La banalisation des intermédiaires : la banque universelle
Le cadre juridique universel
La loi bancaire de 1984 avait pour objectif premier de créer les conditions d'une concurrence normale en mettant en place un cadre universel et moderne de la profession bancaire . Tout en respectant les spécificités statutaires du monde mutualiste et coopératif, elle a rendu fonctionnellement homogène le concept d'établissement de crédit 16( * ) . Tous les établissements de crédit doivent remplir les mêmes conditions pour être agréés 17( * ) ; une fois agréé un établissement de crédit peut effectuer toutes les opérations de banque 18( * ) .
La vocation économique universelle
Dans le même temps, la loi bancaire reconnaissait de
façon explicite la vocation universelle des établissements de
crédit puisque ceux-ci étaient non seulement habilités
à effectuer toutes les opérations de banque mais encore la
quasi-totalité des opérations de finance
(gestion et
intermédiation, à l'exception de la négociation de valeurs
mobilières réservée aux agents de change, puis à
partir de 1988, aux sociétés de bourse)
19(
*
)
. La loi financière
adoptée au printemps dernier n'a fait, de ce point de vue, que
parachever cette évolution en donnant la possibilité aux
établissements de crédit d'exercer, directement, tous les
métiers de la finance, y compris la négociation de valeurs
mobilières.
C'est ce glissement du juridique (les banques doivent exercer leur
métier dans les mêmes conditions) vers l'économique (les
banques pourront faire face au surcroît de concurrence en étendant
leurs activités sur tous les marchés et à tous les
métiers) qui permit à cette théorie de la banque
universelle de devenir, en quelque sorte, la pierre philosophale de l'ensemble
des réformes. En limitant la concurrence de nouveaux entrants sur le
marché et en orientant les banques sur les métiers de la finance,
elle devait amortir la "
casse sociale
" résultant du
surcroît de concurrence interne et structurel.
On peut penser, en effet, que la restriction du nombre des nouveaux
concurrents constituait une compensation, d'ordre juridique, destinée
à permettre aux banques d'affronter le surcroît de concurrence.
Cette restriction découle nécessairement du caractère
universel de l'agrément : puisqu'une banque peut effectuer tous les
métiers de banque, il convient d'exiger d'elle, au moment de son
agrément, les conditions, notamment en termes de fonds propres, que l'on
exigerait de celui qui veut faire le métier le plus risqué. C'est
le contraire de l'approche d'agrément limité retenue pour les
services d'investissement, dans la loi financière du 2 juillet 1996, et
qui permet de pondérer les exigences, notamment en fonds propres, par la
nature du métier exercé.
L'ouverture des banques sur les métiers de la finance était
censée permettre, de façon prosaïque, à celles-ci de
récupérer en volume d'activité sur les marchés
financiers ce qu'elles perdraient sur le crédit bancaire classique. Par
la suite, cette réorientation a été
théorisée sous la forme qu'on lui connaît aujourd'hui. Dans
cette optique, la banque universelle est censée présenter deux
avantages décisifs. En premier lieu, elle permet de s'assurer de la
fidélité de la clientèle importante en étant
capable de lui offrir l'ensemble des services financiers dont ils ont besoin.
C'est ce qu'il est convenu d'appeler l'approche
"
orientée-client
"
(par opposition à l'approche des établissements
spécialisés dite "
orientée-marchés
"). En
second lieu, elle permet d'amortir les fluctuations économiques en
diversifiant les secteurs d'intervention : financement bancaire/intervention
sur les marchés financiers ; banque de dépôt/banque
d'affaires ; national/international).
L'Etat lui-même a donné l'exemple en banalisant progressivement
les réseaux dont il avait peu ou prou la charge tels que le
réseau des Sociétés de développement
régional, le Comptoir des entrepreneurs, le CEPME ou encore le
Crédit Foncier.