L'entrée dans la société de l'information
MM. Alain JOYANDET, Pierre HÉRISSON et Alex TÜRK
Rapport d'information 436 - Mission commune d'information sur l'entrée dans la société de l'information - 1996 /1997
Table des matières
- INTRODUCTION
-
PREMIÈRE PARTIE : UNE NOUVELLE FRONTIÈRE
- I. LE NUMÉRIQUE : UN "LANGAGE" UNIVERSEL AUX POUVOIRS DEMULTIPLICATEURS
- II. LA RENCONTRE DES MONDES DE L'INFORMATIQUE DES TÉLÉCOMMUNICATIONS ET DE L'AUDIOVISUEL : UNE RÉACTION EN CHAÎNE
- III. LA TÉLÉMATIQUE EN FRANCE : UN ESSAI À TRANSFORMER
-
CHAPITRE II :
L'ÉCONOMIE ET LA SOCIÉTÉ
AU SEUIL DE LA MODERNITÉ- I. UNE SOCIETE PLUS OUVERTE
- II. DES COLLECTIVITÉS PUBLIQUES PLUS EFFICACES
- III. UNE ÉCONOMIE EN EXPANSION
- DEUXIÈME PARTIE: ASSUMER LA MODERNITE
-
CHAPITRE II :
GARANTIR- I. LUTTER CONTRE LES CONTENUS ILLICITES : LES NORMES APPLICABLES, LES MOYENS EXISTANTS ET LEURS LIMITES
-
II. ORGANISER LA RÉGULATION DE L'INTERNET AFIN DE PRÉVENIR LES DÉRIVES ET
GARANTIR LA PÉRENNITÉ DE SON DÉVELOPPEMENT
- A. LES INITIATIVES ÉTRANGÈRES ET INTERNATIONALES RÉVÈLENT DES POINTS DE DÉSACCORD ET DES AXES DE CONVERGENCE
- B. LES TENTATIVES FRANÇAISES POUR ORGANISER UNE RÉGULATION DE L'INTERNET
- C. VERS UNE " RÉGULATION À LA FRANÇAISE " ?
- ANNEXE I: COMPOSITION DE LA MISSION COMMUNE D'INFORMATION SUR L'ENTRÉE DANS LA SOCIÉTÉ DE L'INFORMATION
- ANNEXE II : COMPTE RENDU DE LA TABLE RONDE DU MERCREDI 11 JUIN 1997 SUR " LES COLLECTIVITÉS LOCALES ET LES NOUVELLES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION "
- ANNEXE III
- LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
-
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
PAR M. ALEX TÜRK, RAPPORTEUR - 4EME DE COUVERTURE PROJET
N° 436
SÉNAT
SESSION EXTRAORDINAIRE DE 1996-1997
Annexe au procès-verbal de la séance du 25 septembre 1997
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la mission commune d'information (1) sur l' entrée dans la société de l'information ,
Par MM. Alain JOYANDET, Pierre HÉRISSON et Alex
TÜRK,
Sénateurs.
(1) Cette mission est composée de
: MM. Pierre
Laffitte,
président
; M. Lucien Neuwirth, Mme Danièle
Pourtaud, MM. Philippe Richert, Charles Jolibois, Jack Ralite,
vice-présidents
; MM. Jean-Paul Hugot, Franck Sérusclat,
secrétaires
; MM. Alain Joyandet, Pierre Hérisson, Alex
Türk,
rapporteurs
; MM. François Autain, Claude Belot,
Jean-Claude Carle, François Gerbaud, Francis Grignon, Jean-Jacques
Hyest, Gérard Larcher, Jacques Mahéas, Paul Raoult, Jean-Marie
Rausch, Henri Revol, Jean-Pierre Schosteck, René Trégouët.
Communication . - Informatique - Télécommunications - Rapports d'information . |
La mission sénatoriale sur l'entrée dans la
société de l'information a été créée
en juin 1996. A cette date, malgré les rapports publiés sur le
sujet, seuls les milieux professionnels concernés et certains politiques
se rendaient compte de l'importance du sujet.
Les membres du gouvernement et du parlement et l'ensemble de l'opinion
publique, y compris nombre d'industriels et d'organes de presse croyaient
encore à un phénomène de mode. Au mieux, les
progrès de l'informatique, de la télématique et d'Internet
ne semblaient pas différents de ceux de l'industrie ferroviaire,
automobile ou aéronautique.
