2. Vers un coeur de métier en peau de chagrin ?
Peut-on, pour autant, en conclure que le courrier postal est
voué au déclin ?
Non, si l'on se réfère à son évolution en volume.
En effet, le trafic du courrier continue à progresser, même si
c'est modérément.
Oui, cependant, si l'on apprécie l'évolution des parts de
marché du courrier au sein du marché de la communication, tant
mondial qu'hexagonal.
S'agissant du marché mondial
, une récente étude
(mai 1997) de l'Union Postale Universelle (UPU) estime que d'ici 2005, en
dépit de leur constante progression, les échanges postaux verront
leur part dans le marché mondial de la communication diminuer, notamment
au profit du courrier électronique.
Selon les prévisions de l'UPU pour les pays industrialisés, la
croissance des échanges postaux devrait être ramenée de
2,7 % par an en moyenne entre 1985 et 1995 à 2,3 % en moyenne
annuelle d'ici 2005.
La part du courrier électronique dans le marché mondial de la
communication
(télécopie et téléphonie inclus)
devrait passer de 5 % à
l'heure
actuelle à
10 % en 2005, le courrier physique voyant sa part régresser de 20
à 15 % du total
.
Pour ce qui concerne le marché français
, si l'effet de
substitution du courrier électronique n'a pas encore été
évalué, celui de la télécopie est indiscutable et
important.
La Poste estime, en effet, que l'impact de la télécopie est
réel depuis 1990, le taux d'équipement des entreprises en
télécopieurs étant encore faible avant cette date. Ce taux
est aujourd'hui significatif (avec 95 % des entreprises de plus de
10 salariés et 50 % des entreprises plus petites) et devrait
encore s'accroître. En outre, la pénétration accrue des
télécopieurs chez les particuliers entraînera une
banalisation de leur utilisation.
Une étude réalisée par La Poste montre qu'entre 1991 et
1994, le taux annuel moyen de substitution de la télécopie au
courrier s'élève à 6,5 % (soit près de
400 millions de lettres par an) et que la substitution s'est
amplifiée depuis lors.
Dans ces conditions, avec un taux de croissance annuel moyen de substitution
de + 3 % entre 1994 et 2000, le taux de substitution en l'an 2000
pourrait atteindre 18 % du trafic, soit 1,2 milliard de lettres.
Ces chiffres prouvent que les nouvelles technologies sont de réels
concurrents pour la Poste et doivent être traitées comme tels.
L'exemple récemment fourni par le ministère de la santé
est, à cet égard, très éclairant : ce dernier
a annoncé, au début de l'année 1997, un projet
destiné à mettre à la disposition des professionnels de la
santé et de la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM), un
réseau fermé de télécommunications où les
uns et les autres pourront communiquer par messagerie interne.
Alors qu'à l'heure actuelle, déjà un tiers des
informations servant à payer les prestations de la
Sécurité sociale sont transmises par voie électronique,
l'objectif est de gérer une messagerie fermée de
300.000 personnes et d'amener l'ensemble des professionnels de la
santé, y compris les médecins, à communiquer sur ce
réseau. Concrètement, un laboratoire médical pourra,
demain, envoyer les résultats d'analyses d'un patient à son
médecin par ce système et non plus par courrier papier.
Un tel projet entraînera donc une diminution du volume du courrier
traité par La Poste. Toutefois, cette dernière pourrait profiter
de l'appel d'offres lancé par le ministère pour la mise en place
de son projet, afin de mieux rentabiliser son propre réseau de
télécommunications.
Certes, il convient de se méfier des prédictions en ce domaine
-l'invention du télégraphe n'avait-elle pas déjà
amené à annoncer la fin de La Poste ?- et il est probable que les
évolutions structurelles en gestation seront plus lentes que d'aucuns
peuvent l'annoncer, pour la bonne et simple raison que les hommes ne changent
pas tous d'habitude du jour au lendemain.
Il n'en demeure pas moins qu'il est peu douteux que La Poste de Mme de
Sévigné est morte, que celle de Bill Gates est en train de
naître et que seuls ceux qui auront anticipé cette mutation et
l'auront préparée compteront sur le marché postal de
2010.