Audition de Christian SCHERER
D.A.R.P.M.I
(Direction de l'action régionale et des PMI)
Ministère de l'Industrie
Résumé : Aujourd'hui, les élèves ont, au travers des NTIC, des moyens infiniment plus puissants d'acquérir des connaissances et d'apprendre que d'écouter leurs professeurs ; or, le modèle éducatif ex cathedra, où l'enseignant dispense de la science à l'élève prédomine ; mais, de plus en plus, le professeur est déstabilisé car sa génération est en retard : les jeunes générations quant à elles maîtrisent de mieux en mieux les NTIC ; le Gouvernement pourrait s'intéresser aux centres de documentation au sein des lycées et les faire évoluer doucement vers une porte d'entrée à l'Internet ; la technologie permettant aujourd'hui d'accéder à Internet par le minitel, une volonté du Gouvernement permettrait de passer outre les pressions des lobbies s'y opposant ; de même, on peut imaginer un système incitant les possesseurs de Minitel à troquer ce matériel pour des outils multimedia ; enfin, il faut mettre en ligne tous les textes officiels " nul n'étant censé ignorer la Loi ".
1. L'Education
: que faire pour informatiser les
classes
? j'ai beaucoup de sensations et peu
d'idées
; c'est un travail de très longue haleine
qui nécessiterait dix ou quinze ans ; les décision
politiques ne peuvent pas attendre ; honnêtement
, je pense
qu'il faut tout simplement laisser faire la nature
; il faut
simplement s'apercevoir d'une chose : quand l'enseignant commence à
parler d'informatique à des enfants, ceux-ci écoutent poliment
mais ils sentent bien que le message est en retard ; ainsi, je me suis
rendu dans un Lycée parisien récemment : j'ai parlé
d'Internet pendant longtemps ; les professeurs ont posé des
questions savantes et les élèves se sont tus ; j'ai
répondu et puis, à la fin, par politesse, les
élèves m'ont attendu à la sortie ; sans les
professeurs cette fois, ils m'ont posé d'autres questions ; ce qui
veut dire que c'est le modèle éducatif
ex cathedra
,
où l'enseignant dispense de la science aux élèves, qui,
une fois de plus, a prévalu ; or,
aujourd'hui, les
élèves ont des moyens infiniment plus puissants d'acquérir
des connaissances et d'apprendre que d'écouter leurs
professeurs
; ceux qui cherchent de l'information peuvent la
trouver dans des réseaux comme Internet ; le professeur est
profondément déstabilisé car sa génération
est en retard ;
Je pourrais multiplier les exemples montrant qu'Internet est plus un
problème pour les quadragénaires et plus âgés que
pour les jeunes qui, eux, " sont tombés dedans " ;
peut-être devrait-on considérer Internet comme on considère
aujourd'hui la conduite automobile : il y a des gens de l'Automobile Club
qui viennent de temps en temps expliquer aux enfants comment on conduit une
automobile, leur font faire un petit tour dans la cour de
récréation avec des voitures électriques : mais,
souvent, les enfants se débrouillent mieux que les
professeurs
...
Les enseignants feraient bien de demander aux
élèves comment utiliser les NTIC car souvent, les jeunes s'y
connaissent, eux
;
2. Le Gouvernement
pourrait prendre
une mesure
qui n'est
pas très chère et qui est très douce et qui ne peut
qu'aller dans le bon sens : ce serait
de s'intéresser aux
centres de documentation
; dans les établissements
secondaires, il y a souvent un centre de ce type, lieu où les
élèves sont habitués à aller chercher de la
documentation ; il y généralement un documentaliste ainsi
qu'un ordinateur pour gérer les fonds documentaires ; il y a
parfois quelques CD-ROM mis à disposition par l'Education
nationale
; on pourrait faire évoluer doucement ce lieu vers
une porte d'entrée vers Internet
; ça aurait
l'avantage de pouvoir maîtriser l'usage qui en est fait ; car mettre
Internet en libre-service serait une catastrophe, expérience à
l'appui : les enfants vont là où il ne faut pas, c'est pire
qu'à la télé ; mettre Internet dans les classes sans
réfléchir, c'est dangereux et contraire aux grands principes de
la pédagogie ; par contre, investir dans ces centres de formation
sans y mettre Internet, c'est dommage : on prive d'ailleurs la corporation
des documentalistes d'une action particulière ; il faudrait donc
faire évoluer en douceur - comme cela a été fait pour les