Désormais, il est acquis pour la majorité de nos concitoyens et
de nos décideurs que l'entrée dans la société de
l'information est inéluctable. Et surtout que celle-ci implique une
transformation profonde de toutes les économies, de toutes les
sociétés sur notre planète, avec des dangers et des
opportunités.
On peut s'en inquiéter ou s'en réjouir. Mais il serait
déraisonnable de l'ignorer. Des centaines de millions d'emplois de par
le monde sont concernés dans tous les secteurs. Emplois
supprimés, emplois modifiés, emplois créés. Les
villes, les régions, les Etats profiteront ou pâtiront de ces
bouleversements selon leur capacité d'adaptation à la
mondialisation qui résulte des nouvelles technologies de l'information.
Sur le plan des techniques et des conséquences en matière de
politique industrielle, la commission n'a pas estimé nécessaire
de reprendre de longues auditions, considérant que le rapport de
l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et
techniques (rapport Laffitte) était assez complet. On peut noter
toutefois l'émergence croissante des systèmes de diffusion
satellitaire. La France est en bonne position. Encore faut-il que sa politique
spatiale maintienne le cap.
Notre mission sénatoriale s'est tout particulièrement
penchée sur les conséquences pratiques de cette nouvelle donne
pour les collectivités locales, privilégiant, chaque fois que
cela était possible, un point de vue descriptif et pratique propre
à susciter l'intérêt des responsables locaux pour les
solutions que les nouvelles technologies leur offrent en matière
d'aménagement et d'animation de la vie locale.
Ainsi, en matière d'aménagement du territoire, l'entrée
dans la société de l'information modifie profondément les
possibilités offertes aux communes, aux départements, aux
régions. Pour toute une série de services éducatifs,
administratifs ou culturels le handicap de l'éloignement
disparaît. Ou du moins disparaîtra si les mesures de modernisation
des équipements télématiques sont prises, si des
vidéoconférences sont accessibles partout. La mission a
constaté que les collectivités locales sont souvent plus
avancées que l'Etat, et qu'elles s'aperçoivent avant d'autres
qu'il faut désormais toujours se poser la question des investissements
prioritaires -parmi lesquels les systèmes de
télécommunications large bande et les investissements
immatériels liés aux téléservices.
La mission a aussi constaté que l'évolution des mentalités
était en retard sur les conséquences prévisibles des
changements, y compris ceux qu'analysent le rapport de l'Office parlementaire
déjà cité et le rapport Sérusclat sur
l'évolution des modes d'enseignement et d'apprentissage. Toutes les
anciennes règles du jeu changent.
La fonction hiérarchique est spécialement concernée par ce
changement. Les facilités des échanges à travers les
frontières sont impressionnantes et, bien sûr, inquiétantes
pour les législateurs habitués au cadre étatique. De
quelle loi dépend un travail coopératif entre une équipe
de dix personnes réparties au Bengale, à Taiwan, en France, en
Californie, à Milan ? Quel système de
propriété industrielle de droits d'auteurs s'applique ? Qui
est responsable d'un forum libre auquel s'adjoignent pour quelques minutes ou
quelques heures des internautes du monde entier ? Une bouteille à
la mer que des milliers de personnes peuvent lire est-elle encore une
correspondance privée ?
La relation du citoyen avec les administrations est en train d'évoluer.
La transparence des décisions va s'imposer. Les multiples
expériences réalisées en France par les villes, les
départements, les régions, prouvent que pour peu que les
initiatives adéquates soient prises, une rénovation
démocratique et une évolution des fonctions hiérarchiques,
analogues à celle constatée dans les sociétés
industrielles ou commerciales les plus innovantes, sont prêtes à
s'imposer.
Ces évolutions trouvent des réponses diverses selon les
législations nationales. Dans le pays dominant, les Etats-Unis, pour
l'essentiel on laisse faire : les lois générales
s'appliquent. Si litige il y a, c'est à la justice de trancher, ce qui
fait le bonheur des " lawyers ".
Dans d'autres pays, on censure ou on interdit car on craint le
côté " subversif " voire anarchique du
phénomène Internet. Ces pays ne sont pas ceux qui ont la plus
forte tradition démocratique, ni une grande pratique du commerce et de
l'industrie au niveau international. Mais les barrières se
lèvent. Ainsi, en Chine on vend désormais des ordinateurs avec
des modems permettant de se connecter à Internet, alors que la
réglementation l'interdisait il y a seulement quelques mois.
