III. LES PROPOSITIONS DE LA MISSION D'INFORMATION : DEUX PRÉALABLES, TROIS OBJECTIFS ET TRENTE-DEUX MESURES
Après avoir rappelé l'importance de
l'échec universitaire en premier cycle, souligné les
dysfonctionnements et les insuffisances du système d'orientation dans
l'enseignement secondaire et supérieur, votre mission d'information est
désormais conduite à formuler ses propositions.
Celles-ci s'ordonneront autour de trois objectifs :
- le rétablissement d'une continuité entre l'enseignement
secondaire et l'enseignement supérieur, et notamment entre le
lycée et les premiers cycles universitaires ;
- l'adaptation des formations post-baccalauréat à la
diversité de la population étudiante ;
- l'élargissement du pouvoir d'initiative des universités pour
répondre avec succès au défi de la démocratisation
de notre enseignement supérieur.
Avant de présenter ses propres propositions, la mission souhaiterait au
préalable dissiper toute équivoque et écarter deux
solutions extrêmes qui sont avancées parfois pour réduire
l'échec universitaire : la mise en place d'une sélection à
l'entrée à l'université d'une part, la secondarisation des
premiers cycles, d'autre part.
A. DEUX PRÉALABLES : LE REFUS DE LA SÉLECTION À L'ENTRÉE À L'UNIVERSITÉ ET DE LA SECONDARISATION DES PREMIERS CYCLES.
Une analyse rapide des raisons de l'échec universitaire
pourrait conduire à proposer des mesures radicales susceptibles,
à n'en pas douter, de réduire fortement l'échec en premier
cycle, en éliminant de l'université des populations de bacheliers
mal préparés à suivre un enseignement supérieur
traditionnel, général et abstrait.
Force est cependant de constater que la grande majorité des
interlocuteurs de la mission d'information, personnalités
auditionnées, participants à la consultation lancée sur le
réseau Internet, recteurs d'académie et responsables des
établissements d'enseignement secondaire et supérieur, à
l'exception de quelques spécialistes parfois éminents, ont
écarté la solution apparemment simple qui consisterait à
instaurer une sélection pour accéder à l'université.
La plupart d'entre eux se sont également refusé à
envisager une secondarisation des premiers cycles, notamment par la
création de collèges universitaires non sélectifs à
finalité d'insertion professionnelle directe, qui auraient vocation
à accueillir un certain type de bacheliers ne disposant pas des
prérequis nécessaires pour suivre avec succès des
études supérieures.
1. La sélection à l'entrée à l'université : une fausse bonne idée socialement inapplicable
a) Vers une quasi-généralisation du baccalauréat
La généralisation de l'enseignement secondaire
et l'accès d'une proportion de plus en plus importante d'une classe
d'âge au baccalauréat, qui commande l'accès à
l'enseignement supérieur, ont compté parmi les bouleversements
majeurs de la société française au cours des
dernières décennies.
L'objectif annoncé au milieu des années 80 par les responsables
en charge de l'éducation nationale, des 80 % d'une classe
d'âge au niveau du baccalauréat, est en passe d'être
réalisé puisque 61 % des jeunes d'une
génération parviennent désormais à ce niveau,
contre 30 % en 1986, et que 76 % des candidats en 1996 ont obtenu le
diplôme.
Force est de remarquer que cette tendance lourde vers la démocratisation
de l'enseignement secondaire et l'obtention du baccalauréat se serait
sans doute développée spontanément sans une
déclaration ministérielle quelque peu solennelle et
découlait naturellement de la forte demande sociale de scolarisation
exprimée par les familles.
Il convient cependant de rappeler que l'objectif des 80 % supposait une
diversification des baccalauréats et prévoyait notamment la
montée en puissance du baccalauréat professionnel qui n'avait pas
- tous les responsables devraient le répéter - une
vocation à permettre la poursuite d'études supérieures
avec succès.
Dans la réalité, ce développement du baccalauréat
s'est réalisé au profit de la filière
générale et au détriment des filières
technologiques.
Si les derniers résultats traduisent un rééquilibrage
attendu au profit des séries littéraires et scientifiques et le
souci de faire de la filière littéraire une voie d'excellence,
ils révèlent aussi un déséquilibre persistant entre
les enseignements généraux et technologiques qui sont
affectés par une certaine perte d'identité, tandis que le
succès des " bacs pro " se confirme.
Enfin, le baccalauréat reste le premier diplôme universitaire et
confère automatiquement le droit d'accéder à
l'enseignement supérieur : sa double fonction -diplôme de fin
d'études secondaire et premier diplôme universitaire donnant
accès à l'enseignement supérieur- le rend durablement
intangible.
Compte tenu de sa dimension symbolique et de l'attachement de l'opinion
française à un examen qui n'a pas d'équivalent dans les
pays voisins, il paraît donc irréaliste d'envisager sa suppression
et même des aménagements substantiels quant à son
organisation.