II. L'APPLICATION DU PRINCIPE DE SUBSIDIARITÉ : LA MONTAGNE ACCOUCHE D'UNE SOURIS
Tout au long de l'année 1992, le principe de
subsidiarité a tenu une grande place dans les débats
communautaires. La ratification du Traité sur l'Union européenne
s'avérant plus difficile que prévu, nombre d'Etats membres
souhaitaient montrer que les inquiétudes qui s'exprimaient allaient
être entendues, en mettant l'accent sur le principe de
subsidiarité. Mais cette orientation était mal acceptée
par le Parlement européen et la Commission européenne, ainsi que
par certains Etats membres qui craignaient une remise en cause des
interventions communautaires dont ils bénéficiaient.
Finalement, la controverse a abouti - avec la déclaration
adoptée par le Conseil européen d'Edimbourg, en décembre
1992, puis avec l'" accord interinstitutionnel " entre le
Conseil, la
Commission et le Parlement européen, en octobre 1993 - à un
accord pour neutraliser en grande partie le principe de subsidiarité,
dont l'effet sur les pratiques institutionnelles de la Communauté est
dès lors resté modeste.
A. VERS LA NEUTRALISATION DU PRINCIPE DE SUBSIDIARITÉ
1. Le débat au sein des instances communautaires en 1992
a) De Lisbonne à Edimbourg
· Le Conseil européen de Lisbonne, en juin 1992, qui intervenait après le résultat négatif du premier référendum de ratification au Danemark, a souligné l'importance que devait prendre l'application du principe de subsidiarité. Il a adopté à cet égard la déclaration suivante :
Conseil européen de Lisbonne (Juin 1992)
" L'approche du Traité de Maastricht, qui vise
à rendre le processus de l'unité européenne plus proche du
citoyen et réaffirme l'importance des identités des nations qui
font partie de l'Union, doit se traduire avec force dans les actions et
positions de la Communauté. Le Conseil européen souhaite voir
renforcer le dialogue entre les Parlements nationaux et le Parlement
européen, y compris dans le cadre de la conférence des Parlements.
" Le Conseil européen rappelle le rôle important que le
principe de subsidiarité a joué dans l'élaboration du
Traité sur l'Union : non seulement ce principe a été
intégré dans le Traité en tant que nouvelle règle
de base juridiquement contraignante (article 3 B) mais aussi, pour la
première fois, on a défini de manière précise le
type d'action communautaire qui peut être menée dans les nouveaux
domaines de compétence que le Traité confère à
l'Union.
" Le Conseil européen est convaincu qu'un développement
harmonieux de l'Union au cours des prochaines années passe, dans une
très large mesure, par une application stricte à la
législation existante et future du principe de subsidiarité par
toutes les institutions. Elle est essentielle si l'on veut que la construction
européenne se fasse dans une perspective conforme aux aspirations
communes des Etats membres et de leurs citoyens.
" Après avoir entendu un premier rapport du Président de la
Commission à ce sujet, le Conseil européen a invité la
Commission et le Conseil à engager d'urgence des travaux sur les mesures
à prendre sur le plan de la procédure et sur le plan pratique
pour mettre en oeuvre le principe en question et à faire rapport au
Conseil européen à Edimbourg.
" La Commission, pour sa part, s'est engagée à justifier,
dans les considérants des propositions futures, l'opportunité de
son initiative eu égard au principe de subsidiarité. Le Conseil
devra en faire autant s'il décide de modifier la proposition initiale de
la Commission.
" De même, certaines règles communautaires seront
réexaminées en vue d'être adaptées au principe de
subsidiarité. Un rapport sera établi à l'intention du
Conseil européen de décembre 1993 sur les résultats de ce
réexamen. "
Le Parlement européen s'est inquiété de cette
déclaration. La résolution qu'il a adoptée en
réplique, en juillet 1992, précise qu'il
" n'accepte pas
qu'une interprétation restrictive du principe de subsidiarité ait
pour effet d'entraver les compétences attribuées aux institutions
européennes par les traités et la mise en oeuvre des politiques
communes notamment en matière sociale et d'environnement "
et
qu'il
" considère comme acquis que le Parlement européen,
en tant que colégislateur, sera pleinement associé aux travaux
(que le Conseil européen a invité la Commission et le Conseil
à engager) sur les mesures à prendre sur le plan de la
procédure et de la pratique pour mettre en oeuvre le principe de
subsidiarité et pour en contrôler l'application par toutes les
institutions concernées. "
·
A l'automne 1992, la relative difficulté de la
ratification du Traité de Maastricht se confirmait : après le
résultat négatif du premier référendum danois, la
faible majorité enregistrée lors du référendum
français et le trouble de l'opinion en Grande-Bretagne rendaient
nécessaire, aux yeux de certains, de mettre plus clairement en avant le
principe de subsidiarité. Mais ce souhait aggravait les
inquiétudes de la Commission, du Parlement européen et de
nombreux Etats membres, qui craignaient de voir triompher une conception
" minimaliste " de la construction européenne.
Le Conseil européen d'Edimbourg, tourné vers la perspective d'un
second référendum au Danemark, a dans ce contexte adopté
non seulement une " décision " apportant certaines garanties
à ce pays, mais également une " déclaration "
concernant le principe de subsidiarité.
Les travaux du Conseil européen d'Edimbourg (11 et 12 décembre)
au sujet de la subsidiarité s'appuyaient sur une communication de la
Commission européenne (27 octobre 1992), une résolution du
Parlement européen (18 novembre 1992) et sur les travaux du COREPER et
du Conseil " Affaires générales ".