remplace. Le 12 % en lycée professionnel, tombe également
9, 5 %, et le 8 ou 9 % des collèges tombe à
6 %. Comme on a des remplaçants, il y a quand même plus
d'heures assurées que ce que l'on pense, puisque les heures non
assurées par l'enseignant qui devait le faire sont assurées par
d'autres.
Si l'on continue dans cette structure un peu fine, il y a deux parties
essentielles. La plus essentielle n'est pas très visible : il
s'agit des semaines "perdues", entre guillemets, en raison de l'organisation
des examens de fin d'année. Très souvent, on ferme les
lycées le 15 juin, voire même plus tôt, pour cause d'examens
du baccalauréat, ainsi que des lycées professionnels en raison
des examens qui mobilisent les salles de travaux pratiques.
On a même vu des situations, notamment en région parisienne,
-situations qui n'existent plus, en fin je l'espère- où l'on
fermait des collèges parce qu'on y faisait passer le bac. Il y a des
services non faits devant élèves parce que l'établissement
est fermé pour raisons diverses, surtout en fin d'année. Il
arrive aussi que tel collège ou établissement est fermé
pendant que l'on y fait passer un concours de recrutement des professeurs
d'école.
Combien coûtent ces fermetures d'établissements ? Cela
coûte très cher. Dans les lycées, cela coûte environ
cinq points ; un peu moins dans les lycées
professionnels : 4 % ; un peu moins dans les collèges que
l'on utilise moins pour les examens, encore qu'il y a le brevet : 1 ou
2 %. La fermeture des établissements pour examens, que ceux-ci
concernent les élèves ou non s'explique parfois par des
problèmes de coût : on n'a pas nécessairement l'argent
pour louer des locaux extérieurs, et donc on met les
élèves dehors. C'est un point lourd.
Enfin, il y a le reste : c'est le non remplacement. Certains enseignants
absents ne sont pas remplacés. Ce sont ceux qui convoqués
à des réunions, des jurys, des examens ou qui préparent
des sujets. Une fois les sujets prêts, il y a ce qu'on appelle le
"cobayage" : il faut tester pour minimiser les risques de
problèmes, vérifier toutes sortes de choses. Cela coûte un
point dans les lycées, un peu plus dans les lycées
professionnels. Des enseignants partent en formation continue sans être
remplacés. Cela fait encore un point. Enfin, il reste le
non-remplacement d'enseignants absents pour des raisons individuelles :
maladie, maternité, de l'ordre de 2 à 2,5 points.
Si on va au-delà, 12 % des enseignants dans les lycées
manquent dans le face à face pédagogique. Environ 3 points
sont compensés par des remplaçants, mais il y a aussi
5 points dus au système et puis le reste, ce sont 4, 5 ou
6 points, pour d'autres causes : des enseignants qui partent en
formation continue et qu'on ne remplace pas par manque de moyens de
remplacement, ou des enseignants qui sont en formation continue.
Un article récent dans la presse parlait d'un rapport qui mentionnait un
taux de 12 %, alors que l'inspection générale donnait 5 ou
6 %. Tous ces chiffres sont les mêmes. Simplement, il s'agit de
savoir de quoi l'on parle. Il n'y a aucune différence entre tout cela.
C'est tout à fait cohérent. Certes, la précision n'est pas
très grande : quand on dit 12, cela peut être 12,5 ou
11,5 %. On a mis au point des méthodes de mesure plus
précises, mais il n'y a pas de contradiction entre les
différentes données.
Il faut comprendre que l'absence de l'enseignant ne retombe pas
nécessairement sur les élèves et qu'il y a deux aspects
essentiels dans les absences : le système(fermeture
d'établissements, examens, convocations des enseignants) dont les
enseignants ne sont pas responsables, et les absences pour maladie,
maternité etc.
Tout à l'heure, j'ai dit que, dans l'école, avec 8 %
d'absences, 8,5 % de remplacements, cela tourne à peu près.
Si l'on revient aux lycées, comment cela se passe-t-il, quels sont les
moyens mis en place ? Aujourd'hui, on a davantage d'absences compte tenu
de ces systèmes de fermetures : on passe de 8 à quelquefois
12 % avec beaucoup moins de remplaçants. Le potentiel de 5 %
de remplacement dans les lycées, collèges et lycées
professionnels est très faible par rapport aux 12 %.
