GLOSSAIRE DES SIGLES
AES : administration économique et sociale
AFPA : association pour la formation professionnelle des adultes
ATER : attaché temporaire d'enseignement et de recherche
BEP : brevet d'études professionnelles
BTS : brevet de technicien supérieur
CEREQ : centre d'études et de recherche sur les qualifications
CIO : centre d'information et d'orientation
CIP : contrat d'insertion professionnelle
CNE : comité national d'évaluation des établissements
publics à caractère scientifique, culturel et professionnel
COP : conseiller d'orientation-psychologue
CPGE : classe préparatoire aux grandes écoles
DEA : diplôme d'études approfondies
DEP : direction de l'évaluation et de la perspective
DEUG : diplôme d'études universitaires générales
DESS : diplôme d'études supérieures
spécialisées
DEUST : diplôme d'études universitaires en sciences et techniques
DEUT : diplôme d'études universitaires technologiques
DNTS : diplôme national de technologie spécialisée
DRT : diplôme de recherche technologique
IGAEN : inspection générale de l'administration de
l'éducation nationale
IUFM : institut universitaire de formation des maîtres
IUP : institut universitaire professionnalisé
NCE : nouveau contrat pour l'école
ONISEP : office national d'information sur les enseignements et les professions
PRAG : professeur agrégé de l'enseignement secondaire
SAIO : services académiques d'information et d'orientation
SCUIO : service commun universitaire d'information et d'orientation
STAPS : sciences et techniques des activités physiques et sportives
STS : sections de techniciens supérieurs
SUIO : service universitaire d'information et d'orientation
UFR : unité de formation et de recherche
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Lors de sa réunion du 22 novembre 1995, votre commission des affaires
culturelles, sur proposition de son président, M. Adrien Gouteyron,
a décidé de demander la création d'une mission
d'information sur les problèmes des premiers cycles universitaires, et
en particulier sur celui de l'information et de l'orientation des
lycéens et des étudiants qui est, à n'en pas douter,
à l'origine d'une grande part de l'échec universitaire.
Au cours de sa réunion du 6 décembre 1995, la commission des
affaires culturelles a désigné ceux de ses membres appelés
à faire partie de la mission d'information. Outre son Président
et ses rapporteurs pour avis sur les budgets de l'éducation nationale et
de l'enseignement supérieur,
MM. Jean Bernadaux, Jean-Pierre
Camoin et Jean-Louis Carrère
, elle a désigné comme
membres titulaires : MM. Jean-Claude Carle, Pierre Laffitte,
Philippe Richert et Franck Sérusclat
et comme
membres
suppléants : MM. James Bordas, Daniel Eckenspieller,
François Lesein, Mme Hélène Luc, MM. Jean-Marie
Poirier et Henri Weber.
Lors de sa réunion constitutive du 20 décembre 1995, la
mission a constitué son bureau ainsi qu'il suit :
- Président : M. Adrien Gouteyron ;
- vice-Présidents : MM. Jean-Louis Carrère, Jean-Claude
Carle, Pierre Laffitte et Ivan Renar ;
- co-rapporteurs : MM. Jean Bernadeaux et Jean-Pierre Camoin.
Au cours de trente cinq heures d'
auditions
menées entre le
17 janvier et le 26 juin 1996, la mission a entendu quarante trois
personnalités, spécialistes à des titres divers des
problèmes universitaires.
Sur proposition de M. Pierre Laffitte, le président de la mission a
par ailleurs demandé à M. le Président du
Sénat de bien vouloir l'autoriser à lancer une
consultation
sur le réseau Internet
, via le serveur du Sénat, qui lui a
permis de recueillir directement les observations et les propositions des
acteurs et des usagers du système universitaire : sept
questionnaires ont été ainsi lancés sur le réseau
entre le 22 février et le 6 mai 1996 qui ont recueilli
cent cinquante-deux réponses le plus souvent très substantielles.
Ces réponses ont fait l'objet de sept synthèses qui ont
été demandées par deux cent soixante-deux correspondants
sur le serveur du Sénat.
La mission d'information ne peut donc que se féliciter de la
réussite d'une consultation d'un type inédit, qui n'a pas valeur
de sondage, mais qui lui a permis de compléter directement, notamment
auprès des étudiants et des enseignants, les informations
recueillies au cours de ses auditions.
