E. UN EFFORT IMPORTANT CONSACRE A LA RECHERCHE
1. Les moyens de la recherche
Le Japon
a toujours accordé une grande importance à la recherche en
matière de transport ferroviaire. Cela s'explique peut-être par
les conditions naturelles que connaît ce pays, en particulier l'existence
de tremblements de terre et la forte concentration de population dans certaines
zones urbaines. Les riverains supportant mal en effet les nuisances sonores
liées au passage des trains.
Dès 1907, un institut de recherche ferroviaire fut fondé. En
1949, cet institut fut rattaché à l'entreprise publique nationale
nouvellement créée, les JNR. Un autre organisme
spécialisé dans la recherche sur les conditions de travail fut
créé à la même époque. Ces deux instituts ont
fusionné lors de la réforme conduite en 1987.
Actuellement, le Railway Technical Research Institute (RTRI) conduit des
recherches dans tous les domaines du transport ferroviaire comme la
construction mécanique, le génie civil, l'électronique,
l'information ou les sciences des matériaux. Les recherches du centre
sont financées à hauteur de 65 % environ par les compagnies de
chemins de fer qui sont tenues de verser au RTRI 0,35 % de leur chiffre
d'affaires. L'Etat participe au financement des activités de recherche,
par l'intermédiaire du Railway Development Fund. Les subventions
publiques peuvent atteindre 50 % lorsque les recherches concernées
portent sur des thèmes généraux en vue de
l'amélioration de la qualité du transport ferroviaire. Elles sont
plus limitées en revanche lorsque la recherche porte sur des questions
pratiques intéressant plus directement les compagnies d'exploitation.
Par ailleurs, le RTRI passe également des contrats de recherche avec des
organismes publics ou privés qui lui assurent des ressources
complémentaires. Il emploie aujourd'hui 580 personnes et dispose
d'installations extrêmement sophistiquées, en particulier une
soufflerie à faible niveau de bruit qui est l'une des plus performantes
au monde.
Un programme de recherche à moyen et long terme est
périodiquement arrêté par le RTRI, en coopération
avec les compagnies d'exploitation et le ministère des transports. Il
convient de signaler que les sociétés issues du groupe JNR
conduisent, indépendamment du RTRI, leurs propres recherches. Certaines
semblent d'ailleurs souhaiter se détacher à terme de cet
organisme pour conduire elles-mêmes toutes les recherches qui leur sont
nécessaires.
Parmi les thèmes de recherche importants figurent l'augmentation de la
vitesse, mais également la sécurité à laquelle il
est attaché une importance très grande dans un pays qui
connaît régulièrement des tremblements de terre, la
réduction des nuisances sonores, la protection de l'environnement et la
réduction du coût de la maintenance.
2. Le Maglev ou train à lévitation magnétique
Parmi
les nombreuses recherches conduites par le RTRI, un projet suscite beaucoup
d'intérêt dans le pays et à l'extérieur : Il s'agit
du Maglev ou train à lévitation magnétique qui permettrait
d'atteindre des vitesses très supérieures à celles du
Shinkansen.
Ce système, très complexe, consiste, schématiquement,
à installer sur le véhicule, des électroaimants
légers, puissants et consommant peu d'énergie. Leurs enroulements
sont réalisés dans un alliage de titane supraconducteur,
c'est-à-dire dont la résistance devient nulle aux très
basses températures. Une fois excités, ces enroulements se
comportent comme de puissants électroaimants, le courant continuant
à y passer pendant un certain temps.
Le principe de la lévitation magnétique repose sur l'utilisation
de bobinages disposés sur la face interne de chacun des deux murets de
guidage. Quand les enroulements montés sur le véhicule
défilent devant, un courant induit apparaît dans ces bobinages,
qui se comportent comme des électroaimants. Les forces qui repoussent le
véhicule vers le haut et celles qui l'attirent dans la direction inverse
se combinent pour maintenir le véhicule en lévitation.
Ce projet est à l'étude depuis 1962. Une ligne d'essai de sept
kilomètres a été construite à cette époque
à Miyazaki. En 1987, après la réforme du système
ferroviaire, les autorités ont décidé la construction
d'une nouvelle ligne d'essai de 43 km. La compagnie d'exploitation JR Central
est particulièrement motivée par ce projet. Si une exploitation
commerciale voyait le jour, le maglev pourrait en effet relier Tokyo à
Osaka, doublant ainsi la ligne de Shinkansen existante, ce qui serait
particulièrement intéressant pour JR Central,
société pour laquelle les tremblements de terre et la concurrence
internationale constituent des risques importants. Il convient de garder
à l'esprit que la ligne de Shinkansen Tokyo-Osaka (Tokaido Shinkansen)
représentait, en 1994, 80 % du volume total de passagers de JR Central
et 83 % de ses revenus.
Pour la réalisation du nouveau tronçon de ligne utilisant la
technologie de la sustentation magnétique, un fonds a été
créé, abondé par des banques, l'Etat, des
collectivités locales, le RTRI et la société JR Central.
18 km de ligne ont d'ores et déjà été
construits. La vitesse de 489 km/h a été atteinte sur cette ligne
en octobre dernier et l'objectif est d'atteindre 500 km/h avant la fin de
l'année.
En 1999, une commission d'évaluation doit préparer un rapport
à partir duquel une décision sera prise sur la poursuite du
projet.
On a le sentiment, en entendant les acteurs concernés que les
inconvénients de ce projet sont loin d'être négligeables.
Le coût du projet est naturellement très élevé. Par
ailleurs, beaucoup s'interrogent sur l'utilité réelle d'une
nouvelle augmentation substantielle de la vitesse, sachant que la mise en
oeuvre de la nouvelle ligne pourrait conduire à une désaffection
de la ligne de Shinkansen effectuant le même trajet. Les obstacles
techniques à surmonter pour l'exploitation commerciale du projet
demeurent considérables. Reste alors le caractère de symbole de
la qualité de la technologie japonaise. J'ai le sentiment que cet
élément est quelque peu insuffisant pour justifier les
dépenses colossales qui seraient encore nécessaires pour mener
à terme le projet. Et je reviens du Japon peu convaincu de l'avenir
commercial de ce système, au demeurant passionnant sur le plan
technologique.