LE TRANSPORT FERROVIAIRE AU JAPON : QUELS ENSEIGNEMENTS POUR L'EUROPE ?
ABOUT (Nicolas)
RAPPORT D'INFORMATION 170 (97-98) - DELEGATION DU SENAT POUR L'UNION EUROPEENNE
Table des matières
-
INTRODUCTION
- I. UNE REFORME RADICALE
- II. UNE REFORME GLOBALEMENT POSITIVE
- III. LA DETTE DES CHEMINS DE FER : UNE QUESTION EN SUSPENS
- CONCLUSION
- DEBAT CONSECUTIF A LA PRESENTATION DU RAPPORT
- ENTRETIENS DU RAPPORTEUR A TOKYO
N°
170
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Annexe au procès verbal de la séance du 11 décembre 1997.
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la délégation du Sénat pour l'Union
européenne (1),
sur
le système ferroviaire japonais
Par M. Nicolas ABOUT,
Sénateur.
(1) Cette délégation est composée de : MM. Jacques Genton, président ; James Bordas, Michel Caldaguès, Claude Estier, Pierre Fauchon, vice-présidents ; Nicolas About, Jacques Habert, Emmanuel Hamel, Paul Loridant, secrétaires ; MM. Robert Badinter, Denis Badré, Michel Barnier, Mme Danielle Bidard-Reydet, M. Gérard Delfau, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Michel Dreyfus-Schmidt, Ambroise Dupont, Jean-Paul Emorine, Philippe François, Jean François-Poncet, Yann Gaillard, Pierre Lagourgue, Christian de La Malène, Lucien Lanier, Paul Masson, Daniel Millaud, Georges Othily, Jacques Oudin, Mme Danièle Pourtaud, MM. Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Jacques Rocca Serra, André Rouvière, René Trégouët, Marcel Vidal, Robert-Paul Vigouroux, Xavier de Villepin.
Union européenne - Transport ferroviaire - Politique commune des transports - Politique de la concurrence - Rapports d'information.
INTRODUCTION
Tous les
secteurs de l'économie caractérisés par l'existence de
missions de service public connaissent actuellement des mutations importantes,
souvent caractérisées par l'introduction d'une concurrence
accrue. Chacun de ces secteurs a ses particularités, mais tous sont
encore appelés à évoluer.
Jusqu'à présent, le secteur ferroviaire est resté
relativement à l'écart de ce mouvement. En 1991, les institutions
communautaires ont adopté une directive introduisant une concurrence
très limitée, invitant au désendettement des entreprises
ferroviaires et imposant une séparation des comptes d'exploitation et
d'infrastructures. Depuis lors, de nouvelles réflexions ont
été conduites, sans qu'elles débouchent toutefois sur des
textes normatifs.
Plusieurs pays dans le monde ont mené au cours des dernières
années des réformes radicales de leurs systèmes
ferroviaires. Ces expériences peuvent contribuer à alimenter la
réflexion et à dégager des solutions adaptées pour
l'avenir du transport ferroviaire européen. Parmi ces réformes,
celle conduite au Japon présente un intérêt particulier
dans la mesure où elle a été mise en oeuvre il y a dix
ans. Il est donc d'ores et déjà possible d'en tirer des
enseignements utiles.
Je me suis donc rendu dans ce pays en novembre dernier, en compagnie de M.
Jean-Claude Lefort, député, rapporteur de la
Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union
européenne. Nous avons pu rencontrer l'ensemble des acteurs du transport
ferroviaire japonais.
Assurément, tout ne peut être comparé. Le Japon est un
archipel sur lequel ne se posent pas les problèmes de circulation des
trains à travers plusieurs réseaux nationaux. Les
opportunités offertes par un tel territoire au transport de marchandises
par train sont naturellement limitées. Le Japon est également
caractérisé par une très forte concentration de la
population dans les zones urbaines, de sorte que les transports en commun
jouent un rôle irremplaçable dans les grandes métropoles. A
titre d'exemple, aux heures de pointe sur la ligne Keihin-Tohoku à
Tokyo, 24 trains par heure se succèdent à intervalles de 2 mn 30
et ont à ces heures une charge de 250 %. Le Japon présente
également la particularité de faire aujourd'hui coexister
quelques grandes sociétés d'exploitation et des dizaines de
réseaux privés, dont l'existence remonte parfois à
plusieurs décennies. On pourrait ainsi multiplier les
éléments qui rendent la comparaison peu aisée.
Néanmoins, l'exemple japonais demeure très intéressant
pour le continent européen, ne serait-ce que par l'importance du trafic
ferroviaire dans ce pays. Ainsi, la société East JR, plus
important opérateur ferroviaire japonais, transporte plus de voyageurs
que la SNCF et la Deutsche Bahn réunies. Le Japon constitue une
référence pour les zones caractérisées par une
forte densité de population et les choix effectués par ce pays
sont susceptibles d'éclairer les réflexions conduites en
Europe.
I. UNE REFORME RADICALE
A. UNE SITUATION PROFONDEMENT DEGRADEE AVANT LA REFORME
La
première caractéristique marquante de la réforme du
système ferroviaire japonais est que celle-ci n'a été
entreprise que lorsque la dégradation du système en vigueur a
atteint un niveau tel qu'il n'était plus possible de faire
autrement
. L'entreprise publique nationale JNR (Japan National Railways) a
été créée en 1949. Dans un premier temps, elle a
profité de l'expansion de l'économie japonaise qui a conduit
à un accroissement du trafic de passagers entre le milieu des
années 1950 et le milieu des années 1970. La situation de
l'entreprise s'est cependant dégradée dès avant la fin de
cette période puisque le premier déficit d'exploitation est
apparu en 1964.
Il est intéressant de constater que ce premier déficit
d'exploitation a coïncidé avec la mise en service du premier
Shinkansen (train à grande vitesse) entre Tokyo et Osaka. Contrairement
à la situation qui prévaut en France, le Japon est un pays
à écartement de voie dit " métrique ". Dans ces
conditions, les Shinkansen, pour lesquels des voies spéciales sont
construites, ne peuvent emprunter les voies traditionnelles, même
à vitesse réduite, pour prolonger certaines liaisons.
L'élargissement des voies est donc systématiquement indispensable
pour la circulation des Shinkansen, ce qui représente des
investissements très coûteux.
Face à la dégradation de la situation de l'entreprise, les
responsables du réseau tentèrent de mettre en oeuvre des mesures
de redressement, non sans succès. Dans ces conditions, les tarifs
augmentèrent régulièrement pour limiter l'ampleur des
déficits. La dégradation de la situation de l'entreprise publique
s'explique notamment par le poids de l'Etat dans la gestion de l'entreprise,
par la réalisation d'investissements dictés par des
considérations plus politiques qu'économiques, enfin par
l'existence de relations sociales très détériorées
au sein de l'entreprise.
Les négociations avec les syndicats étaient menées
directement par le Gouvernement. Les syndicats détenaient alors des
pouvoirs considérables, leur accord étant indispensable pour les
changements de postes de personnel ou pour la mise en service de trains
supplémentaires. De grandes grèves périodiques ponctuaient
la vie du groupe JNR.
Il apparut progressivement qu'une réforme de grande ampleur serait
nécessaire pour donner au transport ferroviaire les moyens d'un
renouveau. En 1981, une commission ad hoc fut mise en place pour
réfléchir à la question de la réforme des JNR.
Elle conclut à l'impossibilité d'améliorer la gestion des
JNR à partir de la structure existante. Elle estima en particulier que
le gigantisme de l'entreprise était l'une des raisons essentielles de la
détérioration des relations entre direction et employés. A
la suite du rapport de cette Commission ad hoc, une commission de
réforme fut créée et formula les propositions qui
conduisirent à la réforme de 1987.
