Audition de Thierry MILEO
Directeur " Stratégies et Affaires
Extérieures "
de BOUYGUES Télécom
Résumé : Le développement des nouveaux outils de communication est intimement lié à la libéralisation effective du marché des télécommunications : cela vaut pour toutes les nouvelles technologies, notamment internet ; or, les conditions du développement du marché de l'Internet ne sont toujours pas réunies en France : tout ira très vite dès lors que des services attractifs seront proposés au public français qui, alors, deviendra consommateur ; mais pour le moment, on ne constate rien de tel ; les administrations ont à cet égard un rôle crucial à jouer pour susciter l'intérêt du public ; en matière d'Education, c'est à l'Etat de dégager au sein de son budget les moyens nécessaire à l'accès au réseau ainsi qu'au développement d'outils éducatifs performants ; quant aux entreprises françaises, elles doivent le plus rapidement possible être raccordées à un réseau approprié, ceci étant devenu un élément indispensable de leur productivité ;
1. Le développement
des nouveaux outils de
communication
est intimement lié à la libéralisation
du marché des télécommunications
: il n'y a
pas d'autre accélérateur de pénétration et de
développement de tous ces nouveaux moyens de communication que la
libéralisation effective de ce marché ; cela vaut pour
toutes les nouvelles technologies qu'il s'agisse de l'informatique en ligne,
à savoir Internet, ou, plus généralement, de toutes les
fournitures de capacités : la possibilité de louer des
liaisons pour transmettre des données ou de la voix, la capacité
donnée aux entreprises de développer des applications
nouvelles,...
2. Pour la téléphonie mobile
, on est dans un service
à haute valeur ajoutée : il s'agit d'une
fonctionnalité, la
mobilité,
qui fait l'objet d'une
forte demande des entreprises et des particuliers et pour laquelle les clients
sont prêts en payer le coût : quatre ou cinq fois plus qu'un
téléphone normal . Sur un service dont le chiffre d'affaires
est, rapporté à la minute, bien supérieur à celui
d'une application fixe, l'opérateur est en mesure de consacrer une part
substantielle du revenu à la rémunération de
l'accès au réseau de France Télécom (encore
appelé " interconnexion ").
; On est pas du tout dans
cette même logique pour ce qui concerne Internet
où le
fournisseur d'accès a la contrainte commerciale d'offrir un service
rapporté à la minute (communication locale incluse) le moins cher
possible.
3. Il faut trouver
le moyen de faire comme aux Etats-Unis : il y a
eu un
axe très fort
en 1992 entre les compagnies
régionales de téléphone et l'exécutif; celles-ci
ont convaincu Al Gore qu'il fallait ouvrir à la concurrence le
marché de la téléphonie à longue en contrepartie de
quoi elles se déclaraient prêtes à développer
Internet dans les écoles, les hôpitaux, les
bibliothèques,...Le tout s'est concrétisé par la suite par
un
cadre législatif
libéral relativement
favorable au développement de la concurrence.
4. La principale contrainte
, pour un opérateur
télécom français, est une
contrainte
économique
: il s'agit de forcer le développement du
marché
de l'Internet par des tarifs attractifs
et une offre diversifiée de services ; tant que ne seront pas
réunies ces conditions du développement de ce marché, il
n'y aura pas de miracle c'est-à-dire pas de croissance du
marché; en clair, il faut que, à
l'instar
de ce qui se
passe ailleurs
, les grands noms de l'économie française
privée se mettent à proposer des services Internet
;
il faut qu'il y ait plusieurs produits phares proposés à des
tarifs raisonnables pour que le consommateur ait confiance et se
lance. Quant aux nouveaux opérateurs de télécoms, ils
sont tous très intéressés par Internet qui sera
d'ailleurs un complément indispensable de l'offre de
télécommunications: il faut en effet pouvoir proposer plus que la
téléphonie de base classique, il faut proposer un service
Internet, si possible rapide, avec des capacités supérieures
à celles qu'offre aujourd'hui France Télécom soit par
accès fixe radio à haut débit, soit par câble. Ce
sera encore plus vrai pour les entreprises dans le cadre d'offres Intranet pour
les différents sites d'une même entreprise ;
on a donc
à la fois le sentiment d'être obligés d'y aller, que c'est
un élément indispensable dans une offre de
télécommunications concurrentielle à celle de France
Télécom, mais que, dans le même temps, aujourd'hui, la
rentabilité des lourds investissements nécessaires est encore
incertaine.