A cet égard, elle tient à remercier l'ensemble de ses
correspondants pour la qualité, le suivi et l'intérêt de
leurs interventions, lesquels ont par ailleurs fréquemment
souligné le caractère novateur de cette consultation
lancée par le Sénat.
Une délégation de la mission d'information a également
effectué un
déplacement à Heidelberg
, les 28 et 29
mai 1996 pour y étudier les problèmes de l'information et de
l'orientation dans une université allemande : elle y a tenu
plusieurs réunions de travail dont le compte rendu figure en annexe du
présent rapport.
Elle s'est déplacée, en outre, à
Lille et à
Cambrai
, le 16 octobre 1996, pour y rencontrer le recteur de
l'académie, les présidents d'université, les responsables
des services universitaires d'orientation et d'information et étudier
les dispositifs mis en place pour lutter contre l'échec en premier cycle.
Enfin la mission d'information a contacté par lettre l'ensemble des
proviseurs de lycée
, des
recteurs d'académie
et des
présidents d'université
afin de recueillir leurs
observations sur les actions engagées en matière d'information et
d'orientation dans les établissements d'enseignement secondaire ou
supérieur : une cinquantaine de proviseurs, une quinzaine de
recteurs ou de services académiques d'information et d'orientation
(SAIO) et plusieurs présidents d'université ou services communs
universitaires d'information et d'orientation (SCUIO) ont répondu
à cet appel en fournissant des éléments d'information
précieux pour la mission.
Avant de formuler ses propositions pour une réforme du système de
l'information et de l'orientation des étudiants, votre commission tient
à souligner la difficulté de faire preuve d'originalité
sur un sujet - les premiers cycles universitaires - qui a fait
l'objet de nombreuses études substantielles qu'il s'agisse pour les plus
récentes en particulier du rapport Lavroff (L'évolution du
premier cycle universitaire), du rapport Laurent (Universités : relever
le défi du nombre), d'une étude de l'Inspection
générale de l'administration de l'éducation nationale (La
rénovation des premier et second cycles universitaires, rapport 1996) et
plus récemment, du rapport de la commission Fauroux (Pour
l'école), ainsi naturellement que des propositions exposées par
M. François Bayrou, ministre de l'éducation nationale, de
l'enseignement supérieur et de la recherche à la Sorbonne, le
18 juin 1996, à l'issue de la procédure dite des
états généraux de l'université.
Toutes ces contributions consacrent une partie de leurs développements
aux dysfonctionnements constatés dans l'orientation des
étudiants, qui sont à l'origine pour une large part de
l'échec observé dans les premiers cycles, et présentent
des propositions de réforme intéressantes et parfois convergentes.
Si le présent rapport procédera à un constat qui, à
quelques nuances près, reste dans la ligne de l'analyse effectuée
par ces diverses instances, il s'efforcera de présenter des propositions
concrètes dans le but d'améliorer le système d'information
et d'orientation dans le secondaire et le supérieur.
Par ailleurs, la mission d'information a estimé utile de faire figurer
dans son rapport le compte rendu des nombreuses auditions auxquelles elle a
procédé, ainsi que le résumé des réponses
reçues, via le réseau Internet, à ses questionnaires
successifs.
Si ces derniers éléments se prêtent mal à une
synthèse générale du fait de leur diversité, ils
devraient en revanche permettre de présenter les positions des
principaux acteurs et observateurs de notre système universitaire,
qu'ils en soient les inspirateurs, les responsables ou les usagers, enseignants
et étudiants.
En allant souvent très au-delà du seul objet de cette mission,
ils apporteront peut-être le témoignage que ces contacts directs
ou médiatisés avec le monde universitaire auront permis de lever
une part d'incompréhension, voire le malentendu qui s'est
développé depuis maintenant plusieurs décennies entre
l'opinion française - y compris d'ailleurs les élus
nationaux - et le monde universitaire.
Si les acteurs du système universitaire et les
" techniciens "
ont naturellement vocation à réfléchir à l'avenir
de notre université, la représentation nationale est
également fondée à analyser les causes de ses
dysfonctionnements et à formuler des propositions de réforme. Les
travaux de la présente mission d'information ont d'abord pour objet
d'éclairer le Sénat sur les problèmes de l'information et
de l'orientation des étudiants dans les premiers cycles, mais sa
réflexion se situe nécessairement sur un autre plan que celle
menée par les acteurs du monde universitaire. Le Parlement ne saurait en
effet se cantonner au seul examen annuel des incidences financières de
réformes proposées par le Gouvernement et se doit de participer
également à la réflexion engagée pour adapter
l'université aux nouveaux défis qui lui sont lancés.