La mission, fidèle à la tradition française, a
essayé de trouver le bon compromis entre le " laissez
faire "
et l'interventionnisme excessif. Son objectif principal est d'indiquer les
voies d'une action dynamique pour que les effets positifs de l'entrée
dans la société de l'information puissent éclore tout en
veillant à la maîtrise de certaines dérives.
Pierre Laffitte
Président de la mission
Alain
Joyandet
Pierre Hérisson
Alex Türk
Rapporteurs
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Etre au coeur d'une mutation profonde n'en facilite pas la compréhension
ni l'analyse. L'entrée dans la société de l'information,
qui vient à la suite de la société industrielle et en
bouleverse les données, constitue une révolution culturelle,
économique et sociale sans précédent car elle touche
simultanément toutes les parties du monde et toutes les activités.
Certes, l'information occupe depuis longtemps une place centrale dans les
sociétés contemporaines marquées par une recherche de
productivité et de rationalisation qui suppose la détention et la
bonne utilisation de l'information économique, scientifique, sociale et
politique. Mais l'accélération récente de l'innovation
technologique et sa mondialisation apportent une nouvelle dimension.
La mission d'information du Sénat s'est fixée pour premier
objectif d'éclairer cette dimension nouvelle
. Progrès de la
numérisation, de la transmission et du stockage des textes,
données, images animées ; généralisation
d'équipements de plus en plus performants (téléphone
mobile, autoradios numériques) ; diversification des réseaux
et de la commutation par voie terrestre, hertzienne, satellitaire ;
développement fulgurant des usages variés ; Internet et
Internet grand débit, tout cela doit être mieux connu et
démystifié.
Dans quelle optique cette tâche a-t-elle été
entreprise ? La responsabilité du Sénat vis-à-vis des
communes de France et des 500.000 élus locaux a conduit la mission
à privilégier ce public à la fois responsable et dont le
civisme est avéré pour qu'il comprenne la portée, la
valeur et l'utilité des nouveaux outils à sa disposition.
Le président de la mission et les rapporteurs ont recherché par
ailleurs la simplicité dans l'expression et la concision dans la
rédaction. En effet, l'emploi généralisé et parfois
inutile de néologismes souvent imprécis sans mise en perspective
ni explication, brouille trop souvent l'entendement. On ne parle pas de
cybermonde lorsque l'on téléphone à un ami, fût-il
sur un autre continent. Il n'est pas plus nécessaire d'utiliser cette
expression à propos d'Internet.
La mission du Sénat s'est fixée pour second objectif de tirer
la leçon du panorama ainsi dressé en dessinant quelques axes
stratégiques
à partir desquels on peut envisager de mettre
véritablement la France sur le chemin de la société de
l'information.
De nombreuses études ont d'ores et déjà formulé des
propositions d'action, dont il appartient aux autorités responsables
d'étudier la mise en oeuvre. Le président de la mission et les
rapporteurs, compte tenu de cet acquis et tout en rappelant et en
approfondissant certains points cruciaux, ont choisi de mettre l'accent, dans
la seconde partie de ce rapport, sur les conditions essentielles de la
dynamique à lancer. On constatera qu'il est fait autant appel à
l'évolution des mentalités qu'à l'adoption de mesures
financières ou juridiques : l'entrée de la France dans la
société de l'information dépend beaucoup et surtout de
l'adhésion des Français à ce grand mouvement. A nous de
répandre la démocratie dans ce qui peut paraître technique
et difficile. A nous d'éviter que l'accès au savoir et aux
sources d'information ne cause une nouvelle ligne de fracture dans notre
société. A nous de faire en sorte que les nouveaux modes de
communication soient des éléments de cohésion sociale et
d'égalisation des chances.
PREMIÈRE PARTIE : UNE NOUVELLE FRONTIÈRE
CHAPITRE PREMIER :
DU NOUVEAU DANS LE MONDE DE L'INFORMATION
On peut regretter la mondialisation ou l'espérer. Mais
on ne saurait ignorer cette réalité économique et sociale,
même s'il faut lutter pour maintenir une autonomie dans le mode de vie et
la culture.
Le développement foudroyant des nouvelles technologies de l'information
et de la communication (NTIC) est une composante majeure de la mondialisation.
La formidable expansion des NTIC est un élément central
d'unification de la planète, qui se trouve ainsi parfois
qualifiée de " village global ".
Le téléphone, la radio, la télévision certes ont
réduit les barrières de communication, mais
l'accélération des dernières décennies en ont
changé la nature, notamment par les techniques dites numériques.
