C. RENFORCER LES POLITIQUES D'ACCOMPAGNEMENT NECESSAIRES
Aider le
développement industriel en favorisant le contexte économique qui
soutiendra son essor fait appel à la mobilisation de très
nombreuses politiques d'accompagnement tant il est vrai qu'une multitude de
facteurs intervient dans ce domaine.
• Il est ainsi incontestable que la
politique de formation et
d'éducation
est un élément essentiel dans une
démarche industrielle globale, dès lors que la concurrence des
pays à faible coûts de main d'oeuvre s'exerce essentiellement aux
dépens de l'emploi non qualifié
(94(
*
))
. Il convient également d'adapter
la formation des jeunes aux besoins de l'industrie : de nombreux industriels
français déplorent le fait que la moitié des jeunes
diplômés ait reçu, en réalité, un
enseignement inutilisable directement dans le monde du travail. La voie de
l'apprentissage, expérimentée en Allemagne de manière
exemplaire, constitue une réponse adaptée aux besoins de
l'industrie et mériterait d'être mieux explorée.
• On ne peut également ignorer la politique de
l'environnement
et les risques que fait courir à la
compétitivité des entreprises européennes une politique de
protection de l'environnement très ambitieuse, donc plus coûteuse
que celle mise en oeuvre dans les autres pays. Il est patent que les
contraintes environnementales sont au centre des préoccupations
actuelles. Il est incontestable qu'elles renchérissent les coûts
et qu'elles peuvent conduire certaines industries à se
délocaliser vers des lieux où les réglementations sont
moins strictes et moins contraignantes
(95(
*
)).
Mais il est non moins vrai que le
souci de protection de l'environnement doit être un objectif mondial et
qu'il faut, autant que possible et dans un souci d'équilibre
coût-efficacité, adapter notre appareil industriel à cet
objectif qui sera de plus en plus présent dans les années
à venir. A cet égard, le programme auto-oil, conduit en
partenariat avec les industries automobile et pétrolière
concernées et portant sur l'amélioration de la qualité de
l'air par la diminution des pollutions automobiles, est exemplaire dans son
souci de rechercher le meilleur rapport coût-avantage des mesures
arrêtées.
• Il faut aussi encourager toutes les mesures qui, dans le cadre du
programme SLIM, ont pour objectif de
simplifier la législation dans
le marché intérieur
et qui éviteront de surcharger les
PME-PMI -principales pourvoyeuses d'emplois- de contraintes administratives.
Dans le même esprit, toutes les mesures qui permettront
de renforcer
la compétitivité des petites structures industrielles,
par
l'innovation ou l'accès au financement extérieur, ne devraient
avoir que des effets positifs.
La micro-industrie constitue en effet une mine d'emplois -qui plus est
d'emplois peu ou moyennement qualifiés- dont on a jusqu'à
présent négligé la richesse potentielle en concentrant
l'intérêt sur les grandes structures. Celles-ci sont
indispensables à la crédibilité industrielle de l'Europe
mais celles-là ne le sont pas moins en terme d'emploi. Dans une
perspective tant industrielle que d'aménagement du territoire, il serait
structurant de repositionner dans des zones aujourd'hui désertées
des petites entreprises industrielles -le cas échéant en
partenariat ou en réseau avec de grandes entreprises pôles- qui
irrigueront le territoire et permettront son développement selon un
schéma plus harmonieux. Ce modèle serait particulièrement
adaptable en France, laquelle n'a guère fait preuve, en ce domaine, de
beaucoup de réussite et pourrait utilement s'inspirer de l'exemple
italien, notamment en Emilie Romagne.
Par ailleurs, quatre autres politiques d'accompagnement qui relèvent,
à l'évidence, de la compétence de l'Union, méritent
d'être ici plus amplement évoquées.
1. Favoriser la politique de recherche et développement
a) Un effort insuffisant au niveau européen
D'excellentes intentions
Tous les partenaires s'accordent à reconnaître la
nécessité d'une politique concertée de recherche : il
est incontestable que la mise en commun des moyens, des connaissances, des
compétences et des résultats ne peut que produire une forte
valeur ajoutée pour l'Union, à condition d'organiser le transfert
des recherches vers les entreprises, notamment les PME, et de les rendre
applicables, pratiquement, dans l'industrie.
La Commission s'est montrée sensible à cet aspect des choses :
d'abord, dans son livre blanc, présenté en 1993, intitulé
"
croissance, compétitivité, emploi : les
défis et les pistes pour entrer dans le
XXI
ème
siècle
", puis en confirmant
qu'elle maintiendrait cet objectif essentiel dans son programme de travail pour
1997, qui comportait un volet consacré à l'amélioration de
l'environnement compétitif en Europe notamment par l'encouragement de
l'innovation.
La même volonté a été affichée lors de la
présentation du cinquième programme-cadre de recherche et
développement (PCRD) dont les négociations sont en cours
d'achèvement, et qui couvrira la période 1999-2003. Les
propositions de la Commission, modifiées le 14 janvier 1998, incluent en
effet quatre programmes thématiques dont le troisième s'intitule
" favoriser une croissance compétitive et durable ".
Celui-ci s'articule autour des cinq actions-clés :
-- produits, procédés et organisations ;
-- mobilité durable et intermodalité, dans le domaine des
transports ;
-- nouvelles perspectives pour l'aéronautique ;
-- technologies de la mer ;
-- ville de demain et patrimoine culturel
(96(
*
))
.
