AUDITION DE M. DANIEL BANCEL,
RECTEUR DE L'ACADÉMIE DE
LYON
(13 JANVIER 1999)
Présidence de M. Jacques LEGENDRE, Vice-président
Le
président lit la note sur le protocole de publicité des travaux
de la commission d'enquête et fait prêter serment à
M. Daniel Bancel.
M. Jacques Legendre, président -
Vous
avez la parole pour un exposé liminaire. Après quoi, les
sénateurs vous poseront des questions.
M. Daniel Bancel -
Il m'a semblé
intéressant pour votre commission que je me place du point de vue d'un
recteur. De cette façon, je ferai apparaître la façon dont
il utilise les moyens qui lui sont attribués, la façon dont les
moyens budgétaires sont transformés à destination des
élèves. De même, je ferai apparaître la
difficulté qui réside entre une demande dont les variations
peuvent être importantes -ce que j'appellerai la demande issue de la
scolarisation des enfants- et ce qu'est en France l'offre pédagogique,
c'est-à-dire les possibilités de répondre au travers des
personnels de l'éducation nationale.
La représentation parlementaire, souveraine, à travers le budget
du ministère de l'éducation nationale, traite à la fois
des postes, chapitre 31-93, et des crédits, chapitre 31-95, qui peuvent
donner lieu à la rétribution d'heures supplémentaires et
donc, donner lieu à des activités d'enseignement.
Le ministère répartit ces dotations entre les académies en
fonction de la population scolaire et de certains critères. Les recteurs
disposent d'une quantité d'emplois sur le 31-93 et d'un volume de
crédits sur le chapitre 31-95. La première étape est de
construire une unité commune à ces deux chapitres qui permettra
l'établissement de l'heure d'enseignement.
Les postes dont nous disposons sont traduits en heures d'enseignement en
multipliant le nombre de postes budgétaires par le rendement moyen des
postes. Cela tient compte des obligations de service des différentes
catégories d'enseignants : un agrégé doit
15 heures, un certifié doit 18 heures. Certaines disciplines
vont jusqu'à 23 heures. La pondération sur la structure des
personnels enseignants nous donne le rendement moyen d'un poste. L'ensemble des
emplois sont convertis en heures-poste.
Ces heures-poste, auxquelles nous ajoutons les heures
supplémentaires-années, sont ensuite distribuées aux
établissement sous forme d'une dotation horaire globale. Nous
répartissons l'ensemble des moyens aux collèges et aux
lycées sous forme de dotation horaire globale.
C'est à partir de cette dotation que les établissement
construisent la demande pédagogique. En fonction des niveaux de
scolarisation des enfants, de leur structure pédagogique et en
respectant l'enveloppe qui leur est donnée, ils construisent des
services d'enseignant pour partie à partir d'heures-poste et pour partie
à partir d'heures supplémentaires. Ils construisent des blocs de
15 heures-poste qui donneront lieu à des postes
d'agrégé, de 18 heures qui donnent lieu à des postes
de certifiés. Sur le volume global et par discipline, ils peuvent jouer
sur ces deux paramètres. Ils peuvent aussi ajuster en utilisant une ou
deux heures supplémentaires pour certains enseignants.
La demande pédagogique nous arrive ensuite des établissements.
Cette demande se traduit par un certain nombre de professeurs dans chaque
discipline pour une académie. Les besoins d'une rentrée suivante
sont traduits en postes d'enseignants.
Il me semblait important de vous cette étape essentielle de ce que l'on
appelle l'autonomie des établissements. Les établissements
disposent ,dans le cadre du respect des dispositions réglementaires,
d'un certain nombre d'initiatives et de possibilités pédagogiques
qu'ils traduisent dans leurs demandes.
Ensuite, c'est le mouvement des personnels qui intervient. En fonction des
demandes des établissements, une partie de la demande pédagogique
d'un établissement est couverte par le personnel en place. S'il y a
moins de service à assurer l'année suivante, il y a des
enseignants qui doivent quitter l'établissement. S'il y en a plus, il
faut que de nouveaux enseignants arrivent dans l'établissement.
De par sa constitution, cette demande pédagogique sera variable. Les
variations liées aux évolutions des obligations d'enseignements
-ce que l'on appelle traditionnellement chez nous les réformes- peuvent
influer sur les demandes des familles.
Par exemple, on a vu évoluer certaines années de façon
importante la demande en économie-gestion venant des lycées.
L'explication en est très simple : l'opinion publique est
passée de la conviction que tout élève d'une grande
école de commerce se voyait proposer trois emplois avant même
d'avoir mis les pieds à l'école à la conviction que des
diplômés de HEC ou d'autres grandes écoles de commerce
mettaient six mois à un an pour trouver un emploi ! Un tel discours
se traduit immédiatement par une modification de la demande des familles
et les enseignements optionnels de ce type sont moins demandés par les
élèves. Il y a une demande dont la variation peut être
importante.
L'offre pédagogique, ou la capacité d'enseignement que
représentent les enseignants, obéit à une logique de
continuité. Cette offre pédagogique varie en fonction de deux
éléments : la gestion des carrières des personnels,
en clair les départs à la retraite. C'est une donnée qui
ne peut pas évoluer de façon considérable car elle est
liée à la pyramide des âges et aux politiques de
recrutement.
