V. ASSURANCE PUBLIQUE ET ASSURANCE PRIVÉE DANS LE DOMAINE DE L'ASSURANCE-MALADIE : QUELLES ÉVOLUTIONS POSSIBLES ?
Partant d'un constat, désormais général, de défaillance prévisible du système publique d'assurance contre le risque maladie (5.1), plusieurs scénarios d'évolution possible sont envisageables dans les rapports de l'assurance privée et de l'assurance publique allant d'une coopération organisée entre la Sécurité sociale et l'assurance, telle que celle proposée par le groupe AXA avec son projet de réseau médical d'assistance jusqu'au projet radical de mise en concurrence des caisses d'assurance-maladie avec les compagnies d'assurance et les mutuelles par l'assurance au premier franc du risque maladie, en passant par le modèle espagnol d'addition des systèmes d'assurance publique et privée entraînant la double cotisation pour la majorité des assurés (5.4). On examinera auparavant le rôle actuel de l'assurance privée dans l'architecture des systèmes d'assurance santé de plusieurs pays reflétant la diversité des situations nationales (5.2). L'expérience américaine, ses limites et ses évolutions récentes, est également instructive (5.3).
A. " UN BILAN QUI OBLIGE À UNE REFONTE DU SYSTÈME "150( * )
Tel est
le titre de la première partie de l'article de
l'Encyclopédie de l'assurance sur l'assurance-maladie de
Gilles Johanet, ancien directeur de la CNAM.
Au-delà, en effet de " réussites incontestables " :
- élargissement au plus grand nombre de l'accès aux soins,
- progression de la consommation de soins,
- allongement de l'espérance de vie,
- très bon niveau de d'offre de soins en quantité et en
qualité (non indépendant d'une assurance-maladie obligatoire),
lesquelles sont cependant " tout à fait comparables dans leur
ampleur à celles obtenues par les autres pays
développés ", il existe, selon Johanet, des
" échecs patents ", qui doivent également être
soulignés :
- coût élevé de la santé en France (avec
10 % du PIB consacré aux dépenses courantes de santé,
la France se situe au troisième rang mondial après les
Etats-Unis et l'Allemagne)
151(
*
)
, dont l'évolution
réelle entre 1981 et 1995 s'élève à 4,8 % par
an, alors que la moyenne de l'Union européenne est proche de 2,5 %),
- " absence quasi-totale de transparence " sur la qualité
des soins rendant le principe d'égalité d'accès aux soins
très largement théorique,
- inégalité croissante de la consommation de soins entre
catégories socio-profesionnelles,
- inégalité croissante dans la tendance de baisse de la
natalité (" entre 1981 et 1983 et entre 1989 et 1991, la baisse de
la mortalité des adultes âgés de 25 à 64 ans a
été dix fois plus rapide chez les cadres supérieurs
et professions libérales que chez les ouvriers et
employés ", p. 589).
En bref, en dépit d'un satisfecit national " glorifiant " sur
le meilleur système de Sécurité sociale, le rapport
qualité-prix du système français de santé et de
financement des dépenses de santé est
" régulièrement décroissant ".
Le système de Sécurité sociale reste donc à
réformer, en dépit et au-delà des nombreuses tentatives
rhétoriques pour le faire. En effet, toujours selon Johanet,
" durant cinquante ans, l'Etat s'est avéré incapable de
définir et mettre en oeuvre une régulation administrée qui
soit efficace ". Et si " la spécification essentielle du plan
de réforme amorcé le 15 novembre 1995 par
Alain Juppé, Premier ministre, est de reconnaître que le
vieux système, instauré en 1945, était mort ", le
plan Juppé, qui " a fait (ainsi) le vide " n'a pas
réussi " pour autant à le remplacer par un nouvel ensemble
cohérent (idem, pp. 592-595). Le cercle de l'irresponsabilité
décrit depuis longtemps de manière humoristique par
Béatrice Majnoni d'Intignano
152(
*
)
, comme " nous consommons, ils
prescrivent, elle paye " n'est toujours pas rompu.
Il est donc impératif, selon Johanet, de :
- " définir une logique de régulation,
- créer des mécanismes de responsabilisation ",
- et de reconfigurer l'ensemble par " l'établissement
inévitable de la concurrence et de la sélection ".