Il convient de noter que, pendant les dernières années
d'existence des JNR, la situation de l'entreprise ferroviaire se
détériora à tel point que la population prit clairement
parti contre l'entreprise et ses salariés. Les représentants des
syndicats que j'ai rencontrés gardent un souvenir très amer de
cette période, estimant que la population a été
montée contre les cheminots.
Ce rappel historique n'est pas sans intérêt pour les pays de
l'Union européenne. Attendre la dégradation complète d'une
situation pour entreprendre des réformes n'est pas la meilleure
manière de faire celles-ci dans la sérénité. Le
Japon, à cet égard, est un mauvais exemple, comme l'ont
noté certains de nos interlocuteurs.
B. L'ECLATEMENT DE L'ENTREPRISE NATIONALE
Les
caractéristiques les plus importantes de la réforme mise en
oeuvre à partir de 1987 sont les suivantes :
• Le transport de voyageurs a été confié à
six compagnies ferroviaires régionales issues des JNR (voir carte en
pages centrales du présent rapport). Trois d'entre elles,
établies dans trois îles du Japon, JR Hokkaido, JR Kyushu et
JR Shikoku, sont d'envergure régionale. Un fonds a été
créé afin de subventionner ces sociétés, dont la
rentabilité n'était pas assurée. Les trois autres
sociétés créées sur l'île principale du
Japon, Honshu, sont d'une tout autre envergure :
-
JR East
est basée à Tokyo et est la plus grande
compagnie du Japon. Elle s'est vue attribuer le réseau des Japan
National Railways sur Tokyo ainsi que toutes les lignes de l'est du pays. Elle
gère en particulier les lignes de Shinkansen qui relient Tokyo à
Niigata (Joetsu Shinkansen) et Tokyo à Morioka (Tohoku Shinkansen) ;
-
JR West
est basée à Osaka et détient le
réseau de l'Ouest d'Honshu ainsi qu'une petite partie du réseau
de l'île de Kyushu, principalement pour la ligne de Shinkansen Sanyo, qui
relie à Osaka à Fukuoka ;
-
JR Central
est basée à Nagoya et exploite la ligne de
Shinkansen du Tokaido, la plus importante du Japon, qui relie Tokyo à
Osaka. Cette seule ligne représente près de 85 % des revenus de
la société.
Les infrastructures furent attribuées aux compagnies en pleine
propriété, sauf en ce qui concerne les infrastructures
destinées au Shinkansen.
La scission du réseau est l'aspect le
plus marquant de la réforme japonaise. Elle se justifiait en particulier
parce que 95 % des déplacements de voyageurs ont lieu à
l'intérieur d'une même zone régionale.
Contrairement à la Grande-Bretagne, le Japon n'a pas mis en oeuvre
de séparation de l'exploitation et des infrastructures, chaque compagnie
d'exploitation détenant et gérant les infrastructures de son
réseau. Comme nous le verrons, des règles claires
prévalent cependant pour la construction de nouvelles infrastructures.
Ces nouvelles infrastructures sont essentiellement des lignes de Shinkansen,
dans la mesure où le réseau japonais est très complet et
où les investissements nécessaires avaient été
effectués avant la réforme ;
• L'activité de transport de marchandises a été
confiée à une société autonome, JR Freight, qui ne
détient, elle, aucune infrastructure, mais circule sur les
infrastructures des compagnies de transport de voyageurs, moyennant le paiement
de péages ;
• Une organisation nouvelle, la " Shinkansen Holding
Corporation " s'est vu attribuer les infrastructures des quatre lignes de
Shinkansen existant à cette époque. Il était en effet
nécessaire de tenir compte de la différence considérable
de coût de construction de ces infrastructures par rapport aux
infrastructures traditionnelles. Les compagnies de transport de voyageurs
reçurent le droit d'exploiter ces lignes, moyennant le paiement de
redevances. En 1991, les infrastructures des quatre premières lignes de
Shinkansen ont été vendues aux compagnies d'exploitation. La
" Shinkansen Holding Corporation " a alors disparu et a laissé
place à un fonds de développement des chemins de fer (Railway
Development Fund), chargé d'organiser le financement de la construction
de nouvelles infrastructures, qui sont essentiellement des infrastructures de
Shinkansen. Les ressources de ce fonds sont constituées pour l'essentiel
de subventions en provenance du second budget de l'Etat (budget
d'investissement) et des versements qu'effectuent pendant 60 ans les compagnies
privées pour le remboursement des lignes de Shinkansen qu'elles ont
achetées ;
• La dette des JNR, qui s'élevait à 37,1 trillions de yens
en 1987, soit environ 1.500 milliards de francs, a été
répartie entre trois des compagnies issues de la scission des JNR (JR
East, JR West, JR Central) susceptibles de dégager des
bénéfices importants et un nouvel organe chargé de
l'apurement de la dette et détenteur des actifs non opérationnels
des JNR, la Japan National Railways Settlement Corporation (JNRSC).
II. UNE REFORME GLOBALEMENT POSITIVE
A. LE TRANSPORT DE VOYAGEURS : UN BILAN SATISFAISANT
1. L'amélioration des services offerts et des performances
Les
performances des compagnies d'exploitation ont été sensiblement
améliorées depuis la réforme de 1987, dans le domaine de
la qualité de service comme dans celui de la gestion.
En ce qui concerne
la qualité de service
, la priorité a
été donnée à la sécurité. Le nombre
des accidents a diminué de 50 % et de 70 % sur les passages à
niveau. La compagnie JR East a doublé le montant des investissements
destinés à la sécurité. Elle s'est en particulier
dotée d'un nouveau système de freinage automatique (ATS-P), plus
performant que celui introduit dans les années 1960 à la suite
d'un grave accident.
Par ailleurs, l'offre de trains a été améliorée. La
société JR East faisait circuler 12.081 trains par jour en 1996
contre 10.416 en 1987. Actuellement, le retard moyen des trains est
inférieur à 1 mn malgré la densité du trafic sur le
réseau japonais. Dans ces conditions, le trafic ferroviaire a
sensiblement augmenté au cours des dix dernières années.
Cette augmentation ne peut toutefois être totalement imputée aux
effets de la réforme, dans la mesure où elle avait
débuté dès 1985.
Evolution du volume de transport
(Société JR East)
en milliards de passagers/km
|
1987 |
1988 |
1989 |
1990 |
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
Passagers-km |
105 |
110 |
113 |
120 |
126 |
129 |
129 |
128 |
129 |
130 |
Indice |
100 |
105 |
108 |
115 |
121 |
123 |
123 |
123 |
123 |
124 |
L'amélioration de la qualité a également
porté sur les services offerts aux passagers âgés ou
handicapés, avec la mise en place d'escalators spéciaux ou
l'installation de petits compartiments réservés aux
handicapés ou non-voyants.
Les sociétés d'exploitation n'ont pas hésité
à entreprendre des investissements importants pour améliorer les
conditions de fonctionnement de certaines lignes. Jusqu'il y a peu, les
voyageurs allant de Tokyo à Yamagata, ville de 200.000 habitants,
devaient changer de train à Fukushima, le Shinkansen ne pouvant circuler
sur les voies classiques. La société JR East a inauguré en
1992 un nouveau Shinkansen, baptisé Tsubasa, reliant Tokyo à
Yamagata. Pour ce faire, l'écartement des voies entre Fukushima et
Yamagata a été modifié. En revanche, pour éviter de
modifier les quais et les tunnels, les Japonais ont mis au point un nouveau
type de Shinkansen à gabarit réduit, parfois appelé
" mini-Shinkansen " pour circuler sur cette ligne.