On sait d'expérience qu'il est dangereux de procéder à des
politiques de recrutement en accordéon. On y perd sur le plan
qualitatif ; ensuite, il est extrêmement difficile d'expliquer
à un étudiant qui s'est engagé dans des études
d'histoire que quand il s'est engagé, il y avait 400 postes au
CAPES, mais que, arrivé au terme de ses études, il n'y en aura
plus que 20 suite aux calculs effectués concernant la demande.
Nous avons à concilier deux logiques : la demande
pédagogique des établissements qui connaît des variations
éventuellement importantes d'une année à l'autre d'une
part, et l'offre qui vient du recrutement, de la formation des personnels qui,
elle, ne peut évoluer que dans la continuité d'autre part.
Il semble qu'il y ait à la fois un problème d'adaptation,
purement quantitatif avec néanmoins un versant qualitatif comme dans
tous les problèmes d'ajustement.
A juste titre, on signale que la prévision en terme de recrutement du
ministère pourrait être améliorée. Il pourrait y
avoir chaque année un calibrage des concours de recrutement qui soit
plus fin, plus pertinent par rapport à l'évolution de la demande
pédagogique. Mais comme dans tous les problèmes d'ajustement, on
ne pourra pas faire l'économie indéfiniment d'un dispositif plus
qualitatif d'ajustement.
Ce dispositif a été réalisé pendant très
longtemps par le recours aux maîtres auxiliaires. L'écart
constaté à chaque rentrée entre la demande des
établissements à couvrir en enseignements et le potentiel
pédagogique disponible était couvert par un recours au
recrutement de maîtres auxiliaires. D'une façon
générale, l'offre pédagogique dans toutes les disciplines
était très inférieure aux besoins exprimés par
l'établissement. En plus, nous étions dans une situation
où le renouvellement des maîtres auxiliaires était
important. Chaque année, certains quittaient le système ; la
possibilité d'ajustement existait donc.
Le fait qu'il y ait eu des candidatures plus importantes aux concours de
recrutement avec un meilleur rendement en termes de lauréats, ainsi que
la revendication d'une stabilisation de leur situation par les maîtres
auxiliaires à laquelle les ministres ont répondu, nous
amène aujourd'hui à faire ces ajustements en ayant d'autres
méthodes que le recours aux maîtres auxiliaires. Il y a à
la fois le meilleur calibrage des concours et un dispositif que devrait offrir,
à mon avis, à partir de cette année la meilleure
conception du mouvement.
Le mouvement se fera en deux étapes : une étape
inter-académique, basée sur appréciation des flux
d'entrée dans les académies et une étape
intra-académique avec les affectations. En avril, nous disposerons d'une
connaissance assez fine de notre potentiel pédagogique. Nous
connaîtrons deux variables : la demande des établissements en
cours d'élaboration et le mouvement inter-académique, plus
exactement le potentiel pédagogique. Nous pourrons apprécier
discipline par discipline l'écart qui existe entre le potentiel dont
nous disposons et les demandes des établissements telles qu'elles
apparaissent en mars.
Nous disposons d'un mois pour faire un exercice avec les établissements
consistant à rediscuter leur structure pédagogique et à
voir les évolutions possibles. Avec une dotation de 600 heures, un
collège dispose d'heures-poste, par groupement de 15 ou de
18 heures, de service des enseignants et d'heures supplémentaires.
Des possibilités d'adaptation dans les établissements consistent
à donner un peu plus d'heures supplémentaires que la moyenne aux
enseignants des disciplines déficitaires. On augmente ainsi le rendement
d'un poste dans une discipline dans laquelle nous manquons de potentiel et on
diminue la charge en heures supplémentaires des enseignants dans les
disciplines au contraire excédentaires, en diminuant ainsi leur
rendement.
Cet exercice a une limite, mais dans un collège qui a 600 heures de
dotation globale d'enseignement, faire un ajustement de 1 % égal
représente 6 heures. Par exemple, cela peut signifier 2 heures
supplémentaires en moins en physique et 2 heures de plus en
mathématiques. Cela se discute avec les enseignants qui acceptent de
céder une heure supplémentaire que d'ailleurs ils ne souhaitaient
peut-être pas garder. Dans mon académie, qui compte 330
établissements, 330 fois 6 heures, cela donne 110 services
à 18 heures qui me laissent une possibilité d'ajuster
à hauteur de 110 postes.
L'exercice n'était pas possible jusqu'à présent car nous
ne connaissions la réalité de l'offre pédagogique que fin
août, au moment où la rentrée est complètement
bouclée. Même dans ces conditions, lors de la dernière
rentrée, nous avons constaté au dernier moment que notre
potentiel en mathématiques serait plus important que celui que nous
attendions et qu'au contraire, en physique, il serait légèrement
inférieur. En clair, nous manquions d'une dizaine de professeurs de
physique et nous avions une dizaine de professeurs de mathématiques pour
lesquels nous ne pouvions pas trouver de service. J'ai réuni les chefs
d'établissement le 26 août pour leur exposer la situation,
à savoir que toute remontée d'une demande d'une fraction de poste
dans la discipline de physique et tout retrait de demande de poste de
mathématiques seraient bienvenus.
Le problème a été résolu. Ceux qui en avaient la
possibilité ont réuni les professeurs de mathématiques et
de physique pour leur expliquer que s'ils arrivaient à faire absorber
aux physiciens 9 heures supplémentaires de plus et au contraire,
faire rendre aux mathématiciens 9 heures supplémentaires,
qui seraient transformées en heures-poste, seraient demandés un
demi poste de mathématique en plus et un demi poste de physique en
moins. L'effet a joué sur un nombre suffisant d'établissements
pour que nous puissions ajuster.
