Audition de Jean-Philippe COURTOIS
Directeur Général, MICROSOFT
France
Vice-Président, MICROSOFT Europe
Résumé : La France est en retard tant en ce qui concerne le marché des logiciels que par le nombre de ses internautes, retard s'expliquant d'une part, par un blocage culturel dans l'évolution du rapport à l'information et, d'autre part, par un faible taux d'équipement en PC multimedia interactifs ; y remédier est impératif si l'on ne veut pas voir nos entreprises mises à l'écart des nouveaux marchés que, déjà, cet outil engendre ; plus généralement, Microsoft est très soucieux de la mise en place d'un corpus de règles éthiques et légales permettant l'utilisation optimale d'Internet ; son projet "Graine de Multimedia" en matière éducative part d'expériences originales ayant toutes comme objectif d'intégrer internet au coeur de l'enseignement avec le souci permanent de valoriser la création de contenus, à partir du savoir existant, qui est grand. La première chose à faire est de doter chaque enseignant d'une adresse de messagerie électronique.
1.
Je travaille chez Microsoft depuis 13 ans ;
à cette époque, les marchés du logiciel, en Europe,
étaient de taille tout à fait égale ; depuis, un
décalage s'est creusé et s'accélère nettement
depuis 5 ans : le marché allemand est aujourd'hui près de
deux fois plus important que le nôtre (en nombre de PC vendus par an),
celui du Royaume-Uni, 40 % plus important ; même constat pour
Internet : la France se situe au
dixième rang
en terme de
proportion
d'Internautes
par rapport au potentiel d'habitants ;
nous en sommes à peu près à 1,2 millions (fin Juin 97 -
4,3 millions en Allemagne et 3,1 millions au Royaume-Uni) et environ 13.000
sites
Web
en Juin 97 quand on en compte 80.000 au Royaume-Uni et 45.000
en Allemagne. La messagerie est dans l'ensemble le premier catalyseur ;
2. Le retard français
peut s'analyser ainsi :
La culture messagerie :
c'est-à-dire le rapport des
français avec l'information, et plus particulièrement
l'information électronique. Ce n'est pas la problématique
technique qui est la plus délicate ; la plus délicate, c'est
la problématique d'organisation et, finalement, le rapport de pouvoir
à l'information : encore trop nombreux sont les dirigeants
d'entreprises qui voient cet outil comme étant un outil
machiavélique qui va permettre finalement à chaque collaborateur
de lui envoyer un message, de balayer au bout du compte, au moins dans leur
esprit, les hiérarchies, encore très souvent pyramidales en
France.
Donc, un facteur très névralgique consisterait à
démystifier ce rapport à l'information
, à la
technologie qui est derrière ; car maintenir ce rapport
" conservateur " auprès de ses collaborateurs, c'est le
reproduire forcément à l'extérieur vers les clients, et
donc prendre du retard sur les entreprises non seulement américaines,
mais européennes, qui utilisent ce média nouveau pour faire du
commerce, entretenir des relations avec leurs clients ; réellement,
la messagerie devrait être la couche de base de transport de
l'information et qui doit irriguer le plus grand nombre d'entreprises et de
personnes.
Le taux d'équipement en PC multimedia et équipés d'un
modem dans le grand public :
qui reste très faible, aux
alentours de 620.000 PC (sur 2.7 millions de PC dans le grand
public) ; il faut donc un mouvement fort et une incitation pour
améliorer cette situation ; il viendra aussi bien d'un
marché Télécoms plus ouvert, par la
dérèglementation, et par des impulsions très fortes
d'opérateurs tels que France Télécom .
3. Autres éléments de discussions :
La
cryptologie
: Les États doivent démanteler les
contrôles à l'exportation sur les technologies de cryptage,
éliminer les interdictions de cryptage et les procédures
d'enregistrement, et aboutir à des réglementations sur le
cryptage qui soient homogènes au plan international.
Pour que l'Internet devienne un vecteur reconnu du commerce
électronique, les entreprises auront besoin des technologies de cryptage
suffisamment puissantes pour protéger les communications et les
transactions sensibles.
La France et quelques rares Etats imposent encore une lourde procédure
de déclaration ou d'autorisation, voire prohibent purement et simplement
les logiciels permettant le cryptage. Ces pays s'intéressent
également à diverses formes de systèmes dits de "
dépôt " ou de " décodage " de clés de cryptage.
Selon cette approche, un ou plusieurs organismes (les " tiers de confiance
")
se verraient confier les clés de cryptage des utilisateurs ou des
informations sur les mesures de sécurité relatives à ces
clés, de sorte que l'État pourrait, si nécessaire, obtenir
ces clés et déchiffrer les données ou les communications.
