b) Le maintien de cadres juridiques nationaux
Les
directives offraient aux Etats membres la faculté de choisir certaines
options réglementaires. L'originalité de chaque droit national
découlant de cette liberté optionnelle est renforcée par
la liberté laissée aux Etats membres, en application du principe
d'harmonisation des seules règles minimales, de maintenir des
réglementations propres imposées aux opérateurs sur le
fondement de l'intérêt général.
- L'exercice de la liberté optionnelle laissée par les
directives
Certaines des options laissées aux Etats membres étaient communes
aux deux séries de directives, d'autres non.
• Options communes aux assurances vie et non-vie
En matière de contrôle
a priori,
il peut être
noté que l'Autriche, le Danemark, la Grande-Bretagne et les Pays-Bas ne
subordonnent pas l'exercice de l'activité à une approbation
préalable des statuts des opérateurs.
Par ailleurs, l'ensemble des Etats membres a adopté des dispositions
prévoyant la communication aux autorités de contrôle de
tous les documents nécessaires à l'exercice de leurs
contrôles. Ces dispositions sont cependant parfois limitées.
Ainsi, en tant qu'Etat d'origine ou du risque, l'Autriche, l'Italie et les
Pays-Bas n'ont pas prévu la possibilité pour leurs
autorités de contrôle d'obtenir tout renseignement concernant les
contrats détenus par les intermédiaires.
Dans le cas d'un transfert de portefeuille, l'Allemagne, le Danemark, la
Grande-Bretagne et l'Irlande n'ont pas prévu la faculté pour les
preneurs d'assurance de résilier le contrat dans un délai
déterminé, à la différence des autres Etats.
S'agissant des règles prudentielles, il peut être retenu, par
exemple, qu'en tant qu'Etats d'origine, l'Autriche, l'Allemagne, la
Grande-Bretagne, le Luxembourg et les Pays-Bas accordent des assouplissements
aux règles relatives à la localisation des actifs telles que
prévues à l'article 17 de la " troisième
directive " non-vie. Cette position les distingue notamment de la France,
du Danemark et de la Belgique.
Par ailleurs, les entreprises d'assurance ont l'obligation de ne pas placer
plus d'un certain pourcentage du total des provisions techniques brutes dans
certains types de placements (règle dite de dispersion des placements).
La plupart des Etats membres ont adopté des règles plus
précises que celles contenues dans les directives. Ainsi, par exemple,
la Belgique, la France, la Grande-Bretagne, l'Italie, les Pays-Bas et le
Portugal admettent à concurrence d'un certain pourcentage, la
représentation des provisions techniques par des créances sur les
réassureurs, à la différence de l'Autriche, du Danemark,
du Luxembourg, etc. Ce pourcentage varie cependant de 3 % pour la Belgique
en assurance transport, à 90 % pour l'Italie et 50 % pour la
Grande-Bretagne, la France imposant pour sa part la fixation d'un pourcentage
par réassureur en fonction de la part de ce dernier dans les provisions
techniques de l'assureur.
Toujours dans le domaine des actifs admissibles en représentation des
provisions techniques, lorsqu'il s'agit d'actifs qui représentent un
investissement dans une entreprise filiale qui, pour le compte de l'entreprises
d'assurance, gère tout ou partie des investissements de cette
dernière, la France, l'Autriche, l'Allemagne et la Finlande refusent de
tenir compte des actifs sous-jacents détenus par cette filiale pour
l'application des règles de dispersion et d'utilisation des actifs
admissibles. Lorsque les actifs comprennent des prêts à certains
établissements de crédit ou des obligations émises par de
tels établissements, seuls l'Italie et les Pays-Bas admettent que les
actifs sous-jacents détenus par ces établissements puissent
être pris en compte pour l'établissement des règles de
dispersion des actifs.
La Belgique, la France, la Grande-Bretagne, le Luxembourg, la Hollande et le
Portugal exigent, parmi les conditions d'utilisation des actifs admissibles,
des sûretés réelles ou des garanties, notamment pour les
créances sur les réassureurs.
Enfin, en tant qu'Etat de la prestation, seules l'Allemagne et l'Irlande
dispensent les entreprises opérant en liberté
d'établissement ou en L.P.S. de la transmission de la liste des contrats
souscrits en régime de liberté communautaire. La Belgique et le
Portugal exigent communication de la liste des contrats et la
désignation d'un représentant fiscal, les autres Etats membres se
contentant de la désignation d'un représentant fiscal
domicilié sur le territoire.