Enfin, un soin particulier est accordé à la maintenance, qui est
de plus en plus automatisée. La voie fait l'objet de tournées de
surveillance, un wagon (baptisé Dr Yellow) enregistrant un certain
nombre de données. Le matériel fait l'objet d'une inspection
légère toutes les 72 heures et d'une inspection
régulière tous les 90 jours. Tous les trois ans, les wagons
passent en atelier pour démontage et examen des principaux organes.
Enfin, tous les six ans, le matériel fait l'objet d'une inspection
générale.
L'éclatement du réseau des JNR n'a donc pas conduit, loin s'en
faut, à une dégradation de la sécurité du transport
ferroviaire ou à une détérioration de la qualité de
service. De multiples initiatives semblent au contraire avoir été
prises pour améliorer le service offert aux voyageurs. Le
découpage du réseau en entités régionales semble
avoir créé un dynamisme qui n'existait pas dans les années
précédant la réforme.
En ce qui concerne les
performances économiques
des compagnies
d'exploitation, elles se sont fortement améliorées. Les trois
sociétés situées sur l'île de Honshu, JR East, JR
West et JR Central, dégagent des bénéfices qui
s'élèvent au total à plus de 200 milliards de yens par an.
La productivité a beaucoup progressé comme le montre le tableau
suivant, qui retrace l'évolution du nombre de personnes du groupe JR
East affectées aux activités ferroviaires et de la
productivité des employés.
Evolution de la productivité depuis la réforme
(Société JR East)
En
termes de
tarifs
, il semble que la réforme ait conduit à
une grande stabilité des prix pratiqués par les
sociétés. Le relèvement des tarifs est d'ailleurs l'un des
derniers domaines sur lesquels l'Etat exerce un contrôle strict. En
pratique, on n'a assisté à aucune hausse des prix depuis 1987
tout au moins sur l'île de Honshu, les sociétés des autres
îles, JR Hokkaido, JR Kyoshu et JR Shikoku ayant été
contraintes de relever leurs tarifs en 1996. La société JR East a
récemment annoncé qu'elle n'augmenterait pas ses tarifs au cours
des dix prochaines années.
Il faut cependant avoir à l'esprit
que le prix du transport ferroviaire avait beaucoup augmenté au cours
des années précédant la réforme. Les tarifs
demeurent donc élevés, en particulier pour ce qui concerne les
lignes de Shinkansen.
Les entreprises issues des JNR ont toutes entrepris une
politique de
diversification
de leurs activités afin d'améliorer leur
rentabilité. Ainsi, la société JR East, plus important
opérateur du Japon, a développé des activités
commerciales dans les gares (stands, restaurants, cinémas). Elle a
également exploité les possibilités offertes par le
réseau pour promouvoir des activités de loisirs (hôtellerie
en particulier). Elle tire en outre une part très importante de ses
bénéfices de l'exploitation des espaces publicitaires
situés dans les trains, dans les gares ou sur le réseau. Elle a
même créé des stations de ski, naturellement desservies par
son réseau ferroviaire. Cette diversification a été
inspirée aux sociétés du groupe JR par la politique
menée dès avant 1987 par les compagnies ferroviaires
privées qui interviennent dans certaines zones du Japon. C'est en partie
grâce à cette politique de diversification que les
sociétés d'exploitation sont aujourd'hui
bénéficiaires.
Un autre élément intéressant est le souhait de certaines
compagnies de devenir de plus en plus autonomes et d'assumer certaines
tâches qui ne reviennent pas traditionnellement aux exploitants
ferroviaires. Certaines usines de maintenance ont été
reconverties à la production de matériel roulant urbain. Ainsi,
la société JR East, dont 43 % des revenus proviennent des
transports urbains pour lesquels la demande reste relativement
indépendante des conditions économiques, a entrepris la
construction de trains de banlieue. Elle a notamment fait pour cela appel
à des fournisseurs étrangers tels que Siemens, Knorr et Faiveley
Transports.
2. Un libéralisme tempéré
La
réforme japonaise, comme la réforme britannique, est souvent
qualifiée de privatisation ou de libéralisation. Il convient de
nuancer ces qualificatifs qui ne rendent pas pleinement compte de la
réalité. La concurrence directe demeure en effet très
limitée sur le réseau japonais.
Le territoire a
été divisé en six zones et, dans chacune d'elles, chaque
société JR dispose d'un monopole sur le réseau. Sur
quelques lignes seulement, les sociétés du groupe JR sont
concurrencées par des compagnies privées qui existaient avant la
réforme, mais ces sociétés disposent de leur propre
réseau, de sorte que les questions d'accès au réseau ne se
posent pas. Cette concurrence existe par exemple sur la ligne qui relie
l'aéroport de Narita à Tokyo. Sur cette ligne, JR East, qui
a mis en service le " Narita express " est concurrencée par
une société privée, Keisei.
En revanche, il existe une réelle émulation entre les six
compagnies de transport de voyageurs, en ce qui concerne en particulier la
qualité du service. La comparaison de leurs performances conduit
naturellement les sociétés à tenter d'améliorer
leur gestion. Pour certains, cette émulation explique également
la diversité des matériels existant au Japon, en particulier en
ce qui concerne le Shinkansen. Chaque société souhaite en effet
avoir son propre Shinkansen clairement identifiable.
En ce qui concerne la privatisation, elle n'est encore que très
partielle
. L'Etat, à travers la Japonese National Railways
Settlement Corporation, organe chargé de gérer la dette des
chemins de fer, détient en effet 100 % des actions de quatre des
sociétés issues des JNR : JR Freight, JR Shikoku, JR Kyushu et JR
Hokkaido. Comme nous le verrons, la société de fret est
aujourd'hui déficitaire, ce qui rend sa privatisation délicate.
Ses dirigeants souhaitent cette privatisation, mais reconnaissent qu'elle n'est
guère envisageable sans un redressement préalable. Les trois
autres sociétés sont situées dans des zones
géographiques où la densité de population est peu
élevée, de sorte qu'elles ne peuvent espérer
réaliser des bénéfices comparables aux compagnies de
l'île de Honshu. Leur privatisation est néanmoins
envisagée, mais sans plus de précisions.
Seules JR East, JR West et JR Central ont donc fait l'objet d'une privatisation
partielle. C'est en octobre 1993, soit six ans après la réforme
que la première opération de privatisation s'est
déroulée. 2,5 millions d'actions de la société JR
East ont été vendues sur un total de 4 millions. Par la suite, la
situation économique a retardé l'introduction en bourse des
autres sociétés. En octobre 1996, la société JR
West a été partiellement privatisée. Cette
opération a été suivie en octobre 1997 de l'introduction
en bourse de JR Central. L'objectif du Gouvernement est d'achever la
privatisation de ces sociétés dans un délai relativement
bref. La seconde tranche de privatisation du JR East est envisagée pour
février 1998.
On constate donc qu'il est très abusif aujourd'hui de parler de
privatisation des chemins de fer japonais. Cette privatisation demeure
très partielle et l'Etat possède en outre certaines lignes de
Shinkansen, qu'il loue aux sociétés d'exploitation. Ce qui est
clair, en revanche, c'est que les compagnies ont désormais un statut de
société privée et sont gérées comme des
sociétés privées, l'Etat n'intervenant pas dans la gestion
courante.
3. Un avenir incertain
Le bilan
de la réforme pour le transport de voyageurs est donc largement positif,
comme le reconnaissent tous les acteurs concernés. Pour l'avenir, il
existe certaines incertitudes. Si le trafic voyageurs a fortement crû au
cours des dix dernières années, ce phénomène semble
maintenant devoir s'interrompre.
