3. Le problème de la révision de la convention et des modalités d'application de la diminution du temps de travail
Les
techniques numériques révolutionnent les métiers de
l'audiovisuel. Chacun en est conscient. A l'ancienne distinction entre le
journaliste et les techniciens, se substitue désormais la profession de
journaliste-reporter, qui filme et monte, après avoir conduit
l'entretien.
En outre, les structures nouvelles, La Cinquième, Arte, ainsi que les
opérateurs de l'audiovisuel extérieur, sont en-dehors du champ
d'application de la convention collective de la communication et de la
production audiovisuelle (CCCPA).
Une renégociation très difficile
Cette convention a été conclue par période de trois ans
renouvelable. Le terme de la période triennale d'application en cours
est le 31 mars 1999.
Les formes prévues pour renégocier la convention sont si
contraignantes qu'il est en fait impossible aux partenaires sociaux de discuter
sereinement.
Une demande remettant en cause tout ou partie de la convention ne peut
être déposée qu'au cours des six mois qui
précèdent l'échéance triennale et des six mois qui
suivent : une telle demande devrait donc être faite avant la fin du
mois de septembre 1998 au plus tard.
Au surplus, la négociation doit être close dans les trois mois au
plus à compter de la demande.
On voit donc qu'il existe une " fenêtre de tir " d'une
durée d'un an tous les trois ans, au cours de laquelle les rapports
entre partenaires sociaux ont naturellement tendance à se crisper.
Résultat : tout mouvement pouvant alors être
interprété comme un acte d'hostilité, les
sociétés et la tutelle on jusqu'à présent renoncer
à remettre en question la convention.
En outre, le changement de régime conventionnel ne pourrait pas
intervenir à court terme puisque en l'état actuel des choses, il
faudrait attendre non seulement l'expiration de la convention en cours depuis
mars dernier mais encore laisser s'appliquer celle qui lui succéderait.
Il faudrait donc attendre 6 ans pour que le nouveau régime entre en
vigueur !
EMPLOIS
MASSE SALARIALE
MASSE SALARIALE PAR EMPLOI
Vers une adaptation progressive ?
En accord avec les tutelles, l'Association des employeurs du service public de
l'audiovisuel, signataire de la CCCPA a dans un premier temps cherché
non à dénoncer la convention, mais à engager des
négociations en vue de transformer ce texte en convention collective
à durée indéterminée.
L'idée initiale était de faire en sorte que les procédures
de dénonciation et de révision puissent à l'avenir
être engagées à tout moment, conformément au droit
commun. Renégocier les modalités d'adaptation de la convention,
de façon à pouvoir aborder dans la sérénité,
sans date-butoir les problèmes de fond, tel était le principe
retenu par l'association des employeurs du service public de l'audiovisuel.
Cependant, faute de l'accord de tous les syndicats signataires, il semble que
l'association s'engage actuellement sur une voie moins ambitieuse certes mais
qui reste nécessaire :
la révision des modalités
de révision.
En effet, tandis que la révision des modalités de
renégociation d'une convention collective exige l'accord de tous les
signataires, il n'en est pas de même des modalités de
révision partielle. Dès lors qu'il n'est pas question de remettre
en cause l'ensemble du dispositif conventionnel, la révision des
modalités de révision suffirait pour engager un processus qui ne
peut être que progressif.
Dans cette approche graduelle, des négociations pourraient alors
être engagées sur le système de classifications et le
système salarial qui lui est lié, ainsi que sur les questions
relatives à la durée et à l'aménagement du temps de
travail, permettant que les négociations d'entreprises puissent enfin
occuper l'espace qui leur revient normalement en ces matières, gage de
l'adaptation du dispositif conventionnel aux spécificités de
chacune des sociétés et de chaque catégorie de personnels.
Le plus urgent serait sans doute, d'une part, de réviser les
classifications professionnelles et le mode de fixation des
rémunérations, et, d'autre part, d'adapter les règles en
matière de durée du travail en tenant comte des perspectives
ouvertes par la loi sur les 35 heures.
Le système actuel des classifications professionnelles n'est
adapté ni dans les métiers ou les emplois qu'il distingue, ni
surtout dans sa méthodologie. Il est constitué par une liste
très détaillée d'emplois, alors qu'il devrait plutôt
se présenter comme un schéma plus souple, précisant pour
chaque catégorie des critères classant de niveaux
hiérarchiques et de responsabilité, laissant le soin aux accords
d'entreprises le soin de fixer en fonction des principes ainsi
dégagés, la liste effective des emplois.
Corrélativement, il faudrait aboutir à ce que
la convention
collective
ne
détermine
, comme dans les autres secteurs, que
les salaires minimaux et renvoie aux accords d'entreprises la fixation des
salaires réels.
Ce n'est sans doute que dans un deuxième
temps que l'on devrait aborder la question de l'avancement et en particulier la
façon dont il pourrait être fait une place accrue à la
promotion individuelle par rapport aux " automatismes ".
L'autre question urgente est relative à la durée du travail et
à l'application de la loi sur les 35 heures. La situation actuelle,
à certains égards encore incertaine sur le plan
réglementaire, ne facilite pas les choses.
De plus, la nouvelle loi souligne la non-conformité à la loi d'un
certain nombre de dispositions conventionnelles.
La convention collective de
l'audiovisuel n'est pas une convention étendue dans la mesure où
elle ne couvre pas l'ensemble du secteur.
Les dispositions
dérogatoires qu'elle prévoit en matière d'heures
supplémentaires, manquent donc, de fait, d'une base légale
solide. A cette incertitude de fond, s'ajoutent celles sur la mise en oeuvre de
la loi : quel sera le nouveau contingent maximal des heures
supplémentaires actuellement fixé à 130 ? Quel taux
de majoration sera applicable aux heures travaillées entre 35 et 39
heures ? Nul doute qu'il ne sera pas facile de négocier en
l'absence, de référence réglementaire en la matière.
Indépendamment de ces questions encore non résolues, la
réduction de la durée du travail hebdomadaire place
les
sociétés de l'audiovisuel public
dans une situation
délicate :
-
• d'une part, elles
ne peuvent bénéficier comme leurs
concurrentes du secteur privé d'aides à la mise en oeuvre des 35
heures.
Interrogée à ce sujet par votre rapporteur lors de
son audition le jeudi 28 mai 1998 par la commission des finances,
Mme Martine Aubry, Ministre de l'Emploi et de la Solidarité, a
indiqué que " les sociétés audiovisuelles avaient
été exclues de l'aide à la réduction du temps de
travail parce que cette question doit être traitée dans le cadre
de la subvention globale qui leur est apportée par l'État ".
S'agira-t-il alors de moyens supplémentaires alloués aux
entreprises de l'audiovisuel public et d'où proviendront-ils ?
• d'autre part, bien qu'aucune étude précise n'ait encore été réalisée sur les conséquences de la réduction de la durée du travail dans l'audiovisuel public, on peut craindre qu'elle ne s'accompagne d'un alourdissement de la masse salariale, dont on a vu qu'elle était déjà élevée.
Compte tenu du contexte budgétaire déjà fragile, il est peu probable que les sociétés aient les moyens de passer à la nouvelle durée hebdomadaire de travail, sans une aide de l'État.
En définitive, on ne voit pas comment l'État ne serait pas mis à contribution, qu'il s'agisse de la question des 35 heures ou de l'adaptation de la convention collective. Pour votre rapporteur, les deux dossiers sont historiquement liés.