Audition de Jean MIOT
Président de l'AFP
Résumé : Le développement d'Internet va bouleverser la vie quotidienne de tout un chacun, mais plus particulièrement celle des journaux : il doit être conçu comme un complément naturel du journal-papier, avec des développements tels que la télévision, l'information économique et financière, les services, le sport, etc... ; les éditeurs français l'ont bien compris qui ont déjà pris l'indispensable virage, beaucoup d'entre eux ayant un site Web ;
L'AFP a sa place sur le Web.
L'Agence est aujourd'hui le premier producteur francophone sur le réseau
mais ce n'est pas sans risques, en particulier pour ce qui concerne le piratage
de l'information : " il n'y a de bonne autoroute qu'à
péage ". Son espoir et sa chance de développement
est "hors media ", c'est à dire les entreprises ; son
statut ancien la prive de réelles marges de manoeuvre et il faudrait
songer à le moderniser ;
1. Internet est une vraie révolution
qui va bouleverser sans
aucun doute la vie quotidienne, mais aussi la vie des journaux ; j'ai
d'ailleurs toujours dit, du temps où j'étais Président de
la
Fédération Nationale de la Presse
Française
, qu'il fallait impérativement que les journaux
s'engagent dans cette révolution, complément naturel du
journal-papier ; il ne s'agit pas de refaire sur
internet
le
journal que l'on fait sur papier ; le premier exemple concerne la presse
télévision : à partir du moment où il y a 70
chaînes de télévision, il n'y a plus de journal de
programmes lisible possible ; d'où la possibilité, avec
Internet
, d'avoir un complément d'informations qui vous permettra
de faire apparaître sur votre écran la sélection des 70
films qui passent dans la soirée ; mais ce qui est vrai pour la
télévision l'est aussi pour l'information économique et
financière comme pour beaucoup d'autres secteurs tels les loisirs, les
services. Vous pourrez ainsi, en complément de votre journal, obtenir
les informations de service et de proximité dont vous avez besoin ;
D'ailleurs, les grands quotidiens régionaux ont commencé à
créer leur
site Web
fournissant à leurs clients
des compléments d'informations
. J'ai donc le sentiment
aujourd'hui que les éditeurs français ont bien compris
l'indispensable virage
qu'ils devaient prendre, et ils l'ont
pris. De grands quotidiens nationaux tel que
Le Monde,
se sont mis
totalement sur Internet, ce qui permet de les consulter à distance ;
2. En ce qui concerne l'AFP
, le problème se pose
différemment : la difficulté est qu'à partir du
moment où l'agence se met à produire de l'information accessible
pour tous, elle
se met en concurrence
avec ses propres
clients ; en fait, l'expérience du
Minitel
, à
laquelle l'AFP a participé, et qui présentait le même genre
de problèmes, a montré qu'il y avait de la place pour tout le
monde. Il reste beaucoup de place dans le " Cyberspace ".
Quoiqu'il
en soit, notre développement Multimedia doit se faire en partenariat
avec la Presse française.
Je suis parti de
trois théorèmes
face au
développement d'Internet :
le théorème de
Bill Gates
qui a coutume de dire :
" on ne sait pas comment ça marche mais ce qu'on sait, c'est qu'il
faut y être ! " : il est donc indispensable que l'AFP soit
présente ;
" Il n'est de bonne autoroute de l'information qu'à
péage " : imaginons que nous déversions totalement dans
les tuyaux d'Internet toute la matière première de l'AFP, ce
serait suicidaire ;
" Internet est un secteur où, pour l'instant, nous sommes
condamnés à naviguer à vue " : d'ailleurs, des
entreprises telles que
Microsoft
on pris des virages à 180°.
Concrètement, nous avons commencé l'aventure avec notre antenne
américaine, et en anglais ; j'ai mis depuis en place un
département Multimedia qui fait que
l'AFP est aujourd'hui le
premier producteur francophone sur le réseau
; c'est
très important quand on sait que 90 % de l'information circulant sur
Internet est en anglais...Sur le serveur Wanadoo, vous pouvez consulter le
journal AFP " Le monde en continu " en français : il
comporte une
Une
avec les dix principales nouvelles du jour et, à
partir de telle dépêche, vous pouvez décliner sur un
complément d'informations, le tout accompagné de photos.
Il convient de veiller à ce que toutes les
imagettes
soient à la plus " basse résolution " possible car le
danger est le piratage.Il est plus difficile à une entreprise comme la
nôtre de se lancer dans l'aventure. Il faut qu'en aucun cas on puisse
puiser les informations de l'AFP pour les réutiliser sans payer
l'abonnement qui s'impose. Le développement qui sera financé par
la publicité ; l'habitude de la
gratuité
d'Internet fait que les
internautes
n'accepteront de payer que pour des
produits de plus en plus ciblés, extrêmement pointus, très
spécifiques (économie, sports, etc...); la publicité
nous est interdite ; nous ne pouvons être que " fournisseur
primaire d'information ", ce qui est notre premier métier.
3
. Notre espoir et notre chance de développement
réside surtout dans le " hors media ", c'est à dire les
entreprises
, car du fait de la crise mondiale de l'écrit et de la
concentration en matière de chaînes de Télévision et
de Radio, le nombre des abonnements dans le secteur
" Media " va
diminuer ;
Internet se nourrira de publicité, qui nous est interdite.
Quand on a lancé
World Sport Report,
on a vendu le produit
à un distributeur, lequel se paie en publicité ; pour la
Presse régionale, qui nourrira ses pages " Web " de
publicité, l'AFP peut produire des pages communes aux divers journaux
électroniques.
Ceci dit, l'AFP étant une société anonyme à but
commercial sans capital et sans actionnaires, ayant des relations
" sui
generis " avec l'Etat à travers un statut législatif
(
ce qui fait hurler de rire Bill Gates
), l'AFP est
sérieusement handicapée : il faut songer à moderniser
son statut qui date de 1957.
5.
Je reste convaincu qu'en définitive
, ceux qui ont
gagné de l'argent jusqu'à présent sont ceux qui ont
fabriqué les pompes et les tuyaux
, ceux qui vont en gagner
maintenant sont ceux qui vont les remplir
. L' AFP a un rôle
à dès l'instant où elle produit en
six langues trois
millions de mots par jour
(notre production est
l'équivalent de 5.000 pages de livres par jour) ; nous pouvons donc
vendre nos produits à valeur ajoutée et même servir nos
clients par le même réseau, texte image et son, même si nos
satellites ont encore de beaux jours devant eux.
C'est donc tout le système AFP qui doit se tourner vers le
Multimedia
.