B. DES INSTRUMENTS D'AMÉNAGEMENT PEU EFFICACES
Les livres II et III du code de l'urbanisme, consacrés aux droits de préemption, aux réserves foncières et aux modalités de l'aménagement foncier ne prennent pas assez en compte les problèmes spécifiques des espaces périurbains. Alors que la gestion de la " zone-frontière " entre l'agglomération et l'espace agricole ou naturel nécessite des outils de protection des espaces naturels et de gestion de la croissance urbaine, les dispositions précitées tendent essentiellement à accompagner le mouvement d'expansion urbaine.
1. Une philosophie de l'urbanisation
L'esprit qui inspire les dispositions relatives aux droits de préemption et à la conduite des opérations d'aménagement repose sur l'idée que les terrains périurbains ont vocation, -sauf intention contraire de la commune- à être urbanisés.
a) Droits de préemption et zones d'aménagement différé : des droits pour urbaniser non pour équilibrer
Les dispositions du Titre I du second livre du code de
l'urbanisme visant l'institution de droits de préemption et de Zones
d'aménagement différé tendent d'une part à
permettre à la puissance publique de s'approprier des terrains, et
d'autre part à lui donner les moyens de conduire une politique
d'aménagement.
Aux termes de l'article L. 211-1 du code de l'urbanisme, le
droit de
préemption urbain
peut être institué dans les zones
urbaines et dans les zones d'urbanisation futures délimitées par
le POS ou dans les espaces ayant fait l'objet d'un plan d'aménagement de
zone. Il s'ensuit que la collectivité publique ne peut pas exercer de
droit de préemption dans des zones non urbanisables, -hormis dans les
ZAD évoquées ci-dessous- celles-là même qui
représentent l'essentiel des espaces périurbains !
La création de
zones d'aménagement différé
(ZAD)
est possible en dehors des zones urbaines et des zones d'urbanisation
future
37(
*
)
. Le droit de
préemption urbain peut s'y exercer pendant une durée de quatorze
ans. Le juge contrôle la légalité des objectifs poursuivis
par les créateurs de la ZAD au regard des dispositions de l'article
L. 300-1 du code de l'urbanisme qui détermine le champ des
opérations d'aménagement. Comme le souligne la doctrine,
"
l'objectif de faire échec à la spéculation
foncière ne figure pas au nombre des finalités du droit de
préemption, mais la création d'une ZAD peut être
justifiée au regard de cet objectif si elle s'accompagne d'un projet
d'aménagement
"
38(
*
)
Il s'ensuit donc que les collectivités ne peuvent pas créer de
réserves foncières par le biais des ZAD si elles ne souhaitent
pas y mener une opération d'aménagement. Ces dispositions
constituent donc une limite importante à l'action foncière
communale.
b) Opérations d'aménagement
Selon l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme,
l'aménagement foncier tend à "
mettre en oeuvre une
politique locale de l'habitat, à organiser le maintien, l'extension ou
l'accueil des activités économiques, à favoriser le
développement des loisirs et du tourisme, à réaliser des
équipements collectifs, à sauvegarder ou à mettre en
valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces
naturels
". Le troisième livre du code de l'urbanisme,
consacré à l'aménagement foncier, distingue notamment
parmi les opérations d'aménagement la procédure de
création des Zones d'aménagement concerté (ZAC) d'une
part, la restauration immobilière et la création des secteurs
sauvegardés d'autre part. Ces deux formules ne répondent pas aux
besoins d'une meilleure gestion de l'espace périurbain, l'une parce
qu'elle tend essentiellement à étendre l'urbanisation, l'autre
parce qu'elle ne s'applique
de facto
qu'au centre historique de
l'agglomération.
Le régime juridique des
zones d'aménagement
concerté
(ZAC) a été défini par la loi
d'orientation foncière du 30 décembre 1967. Les ZAC
sont destinées à "
réaliser l'aménagement
et l'équipement des terrains ",
notamment de ceux acquis par
une collectivité afin de les céder ou de les concéder
ultérieurement à des utilisateurs publics ou privés.
L'article R-311-1 du code de l'urbanisme précise que les ZAC tendent
à la réalisation de constructions à usage d'habitation, de
commerce, d'industrie, de services, d'installations et d'équipements
collectifs publics ou privés, toutes constructions dont il serait
souhaitable de réguler l'afflux dans les abords des
agglomérations.
Quant à la création de
secteur sauvegardés
et
à l'élaboration des
plans de sauvegarde
, elles permettent
de protéger des secteurs "
ayant un caractère historique,
esthétique ou de nature à justifier la conservation, la
restauration et la mise en valeur de tout ou partie d'un ensemble
d'immeubles
"
39(
*
)
. Ces
dispositions répondent au besoin de protéger des secteurs anciens
dignes d'intérêt, lesquels sont bien rares dans les environs des
villes.
C'est ainsi que ces deux types d'opérations d'aménagement ne
répondent pas au besoin essentiel de l'espace périurbain :
le maintien du fragile équilibre entre les zones agricoles et les zones
urbanisées ou leur meilleure interpénétration.