I. LE NUMÉRIQUE : UN "LANGAGE" UNIVERSEL AUX POUVOIRS DEMULTIPLICATEURS
Le numérique est assimilable à un langage dans la mesure où il constitue un " système structuré de signes remplissant une fonction de communication ", car, bien plus qu'un simple vecteur, le numérique permet d'exprimer au moyen d'une norme unique l'ensemble des formes d'expression, qu'il s'agisse de textes, de sons ou d'images.
A. LE CODE BINAIRE, ÉTALON DE RÉFÉRENCE
1. Définition
Les nombres que nous utilisons sont dans un système
à base 10.
L'unité d'information élémentaire est appelée bit
et correspond à la valeur 0 ou 1 ouvert ou fermé. Une
succession six 0 et de 1 permet de représenter 64 combinaisons
différentes. Douze bits 1096 etc.
Une information est dite numérique ou numérisée
1(
*
)
lorsqu'elle est " traduite " sous
forme
d'unités élémentaires d'information (bit) n'ayant que deux
valeurs, 0 ou 1, qui correspondent au passage ou à la coupure du courant
électrique, formant ainsi un langage lisible par un ordinateur. Le
débit de cette information numérique est mesuré par la
quantité de ces unités élémentaires d'information
(bit) transmis à la seconde. Ainsi, il est question de kilobits (kbits)
pour les milliers de bits par seconde de mégabits (Mbits) pour les
millions de bits par seconde et de gigabits (Gbits) pour les milliards de bits
par seconde. La puissance de la fonction exponentielle montre que l'on peut
aisément " numériser " des informations les plus
complexes, textes, images ou sons.
2. La mesure de toute chose
Programmer un ordinateur, c'est lui donner un logiciel qui
explicite le processus de numérisation puis les données
numérisées.
Numériser, c'est décrire en bit une information. L'ordinateur
peut, soit afficher le contenu (texte ou images - fixes ou animées) sur
son écran et diffuser ses éléments sonores sur un
haut-parleur, soit stocker ces informations sur son disque dur, soit les
transmettre vers d'autres ordinateurs au moyen d'un réseau informatique
ou d'un réseau téléphonique par le truchement d'un
" modem "
2(
*
)
.
Ce volume d'information est une fonction croissante de la complexité de
la donnée qui doit être codée.
Coder un texte est facile (une suite de 12 bits permettant 4096 combinaisons,
ceci permet facilement avec 12.000 bits d'avoir
1.000 caractères même si l'on veut mélanger alphabet
latin, cyrillique, arabe, grec, majuscules et accents.
Coder une image colorée nécessite un beaucoup plus grand nombre
de bits puisqu'il faut découper en unités de surface très
petites (par exemple 600 lignes et 600 colonnes) et donner à
chaque petit carré une intensité de gris ou de couleur.
LES BAS DEBITS
(EN KBITS/S OU MILLIERS DE BITS PAR
SECONDE)
1,2 kbits/s
Minitel
. Ce débit sera
porté à 9,6 kbits/s avec le Minitel à vitesse rapide.
13 kbits/s
Radiotéléphone
mobile
avec
compression numérique de la voix (GSM).
28,8 kbits/s
Téléphone classique
. Débit
maximum actuel d'une transmission numérique sur le réseau
téléphonique analogique.
64 kbits/s
Téléphone classique
. Il est
numérisé sans compression numérique de la voix à
l'intérieur du réseau. La commutation du téléphone
et les liaisons entre centraux sont effectuées sous cette forme.
Numéris
. Il permet à la fois d'établir des
liaisons téléphoniques numériques de bout en bout, et de
transmettre une image fixe en couleur de la qualité de la
télévision en environ 10 secondes*, ou encore un ouvrage
comme
A la recherche du temps perdu
en environ une heure. Ce
débit ne permet pas de transmettre des émissions de
télévision, mais seulement des images animées en couleur
de petit format et de qualité médiocre. L'image est sautillante
dès qu'il y a des mouvements et rappelle les premiers films noir et
blanc.
128 kbits/s
Visiophone numérique
d'entrée de
gamme utilisant deux canaux Numéris. L'image est de qualité
médiocre.
(*) En utilisant un algorithme de compression numérique des images
fixes (JPEG).
LES HAUTS DEBITS (EN MBITS/S OU MILLIONS DE BITS PAR SECONDE)
1,4 Mbits/s
Disque compact
pour un son Hi-Fi
stéréo, sans compression numérique.
1,5 Mbits/s
Visiophone
avec une image de qualité*.
