IV. LES CONDITIONS D'UNE MEILLEURE APPLICATION
A. REFORMER LE FONCTIONNEMENT DES INSTITUTIONS
Dès lors que le non-respect du principe de subsidiarité tient en grande partie au mode de fonctionnement de la Communauté, une meilleure application de ce principe suppose en premier une modification de certaines pratiques ou règles institutionnelles en vigueur.
1. Le Conseil
a) Introduire la possibilité d'un examen préalable de la subsidiarité
Tout d'abord, une évidence : le principe de
subsidiarité ne peut être appliqué que si le Conseil,
organe essentiel de décision de l'Union, assure lui-même cette
application, ce qui suppose qu'il se prononce explicitement sur le respect du
principe de subsidiarité chaque fois que le problème se pose.
Or, comme votre rapporteur l'a souligné plus haut, l'examen de la
susbsidiarité est nécessairement préalable, puisqu'il
porte sur le principe même d'une intervention de la Communauté.
Pour que le principe de subsidiarité puisse être effectivement
pris en compte, il conviendrait donc -contrairement à ce qu'affirme la
déclaration d'Edimbourg- que le Conseil se prononce sur son respect
préalablement à l'examen au fond, dès lors qu'un
Gouvernement en ferait la demande, et que le résultat du vote soit
publié, afin que les Parlements nationaux puissent exercer leur
contrôle.
Il est à noter qu'un tel changement ne requerrait pas
nécessairement une révision formelle des textes en vigueur, mais
pourrait résulter d'un accord informel, au moins pendant une phase
expérimentale, qui permettrait de constater que, contrairement aux
craintes de la Commission européenne, le processus de décision ne
s'en trouve nullement bloqué.
b) Assurer une régulation des travaux du Conseil
S'il est certes indispensable de corriger en premier lieu
l'anomalie que constitue l'interdiction faite au Conseil de se prononcer
spécifiquement sur les questions de subsidiarité, on ne peut
cependant espérer obtenir un progrès durable qu'en agissant sur
ce facteur important du non-respect du principe de subsidiarité qu'est
la multiplication des Conseils spécialisés.
Il y a d'indéniables avantages à ce que les ministres
compétents dans des domaines où l'Union n'a qu'un rôle
résiduel se rencontrent périodiquement (ce qui suppose
néanmoins qu'ils ne se fassent pas représenter par un haut
fonctionnaire...). Mais les inconvénients l'emportent sur ces avantages
lorsque de telles réunions permettent à ces ministres d'utiliser
les procédures de décision communautaire pour contourner les
Parlements nationaux ou les concertations interministérielles
nationales, ou lorsqu'elles permettent à la Commission européenne
de développer sans nécessité son champ d'intervention (en
effet, aucune réunion de ce type, ne serait-ce que pour montrer qu'elle
a abouti à une conclusion, ne se termine sans que les ministres
demandent à la Commission d'entreprendre ou de poursuivre quelque
action).
Pour contrecarrer ces effets,
il conviendrait de revenir sur le mythe du
Conseil toujours un au-delà de la multiplicité de ses formations,
et d'introduire une forme de régulation de ses travaux en distinguant
les formations du Conseil susceptibles de prendre des décisions et
celles habilitées seulement à faire des propositions aux
formations autorisées à décider.
Dans cette optique, les Conseils spécialisés dans les domaines
où l'Union n'a que des compétences réduites ne seraient
pas supprimés, ce qui permettrait aux ministres concernés de
continuer à échanger leurs expériences, mais la
décision finale serait renvoyée à une formation du Conseil
ayant une vue plus générale des activités de l'Union, et
par là mieux à même de tenir compte du principe de
subsidiarité.
Cette activité de régulation d'ensemble incombait implicitement,
dans les premiers temps de la construction européenne, au Conseil
" Affaires générales " où se retrouvent les
ministres des Affaires étrangères. Elle s'est de moins en moins
exercée dans les faits et, aujourd'hui, n'est plus assurée du
tout, le Conseil " Affaires générales " se consacrant
en très large part aux problèmes de la politique
extérieure et de sécurité commune, et n'étant plus
en mesure de veiller à la cohérence d'ensemble de l'action de la
Communauté.
Certains ont proposé que cette fonction de régulation soit
attribuée à une nouvelle formation du Conseil, composée de
ministres chargés de suivre en permanence les activités
communautaires et qui seraient de ce fait amenés à résider
à Bruxelles. Une telle formule reviendrait, en pratique, à
élever au rang ministériel la fonction de représentant
permanent. Elle permettrait, en principe, une supervision des travaux des
formations du Conseil spécialisées dans les domaines où
les traités n'accordent à la Communauté qu'un rôle
réduit, voire ne prévoient pour elle aucun rôle. Elle
aurait également l'intérêt d'assurer la continuité
des travaux du Conseil et, de ce fait, d'éviter les situations,
aujourd'hui fréquentes, où une formation
spécialisée du Conseil ratifie -sous la rubrique des points A de
l'ordre du jour du Conseil- des décisions portant sur des domaines dont
elle ignore tout.
Une autre solution possible, réclamant un changement moins profond,
serait de confier cette fonction de régulation, de supervision, au
Conseil ECO-FIN, ce qui présenterait l'avantage de correspondre aux
pratiques nationales et de confier le contrôle sur les formations
" secondaires " du Conseil à une formation ayant
intérêt à faire mieux respecter le principe de
subsidiarité.