Si les conditions réglementaires et
économiques étaient meilleures, les opérateurs auraient
vraisemblablement des stratégies d'attaque du marché grand public
beaucoup plus ambitieuses, par exemple en prenant soin d'adjoindre au service
Internet un service d'assistance clientèle de qualité pour aider
les abonnés par téléphone 24h/24.
5. Ensuite
, se pose le problème de pouvoir disposer de
services attractifs pour le public
français
; pour le moment, on doit plutôt
parler d'invasion de l'anglais sur Internet ; c'est tout à fait
possible d'y parvenir car le développement de services ne
nécessite pas le même niveau de ressources financières que
le développement d'une offre d'accès Internet concurrente ;
le développement de services est l'affaire de petites structures de 3 ou
4 personnes, pas nécessairement adossées à de grands
groupes ; à partir du moment où l'on aura une certaine masse
critique, alors, un très grand nombre de services vont se mettre en
place, au-delà des premiers services qui auront été
initialisés soit par les fournisseurs d'accès français
soit par les administrations pionnières ; et là,
les
administrations ont un rôle crucial à jouer
pour susciter
l'intérêt, développer les procédures administratives
par voie totalement électroniques et donc faire en sorte qu'il y ait sur
Internet quelque chose d'attractif pour le public français ; l'Etat
a donc un rôle particulier à jouer ;
6. L'Education
: pour les services éducatifs, il faudra que
l'Etat définisse des priorités au sein du budget de l'Education
nationale ; à titre personnel, j'ai peine à croire que, dans
un budget qui représente 20% de celui de l'Etat, il n'y ait pas une
marge de manoeuvre de l'ordre de 2 à 300 millions par an ; or, sur
l'accès, le coût serait uniquement de l'ordre de 100 millions par
an ; puis il faudrait veiller à ce que
les points
d'accès restent ouverts 24 heures sur 24, les week-end,
parce
qu'il y a un danger effectif de voir ces outils éducatifs
réservés en dehors des heures ouvrables, uniquement à ceux
qui en ont les moyens ;
7. Les entreprises
: l'objectif doit être de leur offrir des
accès largement diversifiés et des services totalement
intégrés ; on assiste aujourd'hui à une augmentation
du trafic des données des entreprises parce que les outils de production
doivent impérativement s'intégrer les uns aux autres: le
principe même de toute entreprise performante est de produire plus,
d'avoir le minimum de stocks, d'être en relation étroite avec ses
fournisseurs et ses clients ; or,
les échanges de
données sont considérables dans ce type
d'entreprise
; c'est par exemple le cas de la
société
Benetton
: le créateur est à
New York
, relié avec le décideur à Milan, ce
dernier renvoyant immédiatement les commandes sur les boutiques de
Hong-Kong
, bref, une intégration complète de l'entreprise
entre ses différents sites, vers ses fournisseurs, ses clients, avec des
délais de réponse de plus en plus courts, la
nécessité d'informer le management et les institutions
financières, la qualité de l'information, sa
rapidité,...
Les entreprises françaises doivent donc
être le plus rapidement possible raccordées à un
réseau approprié
; c'est un élément
indispensable de leur productivité de demain; or, les prix des
liaisons spécialisées à haute technique sont aujourd'hui 5
fois supérieur à ceux du Royaume-Uni, 10 fois supérieurs
à ceux des USA ; là aussi, la solution réside dans
l'effectivité de la concurrence dans les
télécommunications.