II. LES DÉBOIRES PAYSAGERS
Si la politique de protection de l'environnement s'est
attachée à préserver de grands espaces naturels
d'intérêt national ou jugés sensibles, elle a trop
longtemps négligé les espaces agricoles proches des cités
-en considérant qu'ils n'étaient pas remarquables- et les
" grands ensembles " en estimant qu'ils étaient sans
intérêt. Votre rapporteur déplore que l'on n'attache pas
une importance suffisante à l'aspect des espaces périurbains dans
ou près desquels vit une large part de la population française.
L'urbanisation des abords des villes s'effectue selon un modèle
très consommateur d'espace, peu différencié, qui gomme
indistinctement les spécifités géographiques, historiques,
ou culturelles des sites préexistants. De plus, le développement
de l'espace périurbain se fait de manière monofonctionnelle :
habitat-travail-loisirs-commerces, ce qui multiplie les besoins de
déplacement, fondus dans un vaste " continuum urbain "
globalement indifférencié. Il en est ainsi des franges ou des
lisières urbaines, comme des nouvelles infrastructures de transport :
ces dernières constituent désormais une nouvelle maille sur le
territoire (rocades, échangeurs, ...) et ont une emprise sur de
très vastes territoires, parfois beaucoup plus vastes que les villes
qu'elles desservent. Sur ces sites, des logiques très
structurées, tant techniquement que du point de vue opérationnel,
comme la construction d'une voie rapide, s'opposent à des structures
anciennes et beaucoup plus fragiles comme l'organisation agricole.
Il est frappant de constater que dans les espaces périurbains, le site
à urbaniser est considéré comme une
"
denrée reproductible et périssable
". Il
suffit d'observer la rapide obsolescence des zones commerciales ou artisanales
ainsi que l'apparition de friches commerciales, pour comprendre que les besoins
de sites à urbaniser reposent souvent plus sur le déplacement de
fonctions déjà remplies que sur la satisfaction de besoins
nouveaux.
Face à cet " espace jetable ", il convient de s'interroger sur
les possibilités encore limitées de recyclage de ces surfaces,
qui condamnent pour le moment une part importante de la population
française à vivre dans, ou à proximité de sites
dévalués.