Consultation multimédia ou jeux vidéo
avec une image
animée sur un terminal dérivé d'un micro-ordinateur.
Image de télévision
de qualité équivalente
à celle d'un magnétoscope, à condition d'utiliser une
compression numérique à la norme MPEG 1.
4 à 5 Mbits/s
Image de télévision
de
qualité habituelle**, en utilisant une compression numérique
à la norme MPEG 2.
20 à 30 Mbits/s
Image de télévision haute
définition
, en utilisant une compression numérique à
la norme MPEG 2.
216 Mbits/s
Image de télévision
de
qualité habituelle,
numérisée
, mais sans
compression numérique. Ce débit, très important, n'est
jamais utilisé pour des transmissions.
155, 622
et Débits des nouveaux systèmes de transmissions
numériques
2.488 Mbits/s
pour les
liaisons à
haut débit sur fibre optique entre centraux
.
80.000 Mbits/s
Capacité maximale d'un
commutateur ATM.
(*) Un débit compris entre 384 kbits/s et 1,5 Mbits/s peut
être suffisant suivant l'algorithme de compression numérique et la
taille de l'écran.
(**) A la norme SECAM, norme utilisée pour la diffusion hertzienne en
France.
Source : rapport Théry "Les autoroutes de l'information".
B. LES TECHNIQUES DE COMPRESSION "LIBÈRENT" LE POTENTIEL DÉMULTIPLICATEUR DU NUMÉRIQUE.
1. La compression des données
Ainsi qu'il ressort du tableau précédent, les
données numérisées atteignent de très gros volumes
à partir de l'instant où il s'agit de sons, d'images et, a
fortiori, d'images animées.
Ces informations numérisées seraient donc pratiquement
impossibles à "transporter", c'est-à-dire à communiquer ou
à diffuser, s'il n'existait pas des moyens de réduire leur volume
brut. C'est ici qu'interviennent les techniques dites de compression des
données.
Schématiquement, ces dernières sont des fonctions logicielles qui
permettent de diminuer le volume de l'information émise, celle-ci
étant "décompressée" au point de réception. Cette
réduction du volume de l'information repose sur des techniques
logicielles de simplification et de tri des signaux permettant la suppression
des informations redondantes, celles-ci étant recomposées au
point d'arrivée de l'information. Ainsi, pour des images animées,
il existe de nombreux éléments quasiment identiques d'une image
à l'autre, la part identique de chacune de ces images est donc transmise
avec une faible périodicité et non autant de fois qu'il y a
d'images.
2. Les qualités du numérique.
La limitation du volume des données numériques
brutes permise par les techniques de compression achève de
conférer la
suprématie qualitative au numérique par
rapport au mode de transmission "concurrent", dit
analogique
3(
*
)
.
Aux qualités propres du numérique s'ajoute en effet la
libération d'espaces de transmission que permet d'obtenir le
numérique compressé, notamment dans le domaine de la
télévision ou de la radiodiffusion.
-
·
Fiabilité
Les qualités propres du numérique tiennent pour l'essentiel à la fidélité dans la restitution des informations qu'il garantit et à la faculté de détection et de correction des erreurs fortuites pouvant surgir lors des transmissions qu'il ouvre.
En comparaison, les signaux analogiques sont d'une part altérables et, d'autre part, non corrigeables en cas d'altération.
· Rationalité
Ainsi, à qualité égale , il est envisageable de transmettre jusqu'à huit programmes de télévision numérique dans un support 4( * ) correspondant à un seul programme analogique .
Dans cet exemple, il apparaît très clairement que le numérique démultiplie les capacités de transmission et, par voie de conséquence, le nombre de chaînes de télévision diffusables.
Ce potentiel existe de la même façon pour la radio, dont la numérisation complète permettrait une économie considérable en termes de fréquences tout en limitant fortement les risques de brouillage, grâce à la faible quantité d'espace de diffusion " consommée par chaque station ".
Le numérique forme donc un cadre unique d'expression pour l'ensemble des données quelle que soit leur nature, tout en offrant un remarquable potentiel en tant que vecteur de reconquête d'espaces de diffusion rares et chers.
La généralisation du numérique dans ces domaines se heurte cependant à deux obstacles principaux.
En premier lieu, il s'agit de la nécessité d'adapter les matériels de réception -le plus souvent en y adjoignant un décodeur-, voire de les remplacer pour accéder à la nouvelle norme de diffusion. La généralisation de ces nouvelles normes de diffusion exigeant ainsi que chaque "consommateur" assume ces changements.