Dans cette perspective, le présent rapport est aussi destiné
à informer l'opinion sur l'état de notre système
universitaire et a la légitime ambition de contribuer au rapprochement
des Français avec leur université.
*
* *
Force est de constater qu'une grande part de l'échec
universitaire, qui se traduit par des gaspillages humains et financiers
inacceptables pour notre pays, résulte d'une mauvaise orientation des
lycéens et des étudiants.
Le problème de l'information et de l'orientation des étudiants
des premiers cycles universitaires apparaît en outre désormais
d'autant plus aigu que l'enseignement supérieur a été
confronté à une mutation considérable qui se traduit par
une explosion de ses effectifs et l'accès de nouveaux publics à
l'université.
Le défaut d'information et d'orientation des lycéens, des
bacheliers et des nouveaux étudiants apparaît ainsi à
l'origine des principaux dysfonctionnements du système universitaire
français et surtout des difficultés rencontrées dans les
premiers cycles universitaires sur lesquels se concentrent les principales
critiques de l'opinion. L'image de l'université apparaît
aujourd'hui brouillée par les maux dont certains la disent
frappée : délabrement de ses locaux et insuffisance de son
encadrement qui seraient indignes d'un pays développé,
pléthore des effectifs étudiants, chômage de ses
diplômés, incapacité à mener ceux qu'elle accueille
à un diplôme, notamment en premier cycle.
Mais il convient de remarquer que contrairement à cette opinion trop
répandue, notre système universitaire a répondu dans des
conditions honorables au mouvement démographique de ces dernières
décennies et a fait preuve d'une capacité d'adaptation que
pourraient lui envier d'autres secteurs de la société
française, tel celui de la protection sociale par exemple.
Les réussites de notre système universitaire sont ainsi trop
fréquemment passées sous silence, qu'il s'agisse des conditions
dans lesquelles s'est réalisée sa démocratisation, qui
s'est traduite, il convient de le rappeler, par un quadruplement du nombre des
étudiants depuis quinze ans et par un doublement de ses flux
d'entrée en dix ans, mais aussi des efforts importants d'adaptation des
formations supérieures afin de répondre aux besoins de notre
économie : la création de nouvelles écoles
d'ingénieurs, des sections de techniciens supérieurs, des
instituts universitaires de technologie, des instituts universitaires
professionnalisés, de nouveaux DESS a ainsi répondu à ce
souci d'adaptation et de professionnalisation et a contribué à
modifier en profondeur notre système universitaire, sans doute davantage
que dans nombre de pays voisins qui sont pourtant cités en exemple.
Nul ne peut nier par ailleurs que le plan Université 2000,
cofinancé il est vrai par les collectivités locales, a permis de
développer considérablement les conditions d'accueil des
étudiants et que l'implantation des antennes universitaires dans les
villes moyennes, en offrant des premiers cycles aisément accessibles aux
bacheliers modestes, a permis à la fois de répondre au
défi de la démocratisation et aux impératifs de
l'aménagement du territoire.
Alors que beaucoup affirment que les qualifications acquises à
l'université sont inadaptées aux besoins des entreprises et sans
utilité sur le marché du travail et que d'autres dénoncent
le coût financier d'un enseignement supérieur ouvert sans
restrictions à l'ensemble des bacheliers, il convient aussi de rappeler
que le diplôme reste le meilleur passeport pour l'emploi
1(
*
)
et que le coût d'un
étudiant français, notamment en premier cycle, reste largement
inférieur à celui d'un élève de l'enseignement
secondaire
2(
*
)
, d'un
étudiant engagé dans une filière sélective
3(
*
)
et aussi d'un étudiant à
l'étranger
4(
*
)
.
Par ailleurs, comment ne pas observer que la massification de l'enseignement
supérieur ne fait que traduire une demande sociale qui semble
aujourd'hui irréversible dans l'ensemble des démocraties
occidentales développées : tout projet de restriction
apporté à l'accès des bacheliers à
l'université serait illusoire et il ne paraît plus utopique que
notre système universitaire accueille la moitié des jeunes d'une
classe d'âge, comme cela devient la règle dans la plupart des pays
développés
5(
*
)
.
Enfin l'image parfois négative de l'université dans l'opinion
doit être également corrigée en prenant en compte les
diverses composantes et le caractère dual de notre enseignement
supérieur.