Comme je pensais que vous m'interrogeriez dans les fonctions de recteur
d'académie, je voulais vous faire part de ce qui me paraissait
être l'enjeu premier de la gestion des personnels au niveau d'une
académie. Au-delà des améliorations des prévisions
en termes de recrutement, il s'agit d'avoir une mécanique d'ajustement
plus qualitative, mieux adaptée à la préparation d'une
rentrée. Je crois que le nouveau mouvement en deux étapes nous
permettra, entre la fin du mouvement inter-académique en avril et le
début des affectations intra-académiques du mois de juin, d'avoir
une période supplémentaire de dialogue avec les
établissements. Cela permettra à la marge des évolutions
des besoins tels qu'ils sont exprimés dans chaque établissement,
mais dont l'addition au niveau de l'académie peut nous permettre
d'ajuster de façon plus précise la demande des
établissements par rapport à la réalité de notre
offre pédagogique.
M. le Président -
Je voudrais apporter une
précision. Nous avions souhaité vous entendre aussi parce que
nous savons que le ministre vous a chargé d'une mission sur les
conditions de travail et de vie des personnels enseignants. Votre
expérience de recteur d'académie nous est évidemment
précieuse, mais nous avons aussi pensé à ce travail dont
vous êtes chargé.
Nous souhaitons que vous puissiez nous préciser l'objet et les objectifs
de votre mission, que vous nous donniez quelques indications sur la
façon dont elle se déroule, les thèmes abordés.
Nous aimerions savoir si vous pensez, dans votre rapport final, devoir faire
des propositions de nature à réformer la gestion des personnels
enseignants.
M. Daniel Bancel
- Je pense pouvoir vous
répondre sur la première partie. Sur la seconde, cela me
paraît plus difficile car nous sommes tout à fait au début
de nos travaux.
La mission confiée par le ministre porte sur les conditions de travail
et de vie des enseignants. Dans sa lettre de mission, le ministre montre un
intérêt particulier aux professeurs de lycée, mais la
mission portera sur l'ensemble des enseignants. L'attention particulière
pour les professeurs des lycées sera liée à la
coïncidence de calendrier puisque, parallèlement à la
réflexion que m'a confiée le ministre, des évolutions dans
les pratiques pédagogiques sont en cours dans les lycées.
La lettre de mission reste néanmoins très large. Ma
première lecture s'est faite d'abord dans le sens d'apporter des
réponses concrètes à des interrogations, des demandes des
enseignants qui paraîtraient légitimes à travers un travail
que je ferai. Il est à noter que les enseignants voient leurs conditions
de travail évoluer de façon importante en ce moment.
Pour ce travail, j'ai écarté a priori l'idée d'une
consultation après la récente consultation Meirieu qui s'est
déroulée au printemps dernier. Il me paraissait imprudent de
lancer une nouvelle consultation aussi importante. En outre, il y a quelques
risques à une large mobilisation à travers un questionnaire.
Ensuite, ce n'était souhaité par personne.
J'ai préféré adopter la méthode du groupe de
réflexion, du séminaire comme on en rencontre au niveau
universitaire. Je l'ai composé de la manière suivante : il
comporte 16 personnes : 8 sont des experts dont les noms m'ont
été suggérés par les organisations syndicales. Ils
sont là à titre personnel certes, mais aussi en raison de leur
notoriété, ils appartiennent à des organisations
syndicales. Ils apportent leurs réflexions personnelles, mais aussi tout
ce qui a été conduit au sein des organisations syndicales sur
cette question et qui ne manque pas d'intérêt.
Par ailleurs, 8 membres dont je suis, sont plus institutionnels. Je les ai
choisis en fonction de leurs places dans l'institution : un inspecteur
général de l'éducation nationale, un inspecteur
général de l'administration de l'éducation nationale, un
directeur d'IUFM, un proviseur de lycée, un inspecteur
pédagogique régional et un sociologue, spécialiste des
problèmes d'organisation du travail qui est " l'empêcheur de
penser en rond ". De temps en temps, il nous fait remarquer que cela fait
trois fois que l'on répète la même chose sous des formes
différentes et que dans la sociologie d'organisation, c'est sur tel
point que l'on bute.
Nous travaillons sous forme de séminaire : nous nous sommes
réunis la semaine dernière deux jours à Lyon. Nous allons
nous élargir pour travailler en table ronde. Début
février, nous aurons une table ronde de 40 personnes sur
l'incidence des nouvelles technologies de l'information et de la communication
sur les activités et les conditions de travail des enseignants. Pour
certaines questions précises, je n'exclus pas d'avoir recours à
des enquêtes, sous forme d'échantillons, si l'on butait sur une
question pour laquelle on s'aperçoit que l'on n'a pas d'informations
précises et qu'aucune étude ne permet de répondre à
notre question. Je maintiens les contacts bilatéraux avec les
organisations syndicales.
Voilà pour la méthode qui consiste à traiter la question
sous forme d'un séminaire. Cela m'a amené à voir
évoluer la conception de la mission que m'a confiée le ministre.
Je pensais faire la liste des questions méritant aujourd'hui une
amélioration dans les conditions de travail et de vie des enseignants
afin de décider des réponses concrètes. Nous nous sommes
aperçus assez vite que notre travail n'avait pas de sens si nous
n'élargissions pas notre réflexion et que nous ne pouvions
éviter de placer celle-ci dans un contexte d'évolution forte
à la fois du métier d'enseignant et du système
éducatif.