Le marché ferroviaire a atteint une complète maturité, et
l'on s'attend à un certain ralentissement, compte tenu du vieillissement
de la population. La Société JR East a ainsi constaté
cette année une diminution du nombre de cartes
" étudiants " par rapport à l'année
précédente. Par ailleurs, la hausse du volume de voyageurs
transporté n'a pas empêché une nouvelle diminution de la
part du fer dans le volume total du transport des voyageurs, comme le montre le
tableau suivant :
Répartition du trafic voyageurs par mode de transport
(pourcentage passagers-km)
|
1960 |
1965 |
1970 |
1975 |
1980 |
1985 |
1990 |
1994 |
JNR ou sociétés JR |
51 |
45 |
32 |
30 |
25 |
23 |
18 |
18 |
Chemins de fer privés |
25 |
21 |
17 |
15 |
16 |
15 |
12 |
11 |
Automobiles |
5 |
11 |
31 |
35 |
41 |
45 |
57 |
59 |
Bus |
18 |
21 |
18 |
19 |
14 |
12 |
9 |
7 |
Avion et bateau |
1 |
2 |
2 |
4 |
5 |
5 |
4 |
5 |
Les sociétés de chemins de fer devront donc rechercher de nouveaux moyens pour que le rail ne perde pas de parts de marché dans les années à venir. Les responsables de ces compagnies estiment que l'avenir de ce mode du transport au Japon réside essentiellement dans les zones urbaines, compte tenu de la très forte densité de population, et les lignes à grande vitesse.
B. LE FRET EN DIFFICULTE
Après la scission des JNR en plusieurs
sociétés, la Japan Freight Railway Company a, dans un premier
temps, enregistré des résultats satisfaisants, avant de subir
à nouveau des déficits.
Le transport ferroviaire de marchandises n'occupe qu'une place marginale au
Japon. Cette situation est notamment due à la situation
géographique du pays. Le Japon est un archipel, ce qui favorise le
transport maritime. Par ailleurs, les distances à parcourir sont
relativement faibles et le réseau autoroutier est très complet,
ce qui constitue un avantage pour le transport routier. En outre, plus de 50 %
des transports sont directement réalisés par les entreprises
productrices. Beaucoup disposent de leur propre flotte de véhicules et
gèrent elles-mêmes leur transport. C'est l'un des
éléments qui explique la part réduite du chemin de fer
dans le transport de fret japonais.
En termes de tonnage, les JNR assuraient, en 1965, 7,6 % du transport de fret.
A cette époque, les JNR transportaient d'importants tonnages de charbon.
Depuis lors, la plupart des mines ont fermé. Les compagnies
pétrolières restent en revanche un client important de JR
Freight. En 1996, la part de marché détenue par JR Freight s'est
élevée à 0,8 %. La route assure 90,5 % du transport de
marchandises. Si l'on raisonne en tonnes-km, la situation est un peu plus
avantageuse pour le rail, qui détenait 30,3 % du marché en 1965
et en conserve encore 5 % aujourd'hui. En fait, le rail n'est compétitif
pour le transport de marchandises que sur des distances de 1.000 km ou plus.
Sur ce segment, il détient encore 30 % des parts de marché.
Dans le système actuel, la compagnie JR Freight ne détient
aucune infrastructure. Ses trains circulent sur les réseaux des six
compagnies chargées d'assurer le transport de voyageurs. Cette situation
pose naturellement un certain nombre de difficultés pour la
répartition des sillons
. Les contraintes à prendre en
considération sont en effet nombreuses. Une priorité absolue est
accordée aux transports de voyageurs de banlieue aux heures de pointe du
matin et du soir. Pendant la nuit, il est nécessaire de tenir compte du
fait qu'une heure et demie environ est nécessaire pour l'entretien de
chaque tronçon de voie. La société JR Freight a
passé des accords avec les compagnies de transport de voyageurs pour la
répartition des sillons et la définition des péages.
L'ajustement est cependant difficile, compte tenu de la saturation du
réseau japonais. Quatre fois par an, des négociations ont lieu
entre compagnies pour envisager la circulation de nouveaux trains sur le
réseau.
Compte tenu de la détérioration de ses résultats à
partir de 1991, la société JR Freight a préparé un
plan de relance sur dix ans, destiné à enrayer ce déclin.
Ce plan prévoit en particulier une compression des effectifs, notamment,
par une incitation au départ en retraite précoce des
salariés. La société considère en effet que ses
difficultés sont pour une bonne part liées à des
coûts de personnel trop importants du fait de la moyenne d'âge
assez élevée de ses salariés.
Par ailleurs, comme les compagnies de transport de voyageurs, la
société JR Freight a entrepris une diversification de ses
activités. Les activités non ferroviaires de la
société représentent d'ores et déjà 12 % du
chiffre d'affaires. La société détient en particulier des
magasins de bricolage et des magasins de proximité.
Malgré les difficultés actuelles, les responsables de la
société JR Freight estiment que le transport de marchandises
par voie ferrée a encore un avenir au Japon, compte tenu de la
saturation du trafic routier, de l'importance croissante des
considérations d'environnement, enfin du manque de main d'oeuvre.
*
A ce
stade, il est intéressant de faire une comparaison avec l'Union
européenne et d'évoquer certains développements
récents.
Le transport ferroviaire de marchandises paraît avoir
bien plus d'atouts sur notre continent qu'au Japon.
L'exemple du Japon
montre en effet clairement que le fret ferroviaire n'est compétitif que
sur des distances assez longues, qui représentent une part faible du
transport de marchandises de ce pays. En Europe au contraire, le transport de
marchandises par rail peut avoir tout son sens lorsqu'il s'agit par exemple de
relier les ports du nord de l'Europe à l'Italie ou à l'Europe
centrale. Malgré cet avantage, le train n'assure plus que 16 % du
transport de marchandises en Europe.
Dans son Livre blanc " Une stratégie pour revitaliser le transport
ferroviaire ", la Commission européenne a proposé la
création de corridors de fret, traversant plusieurs pays, qui
permettraient d'améliorer la vitesse de circulation des trains de
marchandises. Dans l'esprit de la Commission européenne, il s'agissait
de choisir certains itinéraires prometteurs pour le transport de
marchandises et de favoriser le libre accès aux infrastructures
correspondant à ces itinéraires pour le transport de fret.
Dans un précédent rapport, j'avais noté que de tels
corridors pourraient parfaitement être mis en oeuvre par la voie de la
coopération entre opérateurs. Plusieurs itinéraires
devraient fonctionner dès le début de l'année prochaine,
en particulier de Rotterdam au port de Gioia Tauro en Italie et de Brême
et Hambourg à Brindisi. La France ne pourrait rester à
l'écart de ce mouvement, dans la mesure où les deux corridors
précités vont la contourner. La SNCF a donc décidé,
avec les opérateurs belges et luxembourgeois, de mettre en place, par la
voie de la coopération, un itinéraire reliant Muizen en Belgique
à Sibelin-Vénissieux en passant par Bettembourg. Cet
itinéraire pourrait être prolongé jusqu'à Milan dans
un proche avenir.
En l'occurrence, la Commission européenne a joué un rôle
très utile de stimulation, obligeant les opérateurs ferroviaires
européens à réagir chacun à leur manière.
L'essentiel est qu'on ne renonce pas à rendre au transport ferroviaire
de marchandises une compétitivité qu'il peut avoir en Europe,
compte tenu des distances à parcourir.
C. DES RELATIONS SOCIALES APAISEES
La
réduction du nombre de personnes affectées dans les chemins de
fer a débuté bien avant la réforme du système
ferroviaire de 1987. Lors de leur création en 1949, les JNR avaient
été dotés d'un personnel très important,
composé notamment de personnes revenant de Mandchourie au lendemain de
la guerre.
