3. L'accord de sortie de grève
Présentation du protocole du 12 décembre 1997
mettant fin au mouvement de grève
Ce protocole, constitué de douze points, a le contenu suivant :
1°) Stratégie de l'entreprise
:
La Direction a confirmé sa volonté de se doter d'un plan
stratégique qui sera élaboré dans le cadre du groupe
France Télévision en complémentarité avec celui de
France 2. Ce plan stratégique a été soumis à
l'avis du Comité Central d'Entreprise à partir du 15 avril 1998.
2°) Programmes régionaux :
La stratégie de l'entreprise prévoira dès 1998 un
développement pluriannuel quantitatif et qualitatif des programmes
régionaux impliquant :
-
1? L'achèvement du programme de diffusion locale et régionale du
créneau de 6 minutes de la tranche d'information du
19-20 heures ;
2? La recherche de nouveaux projets innovants et création dès septembre 1998 d'une nouvelle case hebdomadaire régionale de 26 minutes ;
3? Un premier plan de mesures budgétaires nouvelles affectées aux Régions de 150 millions de francs au moins sur 3 ans dont 35 millions dès 1998 avec 10 millions de francs d'investissement.
La ligne éditoriale de la chaîne ne sera pas remise en cause à l'occasion du transfert de France 3 dans le siège commun et les personnels resteront couverts par les conventions collectives sans perte d'emploi.
4°) Nouvelles technologies :
L'introduction des nouvelles technologies pour lesquelles il est prévu de faire des expérimentations a été soumise à négociation dès janvier 1998 dans le respect des cadres conventionnels existants. Elle impliquera des programmes spécifiques de formation.
5°) Gains de productivité :
Ils n'affecteront ni l'emploi, ni la qualité des programmes et seront réinvestis dans l'entreprise. La direction s'est engagée à ce que l'effectif normal d'une équipe de reportage d'actualité comporte deux journalistes, l'équipe pouvant être complétée par un technicien ou plus, en fonction des contraintes des reportages.
6°) Chaîne des Régions :
Ses programmes seront majoritairement composés des émissions de source régionale déjà diffusées par France 3, qui sera son seul fournisseur et exercera la responsabilité éditoriale. Des partenariats sont recherchés pour porter à 70 % la part détenue par le secteur public dans le capital de la Chaîne des Régions.
7°) Production - Fabrication :
L'objectif des unités régionales de production de France 3 est le suivant: maintien du volume d'activité, plein emploi des moyens de fabrication et modernisation de l'outil.
8°) Transfert en interne des émissions de la grille nationale et régionale :
Il a été établi une liste non exhaustive des émissions dont la production ou la finition sont confiées à des prestataires externes et qui vont faire l'objet d'un transfert de fabrication en interne :
La Marche du Siècle, France Europe Express, Saga Cités, Zazie, Thalassa, Faut pas Rêver, et C'est Pas Sorcier.
Plus généralement, la fabrication en interne des émissions régionales et nationales sera privilégiée.
9°) Requalifications :
Confirmant sa volonté de réduire l'emploi précaire, la direction procédera à un examen, site par site, de la situation de l'emploi à France 3 d'ici au 15 février afin de régulariser les situations individuelles anormales.
Les collaborations de journalistes, techniciens et administratifs occasionnels ou pigistes comptant au moins 420 jours travaillés seront recensés.
Les postes requalifiés en Contrats à Durée Indéterminée seront mis en consultation avant le 30 juin 1998.
Les négociations déjà engagées sur la situation propre aux cachetiers seront poursuivies.
10°) Durée du travail :
-
1? Pour le respect de la durée légale du travail, des
négociations se sont ouvertes à compter du 1er janvier 1998
pour les journalistes et, du 1er janvier 1988, pour les autres
métiers sur les modalités d'application des durées
légales. Un bilan sera dressé le 30 avril 1998.
2? En ce qui concerne les perspectives de réduction du travail à 35 heures : France 3 mettra la loi en oeuvre, dès que ses modalités d'application seront connues. Dans ce but, un travail d'identification des problèmes soulevés sera conduit entre janvier et mars pour les journalistes et entre avril et juin pour les autres métiers. Il sera procédé à des simulations des solutions envisageables et à un bilan, au plus tard, le 30 septembre 1998.
3? La mise en oeuvre de la semaine de 4 jours pour les journalistes sera rendue possible par une nouvelle organisation du travail dans le cadre des projets éditoriaux. Le passage à la semaine de 4 jours sera précédé d'une phase expérimentale impliquant :
• du 15 janvier 1998 au 31 mars 1998 : élaboration de projets par toutes les rédactions sur la base d'un cahier des charges établi le 10 janvier 1998 ;
• du 1er avril 1998 au 30 juillet 1998 : phase d'expérience pour 5 projets sélectionnés ; au plus tard le 30 septembre 1998 : conclusions de ces expériences ;
• au 1er novembre 1998 : début d'application dans la perspective d'une généralisation.