A partir du moment où l'on est dans cette situation et que le rendement
des remplacements n'est pas de 100 %, la qualité du remplacement
n'est pas celle qu'on estime souhaitable. Il faut savoir que l'on ne peut pas
déplacer de 200 km un professeur de génie mécanique
comme cela.
Si l'on voulait avoir à peu près la même qualité des
remplacements que dans le premier degré, il faudrait évidemment
ajouter des emplois pour combler les absences, parce qu'on n'a pas les
remplaçants pour remplacer.
Si l'on prend les raisons de non remplacement pour fonctionnement du
système, absences pour formation, il manque environ 4 à
5 points. Il aurait fallu 7 ou 8 points supplémentaires, avec
un rendement de 75 %.
Il y a aussi des problèmes qui ne sont pas solubles avec les seuls
remplacements. On ne va pas, par exemple, remplacer des professeurs pendant
qu'ils font passer des examens. Si un lycée est fermé parce qu'on
fait passer le bac, ce n'est pas parce qu'on mettra des remplaçants
qu'il y aura des enseignements pour autant. Il faut alors travailler, non pas
sur le problème du nombre de remplaçants, mais sur l'organisation
même du système, pour que ce système ne provoque pas
l'absence des enseignants.
Si on avait voulu prendre en compte le non remplacement des enseignants pour
raisons individuelles, soit 2 ou 2,5 %, il aurait fallu à peu
près 3 ou 4 % de potentiel supplémentaire. Si on avait voulu
prendre en compte également le remplacement de la formation continue,
comme on le fait dans le premier degré où il y a environ
1, 5 ou 2 points, il aurait fallu -c'est un problème que l'on
n'a pas résolu de cette façon- 25 ou 30 000 enseignants
pour faire fonctionner le système comme il fonctionne dans le premier
degré. On tient compte évidemment du non remplacement des
enseignants pendant qu'ils font passer des examens puisque les
établissements sont fermés.
Une fois ce constat effectué, le premier point est bien sûr celui
de la connaissance des absences. On s'est aperçu qu'on les connaissait
à peu près, mais qu'on avait même intérêt
à les connaître mieux. Un système permet, sur
échantillons, de savoir combien il y a eu d'absents, pourquoi et comment
ils ont été remplacés. Les résultats étaient
intéressants, mais c'est un système qui pouvait fournir des
données annuelles. On a pensé que ce n'était pas assez
précis, et qu'il était important d'avoir au moins des
informations mensuelles. On ne peut pas travailler avec un radar
arrière ; il faut pouvoir travailler avec un peu de perspective et
regarder ce qui se passe.
Même chose dans le premier degré à propos du travail des
remplaçants : comment cela se passe-t-il quand ils ne remplacent
pas On a montré qu'il y avait des progrès à faire,
sachant que lorsqu'un remplaçant ne remplace pas, il faut qu'il soit
utilisé au mieux pédagogiquement. Nous avons aussi avancé
certaines solutions de ce côté-là.
Pour mieux connaître les absences, la mensualisation du système
est en route ainsi que des modules informatiques qui sont destinés
à permettre aux autorités académiques de connaître
en temps réel les demandes de congés, qui peuvent aussi avoir des
répercussions en matière de salaire, et les problèmes
d'absence pour demander les remplacements ou traiter la manière dont les
remplacements sont assurés.
On est aussi en train de mettre en place, avec les premiers résultats,
non pas un système de contrôle de gestion, mais un système
très intéressant pour les familles et pour l'extérieur. Il
peut être intéressant de savoir pourquoi les gens sont absents,
comment ils sont remplacés, etc. Il y a aussi l'aspect
extérieur : la SNCF indique combien de trains arrivent à
l'heure ou sont en retard. Pour notre part, nous avons choisi pour
décrire le système un paramètre très simple :
le nombre d'heures effectivement données aux élèves par le
titulaire ou par un remplaçant, ou à travers des activités
pédagogiques claires organisées pendant l'absence, divisé
par le nombre d'heures dues aux élèves ; ce critère
peut être décliné établissement par
établissement, par zones de remplacement, par départements, par
académies. Après, le pourquoi et le comment sont très
importants et très intéressants, mais c'est moins important pour
les familles.
