CONCLUSION
Le
traité d'Amsterdam offre en quelque sorte, une nouvelle lecture du
traité de Maastricht, plus précise, plus constructive, permettant
d'en corriger certains malentendus et d'en affiner certains concepts. Le
bénéfice qui en résultera pour la politique
extérieure dépendra de la façon et de la volonté
d'utiliser ses dispositions. Il peut être excellent ; il peut aussi
n'être qu'un élément bureaucratique de plus.
Une PESC rénovée naîtra si l'on parvient à
convaincre quinze Etats, jusqu'alors maîtres de leur diplomatie et que
des intérêts autrefois divergents n'incitent pas
spontanément à l'union, à parler et agir ensemble. Il faut
faire progresser l'idée qu'une conception aussi nationale des relations
extérieures ne se justifie plus aujourd'hui et être conscient que
l'élargissement de l'Union à d'autres membres peut rendre les
choses plus difficiles encore si la situation n'évolue pas.
Il n'y aura pas de PESC tant que les "grands " Etats membres refuseront
de traiter à quinze les sujets les plus importants - situation dans les
Balkans, au Moyen-Orient ...- et tant que les " petits " ne verront
dans la PESC qu'un moyen de contrôler la politique
étrangère menée par les autres.
Il appartient à chacun de jouer le jeu
avec
sincérité
: un échange honnête
d'informations et de conviction doit exister de la part des plus grands
Etats ; de leur côté, les petits Etats doivent admettre que
la PESC ne peut se préoccuper de l'ensemble des événements
mondiaux sans risquer de se transformer en un exercice purement
déclaratoire et totalement dénué d'efficacité. Il
faut accepter d'aborder en priorité les sujets pour lesquels
l'Union,
dans son ensemble, possède un intérêt indiscutable à
développer une politique commune
et a la volonté d'y mettre
tous les moyens qui sont à sa disposition : la stratégie
commune " Russie " constituera, en ce sens, un test décisif
pour l'avenir de la PESC. Le même effort de concentration doit être
au coeur des objectifs de l'unité de planification et du Haut
représentant pour la PESC.
Il n'est pas question pour autant d'oublier l'histoire propre à chaque
Etat membre : il faut au contraire qu'elle soit connue et comprise par ses
partenaires, car elle explique les relations privilégiées
qu'entretient l'Allemagne avec l'Europe centrale, la France avec les pays du
Maghreb, le Portugal avec le Brésil ou la Finlande avec les Etats
baltes. La diversité des situations a longtemps été un
handicap pour forger une idée commune de la politique
étrangère de l'Union. Elle peut aussi être un atout si l'on
sait et si l'on veut s'appuyer sur la richesse
du réseau de relations
tissé entre l'Union et toutes les autres parties du monde.
Elle doit également conduire à l'acceptation d'une certaine
" division des tâches "
: ainsi, pour la Russie, un
rôle particulier s'imposera probablement pour l'Allemagne, la France, le
Royaume-Uni et la Finlande suivant la nature des sujets concernés par la
stratégie commune et en cohérence avec les objectifs et le
programme de travail précisément définis au Conseil
européen. Le rôle de la communauté, et donc de la
Commission, sera également essentiel.
Sans son implication, la
stratégie commune de l'Union sera amputée d'un
élément fondamental
: le traité d'Amsterdam est,
sur ce point, bien écrit, puisque le Président de la Commission
est membre de plein droit du Conseil européen à qui appartient la
décision.
La politique étrangère européenne n'est pas à
inventer entièrement aujourd'hui : elle s'appuie sur un acquis
d'expériences, de pratiques, de concertations. C'est pourquoi
désormais, l'initiative personnelle d'un Etat membre peut être
perçue comme un manque de solidarité vis-à-vis de ses
partenaires -ce fut le cas lors de la reconnaissance de la Croatie et de la
Slovénie par l'Allemagne. C'est pourquoi on constate que les Etats
membres ont acquis une sorte de " réflexe européen "
qui les conduit à une convergence de vote, au sein de l'Assemblée
générale des Nations Unies, dépassant les 90 %.
Les progrès enregistrés en matière de défense
commune semblent désormais irréversibles
. Ils ne rendent que
plus urgente la recherche de points de vue communs sur les régions
périphériques de l'Union, sans lesquels celle-ci aurait le plus
grand mal à utiliser ses nouveaux moyens de défense. Le
débat sur la défense sera, sans nul doute, l'un des thèmes
dominants des prochains mois et des prochaines années en Europe.
Enfin, et c'est là un point essentiel, l'élargissement de l'Union
rendra indispensable
l'utilisation de la majorité qualifiée
dans la PESC
. Si tel devait être le cas, il n'est toutefois pas
concevable de maintenir les pondérations actuelles des voix au sein du
Conseil dans une Europe élargie où des coalitions de pays membres
peu peuplés pourraient l'emporter sur une alliance entre les principaux
Etats de l'Union. Seule une repondération substantielle des voix au
Conseil pourra empêcher que les nouvelles facultés d'utilisation
de la majorité qualifiée prévues par le traité
d'Amsterdam ne restent lettre morte.
Avec un grand projet et une volonté sincère et véritable,
les Etats membres sont parvenus à concevoir, ensemble, l'idée
d'une monnaie unique. On veut croire qu'ils mettront la même
détermination à élaborer une politique
étrangère et de sécurité commune. Et si aujourd'hui
le traité d'Amsterdam peut faire progresser l'Union dans un seul
domaine, c'est bien celui-là.