III. UNE ÉCONOMIE EN EXPANSION
Les nouvelles technologies bouleversent l'économie et changent profondément les structures de travail. Elles permettent le développement de nouveaux services, même si elles détruisent certaines activités anciennes.
A. UNE PROMESSE DE CROISSANCE
Le lien entre les nouvelles technologies et la croissance
n'est pas univoque. En effet, comme l'a démontré Joseph
Schumpeter, tout progrès entraîne un phénomène de
" destruction créatrice " : le processus
d'intégration d'une technologie nouvelle perturbe, dans un premier
temps, le fonctionnement normal des activités économiques et
requiert une adaptation des structures économiques et des comportements.
Même si la relation entre nouvelles technologies et croissance est
complexe, elle reste largement positive. C'est ce qu'a conclu l'organisation de
coopération et de développement économique (OCDE), qui,
à la demande de la conférence du G7 sur l'emploi tenue à
Détroit en mars 1994, a examiné plus précisément la
relation entre productivité, technologie et création d'emplois.
Étant donné le caractère pluridisciplinaire de ces
questions, cette étude a été réalisée sous
la direction d'un groupe mixte d'experts constitué par trois
comités de l'OCDE : le comité de l'industrie, le
comité de la politique scientifique et technologique et le comité
de la politique de l'information, de l'informatique et des communications.
L'OCDE conclut
32(
*
)
que le
rôle de la technologie -et des nouvelles technologies- dans
l'économie est primordial puisque cette organisation affirme, sous le
titre : " La technologie, moteur de la croissance
économique " :
"
A long terme, le savoir, et tout particulièrement le savoir
technologique, constitue le principal moteur de la croissance économique
et de l'amélioration de la qualité de vie
. Les nations
qui exploitent et gèrent efficacement leur capital de connaissances sont
celles qui affichent les meilleures performances. Les entreprises qui
possèdent plus de connaissances obtiennent systématiquement de
meilleurs résultats ".
Votre mission d'information s'est largement ralliée à
l'idée, que
les nouvelles technologies sont le moteur de la
croissance des
économies occidentales
. On estime d'ores et
déjà qu'elles sont responsables de plus du tiers de la vigoureuse
croissance américaine. Si l'on ajoute la croissance qu'elles induisent,
c'est sans doute beaucoup plus. Elles constituent, en outre, les fondements de
futurs marchés de produits et de services et ouvrent la porte au
développement du commerce électronique.
1. Un rôle du savoir dans l'économie renouvelé
La prise de conscience du rôle du savoir et de la
technologie dans la croissance a entraîné l'apparition du terme
" d'économie du savoir " pour caractériser les pays
industrialisés. Même si le savoir a toujours été
conçu comme un élément du développement, la
production, la transmission et l'utilisation des connaissances apparaissent de
plus en plus comme une des principales conditions de la croissance.
L'idée que le savoir joue un rôle important dans l'économie
n'est pas nouvelle. Adam Smith faisait référence à de
nouvelles générations de spécialistes, hommes de
réflexion, qui contribuent de manière importante à la
production d'un savoir utile pour l'économie.
Toutes les réalisations du type des pôles scientifiques et des
technopôles, mettant en relation les centres de compétences et les
centres de productions économiques, depuis plus de 30 ans aux Etats-Unis
et depuis près de 30 ans en Europe (Sophia Antipolis a été
créée en 1969), sont basées sur la liaison savoir - savoir
faire - finances. D'où l'importance du capital risque, des
sociétés innovantes à croissance rapide. Les
économistes commencent avec retard à s'en apercevoir, à la
suite de Galbraith et Allais.
Pourtant, les nouvelles technologies n'ont pas encore, comme l'estiment
certains économistes, achevé de transformer notre
économie. Les bouleversements qu'on peut encore en attendre sont
nombreux. Cette opinion a été exprimée
récemment
33(
*
)
par deux
économistes qui estiment "
qu'on discerne encore mal en Europe
les conséquences de l'explosion de l'information et de la communication.
