Les blocages législatifs et réglementaires
En l'absence d'une diminution du nombre des acteurs, d'autres
modes d'ajustement auraient normalement du être utilisés :
mobilité du travail (géographique et sectorielle), durée
du travail, flexibilité des rémunérations et enfin
licenciements. Il n'en a rien été, ou presque.
La mobilité géographique et sectorielle n'a pu offrir des
perspectives suffisantes d'ajustement en dépit du poids très
important des charges de formation dans le secteur bancaire
(le double de
la moyenne nationale). En effet, la structure démographique du secteur
bancaire a pour caractéristique de comporter un grand nombre de
personnels faiblement qualifiés, recrutés pendant les
années 60. Olivier Pastré fait remarquer à cet
égard que "
même un secteur comme le BTP n'a jamais connu un
niveau de sous-qualification aussi durablement marqué
"
48(
*
)
. Selon ce même auteur, "
les
progrès dans ce domaine ne sont pas à l'échelle des enjeux
globaux. D'abord, parce que la réforme du système de formation
bancaire est une oeuvre de longue haleine, mais aussi et surtout - ayons le
courage de le dire - parce qu'une partie encore trop importante des effectifs
bancaires libérés par l'informatisation n'est pas "recyclable" -
au moins à un coût financier acceptable - sur les segments
créateurs d'emploi. Les difficultés que présente la
formation d'un salarié à Bac - 2 sont d'autant plus grandes (ce
que soulignent tous les rapports scientifiques sur le système
éducatif) que l'on cherche à transformer un technicien
administratif en cadre commercial
"
49(
*
)
.
En ce qui concerne les rémunérations, d'importants efforts
ont déjà été consentis au cours des
dernières années
.
La seule marge de manoeuvre restante se
trouve peut être du côté de la variabilité des
rémunérations
, facteur à la fois de motivation et
d'intégration progressive.
S'agissant des réductions d'effectifs, le secteur bancaire a subi,
comme l'ensemble des autres secteurs, les rigidités du droit du travail
français
et notamment de l'autorisation administrative de
licenciement, introduite en 1975 et renforcée par la suite. Quand bien
même les possibilités de licenciement auraient été
plus fortes, il est douteux que des banques nationalisées eussent
réellement mis en oeuvre de telles procédures.
Il n'en reste
pas moins vrai que des réductions d'effectifs sont malheureusement
inévitables. Pour autant, ces réductions sont le plus sûr
garant des possibilités de créations d'emplois ultérieures
dans le secteur et il convient de refuser l'affirmation selon laquelle la
"
banque est la sidérurgie de demain
".
Le secteur bancaire reste, en effet, un des secteurs où les
créations potentielles d'emploi sont les plus significatives. Toute une
génération de diplômés, qui reste aujourd'hui aux
portes du marché de l'emploi, pourrait permettre d'opérer la
diversification de l'offre de services bancaires. Pour reprendre le
parallèle effectué par M. Pastré, l'évolution de ce
secteur doit être comparée à celle du secteur du service
informatique qui a subi lui aussi un passage à marches forcées de
la taylorisation à la vente de services à valeur ajoutée.
Or, l'industrie française des services informatiques reste parmi les
plus performantes et les plus exportatrices au monde et constitue un des atouts
dont nous disposons pour lutter contre le chômage des jeunes
qualifiés. Comme le dit M. Marc Viénot, président de la
Société Générale, la réduction des
coûts se fera automatiquement en 2003-2004, du fait de la pyramide des
âges dans le secteur bancaire.
A cette époque, "
le
problème ne sera plus de savoir s'il faut licencier, mais de savoir
comment il faut recruter
"
50(
*
)
D'ici là, les licenciements seront d'autant plus réduits que les
entreprises bancaires pourront utiliser les autres variables que sont la
durée du travail et la modulation des prix. Or, de ce double point de
vue, la législation actuelle est source de blocages et de
rigidités.
La législation en matière de durée du travail
La variabilité de la durée du travail constitue
une marge de manoeuvre qui a été, globalement, insuffisamment
utilisée. Or quelle qu'en soit la forme, il s'agit sans doute d'une des
variables clés pour éviter que les pressions concurrentielles ne
se traduisent par des licenciements.
Cependant, l'interdiction d'étaler la durée du travail sur une
semaine entière rend cette marge de manoeuvre particulièrement
difficile à utiliser.