•
Une mise en oeuvre contestée
Il faut espérer que ce cinquième programme saura se montrer plus
convaincant que le précédent : le quatrième volet du PCRD,
actuellement appliqué et valable pour la période 1994-1998
(97(
*
))
a en effet fait l'objet de
nombreuses critiques
(98(
*
))
.
Il lui a été reproché le nombre excessif de projets
retenus -dix-huit- qui conduit à un " saupoudrage " de
financements nuisant à son efficacité ; la règle de
l'unanimité pour l'adoption des programmes conduirait à la
recherche de compromis entre les différents intérêts
nationaux et sectoriaux, pas toujours en phase avec les besoins de
l'industrie ; on observe également qu'il porte peu
d'intérêt au développement des technologies de base
directement utilisables par les entreprises.
Le projet de cinquième PCRD, qui sera définitivement
adopté au printemps 1998, semble avoir pris acte de certains de ces
arguments puisque la Commission a commencé par ramener à trois,
avant de porter à quatre le nombre de programmes à financer.
D'autres modifications ont également été
envisagées, comme le renforcement des responsabilités
accordées à la Commission pour l'exécution du programme et
la substitution du vote à la majorité qualifiée pour la
définition des projets. Pour l'heure, il faut souhaiter que ces bonnes
intentions trouvent leur traduction dans une stratégie convaincante
anticipant les développements des technologies et des marchés.
Des réalisations limitées
La Commission a mis en place des " forces d'actions " ou " task
forces ", concentrant d'importants financements de recherche, afin
d'accroître la compétitivité de l'industrie
européenne dans des domaines précis (" environnement et
eau ", " industrie aérospatiale... "). Toutefois, les
résultats de cette politique restent insuffisants. Ainsi, dans le
secteur aéronautique, la fusion récente de Boeing et
Mc Donnell-Douglas imposera à l'Union un renforcement de ses
financements si elle souhaite que son industrie reste techniquement à un
haut niveau suffisant d'efficacité et de compétitivité.
En effet, globalement, l'Union européenne investit relativement moins
que les Etats-Unis ou le Japon dans la recherche-développement :
elle y consacre 1,9% de son PNB, contre respectivement 2,5 % et 3 %
pour ses concurrents directs.
Rapportée au budget de l'Union, la
recherche-développement n'absorbe que 3,4 % des crédits. Le
cinquième PCRD, qui proposait un budget en hausse en pourcentage du PNB
européen par rapport à celui consacré par le
quatrième volet, vient de voir sa dotation reconduite à un niveau
équivalent, soit 16,3 milliards d'écus.
Dans son deuxième rapport sur les indicateurs pour la science et la
technologie, paru le 7 avril 1998, la Commission européenne a
publié une comparaison des performances en matière de recherche
en Europe et dans cinquante autres pays. Il en ressort que le fossé se
creuse, notamment entre l'Union et ses partenaires américains et
japonais, qui ont investi massivement pour soutenir la
compétitivité et la capacité d'innovation de l'industrie,
dans des secteurs essentiels pour l'avenir. Mme Edith Cresson, commissaire
à la recherche, s'est déclarée préoccupée de
ce retard, ainsi que de constater que
" les investissements
européens dans la science ne se traduisent pas de manière
adéquate en percées industrielles et commerciales "(99(
*
)).
En effet, l'Europe valorise insuffisamment ses investissements pour en faire un
moyen d'affronter l'économie globalisée et de favoriser la
création d'emplois dans les secteurs à haute technologie.
Son handicap essentiel tient au fait que, en matière de
recherche
publique
, les crédits sont attribués dans des conditions
où le souci d'équilibre entre les Etats compromet parfois la
recherche de l'efficacité. En matière de
recherche
fondamentale et appliquée
, seul le niveau communautaire peut
pourtant permettre de dégager des économies d'échelle
indispensables, en facilitant, par exemple, la création de grandes
installations de recherche qu'un Etat membre ne pourrait développer ni
entretenir avec ses seuls moyens.
•
Une démarche fructueuse : le programme EUREKA
Initié par la France, le programme EUREKA trouve, en revanche, le
soutien du monde industriel. On observera d'ailleurs, une fois encore, que la
mise en oeuvre de ce programme résulte de coopérations
extérieures et volontaires et non de l'application des dispositions du
Traité. Depuis l'origine, en 1985, il a permis le financement de plus de
1.250 projets pour un montant de 115 milliards de francs investis par
les Etats et les entreprises. Ce succès s'explique par son mode de
fonctionnement fondé sur le volontariat : ce sont les industriels
qui décident du sujet de recherche, du niveau de leur coopération
et du choix de leurs partenaires, cette démarche garantissant une
meilleure adéquation avec le marché.
b) Un effort à relayer au niveau national
Il est essentiel que les Etats participent à l'effort de recherche, soit en l'assurant directement, soit en appuyant les initiatives privées. Le dispositif fiscal français de crédit impôt-recherche est ainsi un instrument efficace pour favoriser l'innovation : il autorise une réduction de l'impôt sur les sociétés équivalent à 50 % des investissements-recherche. Toutefois, il présente l'inconvénient d'être circonscrit à certains types de dépenses (salaires des personnels, frais de brevets...) trop limités pour être vraiment incitatifs. De surcroît, il serait -paraît-il- psychologiquement mal perçu par les administrations fiscales, ce qui a fait dire à un industriel, lors de son audition, qu'il n'utilisait jamais cette faculté car elle conduisait immanquablement, à brève échéance, à un contrôle fiscal de l'entreprise qui y a recours.