b) Les difficultés du courtage français
La
croissance des sociétés de courtage d'assurance accompagne la
croissance et l'internationalisation de leurs clients (les entreprises) et de
leurs fournisseurs (les assureurs) et, comme on assiste à une course
à la taille critique, justifiée ou non, des compagnies
d'assurance, on assiste à une course à la taille des grands
courtiers internationaux.
A l'occasion de cette concentration internationale par fusions et
acquisitions, la plupart des grandes sociétés de courtage
françaises est passée sous contrôle étranger, au
grand dam d'une partie de leur grande clientèle qui souhaite
protéger leur entreprise contre les ressources multiples de
l'intelligence économique, dont les courtiers peuvent être les
agents efficaces étant donné l'ampleur et la qualité des
informations qu'ils détiennent.
Le même phénomène s'observe dans le courtage
français de réassurance, qui est de plus en plus international
dans son activité, et a été éprouvé par la
baisse des taux de ses commissions et n'a pas encore su acquérir des
positions solides dans le domaine de la réassurance
" facultative "
184(
*
)
.
Si ce contrôle est certes fluctuant et susceptible d'évoluer dans
un autre sens à terme, il ne va pas sans laisser un légitime
sentiment d'amertume dans la profession, notamment à l'égard des
règles fiscales françaises qui ont donné, en la
circonstance, un avantage certain au courtage anglo-saxon, qui domine le
courtage au niveau mondial (bien que le courtage français soit le
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e
au plan mondial, il ne représente que 30 % du
courtage britannique, traditionnellement très développé
dans l'assurance du transport notamment).
En effet, alors qu'il est possible à une société de
courtage américaine d'amortir en trois ans le coût
d'acquisition d'une société de courtage ou du portefeuille de
clientèles qu'elle rachète, cela est tout à fait
impossible en France. Ce qui est fiscalement logique du point de vue des
règles françaises aboutit en l'espèce, par le biais d'une
concurrence fiscale très forte, à un avantage compétitif
décisif pour le courtage anglo-saxon, qu'il serait bon de regarder de
près, même si le mal est largement fait.
Or la spécificité du courtage français, qui n'est pas
selon la Fédération des courtiers d'assurance " de vendre
des contrats mais d'être un conseil en achat de contrats d'assurance pour
son client ", mérite d'être défendu dans
l'intérêt des entreprises. A la différence des courtiers
anglo-saxons, qui sont de purs vendeurs et qui n'ont que le souci du vendeur,
le courtage français est caractérisé par une
spécificité de gestion en vertu de laquelle non seulement il
émet les primes d'assurance, gère les encaissements et les
relances, mais est aussi celui qui assure, comme le fait l'agent
général, la gestion des sinistres et s'occupe du client en
continu en cas de survenance du risque couvert. Il a, par rapport au
" broker ", le souci global de son client, et cela d'autant plus que
la profession de " risk manager " n'est pas encore très
développée dans les entreprises françaises.
Cette spécificité est méritoire, mais elle est
coûteuse et lourde à gérer, surtout comparativement, pour
les courtiers. Elle se traduit par une moindre rentabilité du courtage
français et donc par une moins bonne capacité d'autofinancement
et de développement des sociétés de courtage
français. Mais elle représente un service beaucoup plus important
pour le client que les courtiers français sont susceptibles de pouvoir
valoriser commercialement dans un contexte d'interpénétration des
marchés nationaux européens.
On notera que le marché français est encore presque
exclusivement fondé sur des prestations de courtage à la
commission proportionnelle aux primes d'assurance, ce qui handicape les
intermédiaires en période de baisse des prix. Le marché
américain par exemple est davantage ouvert à des prestations sur
honoraires, alors même que les courtiers font face à la
concurrence des grandes mutuelles sans intermédiaires
spécialisés dans le risque industriel.