D. LA SUBSIDIARITE DANS LA CONFERENCE INTERGOUVERNEMENTALE
Bon nombre des propositions qui précèdent ne
demandent pas de modification des Traités. Il serait possible en
principe, dans le cadre actuel, d'améliorer l'examen de la
subsidiarité par le Conseil, de recentrer les travaux de la Commission,
et même de regrouper et simplifier les fonds structurels (le
Traité en prévoit explicitement la possibilité). Mais pour
que le principe de subsidiarité soit mieux appliqué, il est en
réalité indispensable que les institutions européennes
reçoivent en ce sens un " signal " politique de valeur
durable.
La Conférence intergouvernementale en cours est seule en
mesure de jouer pleinement ce rôle.
La CIG a déjà abordé à plusieurs reprises la
question de la subsidiarité. Comme on pouvait s'y attendre, les
échanges de vue ont fait ressurgir les clivages qui étaient
apparus en 1992 : la Commission européenne craint pour ses propres
pouvoirs, tandis que les Etats membres fortement bénéficiaires
des interventions communautaires -les pays méditerranéens et
l'Irlande- s'opposent aux propositions tendant à une application plus
effective du principe de subsidiarité, y voyant le risque d'une remise
en cause de certaines de ces interventions.
1. La proposition de la présidence irlandaise
Dans ce cadre, la présidence irlandaise a
proposé que soient intégrées au Traité les
dispositions de la déclaration d'Edimbourg de 1992 et de l'accord
interinstitutionnel de 1993.
Votre rapporteur a souligné plus haut que ces textes, loin de garantir
l'application du principe de subsidiarité, tendaient à le
neutraliser en pratique. Leur inscription dans le Traité ne
constituerait donc pas un progrès, mais plutôt un recul :
dans les faits, aucune amélioration ne pourrait en découler,
puisque les comportements actuels seraient confirmés ; mais, sur le
plan du droit, on assisterait à une régression, car l'absence de
véritable contrôle sur l'application de la subsidiarité
recevrait une confirmation juridique.
Votre rapporteur estime donc que le Gouvernement doit s'opposer à
cette proposition de la présidence irlandaise.
2. Les propositions de l'Allemagne et de la Grande-Bretagne
Deux Etats membres, ont par ailleurs, officiellement
présenté des propositions à la CIG au sujet de la
subsidiarité : il s'agit de l'Allemagne et de la Grande-Bretagne.
Ces deux textes figurent en annexe au présent rapport.
Pour votre rapporteur, quel que soit l'intérêt de la contribution
britannique, qui tend avant tout à préciser la signification du
principe de subsidiarité,
c'est la proposition
présentée par l'Allemagne qui répond le mieux aux
problèmes qu'a rencontrés jusqu'à présent
l'application de ce principe
.
La proposition allemande, tout d'abord, a le mérite de clarifier la
notion de " compétence exclusive de la Communauté ".
Lorsque l'on est en présence d'une compétence exlusive,
rappelons-le, le principe de subsidiarité ne s'applique pas : pour
que ce dernier reçoive toute sa portée, il convient donc
d'adopter une définition clairement limitative de ce qu'est une
compétence exclusive.
La proposition allemande précise à cet égard que :
"
La Communauté dispose de la compétence exclusive
lorsqu'elle est seule autorisée à agir aux termes du
Traité et que les Etats membres n'ont aucune compétence pour
agir
". En d'autres termes, il y a compétence exclusive de la
Communauté lorsque le Traité lui-même dessaisit les Etats
membres. Le critère ainsi proposé a l'avantage de donner de la
notion de compétence exclusive une interprétation simple et
claire, et en même temps la plus favorable possible à
l'application du principe de subsidiarité.
La proposition allemande tend également à préciser la
signification du deuxième alinéa de l'article 3 B. Cet
alinéa dispose qu'une intervention de la Communauté n'est
légitime que si elle poursuit des objectifs qui ne peuvent être
" suffisamment réalisés " par les Etats membres et
peuvent être " mieux réalisés " à
l'échelon communautaire.
La proposition allemande suggère notamment de préciser que la
Communauté ne doit intervenir que si des mesures au niveau des Etats
membres, "
y compris une coopération entre certains Etats
membres
", ont des effets "
nettement
inférieurs
" à ceux d'une intervention communautaire.
Enfin et surtout, la proposition allemande tend à rendre possible un
examen préalable de la subsidiarité par le Conseil. Lorsque
celui-ci est saisi d'une proposition de la Commission européenne :
"
Tout Etat membre peut demander que la compatibilité d'une
proposition avec l'article 3 B
, deuxième alinéa, du
traité instituant la Communauté européenne
fasse
l'objet d'un débat au sein du Conseil
. Le Conseil et la Commission
tirent de ce débat les conclusions appropriées qui pourront
prévoir un complément de la proposition ou la suspension de son
examen ".
Au total, l'adoption du texte présenté par l'Allemagne
constituerait un progrès considérable sur deux points :
- il clarifierait la signification du principe de subsidiarité en lui
donnant toute sa portée ;
- il permettrait que le respect de la subsidiarité soit effectivement
examiné par le Conseil.
Votre rapporteur suggère donc que le Gouvernement appuie cette
proposition de l'Allemagne.