B. LE FRET EN DIFFICULTE
Après la scission des JNR en plusieurs
sociétés, la Japan Freight Railway Company a, dans un premier
temps, enregistré des résultats satisfaisants, avant de subir
à nouveau des déficits.
Le transport ferroviaire de marchandises n'occupe qu'une place marginale au
Japon. Cette situation est notamment due à la situation
géographique du pays. Le Japon est un archipel, ce qui favorise le
transport maritime. Par ailleurs, les distances à parcourir sont
relativement faibles et le réseau autoroutier est très complet,
ce qui constitue un avantage pour le transport routier. En outre, plus de 50 %
des transports sont directement réalisés par les entreprises
productrices. Beaucoup disposent de leur propre flotte de véhicules et
gèrent elles-mêmes leur transport. C'est l'un des
éléments qui explique la part réduite du chemin de fer
dans le transport de fret japonais.
En termes de tonnage, les JNR assuraient, en 1965, 7,6 % du transport de fret.
A cette époque, les JNR transportaient d'importants tonnages de charbon.
Depuis lors, la plupart des mines ont fermé. Les compagnies
pétrolières restent en revanche un client important de JR
Freight. En 1996, la part de marché détenue par JR Freight s'est
élevée à 0,8 %. La route assure 90,5 % du transport de
marchandises. Si l'on raisonne en tonnes-km, la situation est un peu plus
avantageuse pour le rail, qui détenait 30,3 % du marché en 1965
et en conserve encore 5 % aujourd'hui. En fait, le rail n'est compétitif
pour le transport de marchandises que sur des distances de 1.000 km ou plus.
Sur ce segment, il détient encore 30 % des parts de marché.
Dans le système actuel, la compagnie JR Freight ne détient
aucune infrastructure. Ses trains circulent sur les réseaux des six
compagnies chargées d'assurer le transport de voyageurs. Cette situation
pose naturellement un certain nombre de difficultés pour la
répartition des sillons
. Les contraintes à prendre en
considération sont en effet nombreuses. Une priorité absolue est
accordée aux transports de voyageurs de banlieue aux heures de pointe du
matin et du soir. Pendant la nuit, il est nécessaire de tenir compte du
fait qu'une heure et demie environ est nécessaire pour l'entretien de
chaque tronçon de voie. La société JR Freight a
passé des accords avec les compagnies de transport de voyageurs pour la
répartition des sillons et la définition des péages.
L'ajustement est cependant difficile, compte tenu de la saturation du
réseau japonais. Quatre fois par an, des négociations ont lieu
entre compagnies pour envisager la circulation de nouveaux trains sur le
réseau.
Compte tenu de la détérioration de ses résultats à
partir de 1991, la société JR Freight a préparé un
plan de relance sur dix ans, destiné à enrayer ce déclin.
Ce plan prévoit en particulier une compression des effectifs, notamment,
par une incitation au départ en retraite précoce des
salariés. La société considère en effet que ses
difficultés sont pour une bonne part liées à des
coûts de personnel trop importants du fait de la moyenne d'âge
assez élevée de ses salariés.
Par ailleurs, comme les compagnies de transport de voyageurs, la
société JR Freight a entrepris une diversification de ses
activités. Les activités non ferroviaires de la
société représentent d'ores et déjà 12 % du
chiffre d'affaires. La société détient en particulier des
magasins de bricolage et des magasins de proximité.
Malgré les difficultés actuelles, les responsables de la
société JR Freight estiment que le transport de marchandises
par voie ferrée a encore un avenir au Japon, compte tenu de la
saturation du trafic routier, de l'importance croissante des
considérations d'environnement, enfin du manque de main d'oeuvre.
*
A ce
stade, il est intéressant de faire une comparaison avec l'Union
européenne et d'évoquer certains développements
récents.
Le transport ferroviaire de marchandises paraît avoir
bien plus d'atouts sur notre continent qu'au Japon.
L'exemple du Japon
montre en effet clairement que le fret ferroviaire n'est compétitif que
sur des distances assez longues, qui représentent une part faible du
transport de marchandises de ce pays. En Europe au contraire, le transport de
marchandises par rail peut avoir tout son sens lorsqu'il s'agit par exemple de
relier les ports du nord de l'Europe à l'Italie ou à l'Europe
centrale. Malgré cet avantage, le train n'assure plus que 16 % du
transport de marchandises en Europe.
Dans son Livre blanc " Une stratégie pour revitaliser le transport
ferroviaire ", la Commission européenne a proposé la
création de corridors de fret, traversant plusieurs pays, qui
permettraient d'améliorer la vitesse de circulation des trains de
marchandises. Dans l'esprit de la Commission européenne, il s'agissait
de choisir certains itinéraires prometteurs pour le transport de
marchandises et de favoriser le libre accès aux infrastructures
correspondant à ces itinéraires pour le transport de fret.
Dans un précédent rapport, j'avais noté que de tels
corridors pourraient parfaitement être mis en oeuvre par la voie de la
coopération entre opérateurs. Plusieurs itinéraires
devraient fonctionner dès le début de l'année prochaine,
en particulier de Rotterdam au port de Gioia Tauro en Italie et de Brême
et Hambourg à Brindisi. La France ne pourrait rester à
l'écart de ce mouvement, dans la mesure où les deux corridors
précités vont la contourner. La SNCF a donc décidé,
avec les opérateurs belges et luxembourgeois, de mettre en place, par la
voie de la coopération, un itinéraire reliant Muizen en Belgique
à Sibelin-Vénissieux en passant par Bettembourg. Cet
itinéraire pourrait être prolongé jusqu'à Milan dans
un proche avenir.
En l'occurrence, la Commission européenne a joué un rôle
très utile de stimulation, obligeant les opérateurs ferroviaires
européens à réagir chacun à leur manière.
L'essentiel est qu'on ne renonce pas à rendre au transport ferroviaire
de marchandises une compétitivité qu'il peut avoir en Europe,
compte tenu des distances à parcourir.