• Options propres aux directives assurance non-vie
En tant qu'Etats d'origine, seuls la France, la Grande-Bretagne et les Pays-Bas
accordent un agrément par branche et non par groupe de branches. Dans le
secteur de l'assistance touristique, la Finlande, la France, l'Allemagne le
Portugal et l'Italie soumettent les entreprises sollicitant l'agrément
au contrôle des moyens directs ou indirects en personnel et
matériel.
En tant qu'Etats d'origine, de la succursale ou de la prestation, la Belgique
pour les assurances obligatoires de risques de masse et l'Irlande de
façon plus large, maintiennent en tant qu'élément d'un
système général de contrôle des prix la notification
préalable ou l'approbation des majorations des tarifs proposés.
Dans le cas d'assurances obligatoires, la France, la Grande-Bretagne et la
Hollande n'exigent pas communication des conditions générales et
spéciales d'assurance préalablement à leur utilisation par
les opérateurs.
S'agissant des conflits de lois, en tant qu'Etats du risque la France,
l'Allemagne et le Luxembourg refusent aux parties, lorsque le preneur a sa
résidence habituelle ou son administration centrale sur son territoire,
de choisir la loi d'un autre Etat. La Grande-Bretagne laisse quant à
elle toute liberté de choix de la loi du contrat aux parties, mais
lorsque le litige est porté devant ses juridictions, elle refuse de
donner effet aux dispositions impératives de la loi de l'Etat du risque
ou de l'Etat qui impose l'obligation d'assurance, alors que selon le droit de
cet Etat, ces dispositions sont applicables quelle que soit la loi
régissant le contrat ; elle renonce également à
imposer sa propre loi à un contrat d'assurance obligatoire aux
dépens de la loi des parties.
En matière d'assurance automobile, tous les Etats en tant qu'Etats de la
succursale ou de la prestation imposent aux entreprises opérant sur leur
territoire en liberté d'établissement ou en L.P.S. d'être
affiliées dans les mêmes conditions que les entreprises qui y sont
agréées à tout régime destiné à
garantir le paiement des demandes d'indemnisation aux assurés ou aux
tiers lésés.
• Options propres aux directives vie
S'agissant de l'agrément des opérateurs, la France, le Luxembourg
et les Pays-Bas n'accordent pas d'agrément simultané pour
plusieurs branches d'assurance vie ; par ailleurs et en tant qu'Etats
d'origine, l'Allemagne, l'Irlande, le Luxembourg et les Pays-Bas ne permettent
pas aux entreprises agréées pour des activités d'assurance
vie, d'obtenir un agrément pour les risques accident et maladie.
Dans l'hypothèse d'un cumul d'activité assurance vie, maladie et
accident, la France, le Portugal, la Belgique et la Grande-Bretagne
n'autorisent pas les opérateurs à utiliser les seules
règles comptables régissant l'assurance vie. Pour sa part, la
France impose la tenue d'une comptabilité par catégorie de risque.
La " troisième directive " assurance vie prévoit en son
article 18. b. i 1. que : " Quand les contrats
comprennent une garantie de taux d'intérêt, l'autorité
compétente de l'Etat membre d'origine de l'entreprise fixe un taux
d'intérêt maximal unique. Ce taux (...) ne peut pas
être supérieur à 60 % de celui des emprunts
obligataires de l'Etat dans la devise duquel est libellé le
contrat ... ". Ce taux peut également être
calculé en prenant en compte le rendement des actifs correspondants aux
contrats actuellement en portefeuille, diminué d'une marge prudentielle
et, pour ce qui concerne les contrats à prime périodique, en
prenant au surplus en compte le rendement anticipé des actifs futurs.
Cette dernière option a été choisie par l'Autriche, la
Finlande, la Grande-Bretagne, l'Irlande, les Pays-Bas et le Portugal mais n'est
pas ouverte aux sociétés françaises.
Certains contrats peuvent, selon le même texte, échapper aux
règles relatives aux taux d'intérêt maximaux. Il s'agit des
contrats en unités de compte, à prime unique d'une durée
inférieure à huit ans, sans participation
bénéficiaire ou des contrats de rente sans valeur de rachat. La
France n'autorise les dépassements de taux que pour le second type de
contrat.
S'agissant des réserves de solvabilité, en tant qu'Etats
d'origine, la Belgique, le Danemark, la Finlande, la France, l'Italie et le
Luxembourg refusent d'admettre comme élément de la marge de
solvabilité, les réserves de bénéfices figurant au
bilan lorsqu'elles peuvent être utilisées pour couvrir des pertes
éventuelles et qu'elles n'ont pas été affectées
à la participation des assurés.
En ce qui concerne la détermination de la loi du contrat, la Belgique,
l'Allemagne (sauf en assurance par correspondance), le Luxembourg et la France
interdisent aux parties, lorsque le preneur réside dans l'Etat dont il
est le ressortissant, d'appliquer au contrat une autre loi que la sienne.
