B. UNE CULTURE TROP ÉLOIGNÉE DES RELATIONS INTERNATIONALES

La police a une habitude ancienne de la coopération opérationnelle bilatérale ou multilatérale. Des groupes de coopération informelle, tels les groupes TREVI, ont vu le jour spontanément en Europe dans les années soixante-dix. Mais d'une manière générale, les policiers reconnaissent eux-mêmes avoir une vision très hexagonale des problèmes et avoir tendance à considérer les questions européennes comme un travail de dossier peu attrayant.

Ils maîtrisent souvent mal les langues étrangères, n'ont pas l'habitude ni le goût des négociations ou des compromis induits par l'action internationale et ne sont pas familiers des mécanismes européens.

Les affectations dans des postes en relation avec l'international, que ce soit en France ou à l'étranger, ont souvent mauvaise presse au sein du ministère de l'intérieur qui ne cherche pas à y attirer ou à y retenir les meilleurs éléments. Ces fonctionnaires sont en effet trop souvent considérés comme ayant " pris du bon temps " à l'étranger et comme devant " le payer " au retour.

Les membres de la mission ont été frappés par le constat, dressé par la quasi totalité des personnes entendues lors des auditions ou des déplacements, de l'absence de véritable prise en compte de l'international dans la gestion du personnel par les directions en charge du processus de coopération policière européenne. D'une manière générale, il apparaît que cet aspect donne lieu à une gestion par réaction plus que par projection.

Les personnels affectés à l'étranger ne reçoivent souvent pas de formation suffisante ; les incitations à l'expatriation ne sont pas toujours véritablement motivantes ; enfin, les membres de la mission ont constaté que, dans certaines hypothèses, les personnes intéressées n'avaient qu'une vision imprécise du poste qu'elles pourraient occuper à l'étranger. De son côté, l'administration, faute de fichiers exhaustifs, n'est pas véritablement en mesure d'appréhender facilement les compétences et le profil des personnels et de les mettre en relation avec un poste considéré.

1. Les personnels concernés

Ce sont principalement des membres du corps préfectoral et des commissaires qui participent aux négociations dans les instances européennes. Certains sont affectés à Bruxelles à la représentation permanente ou mis à la disposition du Conseil ou de la Commission. Sur le terrain, la coopération policière connaît depuis peu un relais important grâce à l'institution des attachés de police. Les officiers de liaison sont des éléments essentiels de la coopération opérationnelle quotidienne avec nos partenaires européens.

a) Les personnels en poste à Paris

Certains personnels de l'administration centrale se consacrent presque exclusivement aux négociations européennes. C'est notamment le cas des deux commissaires de la division des relations internationales de la direction centrale de la police judiciaire chargés des négociations concernant le système SIS ou Europol ou des cinq personnes qui, au SCTIP, s'occupent de coopération institutionnelle. Mais la plupart des personnels impliqués dans les négociations européennes assurent en même temps des fonctions de gestion courante de leur service.

b) Les personnels en poste dans ou auprès des institutions européennes

Lors du déplacement de la mission à Bruxelles, votre rapporteur et M. le président Paul Masson ont rencontré plusieurs personnes affectées sur place et amenées à suivre les questions de coopération policière :

- les conseillers à la représentation permanente (un sous préfet, conseiller pour les affaires intérieures, un attaché de préfecture, conseiller adjoint, ainsi qu'un magistrat et un douanier) ;

- les experts détachés auprès de la Task-Force 3 ème pilier de la commission (un sous-préfet et un commissaire) ;

- un magistrat mis à disposition du Conseil pour la mise en oeuvre du plan de lutte contre la criminalité ;

- un commissaire mis à la disposition de la présidence de Schengen.

Ils ont constaté que peu de policiers figuraient parmi les experts nationaux détachés auprès des institutions européennes (END) ou affectés à la représentation permanente .

Le ministère de l'intérieur est peu représenté à Bruxelles en comparaison de l'ensemble des ministères français. La sous-direction du corps préfectoral et des administrateurs civils de la direction générale de l'administration a cependant entrepris depuis 1993 une politique de placement systématique à Bruxelles de sous-préfets en mobilité. Cette politique s'appuie sur un repérage des postes offerts, un démarchage régulier des instances européennes concernées, une rigoureuse sélection des candidats en fonction du profil demandé et un suivi des personnels en place. Huit sous-préfets exercent ainsi actuellement diverses fonctions à Bruxelles contre trois seulement il y a quatre ans. Les commissaires, en revanche, ne sont pas soutenus par leur hiérarchie dans la recherche de tels postes. Le seul commissaire ayant jamais occupé un poste d'expert national détaché auprès de la Commission a ainsi dû effectuer lui-même l'ensemble des démarches pour y être recruté.

