Le cas particulier de l'Etat actionnaire
L'Etat, premier concerné par les recapitalisations,
devrait reconsidérer sa doctrine vis à vis des banques dont il
est actionnaire. S'il est inconcevable qu'il n'honore pas sa signature, en
revanche l'apport de deniers publics ne devrait pas être utilisé
pour "
remettre les choses en l'état
". Même si certaines
banques sont trop grandes pour faire faillite, aucune ne doit être
jugée trop grande pour payer ses erreurs.
Pour prendre un exemple concret, chaque franc versé au profit du
Crédit Lyonnais ne fait qu'allonger la durée de la crise
traversée par le secteur bancaire. C'est non seulement une
désincitation à une gestion "
saine et prudente
", termes
consacrés aussi bien par les directives européennes que par notre
propre loi bancaire, mais c'est un biais macro-économique susceptible de
déséquilibrer l'ensemble du secteur.
Cette nouvelle attitude doit conduire à
mettre fin aux
recapitalisations récurrentes
d'établissements non rentables.
Si une recapitalisation ponctuelle peut être justifiée dans un
souci patrimonial lorsque l'établissement est viable
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*
)
, la répétition de ce
type d'intervention montre qu'au contraire l'établissement ne peut
survivre que sous perfusion. Son maintien contribue alors à un
excès de concurrence sur le marché. Il vaut mieux cesser les
recapitalisations, céder les actifs qui peuvent l'être et le fonds
de commerce, en tentant de limiter la perte de l'Etat à une seule
opération.
Réponses des conseillers financiers des ambassades de France à Rome, Londres et Bonn
Existe-t-il dans ces pays une tradition analogue à celle
de la tradition française qui veut qu'une banque publique (Crédit
Lyonnais) ou presque privée (Comptoir des entrepreneurs) ne fasse jamais
faillite et soit l'objet quasi-systématiquement d'une aide de l'Etat ?
1. Grande-Bretagne
"La Grande-Bretagne n'a pas de banque publique. Lors de la chute de la
banque
Barings, la décision a été prise de vendre la plus vieille
banque anglaise à une banque néerlandaise (ING)."
2. Allemagne
"Il est vraisemblable qu'en Allemagne, tout comme en France, une
collectivité publique actionnaire majoritaire d'une entreprise ne
laisserait pas celle-ci dans une situation de cessation de paiements.
S'agissant du secteur bancaire allemand, cette hypothèse reste
néanmoins largement théorique. Le secteur public bancaire est en
effet détenu par l'Etat fédéral et les
Länder,
mais, d'une part, les banques majoritairement détenues par l'Etat
fédéral sont des organismes de distribution des aides
budgétaires aux entreprises (Kreditanstalt für Wierderaufbau,
Ausgleichsbank
) et non des établissements exerçant des
activités classiques de banque, d'autre part, les banques
détenues par les
Länder
(les
Ländersbanken
),
conjointement avec les caisses d'épargne, ont pour principale fonction
la gestion de la trésorerie de ces dernières, et sont
réputées pour la prudence de leurs opérations. "
3. Italie
"Les banques qu'elles soient publiques (le Banco di Napoli, de nombreuses
caisses d'épargne) ou privées (Banco Ambrosiano, les banques
Sindona) n'ont jamais fait et ne font pas faillite. Telle est la
stratégie du service de la surveillance bancaire (Banque centrale). Ce
sont les détenteurs de leur capital qui perdent leur mise, en cas de
difficultés. Dans la plupart des cas, l'autorité de surveillance
organise l'opération de sauvetage : la banque en difficulté est
reprise par un autre établissement de crédit ou elle
reçoit un financement ("prêt subordonné") de la part de
plusieurs groupes bancaires sollicités par la Banque d'Italie ou encore
elle est liquidée (banques de petite taille). Dans ce dernier cas, un
fonds professionnel de garantie interbancaire assure les dépôts de
la clientèle.
"S'agissant du sauvetage du Banco di Napoli, l'Etat a dû intervenir,
cette année pour 6 milliards de francs, souscrivant à une forte
augmentation de son capital. Il existe des mécanismes de financement ad
hoc dont peuvent bénéficier les repreneurs de banques en
difficultés (crédits accordés par la Banque d'Italie
à un très bas taux d'intérêt).
"En fait l'Etat n'est intervenu, jusqu'ici, que dans un seul cas : celui
du
Banco di Napoli (250 milliards de francs de dépôts). Dans tous les
autres sinistres, ce sont les banques elles-mêmes qui sont venues en aide
à celles en difficulté."