S'agissant de l'information du consommateur, l'Autriche, la France et le
Portugal, en tant qu'Etats de l'engagement, interdisent la communication au
preneur, pendant la durée du contrat et pendant la durée de
celui-ci, d'informations rédigées dans une autre langue que la
sienne.
Au delà des options laissées ouvertes par les directives, le
maintien de réglementations nationales, en particulier au nom de
" l'intérêt général ", accroît les
différences d'exercice de l'activité selon les Etats membres.
- La défense de l'intérêt général
• Dispositions visant à la protection des
intérêts fiscaux des Etats
Les directives adoptées à ce jour n'harmonisent pas la
fiscalité des entreprises, des primes, des indemnités ou des
revenus. Les Etats membres doivent cependant respecter le principe de non
discrimination entre les preneurs ou entre les entreprises.
S'agissant des entreprises, la fiscalité frappant les
bénéfices sociaux et d'une façon générale
l'activité est librement déterminée par les Etats membres
qui ne doivent pas adopter de mesures fiscales conduisant à
défavoriser les opérateurs étrangers. Mais une
différence objective entre non résident et résident est
cependant de nature à justifier une différence de traitement
fiscal. Tel est le cas des entreprises opérant en L.P.S. par rapport
à celles opérant à partir d'une succursale, ainsi que l'a
admis la C.J.C.E. dans une affaire Bachman
261(
*
)
. Statuant sur une législation
belge interdisant la déduction en Belgique des primes d'assurance
maladie, invalidité, vieillesse et décès si les
cotisations étaient versées à des établissements
situés dans d'autres Etats membres, la Cour, après avoir
constaté que ce genre de mesure pouvait constituer une restriction
à la L.P.S., a estimé qu'elle était cependant
justifiée parce que non disproportionnée à la
défense de l'intérêt général constitué
par la cohérence du système fiscal belge et ce, dans la mesure
où la déductibilité des cotisations avait pour
contrepartie la taxation des capitaux ou du versement en fin de contrat.
S'agissant des contrats souscrits en couverture d'un risque dommage, lorsque le
fondement du versement de l'indemnité est une réparation,
celle-ci n'est généralement frappée d'aucun impôt.
Lorsque des avantages fiscaux sont accordés aux cotisants (assurances
maladie, vie, accidents) l'administration française exige de l'assureur
étranger opérant en France un certificat fiscal garantissant que
le contrat répond aux différentes conditions de l'avantage,
l'Allemagne dispense de cette formalité que la Grande-Bretagne ne
connaît pas faute de déductions possibles, les Pays-Bas imposant
quant à eux que l'assureur soit établi.
Il a été dit que le principe retenu en matière
d'impôts ou taxes indirects est celui de la territorialité
fiscale, la loi applicable au contrat en vertu des règles
spécifiques de conflit étant indifférente. La France,
l'Allemagne, la Grande-Bretagne ou le Luxembourg, sans préjudice de la
situation en vigueur dans les autres Etats membres, imposent aux entreprises la
désignation d'un représentant fiscal chargé d'effectuer
les déclarations réglementaires.
• Les dispositions régissant l'exercice et le
contrôle de l'activité
Les entreprises d'assurance sont soumises à des règles
prudentielles, qui découlent directement de la transposition dans les
droits des Etats membres des directives communautaires ; leur objectif est
de protéger l'intérêt des consommateurs par la
pérennité des entreprises. Lorsqu'ils en avaient la
faculté, les Etats membres ont parfois choisi des options prudentielles
d'une rigueur supérieure à celle imposée par les normes
communautaires.
Deux domaines, qui peuvent influer sur le niveau de protection des
souscripteurs, restent cependant incomplètement harmonisés :
il s'agit des règles d'évaluation des actifs admissibles
appréciées en relation avec les règles de publication des
informations financières. La valorisation des actifs des entreprises
d'assurance peut être effectuée selon plusieurs modalités,
telles la valeur vénale ou historique. Dans le deuxième cas,
l'existence de plus ou moins values latentes est une information indispensable
à l'appréciation de la situation financière et donc de la
solvabilité de la société d'assurance. Or, certains Etats
considèrent cette information comme appartenant à la
sphère du secret commercial et dispensent les entreprises de leur
publication, obérant de ce fait la qualité de
l'appréciation financière pouvant être portée par un
observateur extérieur.