Nous avons consacré deux séances à auditionner des
personnalités qui, de par leurs fonctions importantes pendant
10 ans à l'éducation nationale, ont vu évoluer le
système. Ces experts nous ont permis de mettre en évidence deux
choses : premièrement, le métier d'enseignant a
considérablement évolué ces dernières
années. Certains disent même qu'il n'y a plus un métier
d'enseignant, mais des métiers d'enseignant. Il est très
difficile de comparer les conditions d'enseignement dans un lycée
à l'abri du Panthéon avec celles d'un collège de banlieue.
La tendance générale est donc à la diversification des
conditions d'exercice du métier. Par ailleurs, on s'aperçoit que
la demande de l'institution et des partenaires -ce n'est pas propre à
l'éducation nationale- est une demande d'uniformisation. D'une certaine
manière, la formation des maîtres s'est uniformisée. On
recrute tous les maîtres à bac + 3. Il y a des parties
communes dans la formation.
D'autre part, les statuts des personnels enseignants -il s'agit d'une
revendication permanente- ont tendance à se rapprocher. Ce n'est pas
propre à l'éducation nationale ; dans toutes les
catégories sociales, il y a cette demande forte de statut unifiant.
Enfin, il semble que notre institution renvoyait cette contradiction en
direction des établissements. On dit que l'établissement,
à travers son projet d'établissement, son autonomie
pédagogique, trouvera bien la réponse. Quand on regarde les
conditions de mise en oeuvre, à chaque fois que des propositions sont
faites sur les conditions de travail des enseignants, comme le travail en
équipe, c'est invariablement la même réponse : la mise
en oeuvre se fera à travers le projet d'établissement. C'est le
premier point sur lequel nous sommes tombés d'accord, à savoir
qu'il y avait là quelque chose qui nous paraissait quelque peu
contradictoire.
Je crois pouvoir le dire sans me tromper que la deuxième conclusion de
notre groupe est qu'il nous faudra faire des propositions pour conforter
l'enseignant expert dans la transmission des savoirs et dans les
apprentissages. Une partie aujourd'hui des difficultés que rencontrent
des enseignants -on parle de malaise- est due au fait qu'ils se posent la
question de savoir pourquoi ils sont là. Sont-ils là pour
transmettre des savoirs ? Il faut les confirmer dans leur rôle
d'experts. Cela nous amènera à dire des choses en matière
de formation.
Il y a 10 ans, à la demande du ministre de l'époque, j'avais
conduit la réflexion sur la création des IUFM. Les propositions
faites à l'époque m'ont valu des critiques à la limite de
ce qui est acceptable. J'ai été qualifié de destructeur
des savoirs ; il y a eu des rapports très sévères sur la
création des IUFM, attaques dues à l'affirmation qu'il fallait
renforcer la professionnalisation de la profession, que ce métier
devenait difficile et qu'il supposait une formation au-delà de la simple
maîtrise des savoirs.
J'ai entendu à l'époque que maîtriser une discipline
était largement suffisant ; que la possession d'un savoir
génère sa pédagogie ; qu'il n'y avait pas besoin de
se casser la tête pour savoir comment enseigner. Un jour, devant un
collège international de philosophie 400 philosophes m'ont
traité de tous les noms parce que je préconisais le travail en
équipe. Je demandais que, au-delà de l'enseignement d'une
discipline, un enseignant ait une vision plus globale de sa mission
éducative et qu'il s'intéresse à des problèmes
comme l'orientation, comme la participation à un projet
d'établissement.
A l'époque, c'était complètement hérétique
et je constate qu'aujourd'hui, non seulement c'est admis, c'est demandé,
mais cela fait partie du langage courant. Personne ne récuse aujourd'hui
l'idée que le travail en équipe est partie intégrante du
travail d'enseignant. Une première partie sera de conforter cette
expertise du métier d'enseignant.
Nous avons commencé à travailler sur la référence
disciplinaire. Les enseignants en France ont une forte identité
disciplinaire. Nous n'avons absolument pas l'intention de mettre cette
identité en cause ; nous avons même l'intention de la
renforcer, mais en prenant conscience que ce repère n'est plus un
repère fixe.
Il y a une époque où une discipline, un cursus d'enseignant du
second degré ne bougeait pas. On pouvait enseigner pratiquement sa
discipline du début à la fin de sa carrière sans
évolution importante. Aujourd'hui, sous la pression de
l'évolution des savoirs avec des connaissances scientifiques qui
évoluent très vite, sous l'influence de nouveaux médias de
communication avec les jeunes, et le fait est que les informations arrivent
à nos élèves sous des formes diverses, les disciplines
vont évoluer en permanence.
Pour ne pas gêner les enseignants par rapport à ce repère
qui n'est plus fixe, nous allons préconiser une formation dans laquelle
l'enseignant sera plus acteur de l'évolution de la discipline. Ce n'est
pas quelque chose de statique. Une discipline est une construction, une
façon de transformer les savoirs scientifiques en savoirs tels qu'ils
doivent être enseignés, avec des aspects didactiques,
épistémologiques, pédagogiques.
Les constructions, les méthodes peuvent être différentes
dans d'autres pays. Simplement, il faudra peut-être envisager une
formation moins statique où les instructions déterminent toujours
la méthode d'enseignement d'une discipline, mais où les
enseignants doivent être plus associés à un processus
continu d'évolution.