11°) Salaires:
-
1? Une prime de résultat au titre de 1996, de 2 000 francs,
sera versée aux collaborateurs de la chaîne.
2? Un plan pluriannuel de rapprochement salarial entre France 2 et France 3 sera élaboré avant le 31 décembre 1998. Il sera doté d'une première enveloppe de 10 millions de francs en 1998, dont 3 millions de francs seront utilisables dès 1997. Ce plan inclura le traitement des disparités internes en particulier pour les bas salaires, un aménagement de la progression des carrières et une remise à plat du régime indemnitaire. La méthode de répartition de l'enveloppe globale et le calendrier des opérations feront l'objet de négociations dès le 8 janvier 1998.
La Direction s'est engagée à traiter ultérieurement de sujets tels que l'emploi et les qualifications dans les télévisions locales, la formation professionnelle, les évolutions de carrière, la mobilité, le décloisonnement des moyens de fabrication et les droits d'auteurs des journalistes.
Chiffrage des surcoûts du protocole d'accord de sortie de grève
Les surcoûts consécutifs au protocole de sortie de grève du 12 décembre 1997 sont les suivants :
1. Programmes régionaux: 150 millions de francs sur trois ans dont 35 millions de francs en 1998
Un budget supplémentaire de 35 millions de francs est affecté aux régions dès 1998, accompagné d'un budget d'investissement de 10 millions de francs. Sur trois ans, ce sont 150 millions de francs de "mesures budgétaires nouvelles" pour les programmes régionaux qui ont été actées dans le protocole.
2. Rapprochement salarial France 2 - France 3 : 14 millions de francs en 1998
Une enveloppe supplémentaire de 14 millions de francs (charges comprises) sera utilisée en 1998 pour procéder au rapprochement salarial entre France 3 et France 2.
3. Autres dispositions du protocole
Les autres dispositions mentionnées au protocole peuvent être classées en deux catégories :
-
• les dispositions ne générant pas de surcoût ou dont
le financement était d'ores et déjà assuré :
il s'agit en particulier des formations spécifiques destinées
à faciliter la mise en oeuvre des nouvelles technologies, du transfert
en fabrication interne de certaines prestations précédemment
confiées à des fournisseurs externes, de la requalification en
CDI de postes tenus par des CDD.
• les dispositions, dont le coût ne peut être évalué, car leurs conditions de mise en oeuvre seront négociées dans le courant de l'année 1998. Il s'agit de la réduction de la durée du travail à 35 heures et la mise en place de la semaine de 4 jours pour les journalistes.
L'impact sur 1998 des surcoûts consécutifs au protocole de sortie de grève du 12 décembre 1997 s'élève donc à 49 millions de francs (35 millions de francs pour les programmes régionaux, 14 millions de francs pour le rapprochement salarial).
Le budget approuvé par le Conseil d'Administration de France 3 du 26 janvier 1998 prend en compte le financement de 24 millions de francs de ces surcoûts par redéploiement interne au sein des grands secteurs de la société.
Pour ce qui est des 25 millions de francs restants, un budget modificatif sera présenté courant 1998. Il prendra en compte la réflexion sur les orientations stratégiques engagées en janvier et pourra conduire à un redéploiement supplémentaire de moyens financiers et opérationnels pour une dizaine de millions de francs.
Les événements sportifs prévus en 1998 (Coupe du Monde de Football, nouvelle programmation en matière de football) pourraient conforter le niveau d'audience de France 3. Une recette complémentaire d'une quinzaine de millions de francs pourrait être dégagée.
* * *
C'est un
conflit emblématique, significatif d'une crise d'adaptation du secteur
public.
En l'occurrence, une entreprise qui a fait preuve de son dynamisme, craint
d'être privée des fruits de ses efforts par une politique de
rigueur si ce n'est à courte vue, du moins trop brutale
.
Les entreprises du secteur public sont des organismes complexes et
fragiles ; à trop leur demander et trop vite, on crée des
risques de blocages psychologiques face à des changements pourtant
inévitables.
Autant on peut comprendre un certain découragement quand on ne leur
offre, au nom de contraintes générales, pour tout horizon que
toujours plus de rationalisation, autant - dans l'intérêt
général - tous les acteurs du secteur public, à
quelque niveau qu'ils se trouvent, doivent se montrer déterminé
à moderniser les conditions de fonctionnement du secteur.
A l'heure du numérique, le secteur public doit prendre conscience
qu'il est désormais en compétition avec les diffuseurs, publics
et privés, du monde entier
. Si le secteur public français ne
veut pas se trouver en situation difficile dans les prochaines années,
les chaînes publiques doivent s'adapter et moderniser leurs relations de
travail, ce qui, à l'évidence, suppose l'adaptation des
règles contractuelles du travail en respectant les droits des
personnels, mais en tenant compte de l'intérêt public qui, en ce
domaine, se confond avec l'existence de chaînes publiques fortes et
assurées de la confiance des téléspectateurs.