Sur le terrain des dispositions prudentielles, les " troisièmes
directives " interdisent aux Etats membres de fixer des règles
concernant le choix des actifs autres que ceux représentant les
provisions techniques. La législation danoise aggrave cette interdiction
puisqu'elle réglemente le placement non seulement des actifs
représentatifs des provisions techniques mais aussi de ceux qui
correspondent aux fonds propres de l'entreprise, ce qui crée une
discrimination aux dépens des entreprises locales. En Suède, les
compagnies d'assurance ne sont pas autorisées à détenir
plus de 5 % des droits de vote dans le capital d'une même
société par action. Cette règle s'appliquant
également aux fonds propres de ces sociétés crée
une discrimination de même nature que la précédente.
En matière de dispersion des actifs des sociétés
d'assurance vie, la Grande-Bretagne a adopté des règles plus
strictes que celles prévues dans les directives en interdisant par
exemple les investissements en actifs " stratégiques "
(industriels ou immobiliers) et en ne permettant pas que les actions d'une
même société représentent plus de 2,5 % des
provisions techniques nettes de réassurance. La France a adopté
des règles plus souples.
S'agissant des pouvoirs conférés aux autorités de
contrôle ou des modalités d'exercice du contrôle
lui-même, les règles et les pratiques des Etats membres divergent
alors même qu'une entreprise est contrôlée par son
autorité nationale pour l'ensemble de son activité mondiale
exercée en succursale ou L.P.S. Comme l'a souligné un des experts
interrogés, " la reconnaissance mutuelle des contrôles est un
acte de foi communautaire ".
La France, par exemple, qui dispose d'un corps de contrôle dont les
agents sont dotés de moyens légaux d'investigation complets,
privilégie le contrôle sur place. L'Italie pratique davantage le
contrôle sur pièces, à l'instar de la Grande-Bretagne qui
utilise même les services d'auditeurs externes. Les autorités de
contrôle se distinguent aussi quant à leur attachement à la
prévention des risques d'insolvabilité, certaines
n'hésitant pas à imposer des dispositions de sauvegarde
prévues par leurs législations nationales alors que d'autres, au
contraire, attendent une détérioration sérieuse de la
marge de solvabilité pour intervenir, estimant que le contrôle
principal revient à l'actionnariat.
• Les dispositions contractuelles
La détermination des règles régissant la publicité
précontractuelle, la langue et le contenu des contrats reste de la
compétence des Etats membres.
Les obligations minimales mises à la charge des entreprises d'assurance
en matière d'information précontractuelle par les directives
communautaires diffèrent selon qu'il s'agit d'une assurance vie ou
non-vie.
En matière d'assurance vie, l'annexe II de la
" troisième directive " précise l'information qui doit
être donnée au preneur avant la conclusion du contrat ou pendant
sa durée ; une faculté de rétractation lui est
également ouverte. Ces dispositions ont été
transposées de façon homogène par les Etats.
En matière d'assurance non-vie, l'article 31 de la
" troisième directive " prévoit seulement l'information
minimale du preneur d'assurance personne physique sur la loi applicable et le
régime juridique des plaintes. La France impose notamment la remise au
preneur d'une fiche d'information sur les prix et garanties, et un exemplaire
de projet de contrat ; la Grande-Bretagne demande dans le cas d'une
souscription par une personne physique, la seule communication des dispositions
relatives à l'examen des plaintes et le choix de la langue et du droit
du contrat ; l'Allemagne impose, entre autres, une communication de
l'identité de l'assureur, des conditions générales
d'assurance, des éléments de tarification, du niveau de la prime
de la loi applicable au contrat, à l'instar du Luxembourg.
S'agissant du contenu des contrats d'assurance non-vie, la France exige
certaines mentions prévues aux articles L.112-4, R.112-2 et 112-3
du code des assurances, telle la nature des risques garantis, les conditions
d'exclusion, le nom des autorités chargées du contrôle, le
montant de la prime ou de la cotisation. Elle considère que les
dispositions régissant les contrats (livre I du code des
assurances) sont d'intérêt général. Le droit
allemand est également très protecteur de l'information des
consommateurs à la différence du droit britannique qui n'impose,
s'agissant des personnes physiques, aucune disposition particulière
autre que celle imposées par les directives en matière
d'information préalable.
En matière d'assurance vie, les règles imposées par les
Etats membres en application des directives, sont de façon
générale plus strictes et homogènes.
S'agissant de la langue du contrat d'assurance, le droit allemand impose que
les conditions générales soient rédigées en langue
allemande ou dans la langue maternelle du preneur et d'une façon
générale de manière lisible et
compréhensible ; le droit français impose une
rédaction en langue française, sauf dans le cas où la loi
applicable choisie serait différente, mais, lorsque le contrat porte sur
une assurance obligatoire, il est obligatoirement régi par la loi
française et doit être rédigé en français. La
Grande-Bretagne laisse aux parties le choix de la langue du contrat ; le
Luxembourg admet les langues officielles du Grand-Duché ou la langue du
preneur.