De sorte que le niveau des effectifs est resté
situé à près de 500.000 pendant plusieurs
décennies. En revanche, une réduction très forte des
effectifs s'est produite entre 1980 et 1987 puisque le nombre de personnes
employées dans le groupe JNR est passé de 420.000 à
277.000.
La réforme a entraîné néanmoins la disparition de
74.000 emplois. De nombreux salariés ont pris une retraite
anticipée, certains ont fait l'objet de reclassements dans le secteur
public. Enfin, 8.000 ont été confiés à l'organe
chargé du règlement de la dette des chemins de fer, la JNRSC,
pour recevoir une formation pendant trois ans. A l'issue de cette
période, la plupart ont retrouvé une activité. 1.400
personnes ont néanmoins refusé toutes les solutions qui leur
étaient proposées et ont été licenciées.
Les sociétés issues du groupe JNR emploient aujourd'hui
environ 190.000 personnes. Certaines d'entre elles considèrent que des
compressions d'effectifs seront encore nécessaires dans le secteur
ferroviaire au cours des prochaines années
. La diversification des
compagnies de chemins de fer permet dans certains cas de reclasser les
employés dans les filiales du groupe exerçant d'autres
activités. Ainsi, la société JR East, plus grand
opérateur ferroviaire du monde, emploie 80.000 personnes, mais 59.000
seulement dans le secteur ferroviaire.
En ce qui concerne les relations sociales au sein des entreprises, elles
semblent avoir été profondément modifiées par la
réforme. Les grands syndicats nationaux existant auparavant ont disparu
au profit d'organisations correspondant à certaines zones
régionales. Le pouvoir considérable que détenaient les
organisations syndicales avant 1987 semble avoir été
réduit à très peu. Les représentants des syndicats
considèrent aujourd'hui que la réforme a été un
succès. Ils font valoir qu'avant cette réforme, ils agissaient
pour obtenir des avantages comparables à ceux dont
bénéficiaient les employés des petites
sociétés privées et que cet objectif a été
atteint, voire dépassé aujourd'hui.
Les salariés ont perdu le bénéfice du régime
spécial de retraite dont ils bénéficiaient
. Les
anciens employés du groupe JNR ne bénéficient du
régime spécial que pour la partie de leur carrière
effectuée avant 1987 et sont, comme les nouveaux recrutés,
affiliés depuis au régime général. Les
représentants des syndicats estiment aujourd'hui que cette
évolution était inéluctable, le régime
spécial de retraite étant en faillite.
Malgré l'atmosphère très passionnelle dans laquelle a
été opérée la réforme du système
ferroviaire japonais, les relations sociales paraissent donc apaisées
aujourd'hui. Au sein de la société JR East, des
négociations régulières se déroulent où sont
évoqués tous les thèmes qui intéressent les
salariés.
La réforme, si elle a conduit à la perte de
certains avantages pour les salariés, n'en a pas moins eu des effets
bénéfiques, puisque la durée du temps de travail est en
cours de diminution et que les salaires ont fortement augmenté dans
certaines sociétés. Au sein de la compagnie JR East, les salaires
sont passés de l'indice 100 en 1987 à l'indice 147 en 1996.
En définitive, on a le sentiment que la modération des
organisations syndicales aujourd'hui s'explique à la fois par une perte
d'influence (même si 90 % des salariés sont syndiqués) et
par les avantages qu'ont pu retirer de la réforme les employés
des nouvelles sociétés.
D. LE RÔLE DE L'ETAT
Dans le
nouveau système ferroviaire japonais, l'Etat conserve essentiellement un
rôle de supervision. Il exerce un contrôle sur les
négociations qui se déroulent entre les compagnies de transport
de voyageurs et la société de fret pour l'attribution de sillons
; il contrôle également les tarifs pratiqués par les
compagnies ainsi que les fermetures de lignes éventuelles.
Pour décider la fermeture de lignes, un critère a
été établi, selon lequel les compagnies peuvent envisager
de fermer une ligne, dès lors qu'elle n'assure pas le transport de 2.000
personnes par jour. Lorsqu'une compagnie refuse d'exploiter une ligne non
rentable, trois solutions sont envisageables : la disparition pure et simple de
la liaison, le transfert à un autre mode de transport, par exemple
l'autobus, enfin la reprise de la ligne par la collectivité locale
concernée. Dans ce dernier cas, la collectivité assume
elle-même la gestion de la ligne. Il n'existe en effet pas de
système permettant à une collectivité d'apporter une
subvention à la compagnie privée gérant une ligne
déficitaire.
En ce qui concerne la construction de nouvelles lignes, l'Etat conserve un
rôle important
. Le réseau japonais est extrêmement
complet, de sorte que les investissements nécessaires portent
essentiellement sur les lignes de Shinkansen. C'est le Railway Development Fund
qui assure le financement de ces infrastructures nouvelles. Il reçoit
pour ce faire des subventions de l'Etat et des collectivités locales
ainsi que des prêts à taux zéro issus du budget
d'investissement de l'Etat. Dans certains cas, les compagnies participent
également à la construction de nouvelles lignes, en fonction de
critères de rentabilité. Une fois construites, les lignes sont
gérées par les sociétés d'exploitation, moyennant
le paiement de redevances. En revanche, les quatre lignes les plus anciennes de
Shinkansen, construites avant la réforme de 1987, ont été
vendues en 1991 aux sociétés d'exploitation.
L'Etat reste donc fortement engagé dans le transport ferroviaire,
puisqu'il assume une part importante des investissements correspondant à
la création de nouvelles lignes. En revanche, il ne verse plus de
subventions de fonctionnement aux sociétés d'exploitation et
celles-ci paient même désormais des impôts.
E. UN EFFORT IMPORTANT CONSACRE A LA RECHERCHE
1. Les moyens de la recherche
Le Japon
a toujours accordé une grande importance à la recherche en
matière de transport ferroviaire. Cela s'explique peut-être par
les conditions naturelles que connaît ce pays, en particulier l'existence
de tremblements de terre et la forte concentration de population dans certaines
zones urbaines. Les riverains supportant mal en effet les nuisances sonores
liées au passage des trains.
Dès 1907, un institut de recherche ferroviaire fut fondé. En
1949, cet institut fut rattaché à l'entreprise publique nationale
nouvellement créée, les JNR. Un autre organisme
spécialisé dans la recherche sur les conditions de travail fut
créé à la même époque. Ces deux instituts ont
fusionné lors de la réforme conduite en 1987.
Actuellement, le Railway Technical Research Institute (RTRI) conduit des
recherches dans tous les domaines du transport ferroviaire comme la
construction mécanique, le génie civil, l'électronique,
l'information ou les sciences des matériaux. Les recherches du centre
sont financées à hauteur de 65 % environ par les compagnies de
chemins de fer qui sont tenues de verser au RTRI 0,35 % de leur chiffre
d'affaires. L'Etat participe au financement des activités de recherche,
par l'intermédiaire du Railway Development Fund. Les subventions
publiques peuvent atteindre 50 % lorsque les recherches concernées
portent sur des thèmes généraux en vue de
l'amélioration de la qualité du transport ferroviaire. Elles sont
plus limitées en revanche lorsque la recherche porte sur des questions
pratiques intéressant plus directement les compagnies d'exploitation.
Par ailleurs, le RTRI passe également des contrats de recherche avec des
organismes publics ou privés qui lui assurent des ressources
complémentaires. Il emploie aujourd'hui 580 personnes et dispose
d'installations extrêmement sophistiquées, en particulier une
soufflerie à faible niveau de bruit qui est l'une des plus performantes
au monde.
