C. UN APPEL À LA GÉNÉROSITÉ PUBLIQUE NON DÉPOURVU D'INCONVÉNIENTS
a) L'Association pour la Recherche sur le Cancer
Il n'est
pas besoin de rappeler les errements passés de l'Association. pour la
Recherche sur le Cancer (ARC), qui consacrait une fraction
disproportionnée de ses ressources à des frais de communication
et de représentation injustifiés.
Avant l'éclatement du scandale en 1994, l'ARC disposait d'un budget de
400 millions de francs, partiellement gonflé, toutefois, par une
comptabilité truquée. L'association survit actuellement
grâce aux legs, qui représentent les 2/3 de ses recettes, avec un
effet d'inertie lié à l'antériorité des
décisions des testataires. Elle dispose néanmoins encore de
réserves importantes, d'environ 500 millions de francs, car les
promesses d'aides faites aux chercheurs étaient comptabilisées
comme des décaissements effectifs.
La remise en ordre de l'ARC s'est opérée dans un contexte
d'hémorragie des recettes. Le budget de l'association est tombé
à 200 millions de francs en 1996, pour remonter à
250 millions de francs en 1997.
Antérieurement, le bureau de l'ARC était en pratique
réduit à son président, qui prenait seul les
décisions, le conseil d'administration fonctionnant comme une chambre
d'enregistrement. Le bureau a été restauré comme organe de
préparation et de suivi des décisions du conseil
d'administration, assisté en amont d'une commission scientifique et, en
aval, d'une commission financière chargée de suivre les appels
d'offre et de se prononcer sur les comptes.
L'ARC aide uniquement la recherche. Ses interventions sont concentrées
sur les unités du CNRS et de l'INSERM, et concernent peu le secteur
privé, faute de projets de qualité suffisante. L'association
conserve la trésorerie des subventions qu'elle accorde, ce qui lui
permet de contrôler les factures. Elle a également posé le
principe de dates butoirs pour l'utilisation des fonds, au-delà
desquelles ceux-ci reviennent dans son budget.
b) La Ligue Nationale Contre le Cancer
La Ligue
nationale contre le cancer a été créée en 1918. Il
s'agit d'une structure fédérale, qui réunit des
comités départementaux dotés de la personnalité
morale et de budgets propres. Son budget total s'est élevé
à 266 millions de francs en 1997.
La Ligue a subi le contrecoup
du scandale de l'ARC, qui s'est traduit pour elle par une perte de 15 %
des dons en 1995 et 1996.
La Ligue aide la recherche fondamentale, mais aussi la recherche clinique dans
les secteurs spécifiques délaissés par la recherche
pharmaceutique. A la différence de l'ARC, elle subventionne
également des actions de prévention et dépistage et des
aides aux malades, individuelles ou relatives à la prévention de
la douleur.
Le processus de décision de la Ligue repose sur un conseil scientifique
national composé de chercheurs, renouvelés périodiquement
sans possibilité de prolonger leur mandat. Ce conseil est
organisé en sections, et assisté d'un comité de la
recherche. Toutes les demandes d'aide sont examinées selon une
procédure de double rapport, le conseil statuant en cas de
désaccord, avant de transmettre le dossier au conseil d'administration.
Les comités départementaux réalisent 50 % de l'aide
à la recherche, selon des procédures calquées sur la
procédure nationale. Mais, l'assise départementale apparaissant
un peu étroite, la Ligue encourage la mise en place de conseils
scientifiques régionaux, dotés d'un guide de procédures et
d'une liste d'experts nationaux consultables en cas de besoin.
c) Les inconvénients du recours à la générosité publique
Premièrement, les frais de structures des associations
apparaissent non négligeables.
L'effondrement de l'ARC en 1995-1996
s'est même traduit par un inversement paradoxal des proportions :
45 millions de francs seulement ont été collectés en
1996, pour 65 millions de frais de fonctionnement
.
L'ARC a fondé son succès sur des techniques commerciales. La
Ligue a dû y recourir à son tour, avec plus de réticence,
alors qu'elle se contentait encore d'une simple quête annuelle il y a 30
ans. Mais elle emploie encore beaucoup de bénévoles.
Par un injuste retour des choses, le sentiment de désaffection des
donateurs envers l'ARC a rejailli sur la Ligue, et celle-ci a dû
consentir un effort de communication supplémentaire pour insister sur
ses différences.
Deuxièmement, la contribution des associations au financement de la
recherche est en soi problématique. Initialement, celles-ci s'occupaient
surtout d'aide à l'équipement et aux malades.
C'est à
la demande des pouvoirs publics qu'elles se sont orientées vers le
soutien à la recherche, et ont acquis ainsi une influence
considérable sur ses orientations, le financeur étant le
décideur
.
Par principe, les associations ne financent jamais la prise en charge des
rémunérations du personnel. Mais les critères de
sélection des projets retenus ont longtemps été opaques,
bien que les comités scientifiques apportent désormais des
garanties
a priori
satisfaisantes.
Cet apport de fonds apparaît parfois comme une aubaine pour les
services concernés, qui ne se sentent pas toujours suffisamment
responsables de leur bonne utilisation
. Certains laboratoires tendent
même à minorer leurs budgets vis à vis de leurs
autorités de tutelle, en comptant sur les dons privés pour les
compléter. Les associations s'efforcent de freiner ces dérives en
passant des contrats d'objectifs clairs avec les chercheurs, et en
édictant des codes de déontologie.