guichets bancaires ou à la SNCF - la documentation guichet vers une
documentation libre-service, de façon régulée ;
3. Le Minitel
: voici deux propositions ;
La
première mesure
consisterait à
permettre aux
dernières générations de Minitel, qui sont de superbes
machines, d'accéder à Internet
: c'est possible :
mettez 80 colonnes sur le Minitel et vous avez le terminal que la
planète attend et n'a pas aujourd'hui ; si ça n'a pas
été fait, c'est sur pression des " rentiers " du
Minitel, ce
lobby
profitant d'un marché fermé ; c'est
scandaleux mais c'est hélas ainsi ; mais, une volonté du
Gouvernement permettrait de crever l'abcès ;
La seconde mesure est la " fillonette " : tout français
qui rapporterait son Minitel chez le marchand pour repartir avec un ordinateur
multimedia comportant un modem se verrait déduire de la facture une aide
gouvernementale de 1.000 francs ; c'est une mesure audacieuse qui
aurait pour effet de faire passer le monde du Minitel vers Internet ;
4. Autres éléments de discussion :
Les
communications téléphoniques
en France sont trop
chères : si nous étions dans la même situation qu'aux
USA, on paierait 150 francs mensuels pour avoir un accès
illimité au téléphone pour les communications locales, qui
nous amène au point d'entrée Internet ; et, en rajoutant
150 francs mensuels, on aurait l'accès Internet par un
access
provider
comportant à la fois une boîte électronique et
un droit lui-même illimité ; pour 300 francs mensuels,
dans un monde déréglementé, le marché sait apporter
à l'usager un accès permanent à l'Internet pour les
familles ; ceci dit, les prix vont baisser en France : à
partir du moment où on déréglemente, que des
opérateurs étrangers arrivent, où on peut mettre une
parabole sur le toit pour se connecter à un satellite de
Bill
Gates
, il est sûr que le marché va s'équilibrer ;
L'aspect équipement
est très important : on voit
qu'il y a une
barre psychologique
avec des multimedias à
10.000 francs ; il faut faire en sorte de baisser le coût de
l'investissement pour tous ;
5. Les entreprises
: afin qu'elles aillent vers Internet, il faut
d'abord " dédiaboliser " Internet ; la clé, c'est
"
Evariste
", qui consiste à
" prêcher " : ainsi, je me balade, je fais un peu le
bateleur quand il le faut, je vais sur les estrades, dans les foires de
province ; j'interpelle les PME et leur dis : " regardez ce
que
fait votre collègue japonais ou allemand " ; et, comme ils ne
sont pas sots et que leur marché est déjà en grande partie
international, ils se connectent ;
Il y a en fait trois sortes de PME :
· la
PME high tech
, qui est née dedans ; on ne peut
plus rien pour elle : elle va tirer les autres ;
· à l'autre bout,
l'artisan
ne connaissant pas la
technologie ni l'informatique : ceux-là, on va les laisser
tranquilles un moment ;
·
la PME intermédiaire
: il faut alors
prêcher, montrer, les mettre en ligne ; c'est un travail à
long terme ;
Bien entendu,
l'administration
doit elle aussi exister sur le
Web
, se présenter, et elle est d'ailleurs en train de le
faire ;
6. Les textes officiels
: les français sont censés ne
pas les ignorer ; or, il est interdit de les mettre en ligne ;
ce
n'est pas normal et l'Etat, qui en est le producteur, doit les mettre à
disposition
; d'ailleurs, la technologie le permet ; la
revendication forte est donc de dire que le citoyen français veut
accéder aux textes ; je suis prêt, si on me le demande,
à mettre la totalité du
Journal Officiel
en ligne,
sur un serveur français, sans délai,pour trois fois rien,
à condition qu'on ne m'empêche pas de le faire ; je peux le
faire au titre du simple citoyen, au titre du Ministère de
l'industrie ; bref, je ne voudrais pas que ce soit un japonais qui le
fasse ;
7. La France va subir l'arrivée du commerce électronique
et lorsqu'il sera possible sur Internet, le
lobby
du Minitel pourra se
transplanter ; mais je suis pessimiste car ce lobby du Minitel est comme
un animal d'élevage et qui est lâché dans la
forêt : il va vivre 24 heures avant d'être
dévoré par les chacals ; ils n'ont pas un public
mature
; l'ouverture du monde Minitel à Internet va faire un
carnage ; les sociétés vont mourir : il n'y en a pas
une sur dix qui arrivera à affronter Internet
;