L'objectif était de développer un dialogue entre les
établissements et les autorités académiques pour voir
ensemble, avec les responsables d'établissements, comment on peut les
aider à progresser à partir de ce paramètre.
Je ne fais qu'évoquer des questions que l'on a abordées, la
question de la santé des enseignants, plutôt meilleure que celle
d'autres professions, avec cependant un certain nombre de problèmes
typiques de fin de carrière pour certains professeurs -je pense aux
professeurs d'éducation physique- etc.. Nous constatons qu'il n'y a pas
de médecine du travail et de prévention. Vous voyez que l'Etat
n'est pas le meilleur des employeurs !
Avec une petite médecine de prévention, on pourrait faire de
grands progrès et éviter du gâchis en ce qui concerne des
personnels que l'on pourrait réadapter et remettre en position de
travail, peut-être mieux qu'on ne l'a fait. Se pose également la
question du suivi des personnels en difficulté. Certains, heureusement
en nombre limité, sont dans des classes et brisent leur santé en
y restant. Il peuvent provoquer quelquefois des dégâts au niveau
de l'enseignement. On s'est donc penché sur ce problème pour
essayer de le mesurer, de trouver des solutions et de faciliter des
reconversions professionnelles.
Question aussi importante : les évaluations des aptitudes au moment
du recrutement, sachant que le principe que nous avons mis en avant
était qu'en cas de doute, le doute doit profiter aux
élèves.
Formation continue : là encore, il s'agit de mettre en avant des
dispositifs permettant le développement de la formation continue des
enseignants. On considère qu'elle est essentielle et qu'elle doit se
développer, mais qu'à l'inverse, il faut qu'elle porte moins
préjudice au bon déroulement des enseignements. On a donc mis en
avant un certain nombre de solutions -si vous le souhaitez, on pourra en
évoquer quelques-unes- qui permettent d'améliorer la situation.
Présidence de M. Adrien GOUTEYRON, président
M. le Président -
Monsieur
le recteur, nous pourrions en venir maintenant aux questions que nos
collègues souhaitent sans doute vous poser. Je passe d'abord la parole
à notre rapporteur et ensuite aux collègues qui le
désireront.
M. Francis Grignon, rapporteur -
Pensez-vous que la
déconcentration permettra de mieux gérer ces problèmes
d'absence en général ou que cela n'aura aucune influence ?
Avez-vous observé que les moyens internes aux lycées permettent
de résoudre les problèmes d'absence ? Dans quelles
proportions ? Je pense que les enseignants qui ont 18 heures
à faire sont tenus d'en faire 20. Cela se fait-il en beaucoup
d'endroits ? Avez-vous fait des observations dans ce domaine ?
Essaie-t-on partout de mobiliser d'abord ces deux heures ?
Essaie-t-on partout d'abord d'avoir un collègue qui peut assurer le
remplacement ? Et dans quelles proportions cela est-il fait ?
Vous avez montré la différence entre l'enseignement
général et professionnel ; avez-vous fait des observations
pour l'enseignement privé et l'enseignement agricole ? Dans vos
études, êtes-vous allé jusqu'à regarder ce qui se
passait dans d'autres pays ?
Dans d'autres domaines, on sait que la précision coûte cher, qu'on
arrive jusqu'à un certain point et que régler les derniers
paramètres est impossible. Alors pensez-vous que, dans le fond, il
serait inéluctable d'accepter un certain potentiel d'absences, et
chiffré à combien ?
M. Daniel Bloch
- On a mis en place un certain nombre de
mesures, permettant de quantifier et, déjà, d'améliorer
les choses. J'y reviendrai tout à l'heure si vous le souhaitez. On a des
paramètres. Je vous donnerai un seul chiffre : traduit en nombre
d'heures non assurées par semaine dans les lycées, on tournait
autour d'une heure et demie non assurée par semaine, en dehors des
périodes d'examens. On est actuellement à une heure. Autrement
dit, on a encore un grand chemin à faire. On a progressé
d'environ un tiers.
M. le Président -
Une heure par
établissement ?
M. Daniel Bloch
- Une heure et demie par
élève dans la semaine. Traduit en terme d'élèves,
sur une trentaine d'heures -prenez les pourcentages, c'est plus facile-, c'est
une heure et demie. Je crois que c'est plus significatif que 4 %, mais
c'est la même chose. C'est plus parlant. Sur trente heures, on
était à une heure et demie non assurée. Actuellement, nous
en sommes à une heure. On a donc fait le tiers du chemin. Il reste
encore beaucoup de chemin à faire.
