CHAPITRE IV -
LA POSTE EST CONFRONTÉE À DES DÉFIS
QUI PEUVENT ÊTRE MORTELS
Si La Poste est indéniablement un acteur économique de poids, il serait cependant illusoire de la croire immortelle. Elle est, en réalité, confrontée à trois défis majeurs : l'irruption de la concurrence , l'évolution du cadre réglementaire européen , ainsi qu'une certaine remise en cause des conditions d'exercice de ses activités financières.
I. L'IRRUPTION DE LA CONCURRENCE
Jadis protégée sur l'ensemble de ses
marchés, La Poste est aujourd'hui soumise aux feux de la concurrence.
Celle-ci s'exerce sur trois " fronts " :
le front
technologique
, lié au développement des nouvelles
technologies de l'information ;
le front postal
, lié au dynamisme
des entreprises du secteur privé, mais aussi des autres postes
européennes ;
l'affront du repostage
, enfin, véritable
piraterie à laquelle s'adonnent certaines postes concurrentes.
Ce vocabulaire un peu guerrier peut étonner. Il est pourtant de mise :
La Poste doit relever ces défis et livrer bataille, si elle veut garder
son rang de grande poste européenne au 21ème siècle.
Ceci sera d'autant plus difficile que le monopole juridique de l'entreprise
pourrait bien s'avérer n'être plus qu'un bouclier de carton.
A. L'EXPLOSION DES NOUVELLES TECHNOLOGIES DE LA COMMUNICATION
L'avènement de la société de l'information s'accompagne d'une évolution technologique irrésistible des instruments de communication qui pourrait à terme, menacer le coeur de métier de La Poste : le courrier.
1. L'avènement de produits de substitution
Il est un fait que les différents modes de
communication se concurrencent, les plus rapides, fiables et bon marché
se substituant progressivement aux autres. Mais ce phénomène ne
date pas de l'irruption de la télécopie dans nos bureaux, puis
dans nos maisons. Le marché de la communication a connu en
réalité une quadruple révolution au gré des
avancées technologiques : téléphone et Minitel,
télécopie, édition de données informatiques,
Internet.
C'est ainsi que la période de rattrapage du
téléphone
à la fin des années 70, puis
l'équipement en
Minitel
ont fortement touché les flux de
courrier " ménage vers ménage " (qui a connu un taux de
décroissance de près de 50 % entre 1983 et 1993) et ont
érodé la croissance des flux " ménage vers
entreprise ". Il suffit d'évoquer, par exemple, la banalisation des
prélèvements automatiques et le développement des
commandes par Minitel.
A la fin des années 80, la
télécopie
-technologie
véritablement innovante- a affecté les flux de courrier
" entreprise vers entreprise ". La Poste estime déjà
entre 600 et 700 millions de francs le manque à gagner pour ses
activités " courrier " qui résulte de l'actuel niveau
de développement des échanges par télécopie.
La troisième révolution commence
avec l'édition de
données informatiques
(EDI). Elle devrait s'accentuer avec
l'équipement multimédia des différentes catégories
de clients, y compris des particuliers. Les flux " entreprise vers
entreprise " seront directement concernés et les flux
" entreprise vers ménage " devraient également voir
leur croissance ralentir, d'autant plus que les grands émetteurs tendent
à rationaliser fortement leur communication à l'égard de
leurs clients.
C'est ainsi, par exemple, que le loueur de voitures Hertz fait traiter
numériquement l'ensemble de ses factures clients à Dublin.
Enfin, l'explosion du plus vaste maillage informatique existant :
Internet
, véritable " toile d'araignée
mondiale ", ne sera pas sans effet sur les autres modes de
communication.
La population mondiale des internautes était de 65 millions
début 1997. Selon l'Union internationale des
télécommunications, elle pourrait atteindre 300 millions en
l'an 2000.
La France est certes en retard dans cette
" cyberaventure ", mais il
ne fait guère de doute qu'à terme, les Français, comme les
Américains, correspondront de plus en plus par " E-mail ",
la
messagerie électronique du " web ". D'ores et
déjà, on évalue entre 500.000 et 800.000 le nombre de
Français abonnés à Internet et le marché
français serait en croissance de 150 % par an.
Le
commerce électronique
est ainsi appelé à se
développer rapidement. Les extrapolations sont certes délicates
en la matière et les évaluations variées. Citons cependant
celle d'International Data Corporation
91(
*
)
, qui estime que le commerce mondial
sur le " web " passera de 2,6 milliards de dollars en
1996
à plus de 220 milliards de dollars en 2001.
D'après la société de services informatiques Cap Gemini la
plupart des distributeurs s'attendent à réaliser le quart de leur
chiffre d'affaires par le canal électronique d'ici 10 ans. Pour la
vente par correspondance, la moitié des ventes serait concernée.
D'ici deux ans, le dixième des ventes pourrait être
réalisé par ce biais et, dès le tournant du siècle,
le commerce électronique pourrait représenter, en France,
8 milliards de francs de vente pour les particuliers et 48 milliards
pour le commerce interentreprises.