En second lieu, et par voie de conséquence, l'émergence de la diffusion numérique "cohabitera" pendant une période transitoire relativement longue avec la diffusion analogique, de la sorte que les économies d'espaces de transmission liées au numérique ne seront dégagées qu'à l'issue de cette période.
En tout état de cause, l'émergence de ce "langage" numérique universel va de pair avec la convergence marquée des trois mondes, longtemps indépendants, de l'informatique, des télécommunications et de l'audiovisuel.
II. LA RENCONTRE DES MONDES DE L'INFORMATIQUE DES TÉLÉCOMMUNICATIONS ET DE L'AUDIOVISUEL : UNE RÉACTION EN CHAÎNE
Ce qui forme aujourd'hui la " trame " de
la
société de l'information est la convergence entre les trois
univers longtemps distincts de l'informatique des
télécommunications et de l'audiovisuel.
A cette dimension vient s'ajouter une tendance très
récente : la diffusion large bande par satellite revêt,
beaucoup plus qu'on ne le pensait il y a seulement un an, une importance
capitale. La France est bien pourvue dans ce domaine avec
l'Aérospatiale, Matra et Alcatel, il lui reste à élaborer
une politique spatiale tournée vers l'avenir.
Cette convergence, qui ouvre des perspectives considérables pour le
développement de la société de l'information, est aussi un
puissant vecteur de changement.
La mise en place de cette société de l'information, s'accompagne
en effet d'un
bouleversement de nombreuses habitudes
et entraîne
la
remise en cause de visions traditionnelles,
voire de situations
acquises.
A moins d'accepter par avance l'échec de l'entrée de la France
dans la société de l'information, les responsables politiques,
économiques ou administratifs de notre pays doivent assumer avec
lucidité et rigueur les exigences de cette ambition.
L'adaptation des structures et l'évolution des mentalités
qu'implique cette ambition appelle une claire conscience des grands principes
de la société de l'information : la diversité, la
concurrence, la liberté et la démocratie.
A. DES UNIVERS EN EFFERVESCENCE
Précédant l'émergence du concept de
société de l'information, l'évolution spectaculaire des
mondes de l'informatique, des télécommunications et de
l'audiovisuel est venue marquer les deux dernières décennies.
Sans prétendre à l'exhaustivité et sans vouloir faire un
historique détaillé de chacun de ces mondes, votre mission
d'information a souhaité mettre en lumière les lignes
maîtresses de ce phénomène.
1. L'explosion informatique
Le développement des ressources informatiques et la démocratisation de l'ordinateur constituait, à n'en pas douter, le " cur du réacteur " de la société de l'information.
a) Le " cur du réacteur " : les supports de stockage et le processeur
La matière première, la source d'énergie,
" l'uranium " de ce réacteur est formée, d'une part,
par les supports de stockage et, d'autre part, par le processeur.
Le développement de l'informatique, souvent définie comme
l'ensemble des processus concourrant au traitement automatisé de
l'information, dépend en effet directement des capacités de
stockage de l'information et de la rapidité du traitement de cette
information.
Or, ces deux fonctions ont connu des progrès considérables.
-
·
Les capacités de stockage
Qu'elles soient magnétiques ou optiques, les capacités de stockage se sont accrues dans des proportions qu'aucun ingénieur des années 1950 n'aurait pu imaginer. Ce phénomène est d'autant plus frappant qu'il s'accompagne d'une formidable miniaturisation des supports physiques de stockage.
à Lorsque la société IBM inaugurait en 1956 le 305 Ramac (random access method of accounting and control), son nouveau système de stockage des informations sur disque dur magnétique, celui-ci permettait de stocker 5 millions de caractères ou octets (un octet correspondant à une séquence de huit bits), soit 2.500 pages de texte, et comportait 50 plateaux de 60 centimètres de diamètres intégrés dans une vaste armoire.
Depuis cette date, la capacité de stockage a été multipliée par plus de 600, tandis que la taille du support physique de stockage passait de celle de l'armoire à celle de la cassette audio. Aujourd'hui on peut en effet stocker plus de 3 milliards de caractères (3 gigaoctets, Go), soit plus de 1,5 million de pages de texte, sur un support qui pèse environ 100 grammes et dont l'épaisseur est légèrement inférieure au centimètre 5( * ) . Cette progression de capacités de stockage s'est en outre accompagnée de celle des caractéristiques d'exploitation des disques durs.