En effet, le décret du 31 mars 1937 interdit l'organisation du travail
par relais et par roulement
51(
*
)
,
ce qui contraint en pratique les guichets à mettre en place un horaire
unique de travail pour tout le personnel. Car même si le travail en
équipe est autorisé (12
ème
alinéa de
l'article 2), le travail d'équipe doit être continu, la seule
interruption étant le repos hebdomadaire.
L'article 2 de ce décret oblige également les banques AFB
à respecter deux jours de repos hebdomadaires (le dimanche et soit le
lundi, soit le samedi). Ceci n'est évidemment pas condamnable, mais la
combinaison de cette disposition avec l'obligation de répartir de
façon uniforme la durée hebdomadaire du travail sur cinq jours
contraint en pratique les guichets à fermer deux jours
consécutivement. Ils ne sont donc ouverts que 37 heures 30 par semaine
sur cinq jours (20 heures de moins que la Poste, un jour de moins que les
agences du Crédit agricole ouvertes six jours sur sept).
Toutefois, l'article L 212-2 du code du travail permet de déroger aux
dispositions du décret de 1937 par accord entre les partenaires sociaux.
Toutefois la procédure actuelle est particulièrement lourde
puisqu'elle prévoit un arrêté du préfet pour
déroger au repos du samedi et un arrêté ministériel
pour déroger à l'interdiction du travail par roulement ou par
relais.
La négociation de ce dossier au niveau de la branche professionnelle
(commission paritaire de la profession bancaire) n'a guère
évolué depuis plus de dix ans. Après l'échec, en
décembre 1994, de la négociation de branche, l'AFB a
proposé, en novembre 1995, au ministre des affaires sociales, une
"
charte
" offrant des garanties formelles aux salariés du
secteur,
en contrepartie d'une suppression du décret. Mais cette initiative n'a
pas encore eu de suites.
Certaines banques ont alors négocié leur propre accord. La
Compagnie bancaire a ouvert la voie en janvier 1995. Elle a été
suivie depuis par le CFF, quelques banques du CIC, la BRED et la BNP en juillet
1995. Mais ces accords, tous dérogatoires au décret de 1937, sont
limités, dans leur quasi-totalité, à des plates-formes
téléphoniques dédiées à des services de
banque à domicile.
L'accord-cadre signé par le Crédit Lyonnais en avril dernier
tranche avec les précédents en prévoyant une
réduction du temps de travail sans réduction du salaire
52(
*
)
.
En dépit de cet accord, le dialogue entre les partenaires sociaux ne
semble toujours pas, à la rentrée 1996, en mesure de
déboucher sur un accord de branche, les syndicats (voir auditions des
responsables syndicaux en annexe) refusant d'envisager une diminution
généralisée du temps de travail, assortie d'une diminution
de salaires. Toutefois, l'utilisation des dispositifs prévus par la loi
du 11 juin 1996 tendant à favoriser l'emploi par l'aménagement et
la réduction conventionnels du temps de travail, dite loi Robien,
pourrait donner lieu à de nouveaux développements.
Réponses des conseillers financiers des ambassades de France à Rome, Londres et Bonn
La réglementation sociale dans le secteur bancaire se
caractérise-t-elle par des obligations spécifiques analogues
à celles auxquelles sont soumises les banques AFB (décret de
1937) en France ?
1. La réglementation sociale en Grande-Bretagne
"La réglementation sociale de base est minimale et chaque banque a ses
propres dispositions. Ci-joint les dispositions de la banque
National
Westminster
et
Lloyds bank.
Il est à noter que les
licenciements se font très rapidement sans préavis."
2. La réglementation sociale en Allemagne
"Les relations sociales à l'intérieur du secteur bancaire
relèvent en Allemagne, comme pour tous les autres secteurs de
l'économie, d'un strict paritarisme employeurs-organisations syndicales.
La réglementation sociale résulte d'accords trouvés dans
ce cadre sans intervention de l'Etat fédéral, tant pour les
conditions générales du travail (révisées à
intervalle régulier) que pour les augmentations salariales
(négociées actuellement)."
3. La réglementation sociale en Italie
"La réglementation sociale applicable aux banques italiennes est celle
de droit commun. Certaines d'entre elles, notamment les fondations, avaient,
dans le passé, constitué leur propre fonds de pensions prenant
entièrement en charge le paiement des retraites. Ces fonds ont
été transférés à l'Institut National de
Prévoyance (l'INPS), les banques ne gérant plus que les fonds de
pensions constitués à titre volontaire et assurant le paiement de
retraites complémentaires."