M. le Président -
C'est bien par semaine ? Un
élève qui doit avoir trente heures n'en reçoit en fait que
28 heures 30 ?
M. Daniel Bloch -
N'en recevait. C'était en
1996 - 97. On a amélioré les choses, mais il y a encore
du chemin à faire. Actuellement, on tourne autour d'une heure au lieu
d'une heure et demie. On doit encore progresser d'une heure, et je ne
désespère pas que les résultats de cette année
montrent des progrès.
M. Francis Grignon, rapporteur -
Excusez-moi, mais
12 % de 30 heures, cela fait...
M. Daniel Bloch
- Non, 12 % ce n'est pas 12 %
de 30 heures parce que, je vous l'ai expliqué tout à
l'heure, c'est hors périodes d'examens, et on remplace une partie des
heures. Je parle pour l'élève, dans la semaine.
M. Francis Grignon, rapporteur -
C'est la perte pour
l'élève...
M. Daniel Bloch
- Voilà. Je crois qu'il faut
distinguer l'enseignant et le système... Vu de l'élève, il
manquait en gros une heure et demie d'enseignement, et il n'en manque plus
qu'une heure aujourd'hui, mais c'est encore une heure de trop.
Deuxièmement : en matière de déconcentration, cela
peut permettre de progresser un peu, mais ce n'est pas un élément
essentiel. On a plus de globalité dans nos moyens. Autrement dit, il n'y
a plus des titulaires et/ou des titulaires académiques ; il n'y a
plus que des titulaires. On a d'un côté des titulaires qui sont
nommés dans l'académie, et de l'autre côté des
moyens non titulaires, ceux des maîtres auxiliaires. On a
simplifié. Auparavant, on avait un certain nombre de titulaires
remplaçants ; aujourd'hui cette notion n'existe plus. Il n'y a plus
de contingent puisque c'est globalisé. La globalisation permet des
progrès avec une plus grande maîtrise du potentiel de remplacement.
En ce qui concerne les moyens, il y avait plusieurs solutions pour progresser,
comme je le disais tout à l'heure. A partir du moment où les
absences existent, comme dans le premier degré, il eût fallu
davantage d'enseignants pour remplacer. C'était une solution. On a
plutôt choisi d'avancer autrement. A savoir, d'étudier (cela prend
un peu de temps, mais on progresse quand même), par exemple, la
façon dont se passent les examens, pour que la période de
fermeture des lycées soit plus courte. Par exemple, dès cette
année, des reports, en 1999, d'une semaine des épreuves de
français, du brevet et du bac professionnel. On gagne quelques jours. On
gagne du côté des examens, avec l'idée de gagner plus
encore dans les deux ou trois ans à venir en modifiant les
modalités d'examen et notamment dans l'enseignement professionnel, en
développant par exemple le contrôle en cours de formation, en
modifiant un peu le mode d'examen lorsqu'il s'agit des BEP, qui sont
très souvent des diplômes intermédiaires par rapport
à des diplôme d'insertion professionnelle à 100 %
comme le bac pro ou le CAP. Autrement dit, on réfléchit à
cela.
On a aussi d'autres procédures. Quelques-unes consistent à faire
en sorte que le remplacement soit pris comme l'une des données de base
dans la réflexion sur les attributions des moyens dont dispose
l'académie. Je m'explique, pour bien montrer la différence entre
ce qui se faisait avant et ce qui se fait aujourd'hui. Auparavant, très
souvent, trop souvent, on définissait des structures
pédagogiques, ensuite on avait des moyens qui étaient les moyens
antérieurs, plus des moyens qu'on recevait plus tard. On mettait les
moyens en enseignants dans les classes pour que les structures
pédagogiques puissent fonctionner, et la différence
c'était le remplacement. Autrement dit, les moyens de remplacement
étaient souvent constatés une fois les structures mises en place
et les moyens définis pour faire fonctionner de façon permanente
les structures.