Ainsi, le temps d'accès aux informations inscrites sur le disque dur a été divisé par 60, passant de 600 millisecondes à 10 millisecondes, tandis que la vitesse de rotation des disques durs était multipliée par 6, grimpant de 1.200 tours par minute à 7.200 tours par minute, décuplant ainsi le débit d'information du disque dur qui atteint aujourd'hui 15 mégaoctets par seconde. A cet égard, il convient de remarquer que ces caractéristiques continueront leur progression dans les années à venir.
à La naissance et l'accroissement des capacités de stockage optique des informations viennent ajouter leurs potentialités à celles des disques magnétiques.
Le principe du stockage optique de l'information est fondé sur la lecture par un microscopique faisceau laser des informations inscrites sur la surface d'un disque optique. Ces informations sont gravées sur une face réfléchissante sous la forme de creux et de pleins correspondant au langage binaire de l'informatique, " l'il " laser détectant ces variations par la variation de l'intensité lumineuse réfléchie, lisant ainsi l'information.
Cette technique de stockage a été appelée à un succès planétaire grâce à la naissance du disque compact (CD, compact disc en anglais), disque optique numérique d'un diamètre de 12 centimètres, dont l'exploitation a touché tous les domaines de l'information et dont les facultés ont connu et continuent de connaître des progrès formidables.
Né en 1982 , après la signature d'un accord entre les quatre sociétés conceptrices -Philips, Hitachi, JVC et Sony- le " CD " constituait tout d'abord une révolution dans le domaine du stockage de l'information musicale, où il a très rapidement supplanté son concurrent analogique, le disque vinyle.
Les possibilités offertes par ce nouveau support ont très rapidement ouvert des perspectives pour le stockage des autres types d'informations. Ainsi, dès 1985, apparaissait le CD-ROM (Compact disc read only memory, disque compact optique informatique accessible uniquement en lecture), extension informatique du disque compact audio. Le CD-ROM, ou cédérom, permet pour sa part de stocker plus de 600 millions de caractères (600 mégaoctets), soit plus de 250.000 pages de textes. Cette très forte capacité a très rapidement fait du cédérom un support privilégié de stockage tant dans le domaine de la documentation technique (souvent volumineuse dans sa version papier) que dans le domaine des logiciels comportant du son et des images.
Le Sénat s'engage activement dans l'ère du multimédia avec le lancement en septembre 1997 d'un cédérom exclusivement consacré à l'institution sénatoriale. Présentant à la fois l'histoire et le rôle du Sénat, ce cédérom permet aussi de découvrir en images le Palais du Luxembourg.
Parmi d'autres utilisations du disque compact il convient, par ailleurs, de signaler le CDI -compact disc interactive- destiné à la vidéo et le CD-photo qui permet le stockage en haute définition d'une centaine de photos sur un disque optique.
Ce petit disque optique de 12 centimètres de diamètres est actuellement en train de devenir le support d'une nouvelle gamme de produits, portant le nom générique de DVD-digital versatile disc. Reposant sur une nouvelle norme d'inscription des informations, le DVD possède des facultés de stockage très supérieures à celles des disques compacts actuels.
Ce disque est dit versatile dans la mesure où il permettra la mise en uvre de cinq formats différents correspondant chacun à un format spécifique, sachant que chacun d'entre eux sera très supérieur à son équivalent actuel.
La capacité de stockage du DVD s'étagera entre 4,7 et 17 milliards de caractères (4,7 à 17 gigaoctets) selon que soit utilisée une ou deux faces du disque et que ces faces comportent une ou deux couches d'inscription.
Cette nouvelle technologie touchera tous les domaines avec le DVD-Rom pour succéder au cédérom, le DVD-vidéo -qui permet de stocker 133 minutes de film par face- le DVD-audio, le DVD-R qui constitue une version inscriptible du DVD-Rom et le DVD-Ram qui sera pour sa part inscriptible, effaçable et réinscriptible.
· Le second élément essentiel de l'explosion informatique est constitué par les processeurs
Véritable " cerveau " de l'ordinateur, le processeur (ou le microprocesseur) est un circuit électronique muni d'un jeu d'instructions comprenant les principales opérations arithmétiques et logiques, dont la fonction est de lire les séquences d'instructions qui composent un programme informatique et de les exécuter.
La puissance du processeur détermine donc directement la capacité d'un ordinateur à traiter l'information. Or, cette puissance s'est considérablement accrue, selon une tendance correspondant à un doublement de sa capacité de traitement tous les 18 mois, ce rythme de progression a été qualifié de loi de Moore 6( * ) .