Nous affirmons aussi, dans un premier temps, que l'enseignant n'est pas un
répétiteur. C'est un concepteur. Donc, sa formation
professionnelle doit lui permettre en permanence de répondre aux
conditions précises de l'enseignement devant une classe. Un enseignant
n'est pas quelqu'un qui arrive dans une classe avec un mode d'emploi. Ce n'est
pas un micro ordinateur qui restitue toujours de la même manière
les mêmes savoirs. Il doit en permanence faire évoluer sa pratique
face à des publics différents. Il est donc concepteur de sa
pratique et non pas répétiteur.
Nous avons travaillé aussi sur le travail en équipe, notion sur
laquelle tout le monde semble d'accord aujourd'hui. Nous ne pensons pas faire
des propositions pour le rendre obligatoire, même si c'est une partie
intégrante du métier, mais nous prévoyons des mesures
incitatives. La démarche serait contractuelle. La mise en oeuvre d'un
travail en équipe ferait l'objet d'un protocole national. La
méthodologie serait définie et précisée au niveau
national. L'établissement ferait des propositions pour mettre en oeuvre
le travail en équipe. Il y aurait contractualisation avec les
autorités académiques, ce qui impliquerait qu'un protocole soit
négocié de façon contradictoire avant sa mise en oeuvre.
Pour qu'il soit évalué, il faut un système
d'évaluation et de constat du service fait.
Il y a des débats au sein de la commission sur cette procédure de
nature contractuelle et contradictoire qui permettrait d'apprécier en
permanence la réalité du travail en équipe. On jugerait de
l'évolution ou non du travail en équipe. Une conception
différente est celle de certains syndicats qui verraient une attribution
forfaitaire aux enseignants pour le travail en équipe : cela
représente tant concernant l'obligation de service.
Nous avons travaillé aussi sur le thème de l'enseignant dans
l'établissement en écoutant des chefs d'établissement.
Cela nous paraît un élément très important qui
tourne autour de trois thèmes. D'abord l'information. Il semble qu'il va
falloir renforcer l'information au sein des établissements. Il y a trop
d'enseignants qui découvrent au bout de 6 mois qu'il y a une
bibliothèque, un lieu de travail, qui savent que le projet
d'établissement tourne autour de tel ou tel axe. Il faudra trouver des
outils pour informer en permanence sur ce qui est la vie de
l'établissement.
Ensuite, il est nécessaire de créer des solidarités
c'est-à-dire ne pas concevoir un établissement comme un lieu
fusionnel où l'on perd son identité, mais un lieu dans lequel un
enseignant en difficulté avec quelques élèves peut
échanger avec les enseignants de la même classe pour savoir par
exemple s'ils rencontrent les mêmes difficultés. Il faut donc que
se constitue une vision solidaire de l'équipe éducative.
En tant que recteur d'académie, je suis frappé de voir comment,
dans la quasi totalité des cas, des problèmes peuvent surgir dans
les établissements quand il n'y a pas de solidarité et de
cohérence au sein de l'équipe éducative. Quand il y a des
tensions au sein de l'équipe, par exemple entre le chef
d'établissement et une partie de l'équipe pédagogique, ou
au sein même de cette équipe pédagogique,
immédiatement, les élèves s'en aperçoivent.
Donc, c'est le troisième terme que l'on va développer :
celui de cohérence et de permanence, -j'entends permanence du service
public. A titre d'exemple, il nous faudra trouver des modalités pour
que, d'une année sur l'autre, un élève ne passe pas d'une
notation de 14 sur 20 à 8 sur 20 dans une discipline sans que rien ne le
justifie dans la qualité de son travail. Donc, on vise à ce qu'il
y ait, en terme d'évaluation, une cohérence et une permanence au
sens de permanence du service public. Aujourd'hui, les élèves
n'admettent plus que dans une discipline, en n'ayant aucun changement, on
puisse avoir un travail qui était apprécié une
année 14 sur 20 et l'autre année 8 sur 20.
C'est une question difficile. A titre expérimental, dans
6 lycées de l'académie de Lyon, j'ai lancé des
équipes de discipline qui ont travaillé sur la notation et sur
l'attribution d'un même sens aux appréciations dans un livret
scolaire. Que veut dire :
"peut mieux faire"
par exemple ?
Cela a pris toute l'année. Les enseignants ont été
passionnés. Il n'y a pas eu besoin de rappeler que la réunion
avait lieu tel jour à telle heure. Il y a eu participation permanente.
L'établissement n'est pas un espace fusionnel, espèce de
communauté dans laquelle l'individu disparaît, mais un endroit
où circule l'information, où se crée des
solidarités indispensables dans certaines situations et dans lequel il y
a cohérence vis-à-vis des élèves. Il convient
qu'ils aient à faire aux mêmes évaluations et aux
mêmes appréciations pour des faits identiques.
Ensuite, nous allons commencer à aborder le parcours professionnel. Nous
allons reprendre la formation initiale, la formation continue, la gestion de la
carrière, la mobilité, la prévention des
difficultés.
D'une manière très générale, je pensais que cette
mission connaîtrait une conclusion assez rapide autour de réponses
concrètes à des questions bien identifiées, alors que nous
en faisons une réflexion sur plusieurs questions avec un fil conducteur
qui est l'enseignant dans sa classe, dans une équipe, dans son
établissement, dans son parcours professionnel au sein de l'institution.
M. le Président -
Nous vous remercions pour ce
double exposé. La parole est au rapporteur adjoint.
