B. FAVORISER UNE POLITIQUE DÉPARTEMENTALE DES ESPACES NATURELS SENSIBLES EN MILIEU PÉRIURBAIN
La mise en oeuvre, par les départements
concernés, d'une politique dynamique de protection des espaces naturels
sensibles présente de multiples avantages, spécialement en milieu
périurbain. La grande latitude laissée aux pouvoirs publics
s'agissant de la sélection des espaces, associée à
l'obligation de leur ouverture au public peut, fort utilement, contribuer
à réconcilier les habitants des zones périurbaines avec
les espaces naturels les entourant et répondre au désir, souvent
exprimé à votre rapporteur, d'un type de paysage ouvert et
accessible.
Créé en 1959 pour préserver des " fenêtres
vertes sur le littoral provençal
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*
)
", le concept d'espace naturel
sensible a été généralisé à tous les
départements à partir de 1961. La loi n° 85-729 du
18 juillet 1985, modifiée par la loi du
2 février 1995, a affirmé la compétence des
départements dans l'élaboration et la mise en oeuvre d'une
politique de protection, de gestion et d'ouverture au public des espaces
naturels sensibles.
En l'absence d'une définition réglementaire, on entend par
espace naturel sensible, un site présentant des qualités
certaines, compte tenu de l'intérêt des biotopes présents,
ou de ses caractéristiques paysagères ou esthétiques. Il
peut s'agir également de terrains sans réelle valeur
intrinsèque, mais considérés comme fragiles, parce que
soumis à des pressions extérieures, telles que l'urbanisation ou
un tourisme intensif.
Les espaces ainsi identifiés peuvent être inclus dans des zones de
préemption, ou bénéficier de financements au titre de la
taxe départementale des espaces naturels sensibles (TDENS).
- Selon l'article L.142-3 du code de l'urbanisme,
les
départements ont la faculté d'instituer des zones de
préemption en concertation avec les communes concernées.
Lorsque la commune est couverte par un plan d'occupation des sols (POS), l'avis
du conseil municipal doit être obligatoirement pris en compte. Dans le
cas contraire, le Conseil général peut passer outre avec l'accord
du préfet.
L'exercice de ce droit de préemption est analogue à celui du
droit de préemption urbain, mais il peut être
délégué au Conservatoire du littoral, à l'Etat,
à une collectivité territoriale ou à l'Agence des espaces
verts de la Région Ile-de-France. De plus, le Conservatoire du littoral,
les établissements publics de coopération intercommunale et les
communes concernées peuvent se substituer au département dans
l'exercice de son droit de préemption. Enfin, le droit de
préemption au titre des espaces naturels sensibles ne peut, a priori,
concerner que des espaces naturels non construits.
Selon l'article L.142-3 du code de l'urbanisme, la préemption d'un
bien bâti n'est possible que si le terrain "
est de dimension
suffisante pour justifier son ouverture au public et qu'il est, par sa
localisation, nécessaire à la mise en oeuvre de la politique des
Espaces naturels sensibles. Dans le cas où la construction est
conservée, elle est affectée à un usage permettant la
fréquentation du public et la connaissance de milieux
naturels
".
- Sont également considérés comme espaces naturels
sensibles, les terrains bénéficiant des financements au titre de
la TDENS.
Depuis la loi du 18 juillet 1985, le département a la
faculté de lever une taxe dont le taux maximum est de 2 % et dont
l'assiette est identique à celle de la taxe locale d'équipement
(TLE). Cette taxe est prélevée sur l'ensemble des constructions
sises sur le territoire départemental.
Le produit de la taxe est affecté :
.
à l'acquisition de terrains
, par voie amiable,
expropriation, ou préemption dans les zones définies
ci-dessus ;
. à la participation du Conseil général pour
subventionner
des
acquisitions de terrain
par le
Conservatoire du littoral ou des communes ;
.
à l'aménagement et à l'entretien des terrains
acquis en direct
ou par les communes ;
.
à l'acquisition
,
à l'aménagement et
à la gestion de sentiers
ou
de
chemins
,
notamment le long des cours d'eau.
Quelles que soient les raisons pour lesquelles un terrain devient espace
naturel sensible, l'objectif fondamental affiché par la loi est son
ouverture au public, ce qui suppose éventuellement la réalisation
de certains aménagements. Selon l'article L.142-10 du code
précité, ces aménagements doivent être compatibles
avec "
la sauvegarde des sites, des paysages et des milieux
naturels
", ce qui autorise seulement des "
équipements
légers d'accueil du public ou nécessaires à la gestion des
terrains, ou à leur mise en valeur à des fins culturelles ou
scientifiques
".
La jurisprudence fait une application stricte de cette obligation d'ouverture
au public en considérant notamment qu'un département ne peut
exercer son droit de préemption au titre des espaces naturels sensibles,
uniquement pour assurer la pérennité de l'affectation agricole
des terrains préemptés
51(
*
)
.
Cependant, la loi du 2 février 1995, introduit une exception
à l'obligation d'ouverture au public, si la fragilité du milieu
naturel en cause le justifie.
La réglementation sur les espaces naturels sensibles peut être
mise en oeuvre avec profit dans les espaces périurbains. Nombre
d'espaces naturels cultivés ou non pourraient être ainsi
aménagés sans présenter pour autant des
caractéristiques à proprement parler " remarquables ".
Les aménagements pourront organiser et réglementer de
façon plus ou moins stricte l'accès du public, afin de
préserver, s'il est besoin, les richesses de ces espaces.
Comme il a été noté plus haut, le produit de la TDENS sert
notamment à l'acquisition, à l'aménagement et à la
gestion des sentiers figurant sur le plan départemental des
itinéraires de promenades et de randonnées (PDIPR).
Rien n'interdit donc, en milieu périurbain, le financement par cette
taxe de " coulées vertes " ou d'un réseau de chemins et
sentiers aménagés dans des espaces naturels jouxtant des zones
urbanisées.
- On pourrait ainsi très utilement s'inspirer du concept de
" voie verte " -voie publique paysagée, conçue comme
espace de loisirs, ou " espace d'interprétation du
patrimoine "- qui se développe très rapidement en
Grande-Bretagne, au Québec et aux Etats-Unis. Largement fondé sur
la reconversion d'une emprise déjà utilisée par l'homme et
tombée en désuétude -comme les voies ferrées, les
canaux ou les anciennes voies navigables- ce concept trouve tout son
intérêt en milieu périurbain, où beaucoup d'espaces
en friches appellent la définition de nouveaux usages.
Votre rapporteur a d'ailleurs observé à Valenciennes ou à
l'Ile-Saint-Denis qu'une habile mise en valeur des abords des voies d'eaux
permettait souvent d'enrichir le paysage urbain ou périurbain.