B. LES LIMITES DU MODÈLE DES CENTRES DE LUTTE CONTRE LE CANCER
a) Une qualité inégale selon les centres
La
vertu principale des CLCC est leur pluridisciplinarité constitutive,
statutairement obligatoire.
Chaque centre dispose d'un plateau technique
réunissant les trois techniques : chirurgie, chimiothérapie,
radiothérapie. Le médecin traitant de chaque patient est le
référent d'une équipe pluridisciplinaire, et arbitre en
cas de désaccord entre les spécialistes. Le patient dispose d'un
dossier unique, dont il est tenu informé.
Cependant, les vingt CLCC existants sont loin d'être homogènes.
Tout d'abord, par leur taille : le centre le plus important disposait en 1997
d'un budget supérieur à 1 milliard de francs, et le plus
petit, d'un budget inférieur à 130 millions de francs.
Par ailleurs,
l'excellence des CLCC n'est pas toujours garantie dans
les faits.
Sous le couvert protecteur de l'ordonnance du 1er octobre 1945,
certains centres semblent s'être laissé aller. Dans l'attente de
l'accréditation par l'ANAES (Agence Nationale d'Accréditation et
d'Evaluation en Santé), il est difficile d'apprécier leur valeur
médicale réelle. Mais, selon certains connaisseurs des CLCC, on
peut estimer qu'environ un tiers d'entre eux sont excellents, un tiers tout
juste bons, et un tiers médiocres.
b) Des coûts de fonctionnement élevés
Comme
l'a fait remarqué l'IGAS dans son rapport de 1994, les coûts de
fonctionnement des CLCC sont élevés, comparativement aux autres
établissements de soins. Ce surcoût s'explique notamment par leurs
pratiques salariales. Jusqu'à sa renégociation récente, la
convention collective du personnel non médical des centres était
basée sur le "point FEHAP" majoré de 14%, tandis que les
traitements des médecins sont majorés de 30 % pour compenser
l'interdiction qui leur est faite d'exercer parallèlement une
activité libérale.
Soucieux de demeurer à la pointe de la technologie médicale,
certains CLCC ont parfois cédé à une forme de "folie des
grandeurs" dans leurs décisions d'investissement. Ainsi, dans son
rapport particulier de 1995 consacré au centre Antoine Lacassagne de
Nice, l'IGAS a relevé que le projet de cyclotron "Medicyc"
dépassait par son ampleur, soit un coût d'investissement de 130
millions de francs, très largement les capacités de financement
courant du centre. Or, cet appareil s'est révélé
inadapté aux besoins et son budget de fonctionnement lourdement
déficitaire.
Les CLCC sont des établissements privés participant au service
public hospitalier, financés par budget global sous taux directeur.
La comparaison des coûts de fonctionnement autorisée par le
PMSI fait apparaître en 1996 une valeur du point ISA (Indice
Synthétique d'Activité) de 15,30 pour les CLCC, plus
élevée que celle des autres établissements privés
à but non lucratif (15,16) ou que les centres hospitaliers (14,18).
Elle reste toutefois inférieure à la valeur du point ISA des CHU
(15,72).
c) Des adaptations nécessaires
Dans son
rapport public de 1994, l'IGAS avait dénoncé une certaine
confusion des genres résultant de la présidence des CLCC par les
préfets. En effet, le préfet étant par ailleurs
chargé de la tutelle du centre, il pouvait se trouver en situation de
conflit d'intérêts. La situation a été depuis
clarifiée, puisque l'autorité de tutelle des CLCC est
désormais le directeur de l'agence régionale de
l'hospitalisation. Il n'est toutefois pas certain que la présidence du
préfet, dépourvu de compétence sanitaire
particulière, soit parfaitement justifiée.
Privés de leur "monopole" initial dans la lutte contre le cancer, les
CLCC n'ont pas vocation à prendre en charge tous les patients. Par
ailleurs, l'offre de soins dans les régions est en voie de
réorganisation.
Il semble donc opportun de réviser la carte des CLCC et d'envisager
la fusion de certains d'entre eux avec les CHU
, bien que l'absence
d'habilitation universitaire de la plupart des chefs de services dans les
centres complique leur intégration éventuelle. En effet, le CLCC
coexiste avec un CHU dans 13 départements, parfois sur le même
site. Le plus souvent, le CLCC est seul à disposer d'un
équipement de radiothérapie, mais on trouve des doublons parfaits
à Paris, Lyon, Marseille et Bordeaux. A l'inverse, dans 8
départements, on trouve un CHU et pas de CLCC.
Il faut reconnaître aux CLCC le mérite d'avoir pris en compte
les critiques et les suggestions formulées par l'IGAS en 1994.
Ainsi, la FNCLCC a mis au point un manuel d'accréditation avec l'ANAES,
qui définit la cancérologie de qualité. Elle a
également établi, avec un financement de la direction des
hôpitaux, de l'INSERM, de la Ligue contre le cancer et de laboratoires
pharmaceutiques, un manuel de bonnes pratiques cliniques en
cancérologie, diffusé sur CDrom et sur Internet. Enfin, elle a
dénoncé sa convention collective pour la renégocier sur un
mode plus économe. Toutefois, cette nouvelle convention salariale
entraînera des coûts supplémentaires dans l'immédiat,
et ne permettra de dégager des économies qu'à partir de
2007.