2. Distribution de produits d'assurance par le Trésor public
a) L'activité de distribution du Trésor public
A
côté de ses missions régaliennes, le Trésor public
exerce une activité de distribution de produits financiers et
d'assurance. Depuis la création de la Caisse nationale de
prévoyance, les services des administrations du Trésor
distribuent, avec les services de La Poste, les produits de la C.N.P. Il
s'agit de produits d'épargne et de retraite ainsi que des garanties de
prévoyance.
L'article R.433-10 du code des assurances habilitait la Caisse nationale de
prévoyance à utiliser les services des administrations du
Trésor et des Postes pour la présentation de ses contrats et
l'exécution de ses opérations. L'article 6 de la loi
n° 92-665 du 16 juillet 1992 portant adaptation au
marché unique européen de la législation applicable en
matière d'assurance et de crédit et modifiant le statut de la
C.N.P., ayant abrogé cet article, les agents du Trésor ne
détiennent plus aucune habilitation législative exprès
pour distribuer ces produits.
L'administration a habilité pour la distribution des produits
d'assurance dans les postes comptables 4 357 agents
spécialement formés et qualifiés de mandataires non
salariés, au sens de l'article R.511-2-4° du code des assurances.
Ces agents perçoivent des commissions pour chaque contrat placé,
dont le montant n'a pas été communiqué
248(
*
)
.
L'offre de services d'assurance du Trésor public est faite dans le
réseau de ses 4 500 postes comptables. Ceux-ci, aux termes
d'instructions de la direction de la comptabilité publique, non
transmises aux rapporteurs et qui n'ont pas été
communiquées au Conseil, ne peuvent utiliser pour ces activités
des informations de nature fiscale et notamment le fichier de la direction
générale des impôts. Cette activité constitue, selon
la loi du 25 juin 1928, une activité privée,
exercée sous la responsabilité personnelle des trésoriers
payeurs généraux.
L'Etat, pris en la personne du Directeur de la comptabilité publique, a
signé le 5 mai 1995 un accord de partenariat avec la C.N.P.
pour une durée de 10 années. Aux termes de l'article 1
de cette convention, " la société C.N.P. Assurances et ses
filiales utiliseront le réseau du Trésor public pour la
présentation de leurs contrats et l'exécution de leurs
opérations (...) ".
" Les conditions financières de cette mise à disposition,
dont le principe est la compatibilité avec les règles normales de
la concurrence, sont définies dans une convention financière
signée entre les deux parties ". Cette convention n'a pas
été communiquée aux rapporteurs.
Le chiffre d'affaires réalisé avec le Trésor par la C.N.P.
s'élevait en 1995 à 6 milliards de francs et en 1996
à 7,3 milliards de francs, dont 605 millions dans le cadre
d'Investissement Trésor Vie (I.T.V.), filiale commune des deux
institutions. Ceci représente une part de 1,6 % du marché de
l'assurance vie. Les produits les plus largement commercialisés par le
réseau sont les produits d'épargne
" Trésor-Vie ", complétés par des contrats de
retraite et de prévoyance.
Une décision implicite du ministre de l'économie rejetant une
demande tendant à réglementer les conditions dans lesquelles le
réseau du Trésor distribue les produits de la C.N.P. a fait
l'objet le 8 février 1994 de la part de la
Fédération nationale des agents généraux
d'assurance, d'un recours devant le Conseil d'Etat. Ce recours est pendant.
Selon la requérante, l'interdiction posée par le statut
général de la fonction publique, de cumul entre emploi public et
activité privée lucrative semble interdire la distribution de
produits d'assurance par les agents du Trésor, sauf texte exprès.
Elle estime que, en outre, les conditions dans lesquelles sont
distribués les produits sont de nature à perturber le jeu de la
concurrence. En effet, les agents du Trésor utiliseraient les moyens
logistiques de l'administration, la franchise postale ainsi que les
données dont ils disposent dans le cadre de leur activité
publique. Leur fonction " d'autorité " leur confèrerait
au surplus une influence hors du commun qui paraît de nature à
perturber le jeu normal de la concurrence. L'envoi de lettres au domicile des
contribuables, portant l'en-tête du Trésor public, serait au
surplus de nature à induire dans l'esprit des contribuables, la croyance
à une caution financière de l'Etat. Le Conseil d'Etat a par
ailleurs, déjà condamné de véritables pressions
exercées sur les contribuables (arrêt du
18 février 1983, F.N.S.A.G.A., Rec. Leb. P.71),
estimant que " l'ancien article R.433-10 du code des assurances
n'autorisait pas un agent du Trésor, dans une lettre proposant la
souscription par son intermédiaire d'un contrat auprès de la
C.N.P., à faire état de l'attention particulière avec
laquelle il suit le règlement des factures du destinataire, fournisseur
habituel de l'administration, ni à se référer à
l'avertissement relatif à l'impôt sur le revenu d'un contribuable
pour lui suggérer qu'il aurait intérêt à souscrire
un contrat d'assurance sur la vie ".