Aujourd'hui, compte tenu de l'importance donnée par l'opinion et par le
ministre à ce problème du remplacement, on intègre bien
davantage le remplacement comme une donnée de base. Cela signifie qu'on
arbitre et qu'on ne constate plus ; on arbitre en disant que cela peut
être un potentiel de remplacement plus important, avec peut-être un
peu moins d'options ici ou là, ou un dixième
d'élèves par classe...
M. le Président -
Qui arbitre ?
M. Daniel Bloch
- Le recteur. Alors qu'avant, on
constatait, maintenant on le prend comme un paramètre de gestion et donc
on peut faire beaucoup mieux. On a nos moyens, et on prend véritablement
le remplacement comme un des problèmes de base, alors qu'avant - je
le répète - c'était plutôt un constat.
Donc on a beaucoup progressé en termes de gestion, pas par la
déconcentration mais par la prise de conscience de l'importance du
problème.
M. Francis Grignon, rapporteur -
C'est admis par
tout le monde.
M. Daniel Bloch -
Oui, je pense. Ceci étant, les
lycées n'ont pas encore tous les moyens. Autrement dit, on n'est pas
encore au 0 % . En termes d'heures supplémentaires, de
réponses possibles données par l'administration aux demandes des
établissements, on n'a pas encore tous les moyens pour faire face.
D'autres procédures ont encore été mises en place. Par
exemple, depuis quelques mois, on est revenu aux sources en ce qui concerne le
recrutement des maîtres d'internat et des surveillants d'externat. Les
derniers recrutements ont été faits, notamment pour les
surveillants d'externat, en se souvenant du statut. Ce sont des
étudiants qui se destinent à l'enseignement et qui peuvent
être utilisés pour faire du remplacement. On prend davantage de
surveillants d'externat avec, par exemple, des licences qui correspondent
à l'enseignement, afin de pouvoir les utiliser sur place. On progresse.
Mais, je le répète, on n'a fait que le tiers du chemin.
En ce qui concerne le privé...
M. Francis Grignon, rapporteur -
Excusez-moi. A
propos des 18-20 heures... Un enseignant qui a 18 heures est tenu de
faire deux heures supplémentaires.
M. Daniel Bloch -
Disons que ce sont des heures
supplémentaires-année. Autrement dit, cela nous permet...
M. Francis Grignon, rapporteur -
Les mobilisez-vous
partout ?
M. Daniel Bloch -
Il y a deux types de
remplacements : les remplacements à l'année parce qu'un
poste est vacant, et des remplacements pour cause de maladie, etc.. On a deux
techniques : on utilise des remplaçants à l'année,
titulaires ou des HSA, pour ne pas implanter un titulaire qui doit
18 heures lorsqu'il n'y a que trois heures à faire. Donc on
utilise les heures supplémentaires-année, et les heures
supplémentaires effectives, par heure, sont apportées pour des
remplacements ponctuels. Les chefs d'établissement ont la
capacité d'attribuer des heures supplémentaires. On leur donne
maintenant, en début d'année, un potentiel de moyens pour faire
face, sans faire appel à l'autorité académique, aux
questions relatives aux remplacements.
Pour améliorer le remplacement et pour arriver au 0 %, il est
nécessaire que le chef d'établissement ait dans sa poche un
certain nombre de moyens pour faire face aux petites difficultés
résiduelles sans faire appel aux autorités académiques.
Cela étant, s'il ne sait pas résoudre le problème, il faut
que de l'autre côté, des autorités académiques lui
répondent et l'aident. L'idée, c'est qu'il ait la
possibilité de faire face, avec ses moyens, avec les heures
supplémentaires, en faisant appel à des enseignants en zones de
remplacement qui ne seraient pas occupés et aux surveillants d'externat
ou à d'autres solutions encore pour faire face, mais à son
initiative.
C'est l'établissement qui est responsable de la bonne conduite des
opérations pour les absences courtes, sachant que les autorités
académiques sont là pour l'aider. Il y a une
déconcentration des responsabilités. Ce n'est pas la
déconcentration du mouvement, mais une déconcentration des
responsabilités pour les courtes absences, et pas un abandon des chefs
d'établissement.
En ce qui concerne le privé, jusqu'à présent, les
règles étaient différentes. Autrement dit, je
répondrai en tant qu'ancien recteur. L'enseignement privé
était très présent dans cette table ronde, et aurait
peut-être souhaité qu'on parle davantage de lui. J'ai eu
l'occasion de m'entretenir de nombreuses fois avec les responsables de
l'enseignement privé sur cette affaire, mais le traitement administratif
est différent.
