c) Analyse concurrentielle
La
Commission européenne, puis le Tribunal de première instance des
Communautés européennes se sont prononcés sur
l'allégement fiscal dont bénéficie La Poste en
contrepartie de ses contraintes d'intérêt général.
Le Conseil de la concurrence a pour sa part défini les conditions
d'application des règles de la concurrence aux services financiers de
La Poste.
L'article 21 de la loi de 1990 prévoit que La Poste
bénéficie, en contrepartie des contraintes d'intérêt
général imposées par l'Etat, à savoir la contrainte
de desserte de l'ensemble du territoire national et de participation à
l'aménagement du territoire, d'un abattement de 85 p. 100 sur
les bases d'imposition de la fiscalité locale (taxe foncière,
taxe professionnelle). Cet allégement fiscal a fait l'objet d'une
plainte de la F.F.S.A., de Groupama, du B.I.P.A.R. et de la F.N.S.A.G.A. devant
la Commission européenne, pour violation de l'article 92 du
Traité de Rome, car il aurait été de nature, selon les
requérants, à créer des distorsions de concurrence dans le
domaine des assurances.
Par décision du 8 février 1995, la Commission a
refusé de qualifier l'avantage fiscal dont bénéficie La
Poste d'aide d'Etat au sens de l'article 92 susvisé, le montant de
cet avantage (1,196 milliard de francs) ne dépassant pas le
surcoût généré par l'accomplissement de ses missions
de service public, évalué entre 1,32 et 1,82 milliard de
francs et ne pouvant par conséquent pas bénéficier aux
activités concurrentielles de l'exploitant public. La Commission a
toutefois invité La Poste à présenter des comptes
séparés de chacune de ses activités, ouvertes à la
concurrence et non concurrentielles.
Cette décision a fait l'objet d'un recours devant le Tribunal de
première instance des Communautés européennes, qui a
statué par arrêt du 27 février 1997.
Le Tribunal a relevé que La Poste s'est vu confier la gestion d'un
service d'intérêt économique général et que
les contraintes de desserte et de participation à l'aménagement
du territoire devaient être considérées comme des missions
particulières au sens du 2 de l'article 90 du traité.
Il a considéré que l'avantage fiscal constituait une aide d'Etat
au sens du 1 de l'article 92 du traité, bien que ne comportant
pas un transfert de ressources d'Etat.
Le Tribunal a estimé que les aides d'Etat pouvaient
bénéficier de la dérogation prévue à
l'article 90 du traité, et ainsi échapper à
l'interdiction de l'article 92 :
" à condition que
l'aide en question ne vise qu'à compenser les surcoûts
engendrés par l'accomplissement de la mission particulière
incombant à l'entreprise chargée de la gestion d'un service
d'intérêt économique général et que l'octroi
de l'aide s'avère nécessaire pour que ladite entreprise puisse
assurer ses obligations de service public dans des conditions
d'équilibre économique ".
L'aide étant inférieure au surcoût
généré par les missions de service public de
La Poste, le Tribunal a considéré qu'elle pouvait
bénéficier de la dérogation prévue au 2 de
l'article 90. En outre, nonobstant l'absence d'une comptabilité
analytique permettant de distinguer entre les différents secteurs
d'activité de La Poste, et en l'absence de preuve contraire
à la charge des requérants, le Tribunal a estimé que la
Commission avait à bon droit déduit l'absence de subventions
croisées de cette supériorité du surcoût sur
l'avantage fiscal.
Saisi par l'Association française des banques d'une demande d'avis sur
le fonctionnement des services financiers de La Poste, le Conseil de la
concurrence a défini, dans un avis n° 96-A-10 du
25 juin 1996, les conditions d'application des règles de la
concurrence à ces services. Les conclusions dégagées par
le Conseil dans cet avis sont applicables à l'activité de
distribution de produits d'assurance par La Poste, partie intégrante de
ces services financiers.
Le Conseil n'a pas contesté le principe de l'exercice concomitant par
La Poste d'activités sous monopole (le courrier) et
d'activités exercées en concurrence (les services financiers),
à condition que ces activités concurrentielles " ne puissent
bénéficier des conditions propres à l'exercice de la
mission de service public définie dans le cadre du monopole " et
qu'ainsi l'exploitant public n'utilise pas sa position dominante sur le secteur
non concurrencé (courrier) pour pratiquer des prix de prédation
sur la partie concurrencée de son activité (services financiers),
destinés à éliminer ses concurrents.
Il a souligné que les disparités dans les modes de fonctionnement
entre les services financiers de La Poste et ses concurrents, ainsi que
l'absence de séparation entre les activités sous monopole et les
activités exercées en concurrence, rendaient difficile l'examen
comparatif des conditions de concurrence. La Poste est un opérateur
avantagé par un réseau de guichets sans équivalent et par
le prestige attaché à l'image du service public, mais elle
supporte des contraintes de desserte et de participation à
l'aménagement du territoire et son autonomie commerciale est
limitée.
Le Conseil a estimé que la mise en place d'un système de
comptabilité analytique fiable et transparent était
nécessaire pour pouvoir contrôler la tarification pratiquée
par La Poste pour ses services financiers et démontrer son
caractère éventuellement abusif, en permettant une meilleure
identification des coûts de chacune des activités de La Poste
et au sein de chacune de ces activités, des gammes de produits
distribués par l'exploitant public. Le Conseil a précisé
que cette comptabilité devait notamment permettre :
- l'imputation à chaque activité du coût d'utilisation du
réseau ;
- la distinction entre coûts fixes et coûts variables en fonction
de l'activité ;
- la mise en place de normes par l'autorité de tutelle permettant une
analyse des coûts à usage externe.
Le Conseil a toutefois ajouté que quelles que soient les
améliorations qui pourraient être apportées à la
comptabilité analytique de La Poste, le contrôle effectif du
respect des règles de la concurrence resterait difficile à
effectuer tant que ne serait pas intervenue une séparation juridique des
activités sous monopole et des activités concurrentielles, par
exemple dans le cadre d'une filialisation des services financiers.
Ces aménagements sont d'autant plus urgents qu'ils sont aussi
préconisés, pour certains d'entre eux, par la Commission
européenne dans sa décision du 8 février 1995,
ainsi que par la directive concernant des règles communes pour le
développement du marché intérieur des services postaux de
la Communauté.