2. Consolider la protection contre la contrefaçon
Dans le
cadre des relations commerciales instaurées au niveau mondial, figure
l'obligation de la loyauté des échanges. Ce principe suppose
aussi l'interdiction du piratage et des contrefaçons. Or, on constate un
développement considérable de ces pratiques provenant le plus
souvent des pays du sud-est asiatique et, plus récemment, d'Europe de
l'Est, qui, faussant le jeu du marché, privent les pays innovants ou
créatifs des retombées financières de leurs efforts.
Elevée au rang d'industrie, la contrefaçon représenterait
aujourd'hui 5 % environ du commerce mondial, soit l'équivalent de
600 milliards de francs
(100(
*
))
. Elle aurait provoqué la
destruction de 100.000 emplois en Europe depuis dix ans, dont
40.000 pour la France, qui a toujours constitué une cible de choix
pour les contrefacteurs en raison de sa place prépondérante dans
la fabrication et le commerce des produits de luxe.
a) Le dispositif français
Pour ces raisons, la France s'est dotée
très
tôt d'un dispositif protecteur, récemment renforcé par une
législation particulièrement efficace face à ce type de
délinquance économique
(101(
*
))
. Outre l'aggravation massive des
sanctions financières et la possibilité de saisine
immédiate en douane des produits suspects, il a été
décidé que les poursuites s'appliqueraient également
à l'encontre du distributeur des marchandises piratées et non
plus seulement à l'égard du fabricant.
Ainsi que l'indiquait M. Lucien Devaux, président du groupe textile
Devaux SA, au cours de son audition par votre rapporteur, "
il est plus
aisé et plus efficace de saisir des produits reproduisant
illégalement nos modèles dans une chaîne
d'hypermarchés français plutôt que d'entreprendre des
poursuites, le plus souvent vaines, contre un petit fabricant thaïlandais
ou coréen devenu introuvable
".
Enfin un comité national anti-contrefaçons, placé sous
l'égide du ministère de l'industrie, a été
institué le 5 avril 1995 afin de constituer un lieu de concertation
et d'information entre les partenaires -industriels et administrations-
impliqués dans la lutte contre la contrefaçon.
b) Le système européen
L'Union
européenne dispose également d'une réglementation
anti-contrefaçon mais qui n'est intervenue que plus
récemment : un premier règlement
(102(
*
))
entré en vigueur le
1
er
janvier 1988, resté inefficace en raison de la
lourdeur et de l'imprécision de ses procédures, a
été remplacé par les règlements CE
n°
s
3295/94 et 1367/95 du 16 juin 1995.
Ce texte fixant les "
mesures en vue d'interdire la mise en libre
pratique, l'exportation, la réexportation et le placement sous un
régime suspensif de marchandises de contrefaçon et des
marchandises pirates
"
apporte trois améliorations
substantielles au précédent dispositif :
- les autorités douanières des Etats-membres, notamment celles
situées aux frontières de l'Union, peuvent désormais
s'opposer d'elles-mêmes à l'entrée des marchandises
suspectes de contrefaçon, sans devoir attendre l'intervention de
décisions judiciaires ;
- le nouveau régime s'applique également aux exportations et au
trafic de transit ;
- la protection est étendue aux droits d'auteurs et aux droits voisins,
ainsi qu'aux dessins et modèles - et non plus seulement aux marques - ce
qui est essentiel pour tous les produits de mode.
De juillet 1995 à juin 1997, ce mécanisme de surveillance a
donné lieu à 4.133 interventions des services des douanes,
soit deux fois plus que durant les sept années de fonctionnement du
précédent règlement. Ces opérations ont
été essentiellement accomplies en Allemagne, en France, au
Royaume-Uni et en Espagne pour des produits en provenance de Pologne, de
Thaïlande, de Turquie et des Etats-Unis
(103(
*
))
.
Si ces résultats sont encourageants, le dispositif de protection n'est
toutefois pas totalement satisfaisant (
104(
*
)
)
: il ne couvre pas, par
exemple, les brevets d'invention de produits et les certificats
complémentaires de protection des médicaments et des produits
phytopharmaceutiques, et il ne s'applique pas à la " marque
communautaire ", pourtant opérationnelle depuis le
1
er
avril 1996, ce qui permettrait pourtant aux titulaires, par
une demande unique, de bénéficier d'une protection
douanière valable dans plusieurs Etats membres.
Il serait
également utile d'organiser, à terme rapproché, un
dispositif de brevet européen.
De surcroît, le problème majeur dépasse ce cadre
européen : il concerne, bien au-delà, la définition
d'une véritable réglementation au niveau mondial. Si certaines
bases existent au niveau de l'OMC, le dispositif est encore trop imparfait et
imparfaitement respecté pour constituer une solide protection contre la
contrefaçon.
Enfin, à l'inverse, l'instrument douanier ne s'applique qu'aux
échanges avec les pays tiers et ne permet pas d'appréhender les
marchandises pirates fabriquées à l'intérieur de la
Communauté ou circulant entre les différents Etats membres.