M. André Vallet, rapporteur
adjoint
- Nous avons posé une question sur la bivalence,
qui suscite un certain intérêt dans cette commission, à
d'autres personnes auditées. Considérez-vous, vous aussi, qu'il
serait souhaitable de mettre en place la bivalence, voire la polyvalence, au
moins dans les collèges et au moins pour les petites classes de ces
collèges ?
En ce qui concerne la gestion des emplois -puisque c'est l'une des missions
principales de notre commission- pouvez-vous nous assurer aujourd'hui que dans
l'académie que vous dirigez, vous connaissez exactement le nombre, le
nom, les affectations des fonctionnaires de l'éducation nationale qui
travaillent dans votre académie ? Y a-t-il des postes
éducation nationale qui vous échappent, qui sont financés
directement par le ministère ou autrement ? Avez-vous une vue
totale, globale et complète des postes éducation nationale de
votre académie ?
Il a été évoqué -cela vous préoccupe aussi-
le problème des remplacements et des maîtres auxiliaires. Pour ces
derniers, la tendance ministérielle nous indique que cela va
disparaître. Cependant, de nombreux intervenants ont indiqué que
ce n'était pas possible et que le maintien des maîtres auxiliaires
était une nécessité pour organiser les remplacements, mais
aussi pour permettre à certains établissements de fonctionner.
Le problème des heures supplémentaires a également
été évoqué. Pensez-vous, comme le réclament
à cor et à cri les syndicats, que les heures
supplémentaires peuvent être transformées en postes
effectifs ? Peut-on diminuer fortement les heures
supplémentaires ?
Vous avez aussi évoqué le problème de la
déconcentration du mouvement des enseignants du second degré. A
votre avis, est-ce une bonne chose qui permettra de rationaliser les
emplois ? Enfin, pensez-vous que les concours de recrutement devraient
être également déconcentrés ? Est-ce une
avancée nécessaire ? Participez-vous, en tant que rectorat,
à la détermination du nombre de postes qui sont mis au
concours ?
M. le Président -
Quels sont les rôles
respectifs des recteurs, des inspecteurs d'académie et des
trésoriers-payeurs généraux dans l'affectation et le
contrôle des emplois ? Nous avons aussi entendu des intervenants qui
se sont étonnés des difficultés de l'éducation
nationale à gérer l'entreprise éducation comme on le fait
d'une autre entreprise, en prévoyant les départs en retraite, les
besoins que ceux-ci généreront, avec une vision pluriannuelle de
la politique à mener. Pourtant, jusqu'ici le recrutement continue
à se faire année après année, avec des postes qui
sont mis aux concours et qui ne sont guère prévisibles d'une
année sur l'autre. Les variations des concours de recrutement du CAPES
et de l'agrégation en donnent actuellement l'illustration. Pourriez-vous
nous donner votre sentiment sur ce point ?
M. Daniel Bancel
- Sur la déconcentration des
recrutements, je ne pourrais pas vous dire que ce n'est pas une bonne
idée puisque le ministre m'a demandé de diriger le comité
de pilotage de la déconcentration. C'était absolument
indispensable, pour une raison simple qui n'est contestée par personne.
Qu'est-ce qu'un mouvement ? C'est un rapprochement entre les besoins du
service public et les voeux d'affectation des personnels. La première
question à se poser, avant même de savoir s'il doit être
concentré ou déconcentré, est de savoir s'il existe un
moment où ce rapprochement est optimal.
Il y a deux logiques contradictoires : la logique de l'institution est de
retarder au maximum ce mouvement car la rentrée est
définitivement prête la veille de la rentrée.
L'idéal serait de faire le mouvement des enseignants pendant la nuit qui
précède la rentrée. Ils apprendraient à minuit
qu'ils sont affectés à tel ou tel établissement ; dans la
nuit, ils scolariseraient leurs enfants et retrouveraient un appartement pour
être présents le lendemain matin à huit heures dans le
nouvel établissement. Cela serait parfait pour nous Il n'y aurait aucune
erreur.
La deuxième logique est celle des personnels qui souhaitent
connaître le plus longtemps à l'avance leur affectation de
façon à avoir le temps de gérer les problèmes. Si
l'on veut bien dire que c'est la base d'un mouvement, il y a un moment
optimal : la première quinzaine de juin. On s'aperçoit que
l'on gagne peu en informations sur la rentrée après le mois de
juin. On connaît toutes les mesures individuelles, départs en
retraite, congés, CPA, CFA, etc. L'orientation au niveau
macro-économique est assez bien connue. Il n'y a que les
résultats du bac qui manquent, mais ce n'est gênant en termes de
structure pédagogique que quand il n'y a des résultats atypiques
dans une série. Quand, dans une série, on a un échec
massif des candidats, il faut créer alors quelques classes
supplémentaires. Mis à part les aléas d'un
établissement à un autre, on sait gérer les redoublements.
Si on peut affecter les enseignants en juin, on s'aperçoit bien que
connaître son affectation à cette période donne le temps de
scolariser ses enfants, de rechercher un logement au mois de juillet où
les opportunités sont plus nombreuses que fin août. A ce
moment-là, si on veut faire l'affectation des personnels en
première quinzaine de juin, on doit abandonner le mouvement national. On
ne peut faire 150 000 affectations en 15 jours au niveau
national. Sauf à faire disparaître le paritarisme et à
considérer que l'ordinateur donne l'affectation, et qu'ensuite ses
résultats ne soient pas contestés !