Notre appareil productif -et notre société- sont dans une
situation assez classique dans l'Histoire : celle de l'abondance d'une
matière première dont les outils d'exploitation manqueraient
encore
".
Notre économie ne tirerait donc pas encore, par manque d'exploitation
systématique des données disponibles, tous les
bénéfices de l'entrée dans la société de
l'information. Nouvelle matière première, l'information ne serait
alors pas plus utile à nos économies qu'un gisement de
pétrole ne l'était au début du XIXe siècle. Seule
une exploitation systématique et rationnelle de l'information
transformerait cette dernière en " connaissance " profitable
à l'économie.
On mesure donc les bouleversements que continueront d'apporter aux
économies occidentales les nouvelles technologies.
Pourtant ces dernières sont d'ores et déjà la principale
source de croissance et d'emplois des économies industrialisés.
2. Des marchés en expansion rapide
Le développement des technologies de l'information a
déjà des conséquences économiques
considérables.
Une forte croissance des marchés liés au développement
des nouvelles technologies
Les conséquences économiques actuelles de l'entrée dans la
société de l'information ont déjà été
largement exposées par le rapport de l'Office parlementaire
d'évaluation des choix scientifiques et technologiques sur la France et
la société de l'information
34(
*
)
.
L'encadré ci-après en rappelle les principales conclusions :
LES CONSÉQUENCES ÉCONOMIQUES DIRECTES DE
L'ENTRÉE
DANS LA SOCIÉTÉ DE L'INFORMATION
35(
*
)
Des effets globaux
: le développement des
nouvelles technologies accentue la " tertiarisation " et la
mondialisation de l'économie.
La modification des frontières des secteurs industriels
traditionnels :
Les secteurs des télécommunications et de l'informatique sont les
plus touchés. On y observe une croissance des services au
détriment des équipements.
Chiffre d'affaires % du PIB mondial Taux de croissance annuel
Télécommunications 510 1,92 + 3,0 %
Informatique 445 1,67 + 6,7 %
Source : OMSYC, 1993
Le secteur des industries du contenu
Quelques marchés émergent au niveau mondial :
- jeux vidéo : de 1,1 milliard de dollars de chiffre d'affaires en 1995
à plus de 2 milliards en 2000 ;
- CD-ROM : 3,7 milliards de dollars en 1994 en croissance de 68 % ;
- services en ligne : environ 2,6 milliards de dollars.
Exemples de perspectives de croissance :
- Télécommunications : 2,23 % du PIB mondial en 1995,
2,4 % en 2000, soit 731 milliards de dollars de chiffre d'affaires ;
- Micro-ordinateurs : croissance annuelle moyenne prévisionnelle de
17 % de 1996 à 2000 ;
- semi-conducteurs : de 144 milliards de dollars en 1995 à 234 milliards
de dollars en 1999.
Un potentiel favorable
La contribution de ces techniques à la croissance et à l'emploi
semble positive.
On estime en effet que :
- l'informatique, les communications et les loisirs ont créé
400.000 emplois en un an aux États-Unis ;
- en Europe, les emplois liés aux logiciels et à l'informatique
ont triplé depuis 1980 pour représenter 750.000 personnes. Les
effectifs du secteur du logiciel pourraient croître de 15 % d'ici 3
ans, créant 97.000 nouveaux emplois ;
- en France, l'électronique, l'informatique et les
télécommunications sont les secteurs qui embauchent le plus de
cadres. Le rapport de M. Thierry Breton sur les téléservices en
France estime que ceux-ci pourraient représenter de 200.000 à
400.000 emplois en 2005, contre 65.000 en 1993.
Source : rapport sur la France et la société de l'information,
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et
technologiques, 1997.
Mais au-delà de leur impact macro-économique, les relations et
les structures de travail ont également été
modifiées.