M. ABECASSIS
Résumé : La couverture de la France éducative par les technologies modernes de la communication suppose qu'il y ait un plan de formation sur le développement des compétences de base, telle que la lecture par exemple ; il faut en effet faire attention de ne pas accroître un certain nombre d'inégalités, notamment pour ce qui touche à la capacité de maîtrise de ces nouveaux outils ; l'un des déficits majeurs de l'Université française, tant par rapport aux grandes écoles que par rapport à beaucoup d'Universités étrangères, est la faiblesse de son système de documentation, d'information et de transmission de l'information ; il faut introduire l'idée d'une valorisation de l'utilisation des NTIC tant dans le cursus des étudiants que dans l'évaluation des enseignants-chercheurs ; d'une façon générale, il faut provoquer une prise de conscience dans la communauté universitaire de ce qu'il va falloir rapidement basculer sur d'autres modalités de gestion.
1. Les NTIC et l'Education
: Un contresens
consisterait à penser que les NTIC vont fonctionner comme des
éléments qui sont susceptibles de pallier les insuffisances de la
communication et de la transmission de l'information :
Internet, c'est
de l'écrit
; cela suppose donc de savoir écrire ;
donc, si on pense que les NTIC vont nous permettre de se dispenser d'un
travail d'éducation de base, on se tromperait
; il ne faut
donc pas refaire l'erreur du " plan informatique pour
tous " ;
donc,
premier message
: la couverture de la France éducative
par les technologies modernes de la communication suppose qu'il y ait
l'accompagnement d'un plan de formation sur le
développement des
compétences de base
;
2. Les NTIC et le grand public :
les NTIC doivent se
développer dans le grand public ; cela suppose qu'on soit capable
d'aménager un grand dispositif de formation
qui
reprendrait un certain nombre d'éléments classiques de la
production, notamment écrite, à côté de l'aspect
" transmission de l'image " ; il faut donc qu'il y ait
une
véritable éducation aux technologies nouvelles
afin
qu'elles puissent être utilisées dans ce qu'elles sont capables de
fournir ; cela rejoint l'Education : cela nous oblige à avoir
un travail très approfondi sur la lecture et l'école
élémentaire
afin d'éviter l'installation de handicaps
nouveaux (parce que ces outils peuvent fournir une expression
éventuellement plus ludique, plus intéressante et plus attractive
que les modèles pédagogiques classiques) ;
Il faut donc faire attention
: si on se dispensait d'une
réflexion qui va très en amont, on passerait probablement
à côté de la pleine utilisation de l'outil et on
engendrerait, paradoxe des paradoxes,
on accroîtrait un certain nombre
d'inégalités
notamment pour ce qui touche à la
capacité de maîtrise de ces nouveaux outils ;
Si on veut réellement bien faire les choses, il faut accroître les
réseaux métropolitains, en créer d'autres, avoir un
maillage extrêmement important du territoire ; donc, il faut penser
Internet en termes de formation, non pas seulement d'utilisation de l'outil
lui-même, mais de formation de base pour une bonne utilisation de l'outil
lui-même ; il y a d'ailleurs un gisement d'emplois
considérables : des formateurs travaillant au sein des
collectivités, partout en France ;
Mon inquiétude est donc d'avoir l'infrastructure et de ne pas
être capable de gérer la superstructure qui va
l'accompagner
. Il faut donc songer à mettre le maximum de gens
de notre population à un niveau de maîtrise, par exemple du
clavier de l'ordinateur, et des nouveaux outils en général, et
qui le rende comparable à d'autres pays ;
3. L'Université
est plurielle au sens où il y a des
établissements universitaires à proprement parler et il y a des
grandes écoles ; or, l'un des déficits majeurs de
l'Université française par rapport à ces écoles, et
par rapport d'ailleurs à d'autres universités
étrangères, c'est son dispositif de documentation, d'information
et de transmission de l'information ; il suffit de pénétrer
dans une université pour constater
le très faible taux
d'équipement
alors que dans une grande école les moyens
sont plus nombreux à répartir sur un nombre beaucoup moins
important d'étudiants (ces écoles disposant de financements
variés tels que ceux provenant des chambres consulaires et
collectivités territoriales) ;quand vous êtes dans un
ensemble universitaire de 25.000 étudiants, la mise en place d'une
infrastructure est beaucoup plus lourde et complexe ; il suffit aussi de
comparer l'état de la documentation universitaire française par
rapport aux grandes universités américaines pour comprendre qu'en
France, nous sommes très en retard ; de même, à
Centrale, à Polytechnique ou à Normale Sup, il est beaucoup plus
aisé de disposer d'outils extrêmement performants que si vous
êtes à Nanterre : dans cette dernière
Université, les coûts d'équipements sont
démultipliés ; il y a donc un effort d'équipement
infrastructurel à fournir ;
La conférence des Présidents d'Universités en a
parfaitement conscience puisqu'elle a créé une
agence de
modernisation
qui travaille à l'introduction des outils
informatiques les plus modernes pour faire à la fois de la gestion
financière et de la gestion pédagogique ; d'un autre
côté, le niveau d'équipement est tellement bas qu'il s'agit
de combler en fait un fossé ; nous en avons conscience ;
équiper est donc une ardente obligation
: on ne peut pas vouloir
être au niveau des autres et bricoler
;
4. L'idée d'introduire
dans le
cursus
universitaire la
valorisation du fait de l'utilisation des NTIC me paraît très
intéressante ; ce serait très incitatif pour les
étudiants ; de même, nous sommes favorables au fait de
prendre en compte dans l'évaluation des enseignants-chercheurs leur
capacité à faire utiliser les nouveaux outils
; de
même il y a une rationalisation indispensable des moyens à
faire car l'on peut constater
des situations
curieuses
: aujourd'hui, dans certaines petites villes, vous
trouvez des implantations informatiques qui sont absolument du dernier cri
alors que, dans le même temps, dans certains dispositifs
métropolitains internationalement reconnus vous courrez après
trois centimes pour arriver à faire de l'équipement ou à
remplacer de l'équipement existant ;
5. Il faut voir les choses en face :
dans la communauté
universitaire, vous avez probablement une
minorité
démographique compétente
qui est mobilisable sur ces
sujets ; vous avez une
majorité
qui, elle, n'est pas
inscrite dans cette modalité culturelle ; et, dans cette
majorité là, vous avez probablement une
majorité
résistante
non pas pour des raisons idéologiques mais
pour des raisons de sédimentation successive de culture ; et puis
vous avez une partie qui est prête à suivre une minorité
agissante ; le tout est
de trouver l'élément
d'incitation pour que la partie la plus motrice et entraînante puisse
agir
; le point d'entrée, c'est de faire percevoir les
enjeux à cette communauté et surtout, de mettre en oeuvre
rapidement des expérimentations ; expérimenter pour
prouver ; pour ensuite réunir des compétences, croiser des
expertises, solidariser des expériences ; il faut provoquer une
vraie prise de conscience pour pouvoir
basculer rapidement sur d'autres
modalités de gestion
;