Si on fait ces opérations au niveau des 30 académies, il y a
plus de 5000 dossiers à traiter en 8 ou 10 jours, dont
10 % de dossiers difficiles. La plupart sont évidents. On a
80 dossiers par jour à étudier, dans la transparence et la
concertation. Si on veut faire les affectations en juin au niveau des
académies, il faudrait que, en amont, le mouvement inter
académique se fasse au printemps sur la base d'une prévision des
flux par académie : on apprécie niveau par niveau,
discipline par discipline et besoins d'enseignements ; on les corrige des
départs à la retraite avec les règles habituelles de
prévision. De cette façon, on donne les droits d'entrée
dans l'académie qui sont le solde positif ou négatif au terme du
mouvement.
Donc, grande discipline par grande discipline, on fait une approche
macro-économique au niveau de l'académie. On sait qu'une bonne
approche macro-économique est toujours préférable à
une somme de micro-prévisions. On sait très bien prévoir
dans une académie, à quelques unités près, les
besoins en enseignants d'une discipline d'une année sur l'autre. Ce
mouvement se fera en deux temps, et entre les deux, on aura une
possibilité d'ajustement.
Cela n'a rien à voir avec les concours de recrutement. A titre
personnel, je pense qu'ils doivent rester des concours nationaux. Lorsque je
m'étais occupé des IUFM, c'est quelque chose que l'on m'avait
suggéré de préconiser : des concours de recrutement
au niveau académique. Je m'y suis tout à fait opposé. Le
standard national de recrutement est important. C'est dans notre culture et
c'est très important. Cela n'a pas forcément à voir avec
les contraintes de mobilité. Un concours de recrutement n'impose pas
pour autant aux candidats de Marseille d'aller faire leurs années
à Lille, à ceux de Lille d'aller à Créteil et ceux
de Créteil d'aller à Strasbourg. Il y a une contrainte de
mobilité actuellement qui n'est au bénéfice de personne.
Il doit y avoir une mobilité minimale.
Sur le nombre de postes, nous sommes consultés à travers les
informations que nous faisons remonter sur l'évolution des structures,
mais c'est le ministère qui traite ces informations.
Faut-il des maîtres auxiliaires ou pas ? Je m'inscris en faux. Je
prétends que notre système serait parfaitement en mesure de
fonctionner sans maîtres auxiliaires. C'est une solution de
facilité. C'est l'objet d'une politique constante dans l'académie
de Lyon. Vous avez peut-être remarqué qu'au moment où l'on
avait parlé dans la presse du chômage des maîtres
auxiliaires, l'académie de Lyon avait le taux de chômage le plus
faible en France. Affirmer la nécessité des maîtres
auxiliaires est une position qui n'est pas défendable. C'est à la
limite une facilité de gestion.
Dans l'académie de Lyon, on ne recrute pratiquement pas de maîtres
auxiliaires. Je n'en ai pas recruté pendant deux ans. J'ai
été obligé d'en engager un ou deux cette année
devant la carence du recrutement en sciences de la vie et de la terre puisque
le ministère ne nous a pas envoyé assez d'enseignants. Nous avons
recours à un système de vacation, conçu comme une aide aux
études. Quand nous avons un service de 18 heures à faire
dans l'agglomération lyonnaise pendant trois mois, je m'adresse à
mes collègues, présidents d'université ou directeur de
l'école normale supérieure.
Des étudiants, très avancés dans leurs études
-maîtrise, troisième cycle- se partagent ce service. Trois
étudiants prennent chacun six heures et assurent le service. Je n'ai
aucune protestation. L'avantage est qu'ils sont vacataires. Si au bout d'une
semaine, on s'aperçoit qu'ils ne sont absolument pas aptes à
enseigner, on les remercie. Il n'y a aucun engagement. Il n'y a pas de
contestation des parents. Pour l'étudiant, c'est
intéressant : à raison de six heures par semaine, s'il fait
200 vacations dans l'année avec un taux net de 200 francs, il
touche 40 000 francs dans l'année. Pour payer ses
études, il n'a pas besoin d'aller s'embaucher dans des
supermarchés le samedi, ni d'aller décharger des camions au
marché. Il a des revenus qui lui permettent de faire ses études.
La principale différence avec les maîtres auxiliaires est que le
vacataire, étudiant de troisième cycle ou en maîtrise, a
encore l'ambition de réussir un concours d'enseignement. Là, il
se rode. Pendant ses études, il prend contact avec le métier.
Ensuite, il a l'intention de rentrer à l'éducation nationale en
réussissant les concours. La différence avec un maître
auxiliaire est que ce dernier a renoncé à réussir un
concours et pense bien qu'après quelques années en tant que
maître auxiliaire, on l'utilisera dans un dispositif quelconque.
Dans l'académie, on recrute quelques contractuels dans les disciplines
technologiques et professionnelles. Ce n'est pas pareil. Récemment, un
spécialiste d'ébénisterie à la suite d'un accident
a dû se faire soigner le genou, il m'a fallu trouver un professionnel.
J'ai recruté un contractuel. Mais on recrute le minimum de maîtres
auxiliaires. Les possibilités de remplacement de l'académie sont
affectées dans les zones excentrées par rapport aux centres
universitaires. Je ne peux pas solliciter des étudiants à Oyonnax
ou dans l'est de l'Ain. Je réserve le potentiel de remplacement dont je
dispose pour les zones excentrées. Sur Saint Etienne et sur Lyon, on
recrute au maximum des vacataires.
Le dispositif d'ajustement de l'offre et de la demande dont nous disposerons
grâce au nouveau mouvement s'accompagnera donc d'une politique qui serait
d'avoir plutôt recours pour des remplacements de faible durée
à des étudiants qui prennent ainsi contact avec le métier.
