Audition d'Alain MASSÉ
Auteur de " Internet, la révolution est pour
demain "
Attaché audiovisuel à l'ambassade de France au
Canada
(
masse@ambafrance.org
)
Résumé : Pour ce qui concerne les domaines de l'enseignement et de la formation, le premier enjeu majeur est de réussir à sensibiliser les acteurs, c'est-à-dire tous ceux qui seront prochainement amenés à travailler autour du concept de " culture Internet " ; cette sensibilisation en amont est fondamentale si l'on veut faire de ces acteurs de véritables partenaires dans le cadre du dévelopement des infrastructures et des nouveaux usages ; quand on aborde l'Internet, les deux axes essentiels sont l'aspect " appropriation des outils " mais aussi l'aspect " culture Internet ", ce dernier englobant l'histoire de la Cybernétique et de l'Internet ; cette approche est transposable au monde des entreprises ; j'en appelle à une vaste campagne nationale d'AlphaNétisation ; les fondements de la Société de l'Information reposeront sur la valorisation des biens immatériels ; la France pourra compter sur son formidable capital de biens immatériels pour prendre toute sa place dans le développement des contenus en ligne qui représentent la plus puisssante arme pour affronter la prochaine infoguerre.
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. Je me suis réellement intéressé aux
NTIC
il n'y pas si longtemps ; ayant été l'un des
premiers acteurs du mouvement des
radios libres
, ce qui m'a
accroché, c'est le parallèle entre la situation des radios en
France, à la fin des années 70, et la situation de l'Internet
aujourd'hui : les questions tournant autour de l'Internet sont celles qui
se posaient déjà à l'époque des radios
libres (limites de la liberté d'expression et risques de
dérives racistes, voire pornographiques, problèmes de droits
d'auteurs avec le piratage des oeuvres diffusées, problèmes de
réglementations, etc.); s'agissant de NTIC (notons que les canadiens
parlent déjà de TIC), ce sont ces mêmes questions qui ont
alimenté les critiques à l'arrivée du
télégraphe, du téléphone, des micro-ordinateurs ;
2. L'enseignement
me tient particulièrement à coeur car
j'ai moi-même enseigné ; les États-Unis se sont
récemment fixé, avant d'être suivis par de nombreux autres
pays, l'objectif ambitieux de connecter à l'Internet tous les
établissements scolaires et universitaires d'ici l'an 2000 ; je me
permets d'attirer l'attention des pouvoirs publics français sur le fait
que cet objectif sera certainement tenu car aujourd'hui, ils en sont
déjà à 61% des établissements primaires et 77% des
établissements secondaires connectés ;
Après notre Président, le Premier ministre a repris l'objectif de
connecter toutes les classes avant l'an 2000 ; ma réaction
personnelle est de dire :
surtout, ne commettons pas l'erreur de
commencer par mettre des prises dans les classes sans avoir
préalablement sensibilisé, puis formé les prochains
acteurs, avant de les associer au choix des infrastructures et à la
réflexion sur les adaptations
pédagogiques nécessaires
; cette démarche tire
les leçons de l'échec du plan " informatique pour
tous " qui avait imposé aux enseignants non formés des
ordinateurs de marque française en leur disant en substance :
" vous verrez, c'est tellement merveilleux qu'à terme on n'aura
même plus besoin de vous ; en attendant, débrouillez-vous
avec cet outil car nous ne pouvons pas vous offrir de formation
adaptée " ; pour tirer les leçons d'un autre
échec, revenons sur l'échec du plan câble dont la
principale raison a été le non respect de la formule " un
franc pour les tuyaux et un franc pour les contenus " ; dans la
période d'
AlphaNétisation
, il faudra respecter la formule
"
un franc pour les formations, un franc pour les tuyaux et un
franc
pour les contenus
" ;
3. Pour imaginer l'Internet de demain
, et les usages qui en
découleront, il faut mener des recherches prospectives en
interprétant les indicateurs qui concernent les domaines technologiques,
mais aussi économiques, sociologiques, philosophiques, etc. ; cette
démarche globale avait permis à Norbert Wiener (père
fondateur de la Cybernétique), il y a près d'un demi
siècle, d'en appeler à "
utiliser les prochaines machines
à calculer pour démocratiser l'accès à
l'information
" ;
De nombreux indicateurs nous permettent déjà d'établir les
trois principaux accélérateurs du développement de
l'Internet :
généralisation d'une offre diversifiée
d'accès à hauts débits
(câble, ADSL,
satellites, boucle radio, réseau électrique),
simplification des terminaux et des logiciels d'accès, diminution du
coût d'accès
(pour le matériel et pour les
communications) ; ces indicateurs nous permettent d'imaginer les nouveaux
contenus potentiels des services de l'Internet et d'ouvrir une recherche sur
les nouveaux usages et leurs effets sur notre société. Pour
objectiver ces propos, je n'hésiterai pas à avancer que
demain, c'est Madame Michu qui passera ses commandes sur l'Internet, mais qui
se fera aussi une copine virtuelle japonaise en s'affranchissant des
problèmes du clavier, en parlant à son terminal
(grâce à la reconnaissance vocale),
et de la
langue
(grâce au logiciel de traduction
automatique)
;
4. La découverte de l'Internet
doit reposer autant sur la
sensibilisation à la
" culture Internet "
que
sur
" l'appropriation des outils "
et ce,
quelque soit
le cadre, professionnel ou privé ; les formations à
l'Internet~Intranet ne reposent souvent que sur l'appropriation des outils ; la
sensibilisation en amont à la culture Internet~Intranet se justifie
pourtant par les effets quotidiens engendrés par l'usage de ces nouveaux
services (communications transversales, personnels plus autonomes,
modifications des liens hiérarchiques, etc.) ;
5. Trois éléments de discussion :
Il serait judicieux de mettre en place une commission de réflexion qui,
sous la tutelle des pouvoirs publics, aurait pour mission de mener une
réflexion sur le long terme, commission regroupant non seulement les
acteurs professionnels de l'Internet, mais aussi des sociologues, des
philosophes, des économistes, des pédagogues, des personnes
pouvant avoir des expériences et réflexions variées ;
Il semble primordial de soutenir les services de contenus français sur
le Web pour rattraper notre retard, notamment par le biais d'une
défiscalisation ou d'un soutien financier (pourquoi ne pas s'inspirer de
ce qui réussit si bien avec le cinéma ?) ;
De nombreux indicateurs démontrent que les fondements de la
Société de l'Information reposeront sur la valorisation des biens
immatériels ; malheureusement, je crains que nous ne perdions
beaucoup de temps à faire valider cette hypothèse qui devrait
pourtant servir d'axiome de base à tout plan d'entrée de la
France dans la Société de l'Information ; cette hypothèse
est pourtant encourageante car le principal bien immatériel de la France
vient de sa population qui est culturellement tout à fait
disposée à basculer d'une communication numérique Minitel
à une communication numérique Internet, ce qui n'est pas le cas
d'autres pays que l'on dit avancés et qui ont pourtant tous
échoués dans leurs tentatives sur le Videotext.