Aujourd'hui il y a peu de limitation de moyens pour le remplacement de
l'enseignement privé. Autrement dit, jusqu'à présent, les
rectorats n'avaient pas d'enveloppe prédéterminée,
très limitative, pour le remplacement dans l'enseignement privé.
De sorte que les moyens étant plus ouverts, le remplacement pouvait se
faire plus facilement dans l'enseignement privé, compte tenu des mode de
gestion plus faciles. C'est l'ancien recteur qui vous parle.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur adjoint -
Qu'en
est-il du mode de gestion ?
M. Daniel Bloch -
Plus facile, parce qu'avec des
enveloppes peut-être plus larges. Mais aussi avec un rendement
différent, puisqu'il n'y a pas cette notion de remplaçants
titulaires, et donc on remplace par paquets, au fur et à mesure des
besoins. Ce n'est pas la même stratégie. Il y a aussi
peut-être une économie en ce qui concerne l'efficacité,
puisqu'on ne remplace que quand il le faut, mais à l'inverse il n'y a
pas de limitation claire ou nette à propos de l'enveloppe prévue
à cet effet.
On pouvait remplacer, sans doute -c'est le recteur qui donnait les moyens- de
façon peut-être un peu plus large dans le privé que dans le
public.
M. le Président -
Les crédits ne sont pas
limitatifs dans le privé ?
M. Daniel Bloch -
Ils vont l'être. Mais je dois
dire qu'il y a eu une période - on peut en discuter avec la
direction financière - où nous étions plus larges
pour les crédits de remplacement dans l'enseignement privé que
pour ceux de l'enseignement public.
M. Francis Grignon, rapporteur -
Vous êtes
passés d'une heure et demie à une heure. Vous pensez arriver
à combien ?
M. Daniel Bloch -
L'objectif est zéro. Nous
progressons, mais je répète que pour progresser encore,
continuons à développer l'embauche de surveillants d'externat
dans les disciplines qui nous intéressent le plus, améliorons
l'adéquation entre les disciplines de recrutement et les besoins. Il y a
donc un problème de programmation. Améliorons également le
système d'examens pour qu'il occupe moins l'année scolaire, pour
réduire la période consommée par les examens, et on
continuera à progresser. On a encore une grande marge de progrès,
j'en suis convaincu.
M. le Président -
La parole est à
Jean-Claude Carle, rapporteur adjoint.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur adjoint -
Merci,
Monsieur le Président. Monsieur le recteur nous a donné un
certain nombre d'éléments statistiques très
intéressants. L'un d'entre eux m'intéresse tout
particulièrement, c'est le ratio que vous avez évoqué, du
nombre d'heures faites sur le nombre d'heures dues aux élèves.
A-t-on ce ratio établissement par établissement ?
Ma seconde question porte sur les remplacements. Vous avez évoqué
un certain nombre de pistes. La bivalence des enseignants peut-elle être
un moyen de réduire l'inadéquation qui existe aujourd'hui ?
Il est vrai que ce n'est pas facile, il faudra sûrement convaincre un
certain nombre de partenaires, et nous savons que cela ce ne sera
malheureusement pas facile. Sinon, que faire pour essayer de développer
cette bivalence ou cette polyvalence, compte tenu de l'opposition de
certains ?
M. Daniel Bloch
- Ce que l'on cherche à faire,
c'est que le fonctionnement des établissements, individuellement, non
seulement sur le plan de l'administration, soit connu des parents
d'élèves. Autrement dit, on souhaite que la stratégie de
l'établissement à propos des remplacements, mais à travers
cela la stratégie concernant la formation continue et beaucoup d'autres
choses, soit débattue en conseil d'administration et que cela soit clair.
Il ne s'agit surtout pas de dire en conseil d'établissement :
"Monsieur X a été absent tant de temps", mais une
présentation globale du fonctionnement de l'établissement est
indispensable, et fait partie des indications fortes qui ont été
données au bulletin officiel de rentrée l'année
dernière.
