2. Conjurer le risque de dérive " autocratique " du gouvernement d'entreprise mutualiste en mettant à niveau le droit des sociétés mutuelles avec le droit des sociétés et en le modernisant
Les
sociétés anonymes et les entreprises nationalisées n'ont
pas le monopole du risque de dérive autocratique souligné par le
rapport Viénot. Les sociétés mutuelles n'en sont pas
exemptes, plusieurs exemples viennent l'illustrer. Quoiqu'il en soit, attirer
l'attention sur les problèmes de direction des sociétés
mutuelles ne revient pas à porter un jugement de valeur sur la
gravité relative du problème selon la nature juridique de la
société.
Toute évolution, réglementaire ou statutaire, qui permettra
d'améliorer la gestion des mutuelles et de leurs réalisations
sociales, de la rendre plus rigoureuse, plus transparente et surtout moins
aléatoire et dépendante de la décision de l'échelon
politique suprême ou local paraît devoir être
encouragée. Il en va ainsi de la modernisation du statut de l'élu
dans un sens plus réaliste, qui permettrait de prendre en compte la
nécessaire professionnalisation de l'échelon de contrôle de
la structure managériale et d'éviter les tentations liées
à la cohabitation du bénévolat et du pouvoir dans un monde
non dépourvu d'argent et où sa liberté d'affectation est
particulièrement grande
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*
)
.
Compte tenu du relâchement des liens entre mutuelles et
sociétaires dans un contexte où les mutuelles d'assurance ont
atteint la taille de compagnies d'assurance et de la substitution progressive
chez les adhérents d'une attitude consumériste à un esprit
mutualiste parfois un peu instrumentalisé, les moyens de relancer
concrètement la flamme mutualiste en développant selon diverses
modalités de nouveaux rapports plus transparents, plus participatifs,
plus réactifs entre les mutuelles et les sociétaires pourraient
également être trouvés et le monde mutualiste dans son
ensemble s'en préoccupe
242(
*
)
.
La question de l'évolution des rapports des MSI et des MCM avec les
intermédiaires (le plus souvent courtiers) et de l'abandon du principe
de non commissionnement des salariés est plus délicate, dans la
mesure où aller dans ce sens serait reconnaître que l'on est
largement entré dans une logique commerciale et qu'il convient d'en
tirer les conséquences statutaires.
Il paraît en tout cas nécessaire de mettre à niveau le
droit des sociétés mutuelles par rapport au droit des
sociétés, qui a évolué sans que les codes
spécifiques régissant le droit des sociétés
mutuelles le prennent en compte. Ainsi en va-t-il de la possibilité
offerte depuis longtemps par le droit des sociétés commerciales
de collégialiser le pouvoir dans les sociétés anonymes en
adoptant la forme du directoire et du conseil de surveillance (ou du moins en
généralisant la dissociation du rôle du président et
du rôle de directeur général) où les structures de
direction et de surveillance sont également plus nettement
séparées et où le contrôle de la direction pourrait
être mieux effectué dans l'intérêt des
sociétaires. Le statut des sociétés mutuelles ainsi
aligné sur le droit des sociétés, les décisions
capitales, concernant par exemple les choix stratégiques de placements
ou d'investissements qui ont pu amener bien des déboires, ne pourraient
plus être le fait d'un seul homme en pratique. Le développement de
postes d'administrateurs indépendants au sein des sociétés
mutuelles en général, bien qu'il ne paraisse guère
souhaité par les sociétés mutualistes, est aussi de nature
à exercer un contrôle préventif profitable. Ces diverses
évolutions sont considérées par certains comme
allant dans le sens de l'esprit mutualiste, sauf l'hypothèse
d'administrateur indépendant qui est assez unanimement rejetée.
Cette mise à niveau du droit des sociétés mutuelles par
rapport au droit commun des sociétés n'interdit nullement de
songer par ailleurs à une évolution propre du droit de la
mutualité dans le sens d'une plus grande souplesse pour permettre par
exemple l'émergence de groupes mutualistes, pourvu que l'esprit
mutualiste de l'ensemble soit respecté, que les caractéristiques
de sociétés de personnes à but non lucratif y
prévalent encore, et que ces innovations juridiques ne soient pas
seulement le moyen d'éviter les froides contraintes de l'actionnariat.