Un programme de recherche à moyen et long terme est
périodiquement arrêté par le RTRI, en coopération
avec les compagnies d'exploitation et le ministère des transports. Il
convient de signaler que les sociétés issues du groupe JNR
conduisent, indépendamment du RTRI, leurs propres recherches. Certaines
semblent d'ailleurs souhaiter se détacher à terme de cet
organisme pour conduire elles-mêmes toutes les recherches qui leur sont
nécessaires.
Parmi les thèmes de recherche importants figurent l'augmentation de la
vitesse, mais également la sécurité à laquelle il
est attaché une importance très grande dans un pays qui
connaît régulièrement des tremblements de terre, la
réduction des nuisances sonores, la protection de l'environnement et la
réduction du coût de la maintenance.
2. Le Maglev ou train à lévitation magnétique
Parmi
les nombreuses recherches conduites par le RTRI, un projet suscite beaucoup
d'intérêt dans le pays et à l'extérieur : Il s'agit
du Maglev ou train à lévitation magnétique qui permettrait
d'atteindre des vitesses très supérieures à celles du
Shinkansen.
Ce système, très complexe, consiste, schématiquement,
à installer sur le véhicule, des électroaimants
légers, puissants et consommant peu d'énergie. Leurs enroulements
sont réalisés dans un alliage de titane supraconducteur,
c'est-à-dire dont la résistance devient nulle aux très
basses températures. Une fois excités, ces enroulements se
comportent comme de puissants électroaimants, le courant continuant
à y passer pendant un certain temps.
Le principe de la lévitation magnétique repose sur l'utilisation
de bobinages disposés sur la face interne de chacun des deux murets de
guidage. Quand les enroulements montés sur le véhicule
défilent devant, un courant induit apparaît dans ces bobinages,
qui se comportent comme des électroaimants. Les forces qui repoussent le
véhicule vers le haut et celles qui l'attirent dans la direction inverse
se combinent pour maintenir le véhicule en lévitation.
Ce projet est à l'étude depuis 1962. Une ligne d'essai de sept
kilomètres a été construite à cette époque
à Miyazaki. En 1987, après la réforme du système
ferroviaire, les autorités ont décidé la construction
d'une nouvelle ligne d'essai de 43 km. La compagnie d'exploitation JR Central
est particulièrement motivée par ce projet. Si une exploitation
commerciale voyait le jour, le maglev pourrait en effet relier Tokyo à
Osaka, doublant ainsi la ligne de Shinkansen existante, ce qui serait
particulièrement intéressant pour JR Central,
société pour laquelle les tremblements de terre et la concurrence
internationale constituent des risques importants. Il convient de garder
à l'esprit que la ligne de Shinkansen Tokyo-Osaka (Tokaido Shinkansen)
représentait, en 1994, 80 % du volume total de passagers de JR Central
et 83 % de ses revenus.
Pour la réalisation du nouveau tronçon de ligne utilisant la
technologie de la sustentation magnétique, un fonds a été
créé, abondé par des banques, l'Etat, des
collectivités locales, le RTRI et la société JR Central.
18 km de ligne ont d'ores et déjà été
construits. La vitesse de 489 km/h a été atteinte sur cette ligne
en octobre dernier et l'objectif est d'atteindre 500 km/h avant la fin de
l'année.
En 1999, une commission d'évaluation doit préparer un rapport
à partir duquel une décision sera prise sur la poursuite du
projet.
On a le sentiment, en entendant les acteurs concernés que les
inconvénients de ce projet sont loin d'être négligeables.
Le coût du projet est naturellement très élevé. Par
ailleurs, beaucoup s'interrogent sur l'utilité réelle d'une
nouvelle augmentation substantielle de la vitesse, sachant que la mise en
oeuvre de la nouvelle ligne pourrait conduire à une désaffection
de la ligne de Shinkansen effectuant le même trajet. Les obstacles
techniques à surmonter pour l'exploitation commerciale du projet
demeurent considérables. Reste alors le caractère de symbole de
la qualité de la technologie japonaise. J'ai le sentiment que cet
élément est quelque peu insuffisant pour justifier les
dépenses colossales qui seraient encore nécessaires pour mener
à terme le projet. Et je reviens du Japon peu convaincu de l'avenir
commercial de ce système, au demeurant passionnant sur le plan
technologique.
III. LA DETTE DES CHEMINS DE FER : UNE QUESTION EN SUSPENS
L'une des motivations essentielles de la réforme du système ferroviaire japonais fut l'accumulation à partir de 1964 de déficits d'exploitation qui conduisit à la formation d'une dette considérable. Au moment de la réforme, cette dette fit, pour l'essentiel, l'objet d'une reprise par l'Etat. Dix ans plus tard, cette dette, loin de se résorber, s'est alourdie. Les autorités japonaises doivent désormais trouver des solutions à une question dont le règlement a été trop longtemps différé.
A. LA REPRISE DE L'ESSENTIEL DE LA DETTE PAR L'ETAT
En 1987,
lorsque la réforme du système ferroviaire japonais fut mise en
oeuvre, la dette des JNR atteignait 37,2 trillions de yens, soit environ
1.540 milliards de francs. Il était naturellement hors de question
de laisser la totalité de cette somme à la charge des
sociétés issues du démembrement des JNR.
La répartition de la dette fut la suivante :
- 14,5 trillions de yens furent laissés à la charge de trois des
sept entreprises issues de la réforme des JNR. Les autorités
estimèrent que les sociétés de transport de passagers de
l'île principale du Japon, Honshu, à savoir JR East, JR West et JR
Central étaient en mesure de supporter une partie de la charge sans que
leurs résultats en soient affectés. En revanche, la
société de transport de marchandises et les
sociétés de transport de voyageurs des autres îles ne se
virent attribuer aucune part de la dette. Les 14,5 trillions de yens
attribués aux sociétés revêtaient deux formes : 8,5
correspondaient à des sommes à rembourser par le biais des
redevances d'utilisation des lignes de Shinkansen, tandis que 5,9 furent
affectés directement aux compagnies ;
- le reste de la dette, soit 22,7 trillions de yens, a été
affecté à une entité ad hoc, créée au moment
de la réforme, la Japan National Railways Settlement Corporation
(JNRSC). Celle-ci se vit attribuer corrélativement tous les actifs non
directement opérationnels de l'ancienne société publique,
essentiellement des terrains et les actions des nouvelles
sociétés. La vente de ces actifs devait permettre de couvrir une
partie de la dette, mais il était clair, dès ce moment, qu'une
fraction importante de celle-ci serait à la charge du
contribuable.
B. DIX ANS PLUS TARD, UNE SITUATION AGGRAVEE
Dix ans
après la réforme du système, la situation apparaît
plus difficile encore qu'elle ne l'était en 1987. Les compagnies
assument le remboursement de la dette qui leur a été
transférée. En 1991, elles ont même racheté les
lignes de Shinkansen pour lesquelles elles versaient auparavant des redevances.
En revanche, les prévisions relatives à la partie de la dette
confiée à la Japan National Railways Settlement Corporation
(JNRSC) ne se sont pas réalisées. Cet organe était
chargé de liquider les actifs des JNR, mais cette liquidation n'a pu se
dérouler comme prévu. En ce qui concerne les terrains
(près de 9.000 ha), leur vente fut dans un premier temps
retardée, dans la mesure où l'on craignait qu'elle alimente la
spéculation qui prévalait à la fin des années 1980.
A la suite de l'éclatement de la bulle financière, il devient au
contraire nécessaire de faire preuve de prudence pour ne pas accentuer
la baisse des prix.
Dans ces conditions, la vente des terrains n'est aujourd'hui pas
achevée. 5.800 km ont été vendus entre 1987 et 1995 pour
une somme totale de 5,6 trillions de yens.