Cela étant, on a essayé de mettre au point des paramètres,
nous sommes en train de le faire, cela avance bien, et beaucoup le font
maintenant, des paramètres simples. Le paramètre de
présentation qui me semble le plus adéquat, à la fois en
termes de présentation vis-à-vis des parents, mais aussi en
termes de mesure de la qualité globale de fonctionnement du
système, c'est bien le rapport du nombre d'heures effectuées
divisées par le nombre d'heures dues à l'élève.
Par exemple, j'ai les données sur Nantes. Actuellement, ce rapport de
qualité pour Nantes est de 97 %. C'est quand même un
progrès. 97 %, c'est le ratio hors périodes d'examens. Je
peux vous communiquer les chiffres, si vous le souhaitez, pour les
lycées et les collèges. C'est ce paramètre que l'on
souhaite.
Cela dit, je le répète : 3 %, c'est une heure par
semaine ; c'est encore beaucoup trop. 97 %, cela semble bien, mais
cela veut dire qu'une heure sur trente n'est pas assurée, encore. C'est
donc mieux, mais il y nous reste du chemin à parcourir.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur adjoint -
Si j'ai bien
compris, chacun de vos collègues recteurs dispose de ce chiffre, qui
doit remonter de chacun des établissements ?
M. Daniel Bloch -
Chaque établissement doit mettre
en avant ce paramètre, doit le connaître, et le mettre en avant
vis-à-vis de la communauté scolaire et des parents. Cela fait
partie des recommandations, des demandes écrites qui ont
été faites. Cela se met en place ; à mon avis en fin
d'année cela sera à peu près fait partout. Il faut un peu
de temps.
Il faut s'y faire. Il faut surtout que les établissements comprennent,
et on essaie de le faire comprendre aux chefs d'établissement, que cet
affichage ne sert pas à établir un hit-parade. C'est cela le
problème ; les absences des enseignants ne sont pas
nécessairement de leur faute. Si l'administration ne leur donne pas les
moyens des remplacements, ce n'est pas de leur faute. Ce n'est pas un jugement
vis-à-vis de l'établissement ou du chef d'établissement.
C'est simplement un paramètre d'aide à la gestion, qui peut les
aider eux-mêmes à améliorer leur gestion. C'est tout sauf
un moyen de contrôle, c'est un moyen de progrès collectif.
M. Jean Bernadeaux -
Est-ce différent, monsieur
le recteur, selon les académies ?
M. Daniel Bloch -
Il y a des départements plus
difficiles. J'ai un rapport que je peux vous faire parvenir, qui fait
apparaître les différences entre les remplacements. Il y a une
certaine hétérogénéité.
M. le Président -
Pouvez-vous, Monsieur
le recteur, nous faire parvenir tous les rapports que vous avez
rédigés ?
M. Daniel Bloch -
Bien sûr, je vais vous en donner
un certain nombre. Celui-ci est quelque peu jauni.
M. le Président -
Peu importe. Celui-ci est le
résultat de la table ronde, mais il y a d'autres rapports ?
M. Daniel Bloch -
C'est un document que nous avons commis
en février 1998, il y a un peu moins d'un an. Il contient à
la fois les propositions qui sont en application avec un comité de suivi
qui veille à leur application, et également les prises de
position par rapport à ces propositions de l'ensemble des partenaires,
syndicats, parents d'élèves, etc.. Tous se sont
positionnés sur ces propositions, qui font l'objet d'une charte en
dix points, que l'on a déclinés.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur-adjoint -
Vous
n'avez pas répondu sur la bivalence.
M. Daniel Bloch -
C'est vrai qu'en l'absence de bivalence
des enseignants des collèges, il y a des inconvénients pour un
certain nombre d'enseignants, notamment dans les collèges pour des
disciplines qui ne sont pas massivement enseignées. Les enseignants se
voient obligés d'enseigner sur plusieurs établissements.
Autrement dit, il y a à la fois des arguments pour la monovalence, les
capacités disciplinaires, et des arguments pour une certaine extension
des disciplines enseignées. On demande d'ailleurs souvent aux
maîtres auxiliaires de sortir un peu de leur discipline principale, non
seulement pour donner plus de souplesse au système, mais aussi
vis-à-vis de leur propre activité.
M. le Président -
Pas d'autres questions ?
Monsieur le recteur, nous vous remercions. Bien entendu, si vous avez des
informations à nous communiquer, des documents qui pourraient nous
être utiles, ne manquez pas, s'il vous plaît, de nous les faire
parvenir.