3. Le classement effectué par les fonctionnaires
Comme le
constate l'étude déjà citée sur l'abandon des
poursuites, la première contrainte du Parquet est constituée par
la masse que représente l'ensemble des affaires soumises à la
juridiction. Par souci de gestion,
l'utilisation du principe
d'opportunité a été déléguée pour une
large part
(75 à 80 % des affaires)
à des
exécutants et non plus à des magistrats
: les trois quarts
des affaires sont simplement triés par le bureau d'ordre.
La
décision de classement n'existe même plus comme mesure
administrative du Parquet mais est remplacée par un simple archivage des
masses de procès-verbaux et de lettres qui arrivent au Parquet.
Ainsi, dès l'entrée au bureau d'ordre, les procédures
établies contre X sont mises à part, sauf quelques rares cas.
L'orientation future du dossier est donc totalement laissée à
l'initiative des services qui établissent les procès-verbaux : le
fait de transmettre une procédure contre X au Parquet équivaut
à la vouer au classement sans suite.
Ce tri intervient, faut-il le rappeler, après le choix qui consiste
à établir ou non un procès-verbal (la rédaction
d'une main courante empêche la poursuite pénale de l'affaire
puisque celle-ci reste inconnue au Parquet).
Par ailleurs, les statistiques nationales montrent que 42 % des affaires
classées par l'ensemble des Parquets français lorsque l'auteur
est inconnu sont simplement compostées : cela signifie qu'un
numéro d'ordre leur est attribué mais que les identifiants de ces
affaires ne sont pas enregistrés. Aucune affaire ne peut donc être
retrouvée à l'aide de ce compostage qui n'a d'autre
finalité que d'établir une statistique sur le nombre d'affaires
entrées dans la juridiction.
Plusieurs filtres existent donc avant l'examen du procès-verbal ou de
la plainte par le magistrat aussi bien au niveau de la police et de la
gendarmerie qu'au niveau du bureau d'ordre, et ce alors qu'aucune de ces deux
instances n'est en théorie habilitée à prendre ce genre de
décision.
Il y aurait lieu d'évoquer ici une autre forme de classement sans suite
à travers l'usage abusif du secret défense. A cet égard,
votre rapporteur se félicite que le projet de loi instituant une
commission consultative du secret de la défense nationale actuellement
examiné par le Parlement puisse apporter une solution pour
remédier à ces abus. En effet, ce texte prévoit qu'une
autorité administrative indépendante puisse désormais se
prononcer lorsqu'une procédure juridictionnelle se heurte au secret de
la défense nationale. Cette autorité donnera un avis sur la
déclassification et la communication au juge des informations couvertes
par le secret.