b) Les techniques du génie génétique
Les
termes employés
Il peut être utile dans un premier temps d'effectuer quelques mises au
point terminologiques.
Le dictionnaire
14(
*
)
donne
plusieurs définitions du mot " génie ". En ce qui
concerne le " génie " génétique, il
précise qu'il s'agit des "
méthodes d'investigation et
d'expérimentation sur les gènes
", c'est-à-dire
d'un
ensemble de pratiques
relatives à cet objet, comme le
" génie " civil qualifie l'art des constructions, ou le
" génie " rural l'ingénierie appliquée au monde
rural.
TERMINOLOGIE
" Il faut entendre le mot " génie " de
" génie génétique " dans le sens où il
est employé dans " génie civil ", c'est-à-dire
" l'art " des constructions génétiques. Le terme de
"
méthodologie des recombinants d'ADN
" est plus
précis et probablement mieux approprié : il s'agit de l'ensemble
des techniques utilisant la recombinaison de fragments d'ADN,
c'est-à-dire la liaison entre eux de fragments d'origines
différentes. "
In : " génétique moléculaire ",
Encyclopédie Universalis, A. Kahn.
On ne peut que constater -et déplorer- que
les autres sens du mot
"
génie
"
(esprit surnaturel doté d'un
pouvoir magique, voire être maléfique) aient contribué
à jeter le doute et la suspicion sur cette discipline
, de
même que le terme de "
manipulation
"
génétique, qui laisse entendre qu'il pourrait s'agir de
prestidigitation ou de manoeuvre malhonnête, en raison là encore
des différents sens du mot "
manipulation
", de
"
maniement
" au sens propre, c'est-à-dire action
effectuée manuellement, à "
manoeuvre
",
"
tripotage
", voire "
emprise
occulte
"
15(
*
)
.
Le principe
Le génie génétique
16(
*
)
permet, en raison de
l'universalité du code génétique,
d'introduire dans une
cellule un gène
qu'elle ne possédait pas à l'origine,
ce qui a pour conséquence, en vertu des mécanismes décrits
ci-dessus,
la production, par la cellule receveuse, d'une
protéine
qui n'était pas antérieurement
fabriquée par cette cellule.
De même qu'il est possible de découper une bande magnétique
et d'en recoller les morceaux dans un autre ordre, il est possible de
découper l'ADN et d'associer les fragments obtenus, qui peuvent provenir
de plantes ou d'animaux. L'ADN remodelé est appelé ADN
" recombinant ".
Lorsqu'on a transféré un gène dans les cellules germinales
d'un organisme, permettant ainsi la transmission du gène
transféré à la descendance de cet organisme, on parle de
" transgénèse ".
En pratique, ce remodelage du génome s'articule en plusieurs
opérations.
Les techniques employées
Là encore, votre rapporteur se bornera à une description
très schématique de trois principales techniques
17(
*
)
.
Les enzymes de restriction et le " découpage " de l'ADN
Les enzymes de restriction sont des enzymes initialement présentes chez
les bactéries, qui ont pour propriété de
reconnaître des séquences bien particulières de
nucléotides et de les isoler,
en " clivant " l'ADN
double-brin à leur niveau, produisant ainsi des fragments de tailles
variables.
Ces enzymes peuvent être assimilés à des " bistouris
moléculaires sélectifs ", permettant de découper
proprement l'ADN, en des endroits bien précis, suivant la nature de
l'enzyme.
QUELQUES ENZYMES DE RESTRICTION UTILISÉES EN GÉNIE GÉNÉTIQUE
Enzyme |
Bactérie d'origine |
Séquence d'ADN reconnue |
Coupure effectuée par l'enzyme |
EcoRI |
Excherichia coli |
GAATTC
|
G
AATTC
|
Hind III |
Haemophilus influenzae |
AAGCTT
|
A
AGCTT
|
Bam HI |
Bacilius amyloliquefaciens |
GGATCC
|
G
GATCC
|
Hae III |
Haemophilus aegyptius |
GGCC
|
GG
CC
|
Hpae I |
Haemophilus parainfluenzae |
GTTAAC
|
GTT
AAC
|
tiré de l'article précité
" génie génétique " de l'Encyclopédie
Universalis
La découverte de cette technique a été une étape
essentielle car, jusque là, il était difficile d'isoler
précisément un gène déterminé en raison
notamment de la fréquente structure en mosaïque du génome et
de sa complexité.
La multiplication -ou clonage- des gènes
L'étape suivante, le clonage, est l'opération qui consiste
à
reproduire en grand nombre le fragment initial d'ADN
,
grâce à des " vecteurs de clonage " qui permettent leur
introduction dans des organismes chargés de la réplication.
L'opération est résumée de la façon suivante dans
le dictionnaire permanent bioéthique et biotechnologies
18(
*
)
:
" Les millions de fragments (d'ADN) obtenus sont insérés
dans des vecteurs (plasmides, phages, cosmides, etc..., eux-mêmes
composés d'ADN) à l'aide de
ligases
. Ces vecteurs peuvent
être introduits à l'intérieur de
bactéries (ou de
levures) où ils se répliquent
. Les bactéries qui
contiennent les vecteurs porteurs des fragments d'ADN étranger peuvent
se multiplier sous forme de colonies. Chaque colonie est issue d'une seule
bactérie n'abritant elle-même qu'un seul vecteur porteur d'ADN
étranger. Chaque colonie contient donc un fragment d'ADN étranger
et un seul. Le clonage des bactéries recombinantes (porteuses d'ADN
étranger) a donc permis d'isoler les différents fragments d'ADN
de départ. C'est cette opération qui a donné son nom au
clonage de gène qui est en fait le clonage de bactéries porteuses
de gènes étrangers. Le passage obligé par les
bactéries comporte donc deux avantages :
- l'isolement d'une multitude de fragments d'ADN par
l'intermédiaire du clonage des bactéries recombinantes ;
- l'amplification des gènes isolés. Les bactéries
issues de chaque colonie peuvent en effet être multipliées en
très grand nombre. Une opération simple permet d'isoler le
vecteur et finalement l'ADN étranger à partir de ces
bactéries. L'expérimentateur dispose dès lors de
l'ensemble des fragments d'un génome à l'état isolé
et en abondance ".
Le transfert des gènes
19(
*
)
Cette opération consiste
à introduire le gène
cloné dans la cellule receveuse
(bactérie, levure, cellule
animale ou végétale).
Pour cela, on suit diverses étapes :
-
préparation du gène
, par ajout
d'éléments (gène promoteur, gène terminateur,
gène " d'adressage "...) permettant à la cellule
receveuse de décrypter le message génétique ;
- intégration dans un "
vecteur d'expression
"
(plasmides par exemple), distinct des vecteurs de clonage décrits
ci-dessus ;
-
transfert du gène
, réalisé par
différentes méthodes suivant la nature de la cellule receveuse,
comme indiqué dans le tableau suivant :
MÉTHODES DE TRANSFERT DE GÈNE
ORGANISME RECEVEUR |
MÉTHODE DE TRANSFERT EMPLOYÉE |
Micro-organismes (bactéries, levures, champignons). |
|
Cellules végétales |
•
Des plasmides spéciaux sont utilisés pour certaines cellules
végétales : plasmide
Ti d'Agrobacter tumefaciens
et
plasmide
Ri d'Agrobacter rhizogenes
|
Cellules animales |
|
In : " Le génie génétique appliqué à la production alimentaire ", Ibid, p. 4