Les idées traditionnelles qui servent de fondement à la
réglementation des moyens de cryptage sont cependant
dépassées. De puissantes technologies de cryptage sont
désormais disponibles au-delà des frontières de tout pays
particulier et sur l'Internet dans le monde entier. Par conséquent, les
contrôles relatifs aux technologies du cryptage n'ont pour effet que de
créer un désavantage dans la concurrence au détriment des
producteurs nationaux, par rapport à leurs homologues situés dans
d'autres pays qui peuvent ainsi produire des systèmes plus
sécurisés et protéger leurs données confidentielles
plus efficacement. De surcroît, les particuliers et les
commerçants respectueux des lois sont peu enclins à confier
à des tiers ou à leurs États leurs clés de cryptage
ou à recourir à des procédures administratives lourdes et
coûteuses qui peuvent différer d'un pays à l'autre.
Les problèmes d'éthique :
Les États devraient s'attaquer au problème du contenu illicite de
l'Internet en incitant l'industrie de l'Internet à s'autoréguler.
Cette autorégulation devrait constituer principalement la tâche
des prestataires de service sur l'Internet et en ligne. Ceci pourrait
comprendre notamment l'engagement, de la part des prestataires, d'informer des
données illégales dont ils auraient connaissance les
autorités nationales (et, si besoin est, étrangères)
chargées de l'application des lois; l'adhésion à un Code
de bonne conduite; la mise en place de permanences téléphoniques
destinées à recevoir les réclamations du public; et la
mise en oeuvre de procédures en vue d'instruire et d'arbitrer ces
réclamations. Des efforts déployés en faveur de ce type
d'autorégulation ont abouti dans certains pays d'Europe et sont en cours
en France. La poursuite de ces démarches devrait être
encouragée.
Il existe en France aujourd'hui un gros problème de piratage, qui prend
des proportions considérables comparé à d'autres
pays : le problème est que l'on ressent chez nous plus qu'ailleurs
le
non-respect de l'immatériel
. Il faut savoir que le logiciel
est le secteur le plus touché par
la contrefaçon
, devant
la confection, le luxe (Cartier, et autres), il représente un manque
à gagner de 2,4 milliards de francs en 1996 pour l'ensemble des
éditeurs de logiciels en France, avec un taux de piratage de 44 %.
4. L'Education :
Nous travaillons sur ce domaine depuis très longtemps et avons
lancé une initiative, longue à mettre en place,
" Graine
de Multimedia "
: il s'agit d'un programme moyen/long terme
(deux
à trois ans) : nous avons choisi 11 écoles primaires
dans des régions très différentes (l'Ile de
Ré ; St Ouen l'Aumône, et d'autres encore) :
l'idée est d'abord de doter ces classes de PC multimedia avec un
partenaire constructeur qui donne les matériels ; ces PC sont
connectés en réseaux ; lesquels sont ensuite
connectés à Internet ; sur Internet, nous avons mis en place
un site Web avec une compétence de mise en scène de programmation
de contenu pour nourrir, aider à animer tout le contenu qui va
être créé par les enseignants et les enfants. Le but est
d'avoir une expérience et de voir dans le temps comme les enseignants,
que l'on forme, utilisent ce nouveau concept ; on forme donc les
enseignants : sur les 11 enseignants sélectionnés, 8
n'avaient jamais vu d'ordinateur ; on a constitué, avec eux, un
Comité Pédagogique qui valide et suit les
expériences
; le but est d'intégrer Internet au coeur
de l'enseignement
. Les enseignants créent des séries
d'exercices et de fiches pédagogiques, recherchent sur Internet de
l'information ;
Ces expériences rejoignent l'idée qu'il y a, derrière ces
NTIC, un phénomène fort qui est celui de
l'efficacité
collective
: faire travailler des personnes ensemble au sein d'une
entreprise, entre plusieurs entreprises, des entités économiques
qui communiquent entre elles et effectuent une prestation pour un client de
manière transparente. Pour l'Education, je crois qu'il y a une
réelle opportunité :
valoriser le corps enseignant
par
cette mission de préparation de la société
française de l'information, en formant les jeunes français
à cet outil qui est omniprésent dans la vie économique et
qui le sera toujours plus; et qui peut être un facteur d'exclusion si on
ne le maîtrise pas, et ensuite de valoriser la création de
contenus numériques ;
L'important est ici d'avoir une cohérence sur les choix des plate-formes
technologiques qui seront faites et de
ne pas partir sur des choix en
rupture avec l' existant
;
-
- · Les contenus : c'est dans le contenu on- line que réside une partie de la solution : c'est-à-dire une construction itérative qui se fait au quotidien en structurant un peu les créations de contenu pédagogique et en associant auss bien les enseignants, que d'autres professionnels ; dans tous les cas, la première chose à faire est de donner une adresse de messagerie électronique à chaque enseignant non pas pour faire beau sur une carte mais afin de l'utiliser en lui communiquant, par exemple, toute la correspondance du Ministère.
La formation : elle est aujourd'hui faible ; la mesure prioritaire
serait d'avoir une formation importante pour les nouveaux venus et, pour les
autres, trouver une motivation à la faire ;
La communication : il faut que les parents soient motivés et
convaincus, ainsi que les élus, qui votent les budgets ; il faut
instaurer un grand débat public et rechercher l'expression de l'ensemble
de ces intervenants pour communiquer très positivement sur la vision que
la France doit avoir en la matière.