Audition de Jean-Pierre VERJUS
Directeur INRIA Rhône-Alpes
Professeur à
l'INPG (Grenoble)
Membre du conseil supérieur de la recherche et de
la technologie
Résumé : Une explication du retard français dans l'utilisation d'Internet est peut-être, paradoxalement, notre avance dans le monde de la télématique avec le Minitel: on s'est peut-être endormi alors que, pendant ce temps, le monde se tournait vers l'Internet; par ailleurs, le coût d'accès à Internet est resté longtemps relativement cher du fait du coût des télécommunications, comme du peu d'empres-sement des français pour se doter de PC (coûteux cette fois-ci en regard d'un minitel); des initiatives sont donc à prendre, tant au niveau de l'équipement de la population en PC (ou de terminaux plus simples comme les "minitel-internet") qu'au niveau du coût des télécommunications.
Le retard français:
Jusqu'à il y a quelques mois, la France était
très en retard, mais, aujourd'hui, il semble qu'il y ait une
frémissement
: j'ai l'impression que les
medias, les hommes
politiques, de nombreuses PME et surtout les jeunes
font que les choses
bougent véritablement. Il y a quelques mois, les statistiques
officielles estimaient que 1% des français étaient
connectés à Internet à domicile et 1% dans l'industrie,
alors qu'en Suède, il y en avait 16% (9% à domicile et 7% dans
l'industrie); aux USA, c'était de l'ordre de 8% + 8%; donc,
grosso
modo
, le rapport est de 1 à 20 alors que, dans le même temps,
23% des gens sont connectés au
Minitel
. Une récente
statistique de l'AFA (octobre 97) estime à 1,5 millions le nombre
d'internautes en France, ce qui confirme le frémissement annoncé
ci-dessus.
Une première explication que je donne à ce
phénomène c'est que, vraisemblablement, on a peut-être
été
victime de l'avancée que l'on avait dans le monde
de la télématique avec le Minitel
; on s'est peut-être
endormi, on est peut-être aussi victime d'un mépris de certaines
élites pour ce qui se fait à l'étranger.
Le
Minitel
nous a donné en même temps une véritable
accoutumance aux services télématiques (et inversement, il donne
aux industriels français une réelle connaissance des usages de ce
type de service) et en même temps nous en a donné un mode d'usage
discutable, en tout cas différent de celui que propose Internet. En
effet, les acteurs principaux de ce type de service sont les fournisseurs de
contenus, les transporteurs, et les utilisateurs; avec le Minitel, on s'adresse
au transporteur, on le paye au temps passé, et celui-ci
rémunère le fournisseur de contenu; parfois le temps est
très long avant d'arriver à l'objectif souhaité! Avec
une modalité d'intermédiation de type Internet, normalement, on
va s'adresser directement au fournisseur de contenus, qui a
intérêt à fournir un contenu intéressant
; puis
ce dernier rétribuera les transporteurs, s'il a à le faire;
j'utilise volontiers
une métaphore
pour expliquer cette
différence fondamentale: celle du
péage à
l'entrée de nos villes, au Moyen âge
: on payait pour pouvoir
entrer sur les marchés; puis un jour, on a décidé
d'enlever ce péage et les gens purent se promener dans les villes et sur
les marchés, acheter les produits qui les intéressent; s'ils
achètent, le commerçant rétribue la puissance publique,
laquelle s'occupe des routes, trottoirs, etc ...
Il y a donc certainement là
une évolution à
entreprendre
; nous ne sommes pas encore tout à fait sur la
même planète que ceux qui se sont mis sur Internet;
Autre facteur de retard: du fait du
coût relativement
élevé des services télématiques
proposés
aux gens en France, ceux-ci se limitent dans leur consommation;
résultat: la demande ne croît plus très fortement; on
constate à l'inverse qu'aux USA,
plus il y a de services
proposés, plus la demande est forte et plus le coût des services
diminue
;