Certaines de ses composantes, on pourrait même dire les plus nombreuses,
fonctionnent, comme il sera vu plus loin, de manière
satisfaisante ; c'est le cas en particulier de l'ensemble du secteur
sélectif (classes préparatoires, grandes écoles ...) qui
assure traditionnellement le renouvellement des élites
françaises, des formations technologiques courtes également
sélectives, mais aussi des deuxièmes cycles, qui connaissent
cependant un échec non négligeable, et surtout des
troisièmes cycles qui développent le plus souvent une recherche
de qualité.
Les problèmes de l'université se concentrent donc principalement
dans les premiers cycles dont l'accès est librement ouvert à
l'ensemble des bacheliers. Encore convient-il de rappeler que l'échec
est loin d'y être aussi général que certains le
prétendent et que celui-ci résulte pour une grande part de
l'accès de nouveaux publics à l'université et des
dysfonctionnements enregistrés dans l'orientation des nouveaux
étudiants.
*
* *
Après avoir tenté de mesurer l'échec dans
les premiers cycles, le présent rapport s'efforcera d'analyser les
raisons de cet échec et notamment la part résultant des
défaillances du système d'information et d'orientation des
lycées et des étudiants.
Il proposera ensuite les mesures pour remédier à ces
défaillances, sans ignorer les propositions formulées
récemment en ce domaine par le ministre chargé de l'enseignement
supérieur à l'issue des états généraux de
l'université et par le rapport de la commission Fauroux.
I. UN ÉCHEC EN PREMIER CYCLE RÉSULTANT DE L'INADAPTATION DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR AU PLUS GRAND NOMBRE ET DES DYSFONCTIONNEMENTS DU SYSTÈME D'ORIENTATION
A. UN ÉCHEC RÉSULTANT D'ABORD DE L'INADAPTATION DU SYSTÈME UNIVERSITAIRE À L'AFFLUX DES ÉTUDIANTS
S'il reste trop important et inacceptable du fait des
gaspillages humains et financiers qu'il engendre, l'échec universitaire,
notamment en premier cycle, doit d'abord être évalué
à sa juste mesure.
En préalable, quelques rappels doivent être effectués
concernant les conséquences de la démocratisation du
baccalauréat qui commande l'accès à l'enseignement
supérieur et pour mesurer la part désormais occupée par
les premiers cycles au sein de notre système universitaire.
1. Les conséquences de la montée en puissance du baccalauréat : l'accès de la moitié d'une classe d'âge à l'enseignement supérieur
a) L'explosion du nombre des bacheliers
Il convient d'abord de rappeler que les résultats du
baccalauréat ont enregistré en 1996 un taux de réussite
record de 76 % : sur 609.000 candidats, 463.000 sont ainsi
devenus bacheliers.
Ces résultats flatteurs ne doivent cependant pas écarter la
nécessité d'une réflexion générale sur
l'évolution du niveau moyen des nouveaux bacheliers.
Sur ce total, le nombre de bacheliers généraux
s'élève à 258.000, soit le double de celui des bacheliers
technologiques (130.000) tandis que les bacheliers
" professionnels "
représentent moins du quart de l'ensemble, soit environ 71.000 :
56 % des lauréats ont obtenu en 1996 un bac général,
29 % un bac technologique et 15 % un bac professionnel.
Le nombre des lauréats est cependant en recul par rapport à 1995
(- 17.000) du fait d'un creux démographique (- 5 % de
candidats présentés) et des efforts d'orientation
engagés depuis 1992 en faveur de l'enseignement professionnel. Depuis
cette date, en effet, de moins en moins d'élèves sont
orientés vers le lycée général ou technologique, au
profit du lycée professionnel qui conduit moins souvent au
baccalauréat. Depuis cette date, il convient également de noter
que la proportion d'une génération qui parvient au niveau du
baccalauréat tend à diminuer depuis deux ans (61 % en 1996
contre 63,7 % en 1995 et 67,1 % en 1994) après avoir connu une
forte progression de 30 à 50 % entre 1986 et 1992. Il n'en reste
pas moins que ces pourcentages traduisent les progrès spectaculaires de
scolarisation intervenus ces dernières années et se rapprochent
de l'objectif des 80 % d'une classe d'âge au niveau du
baccalauréat qui avait été fixé par les
responsables de l'éducation nationale au milieu des années 80.