Audition de M. Olivier MURON
Directeur du Pôle Administration
Direction de
l'Innovation et des Nouveaux Usages
France TELECOM
Résumé : Internet et Intranet constituent aujourd'hui des outils de compétitivité et de productivité essentiels pour les entreprises comme pour les Administrations et c'est une véritable révolution ; or, la France est en retard dans l'utilisation de ces technologies, que ce soit dans les entreprises - qui considèrent trop souvent l'investissement informatique comme un centre de coût -, dans l'administration, pour l'usage domestique ou pour l'éducation ; dans le même temps, les USA multiplient les programmes visant à généraliser l'utilisation d'Internet dans tous les domaines ; ils le font parce qu'ils constatent que l'impact des nouvelles technologies sur la croissance et sur l'emploi est considérable - entre un tiers et la moitié de l'augmentation du PIB l'année dernière ; la France doit réagir sans délais sauf à voir l'écart se creuser avec ses grands partenaires économiques.
1. Chercheur de formation
, c'est en 1994 que j'ai eu
vraiment un "
flash
" sur Internet en me
rendant compte
au sein de l'INRIA (Institut National de Recherche en Informatique et en
Automatique) du " phénomène " Internet: à la
fois une évolution technologique très rapide et un foisonnement
de nouvelles applications. Le
réseau
devenait rapidement
un
outil de productivité
essentiel : cela allait
constituer une révolution à laquelle il fallait nous
préparer; l'INRIA a participé avec des partenaires industriels ou
utilisateurs à de nombreux projets " Autoroutes de
l'Information " par exemple " MulticâblE " qui a
démarré en 1994 (Internet sur réseau
câblé) ou " Storia " (Intranet pour un grand groupe
industriel), etc.; donc, nous avons réalisé à cette
époque qu'Internet allait devenir le grand réseau de
communications mondial, prototype des " Autoroutes de
l'Information ".
2. Sur le constat du retard français
dans l'utilisation des
nouvelles technologies de l'information et de la communication, c'est assez
clair: dans les
entreprises
, Internet est souvent
considéré comme un
centre de coût
plutôt qu'une
opportunité d'améliorer sa
compétitivité
; là, on sent une différence
d'approche entre l'Europe en général et les USA ; en termes
d'investissements informatiques, l'écart avec les USA a d'ailleurs
tendance à se creuser ; c'est très préoccupant ;
en
informatique domestique
, notre taux d'équipement est
également faible ; nous faisons un gros effort au niveau des
administrations : tous les Ministères (sauf un) disposent
aujourd'hui d'un serveur Internet, un annuaire a été mis en
place
, des systèmes de formulaires électroniques
sont en cours de développement; mais le niveau reste trop faible
aujourd'hui ; alors qu'aux USA, il y a eu
10 millions de
déclarations d'impôts
sur Internet cette
année ;
3. L'impact des nouvelles technologies
: leur
pénétration est insuffisante en France ; or, il est clair
qu'elles ont un impact sur la
croissance
, et donc sur
l'emploi
, comme le prouve le cas des USA ; l'année
dernière,
les nouvelles technologies de l'information et de la
communication ont représenté entre un tiers et la moitié
de la progression du PIB
; il semble donc que nous soyons
entrés dans un
modèle économique nouveau aux
USA
, tiré par les nouvelles technologies qui y jouent un
rôle structurant ; il reste donc un travail important de
persuasion
à faire en France, même si la seule
observation de ce qui est en train de se passer aux USA en ébranle plus
d'un.
4. Les Etats-Unis
sont en train d'accélérer le mouvement
sur Internet : ils ont annoncé plusieurs programmes coup sur
coup : le
raccordement des écoles
, le programme
"
A
ccess America
", c'est-à-dire le fait pour le
citoyen de pouvoir se connecter et remplir les formulaires administratifs par
le réseau ; sur tous ces sujets, nous, français, sommes en
retard ; il y a
urgence à avoir un déclic
tant
sur l'Education que les entreprises, le grand public et l'administration ;
cette dernière doit donner l'exemple et entraîner les autres
secteurs; il
faut agir sur l'ensemble de ces composantes
en
même temps car tout est lié et il y a un effet
catalytique : en agissant sur l'ensemble des
" fronts ", on a
plus de résultats que si l'on agissait sur un secteur à la
fois ; de plus, l'effet mobilisateur est plus important;
François FILLON a proposé au Premier Ministre un programme
" Société de l'Information ", reprenant l'ensemble de
ces composantes.
5. L'Education
: il faut tenir compte du passé et ne pas
recommencer les erreurs du genre de l'achat de centaines de machines que l'on
déposerait dans les écoles ; le rôle de l'Etat pour
l'école n'est pas là ; c'est bien plutôt de
fixer des objectifs éducatifs (une heure d'utilisation des
technologies de l'information pendant les quatre années de
collège), de former les enseignants
,
de définir des
orientations en type de normes et de standards pour les logiciels et les
équipements, d'encourager la mise en réseau de tous les contenus
existants et d'inciter les enseignants à produire des contenus
.
6. Il est enfin essentiel
de soutenir la recherche-développement,
notamment sur certains axes importants tel que la recherche d'informations dans
le réseau ou le temps réel (téléphonie,
vidéo, etc.); il faut que notre recherche et nos industriels se
mobilisent davantage sur Internet . Il faut enfin favoriser la
création de " start-ups" qui sont au coeur de la dynamique
actuelle
d'Internet, c'est l'objet du fonds de capital-risque " Technologies de
l'Information " récemment annoncé par François FILLON.