Lors de son déplacement au siège d'Europol , à La Haye, la mission a constaté de plus qu' aucun Français ne figurait dans l'équipe de direction de cet organisme. Le " coordinateur " de l'Unité drogues européenne nommé en 1994 est un Allemand, M. Storbeck, ses adjoints étant un Belge et un Luxembourgeois. Font également partie de l'équipe de direction, un Italien et un Anglais. Cette situation ne correspond pas au poids de la France dans le fonctionnement de cet organisme au budget duquel elle contribue à hauteur de 18%. Cette absence apparaît comme la conséquence d'une réelle erreur stratégique de la part des autorités françaises.

c) Les attachés de police

Les attachés de police sont rattachés au SCTIP. Au nombre de cinquante-deux et affectés dans le monde entier, ils sont les héritiers des délégués du SCTIP, qui étaient principalement voués à la coopération technique avec les pays africains. Le développement de la coopération policière européenne a conduit récemment à l'affectation d'attachés de police dans les pays européens et à une redéfinition de leur statut et de leurs missions. Des postes d'attachés ont ainsi été créés récemment à Bonn, Madrid, Rome, La Haye et Londres. La perspective de l'élargissement de l'Union européenne aux pays de l'Est va encourager l'ouverture de postes dans ces pays.

En application de la circulaire du 9 mai 1995 du ministre des affaires étrangères et de l'instruction technique du directeur général de la police nationale du 30 avril 1996, les attachés de police font partie du personnel diplomatique au sens de la convention de Vienne du 18 avril 1961. Ils bénéficient à ce titre des privilèges et immunités diplomatiques et sont placés directement sous l'autorité de l'ambassadeur.

Représentant la direction générale de la police nationale, ils sont investis de la double mission de conseiller de l'ambassadeur et d'interlocuteur technique des autorités locales de police. Ils ont donc un rôle essentiel à jouer en matière de coopération policière, tant dans la définition des programmes de coopération, que dans la transmission d'informations.

Pour faciliter leur reclassement, leur affectation à l'étranger est limitée à une durée de trois ans renouvelable une fois, mais pas obligatoirement dans le même pays.

Les officiers de liaison français sont placés sous leur autorité. Mais les attachés de police ne disposent à l'égard de ces officiers ni du pouvoir de notation ni d'un quelconque pouvoir financier.

Lors des déplacements effectués par la mission, votre rapporteur a pu constater l'importance du rôle des attachés de police en matière de coopération bilatérale avec nos partenaires européens. Il a également pu se rendre compte de la qualité et de la motivation de ces personnels, généralement des commissaires divisionnaires.

Les attachés de police que la mission a rencontrés semblaient parfaitement intégrés dans le personnel diplomatique de l'ambassade. Mais il semble que ce ne soit pas toujours le cas, certains attachés ayant pu faire l'objet d'une attitude réticente de la part des ambassadeurs et des personnels diplomatiques en place.

Le rôle des attachés de police est comparable à celui des cinq magistrats de liaison représentant le ministère de la justice à l'étranger, ou des douze attachés douaniers et des quatre attachés de gendarmerie actuellement en poste.

Des magistrats de liaison ont été en effet récemment affectés à La Haye, Madrid, Rome, Bruxelles et Washington. Des créations de poste sont envisagées à Londres, Bonn, en Pologne et en République tchèque. Six attachés douaniers sont implantés dans les pays européens, à Londres, Bonn, Madrid, Rome, Bruxelles et La Haye. Un poste est en cours de création à Varsovie. Les attachés de gendarmerie sont affectés à Madrid, Rome, Ankara et en Argentine. Les gendarmes souhaiteraient étendre leur représentation dans les pays européens, mais ils ont souvent du mal à trouver leur place dans les ambassades entre l'attaché de défense et l'attaché de police. La sous-direction de la sécurité est responsable, au ministère des affaires étrangères, de la cohérence de ces réseaux d'attachés de police, de douane, de gendarmerie et de magistrats de liaison.

d) Les officiers de liaison

Les officiers de liaison exercent leurs fonctions au sein même des services de police étrangers. Ils sont chargés de la coopération opérationnelle au quotidien entre ces services et la police française. Depuis une date récente, ils sont gérés administrativement par le SCTIP, restent fonctionnellement rattachés à leur direction d'origine et sont placés sous l'autorité de l'attaché de police. Depuis 1996, ils ne peuvent rester dans leur poste plus de trois ans renouvelables une fois. Mais deux régimes de gestion coexistent : certains officiers relèvent encore de la direction de l'administration de la police nationale au lieu du SCTIP et leur durée d'affectation n'est pas limitée.

Une vingtaine d'officiers de liaison exercent actuellement dans des pays européens, sans compter les officiers affectés à l'unité de drogue européenne d'Europol. Leurs services fonctionnels de rattachement sont le plus souvent l'UCLAT, en matière de terrorisme, de crime organisé et de stupéfiants et la DICCILEC pour les questions d'immigration.

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