En ce qui concerne la vente des actions des sociétés, nous avons
vu que la privatisation demeurait encore très partielle, trois
compagnies seulement ayant vu une partie de leurs actions vendues. Là
encore, le contexte économique n'a pas permis d'aller aussi vite que le
souhaitait le Gouvernement japonais. Il est vraisemblable que dans la situation
de crise financière que traverse le Japon, la privatisation
complète des chemins de fer japonais ne sera pas une priorité au
cours des prochains mois.
Actuellement, on estime que la vente des derniers terrains et des actions
restant en possession de la JNRSC devrait rapporter environ 3,4 trillions
de yens.
La dette supportée par la JNRSC atteint désormais
27,8 trillions de yens, soit 1.348 milliards de francs ; elle entraîne
des intérêts d'environ 1.000 milliards de yens chaque
année. Même si l'on prend en compte la vente de l'ensemble des
actifs, la dette à la charge de la JNRSC, donc de l'Etat, dépasse
les 1.000 milliards de francs.
Dans ces conditions, les autorités japonaises ne peuvent plus attendre
pour tenter de dégager des solutions. L'attentisme des dix
dernières années coûtera en effet vraisemblablement
très cher aux contribuables japonais.
Dans le cadre plus général de la réforme budgétaire
japonaise, le Gouvernement japonais entend prendre des décisions en ce
qui concerne la dette des chemins de fer avant la fin de l'année. Une
réflexion a été entamée entre les ministères
compétents, réflexion à laquelle sont associées les
deux Chambres du Parlement japonais. Il y a un mois, lorsque je me suis rendu
à Tokyo, plusieurs solutions étaient à l'étude :
- modification de la structure de la dette par refinancement de celle-ci ;
- recours à des taxations : affectation de taxes préexistantes,
création d'un impôt spécifique, taxation des usagers des
modes de transport en commun ;
- lancement d'un emprunt (plusieurs de mes interlocuteurs ont cité
l'emprunt Pinay comme élément de la réflexion) ;
- émission d'obligations à taux zéro
bénéficiant d'avantages fiscaux, tels que l'exonération
des droits de succession ;
- transfert d'une part de la dette aux compagnies issues de la
société nationale, qui réalisent aujourd'hui des
bénéfices importants.
Cette dernière solution est très vigoureusement contestée
par les compagnies, qui estiment qu'elles ont reçu leur part du fardeau
en 1987 et que l'Etat ne saurait, dix ans plus tard, leur imposer de nouvelles
obligations.
En 1987, les autorités japonaises ont manifestement eu le souci
d'assurer la rentabilité des nouvelles compagnies créées
dans la perspective de leur privatisation. Il apparaît aujourd'hui qu'une
part plus importante de la dette aurait pu être mise à la charge
de ces sociétés, mais il faut bien reconnaître qu'il est
délicat de revenir en arrière. Les compagnies s'y montrent en
tout cas très hostiles. Cependant, beaucoup estiment qu'une solution
globale pour la dette des chemins de fer ne pourra être acceptée
par les contribuables que si la charge est équitablement répartie
et si les sociétés JR assument une partie de cette charge. Le
débat demeure donc très ouvert. Certains ont
suggéré que les compagnies prennent au moins en charge une partie
des pensions de retraite liées au système existant avant la
réforme.
Le règlement de la question de la dette des chemins de fer occupera
vraisemblablement les autorités japonaises pendant des décennies
encore. Il est difficile de savoir si une solution globale se dégagera
dans un proche avenir ou si le Gouvernement se contentera d'essayer
d'alléger la charge en recherchant le moyen de régler les
intérêts produits par la dette.
Quoi qu'il en soit, on ne peut que conclure de cette situation que le
cantonnement de la dette des chemins de fer ne constitue en aucun cas une
solution à ce problème. Lorsque la Commission européenne
prône le désendettement des entreprises de chemins de fer, il
s'agit à l'évidence d'une mesure de bon sens. Mais le
cantonnement de la dette ne signifie pas le règlement de cette
dernière et l'exemple japonais montre le danger qu'il y a de reporter la
recherche de solutions définitives à cette question. Tous les
Etats de l'Union européenne ont été ou sont
confrontées à cette question. Il faut souhaiter qu'aucun ne se
trouve jamais dans la situation qui est celle du Japon aujourd'hui en ce qui
concerne la dette de ses chemins de fer.
CONCLUSION
Le
système ferroviaire japonais et son évolution offrent en
définitive d'intéressants enseignements pour les pays de l'Union
européenne, qui seront appelés à faire évoluer
leurs chemins de fer dans les années à venir :
- la réforme du système est intervenue très tardivement,
à un moment où la dette de l'entreprise nationale avait atteint
un montant considérable et où les relations sociales
étaient extrêmement dégradées ;
- la division du réseau en plusieurs entités, loin de
créer des problèmes de coordination, a permis d'améliorer
la gestion des entreprises ferroviaires et la qualité du service rendu ;
- comme en Grande-Bretagne, la concurrence directe demeure limitée dans
ce système, chaque société disposant d'un monopole sur son
réseau ; cette concurrence repose plutôt sur la comparaison des
performances des différentes sociétés ;
- l'Etat conserve un rôle de supervision dans le système ; il
continue en outre à intervenir, comme les collectivités locales,
pour le financement de la construction des nouvelles infrastructures ;
- les nouvelles sociétés ont toutes entrepris une politique de
diversification de leurs activités afin d'améliorer leur
rentabilité ;
- le transport de marchandises connaît des difficultés et ne
demeure compétitif que sur des distances assez longues ; à cet
égard, l'Europe dispose d'atouts plus importants que le Japon, qui
mériteraient d'être davantage valorisés.
- enfin, le simple cantonnement de la dette des chemins de fer, s'il a
laissé l'impression d'une situation assainie, a en fait conduit à
une aggravation du montant de cette dette ; l'Etat japonais peine aujourd'hui
à dégager des solutions pour le règlement de cette
question.
Les Etats européens ne disposent pas de certains des atouts du transport
ferroviaire au Japon, en particulier cette concentration urbaine qui fait du
transport de banlieue un trafic extrêmement rentable. En revanche, le
développement de la dimension européenne offre à ce mode
de transport des opportunités réelles, que ce soit pour le
transport de marchandises ou pour le transport de voyageurs sur les lignes
à grande vitesse. L'Europe doit désormais exploiter ses atouts
aussi bien qu'a su le faire le Japon.
DEBAT CONSECUTIF A LA PRESENTATION DU RAPPORT
Réunion du 10 décembre 1997
M.
Jacques Oudin :
Ce que vous avez dit sur l'évolution de la dette des chemins de fer
japonais et sur l'existence d'une dette d'un montant sensiblement
équivalent dans le secteur des autoroutes m'a beaucoup
intéressé. Je crois profondément que, dans une
société moderne, les grandes infrastructures doivent être
conçues et financées d'une manière différente de
celle qui prévalait autrefois. J'aimerais savoir si la dette des chemins
de fer japonais est essentiellement une dette d'investissement ou si une part
est due aux déficits d'exploitation. Je souhaiterais également
savoir sur quelle durée sont financées les infrastructures.
M. Nicolas About :
La dette ferroviaire japonaise est pour la plus grande partie une dette
d'infrastructures. Le Japon, à l'époque où existait une
société publique nationale, s'est doté d'un réseau
extrêmement complet. Certaines lignes ont même été
construites pour des raisons plus politiques qu'économiques ou sociales,
ce qui a contribué à creuser l'endettement. A l'heure actuelle,
les sociétés d'exploitation remboursent progressivement un tiers
de la dette qui existait en 1987, ce qui ne les empêche pas de
réaliser des bénéfices importants. Ces
sociétés refusent d'exploiter les lignes non rentables. En
dessous d'un certain nombre de passagers par jour, une ligne est
considérée comme non rentable. Une collectivité locale
peut alors décider de la reprendre, mais doit dans ce cas en assumer la
gestion elle-même.