Je n'ai pas de contestation lorsque je nomme un agrégatif de
l'école normale supérieure ou de l'université pour faire
encadrer deux classes de collège à raison de trois heures par
semaine dans chaque classe. Je n'ai jamais eu de contestation au niveau
pédagogique. Il est en général très bien
reçu par l'équipe des enseignants. On l'aide. En trois mois, il
prend contact avec son futur métier. Cela se fait souvent.
Les HSA sont une variable d'ajustement indispensable. Avec des services
d'enseignement à 15 ou 18 heures, on ne peut pas réaliser
toutes les obligations d'enseignement. Il y a des nombres d'heures à
assurer qui ne sont pas des multiples de 15 ou 18. Il faut bien un minimum. On
a eu tort d'abuser des heures supplémentaires.
Je suivrai certaines personnes pour dire que le nombre des heures
supplémentaires est peut-être excessif aujourd'hui. Il faut les
réduire, mais on aura toujours besoin d'un volant d'heures
supplémentaires. S'il y a 19 heures à assurer, je ne vois
pas comment faire autrement que de les confier à un certifié qui
fait 18 heures en lui demandant de faire une heure supplémentaire.
On ne peut pas priver les élèves d'une heure ou faire venir un
enseignant juste pour une heure.
Les recteurs et les inspecteurs d'académie gèrent les postes.
Pour ce qui relève du trésorier payeur général, je
peux vous donner la situation dans l'académie de Lyon. On
considère à juste titre que notre gestion est bonne. Je ne suis
pas peu fier que l'académie de Lyon n'ait aucun surnombre
budgétaire et n'ait jamais dépassé le caractère
limitatif de ses crédits. C'est une orthodoxie absolue. Dans cette
académie, les gestionnaires savent que c'est votre pouvoir de voter le
budget. Comme je dis parfois aux syndicats, le recteur n'est plus un fermier
général. Depuis 1789, les fermiers généraux
n'existent plus. Je ne me sens aucune compétence à
prélever l'impôt. Ce que la représentation parlementaire
souveraine nous a attribué en postes et en crédits, nous le
respectons. C'est pour cette raison qu'avec le TPG qui connaît la
situation, je n'ai aucun problème.
Quitte à paraître présomptueux, je crois que je connais la
situation de toutes les mises à disposition de toute l'académie.
Il y en a trois qui ne sont d'ailleurs pas de vraies mises à disposition
mais des mi-temps : un mi-temps auprès de l'observatoire de Lyon
car, depuis cette rentrée, nous préparons avec l'observatoire
toute une série d'actions pédagogiques pour faire
bénéficier les élèves de l'académie de
visites et de produits pédagogiques. Une personne travaille à
mi-temps à la direction régionale des affaires culturelles pour
monter toutes les opérations. Une autre travaille auprès de
l'institut d'urbanisme et d'architecture avec lequel nous faisons des
opérations. Il y en a une aussi auprès de la maison des enfants
d'Izieu ; elle travaille avec le musée d'Izieu à la
définition de produits pédagogiques, de protocoles de visites. Ce
ne sont pas des mises à disposition ; ce sont des enseignants qui
passent une partie de leur activité à l'extérieur de la
maison éducation nationale, toujours avec cette logique de
préparer un partenariat fort en matière pédagogique.
Sur la bivalence, c'est une question délicate. D'abord, cela ne peut
avoir de sens qu'au niveau pédagogique. C'est une erreur de l'aborder en
termes de gestion. Je vous le disais au début : notre
réflexion porte sur la définition des champs disciplinaires avec
une vision non statique.
Certaines bivalences peuvent être intéressantes et à la
limite, être demandées par les enseignants. Si c'est autour de
cette approche pédagogique, ce sont des questions qui peuvent être
intéressantes. Si on le conçoit en termes de gestion, cela va
à l'encontre de ce que pense notre commission dans le fait de ne pas
avoir une vision statique de la discipline. Que cette vision statique soit
univalente ou bivalente, elle reste statique.
Cela dit, il est clair que si l'on fait une vision non statique de nos champs
disciplinaires, il faudra peut-être un jour s'intéresser à
des questions toutes simples : pourquoi en France la physique - chimie
est-elle considérée comme une valence, alors que pourraient tout
aussi bien l'être la chimie et la biologie ? On pourrait très
bien rapprocher la géographie, qui est une géographie physique,
des sciences de la vie et de la terre.
S'il s'agit de ces types de conception, c'est-à-dire reconstruire les
champs disciplinaires en fonction de l'approche pédagogique et de
l'approche scientifique, cela me paraît intéressant et de nature
à ouvrir des possibilités et des souplesses pour les petits
établissements. Si on en fait une règle de gestion en imposant
une valence artificielle, à mon avis, on ira inutilement à
l'encontre de ce que souhaitent les enseignants. De plus, l'approche
gestionnaire me paraît extrêmement réductrice et risque de
renforcer le caractère trop statique de nos champs disciplinaires.
M. le Président -
S'il n'y a plus d'autres
questions, je vous remercie. Si vous avez des documents ou des
éléments complémentaires à apporter à la
commission, nous vous serions reconnaissants de nous les faire parvenir. Nous
avons six mois pour rendre notre rapport qui sera donc achevé au
début du mois de mai.
M. Daniel Bancel
- Si j'ai rendu mon rapport au
ministre avant cette date, et avec son accord, je me ferai un plaisir de vous
en envoyer un exemplaire.