Les possibles effets pervers de l'article 52
Deux évolutions ont profondément modifié
l'appréciation que l'on peut porter sur le dispositif
français.
La première, d'ordre économique, tient à
l'élargissement du capital des banques à des acteurs non
bancaires ou étrangers
. En effet, dans quelle mesure est-il possible
de contraindre ces acteurs, par nature moins sensibles à la pression des
autorités bancaires, à respecter la solidarité de place ?
La dissolution progressive des noyaux durs imposés lors de la
privatisation des banques de premier ordre
(Société
Générale, BNP, Paribas...)
a également contribué
à fissurer les fondements mêmes de la solidarité de place
à la française
. Ce système ne serait-il efficace que
pour les plus petites banques ?
La faillite de la banque Pallas Stern en 1995, qui fut la plus importante
faillite bancaire en France depuis la guerre, illustre bien la remise en
question de ce principe de solidarité bancaire. Les actionnaires de la
Banque Pallas Stern ont en effet décliné la requête des
autorités de tutelle visant à organiser le soutien de la banque.
Avec le cas de la Compagnie du BTP et de Banque Commerciale privée
(BCP), il s'agit du troisième cas depuis 1993 où l'utilisation
publique de l'article 52 est restée sans effet. En outre, dans un cas au
moins, le Comptoir des entrepreneurs, son application s'est
révélée très difficile. Comme le remarquent les
analystes cités plus haut : "
Cet échec montre que les
structures d'actionnaires de type consortial ainsi que les actionnaires
industriels (au contraire des actionnaires bancaires) sont
particulièrement réticents à soutenir leur filiales
bancaires en France.
"
La seconde évolution réside dans l'adoption, au niveau
européen, d'une réglementation relative à la garantie des
dépôts
. C'est la directive n°94/20/CE du 30 mai 1994;
transposée par la France dès le 8 août 1994 au niveau
législatif (article 10 de la loi n° 94-679 portant diverses
dispositions d'ordre économique et financier créant un
article
52-1 de la loi bancaire
43(
*
)
)
et en 1995 au niveau réglementaire (règlement 95-01 du 21 juillet
1995 du Comité de la réglementation bancaire).
Ce nouveau dispositif pose évidement le problème de la
cohérence avec l'article 52 de la loi bancaire
44(
*
)
et notamment de l'ordre chronologique
des interventions. Certains analystes
45(
*
)
pensent que le recours à la
garantie des dépôts pourrait jouer de façon concomitante
avec l'article 52, après l'appel en comblement de passif et avant
l'appel à la solidarité de place. La mission d'information de la
Commission des finances de l'Assemblée nationale
46(
*
)
penche au contraire pour une
utilisation mi-consécutive, mi-alternative : dans tous les cas, le
gouverneur de la Banque centrale ferait appel, dans un premier temps, à
la garantie des actionnaires de référence. Si cet appel reste
sans écho ou s'il se montre inefficace, il serait alors
décidé, en fonction de la nature du risque encouru, de faire
appel soit au mécanisme de garantie des dépôts (risque non
systémique) , soit au mécanisme de la solidarité de place
(risque systémique).
Le second problème est celui de la modification des systèmes de
garanties existant. Contrairement à la proposition avancée par la
mission d'information de l'Assemblée nationale consistant à
mettre en place un véritable fonds de garantie interbancaire, la
solution retenue par le Gouvernement semble être la reconnaissance des
systèmes actuels
47(
*
)
. En
effet, le 26 juillet dernier, ont été approuvés par le
Comité de la réglementation bancaire, le système de
garantie des dépôts de l'AFB et les systèmes dits
équivalents des établissements mutualistes. L'homologation de ces
décisions devrait en principe intervenir prochainement.
Si tel était le cas, la transposition de la directive "
garantie des
dépôts
" n'aurait fondamentalement rien changé à
la structure de notre système de protection. Celui-ci continuerait de
reposer, avant tout, sur l'article 52 de la loi bancaire, et la
prédiction du Président Dailly se révélerait exacte
: cet article était dangereux quand il fonctionnait, il est devenu
inutile depuis qu'il ne fonctionne plus.