En ce qui concerne les emprunts nécessaires pour le financement des
infrastructures, ils peuvent avoir des durées variables. Les
sociétés d'exploitation, qui ont racheté en 1991 les
lignes de Shinkansen existantes, remboursent cet achat sur une période
de 60 ans. Elles font des versements au Railway Development Fund, qui est
chargé du financement des infrastructures nouvelles.
M. Jacques Oudin :
Notre problème, en France, c'est que nous finançons des
équipements centenaires avec des emprunts à 15 ans. Cela avait un
sens en période de forte inflation, mais c'est devenu très
contestable aujourd'hui.
M. Jean-Paul Emorine :
Il est intéressant de constater que le fret ferroviaire au Japon
connaît de grandes difficultés, comme en France, puisqu'il ne
représente plus que 5 % du marché du transport de marchandises en
termes de tonnes-km. Il semble donc que ce déclin du transport
ferroviaire de fret soit général et qu'il s'agisse là
d'une révolution culturelle et technique.
M. Nicolas About :
Il faut dire que le caractère insulaire du Japon favorise le transport
maritime, tandis que l'existence d'un très bon réseau autoroutier
crée un avantage pour le transport par camions. Dans ces conditions, ce
n'est évidemment pas dans le secteur du transport de marchandises que
les chemins de fer ont le plus d'atouts au Japon.
Pour le transport de voyageurs, en revanche, le Japon est une
référence. Sur certaines distances, la mise en service de lignes
à grande vitesse a conduit à la disparition totale des liaisons
aériennes. Dans les grandes métropoles, aux heures de pointes, le
taux de remplissage des trains est de 250 %. Dans certains cas, les Shinkansen,
après avoir assuré la plus grande partie d'une liaison à
vitesse très élevée, font quelques arrêts avant
d'entrer au coeur de Tokyo, afin d'assurer le transport des banlieusards se
rendant dans la capitale.
Je crois que nous pouvons apprendre beaucoup du système ferroviaire
japonais en matière de transport de voyageurs. C'est également le
cas pour la maintenance. Il faut savoir qu'au Japon, il n'y a pas ou peu de
détérioration de matériel. En outre, la grande discipline
qui prévaut au moment de l'arrivée des trains en gare permet des
performances tout à fait exceptionnelles en ce qui concerne le temps de
déchargement, d'entretien et de remplissage d'un train de voyageurs. On
se trouve en présence d'un service public de haut niveau rendu par des
entreprises gérées comme des entreprises privées.
M. Christian de La Malène :
Je souhaite revenir sur les questions liées au personnel. Vous nous avez
indiqué qu'on était passé d'environ 500.000 personnes
travaillant dans le groupe JNR au lendemain de la seconde guerre mondiale
à 190.000 aujourd'hui. Comment cela s'est-il passé en ce qui
concerne le régime de retraite, les indemnités de départ ?
Tout cela n'a-t-il pas entraîné des coûts exorbitants ?
M. Nicolas About :
Il m'est difficile de vous répondre en ce qui concerne les diminutions
d'effectifs intervenues avant la réforme de 1987. Dans le cadre de cette
réforme, les cheminots ont perdu le bénéfice du
système de retraite dont ils disposaient jusqu'alors. Les cheminots
appartenant au groupe avant la réforme ont gardé le
bénéfice du régime spécial pour leur période
d'activité précédant 1987, mais se sont vu appliquer,
comme les nouveaux entrants, le régime général pour la
période suivante. Beaucoup de suppressions de postes se sont faites par
départ à la retraite, dans la mesure où l'âge moyen
des salariés était et demeure assez élevé. De
nombreux cheminots ont par ailleurs été immédiatement
reclassés, tandis que d'autres ont reçu une formation
assurée par l'organe chargé de gérer la dette, la JNRSC.
Dans ces conditions, le nombre de licenciements est demeuré faible.
Aujourd'hui encore, plusieurs des compagnies issues du groupe JNR estiment que
des compressions d'effectifs seront nécessaires. L'automatisation
croissante du système de maintenance conduit en particulier à de
moindres besoins de personnel.
M. Jacques Oudin :
Les performances que vous évoquiez tout à l'heure sont
impressionnantes. Les pays d'Asie sont souvent d'une grande efficacité
pour l'organisation de leurs transports. Ainsi, l'aéroport de Hong-Kong,
quatorze fois plus petit que celui de Roissy reçoit chaque année
25 millions de passagers contre 30 millions à Roissy.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard :
Sur la carte du réseau ferroviaire japonais, on constate que le maillage
du pays est extrêmement complet. N'est-ce pas un atout pour le
développement du transport multimodal de marchandises ?
M. Nicolas About :
En réalité, le transport ferroviaire de marchandises
connaît des difficultés importantes. La route et le transport
maritime se partagent l'essentiel du marché du fret. Je pense que
l'Europe dispose de beaucoup plus d'atouts que le Japon pour le
développement du transport multimodal de marchandises.
La délégation a décidé d'autoriser la
publication du présent rapport.
ENTRETIENS DU RAPPORTEUR A TOKYO
(en
commun avec M. Jean-Claude LEFORT, député, Rapporteur de la
Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union
européenne)
Ministère des transports
M. Masato OBATA, Directeur général du Bureau ferroviaire
MM. Jun SAWADA, Harumi UMEDI et SAEKI
Dresdner Kleinwort Benson
M. Laurent DEL GRANDE
Japanese National Railways Settlement Corporation
M. Yasuo NISHIMURA, Président
MM. Kohichi SEKIGUCHI et Seiji NOMA
Railway Technical Research Institute
M. Hiroumi SOEJIMA, Président
MM. Toshiako SASAKI, Kanji WAKO, Yasuo SATO, Soji FUJIMORI, Hiroshi TANAKA
Japan Freight Railway Company
M. Yoshio KANEDA, Président
MM. Tetsuo KANDATSU, Shuji TAMURA, Katsushika WATANABE
Japan Confederation of Railway Worker's Union (JRU)
M. Mitsuharu SHIBATA, Président
MM. Hiromitsu TAKADA, Tadaaki KYORIKI, Kasuyoshi GOMI
Ministère des finances
M. Yoji WAKUI, directeur général
M. IIHARA
Corporation for Advanced Transport and Technology
M. Yasuhiko NISHIMURA, directeur exécutif
M. Takao SAITO
Sénat
M. Shinya IZUMI, Président de la Commission des transports
MM. Hiraoshi HASE, Junrô OIKAWA, Noriyuki NAKAO, Chôji ASHIO, Sadao
FUCHIGAMI, Hideyo FUDESAKA, Mmes Masako SUEHIRO, Kimiko KURIHARA,
Sénateurs
Assemblée nationale
M. Yoshihiro OHNO, Président de la commission des transports
MM. Seiichi ETOH, Katsuyuki ISHIDA, Ritsuo HOSOKAWA, HIRAGA,
députés
East Japan Railway Company
M. Shuichiro YAMANOUCHI, Président
La délégation a en outre pu visiter le centre de contrôle
de Shinkansen de la société JR East.
Le rapporteur tient à remercier les services de l'ambassade de France
à Tokyo, et particulièrement MM. Pascal FÜRTH,
attaché commercial, et Jean-Yves MARQUET, attaché financier, pour
les informations qu'ils lui ont fournies et pour l'aide qu'ils lui ont
apportée dans la préparation et la conduite de cette
mission.