Il est de fait que depuis le processeur 4004 de 1971, la puissance de cette composante vitale de l'ordinateur ne cesse de croître ainsi qu'il ressort du tableau ci-après.
PUISSANCE DES PROCESSEURS INTEL DEPUIS 1971 |
|||
Processeurs |
Date de sortie |
Nombre de transistors |
Vitesse d'horloge |
4004 |
1971 |
2 300 | 0,1 MHz |
8088 |
1979 |
29 000 | 5 à 8 MHz |
80286 |
1982 |
134 000 | 8 à 12 MHz |
386 DX |
1985 |
275 000 | 16 à 33 MHz |
486 DX |
1989 |
1 200 000 | 20 à 50 MHz |
Pentium |
1993 |
3 100 000 | 60 à 166 MHz |
Pentium Pro |
1995 |
5 500 000 | 150 à 200 MHz |
Pentium MMX |
1997 |
4 500 000 | 150 à 233 MHz |
Pentium II |
1997 |
7 500 000 | 233 à 450 MHz |
Suivant des principes d'évaluation comparables à ceux qui ont marqué les capacités de stockage de l'informatique, les composants du processeur ont aussi été caractérisés par un extraordinaire phénomène de miniaturisation. Ainsi, pour le processeur Pentium, le circuit de millions de transistors intégré sur la puce de silicium de quelques centimètres carrés du processeur aurait exigé une surface de plus de 100 mètres carrés avec l'utilisation de transistors classiques.
MICROPROCESSEURS : Intel n'est plus seul
Le numéro un mondial des microprocesseurs, conserve avec
85 % des ventes mondiales une position plus que dominante sur ce marché.
Les résultats de la société restent exceptionnels puisque
avec une croissance annuelle moyenne de 30 % ils atteignent un chiffre
d'affaires de près de 21 milliards de dollars en 1996 et
dégageant un bénéfice net de 5,1 milliards de dollars,
soit une rentabilité nette de 25 %.
L'émergence des concurrents sur ce marché est néanmoins
un phénomène incontestable. Les deux principaux concurrents sont
les sociétés AMD et Cyrix dont le potentiel est
considérable.
Ainsi AMD, avec un chiffre d'affaires de 2 milliards de dollars -soit 10 fois
inférieur à celui d'Intel- vient de lancer son processeur K6,
plus puissant et moins cher que le Pentium II d'Intel.
Pour sa part, la société Cyrix, dont le chiffre d'affaires est
de 200 millions de dollars, a mis sur le marché un processeur 6 x 86 MX
équivalent au Pentium II, mais vendu à un prix deux fois
inférieur.
Source : Figaro-Economique du 16 juin 1997
Progression de la puissance et miniaturisation font du processeur un
élément de calcul surpuissant facile à intégrer
dans les micro ordinateurs destinés au public.
LA PUISSANCE DE LA MACHINE :
la victoire de
" Deeper Blue " sur Garry Kasparov
Un an après sa victoire sur " Deep
Blue ",
Garry Kasparov, champion du monde d'échecs, a été battu
par " Deeper Blue "
au terme de six parties qui se sont
déroulées à New-York du 3 au 10 mai 1997.
Deux fois plus rapide que son prédécesseur,
" Deeper
Blue " possède une puissance de calcul lui permettant d'examiner
près de 200 millions de positions par seconde.
C'est cette puissance qui, pour la première fois a permis la victoire
de la machine sur un champion du monde d'échecs.
Bien que le détail de la technologie utilisée par IBM pour
" Deeper Blue " n'ait pas été
révélé, les aspects principaux de ce
" supercalculateur " dédié sont connus.
Il ne s'agit en effet pas d'un ordinateur classique, mais d'une machine
spécifique mettant en uvre le système parallèle RS/6000 SP
d'IBM, formant une
armoire de près de 2 mètres de haut et
pesant 1,4 tonne.
Au sein de cette machine figurent, notamment,
256
processeurs spécifiquement développés pour les
échecs, eux-mêmes " pilotés " par 32 processeurs
" généralistes "
du type P2 SC.
Au-delà d'une démonstration de la suprématie de la
puissance de calcul de la machine sur l'intelligence humaine, cette
opération permet à IBM d'appeler l'attention de divers secteurs
d'activité ayant à gérer de grandes masses d'informations
sur l'intérêt de ce type de supercalculateurs.
b) La démocratisation de l'ordinateur
Ce formidable développement des capacités de stockage et de traitement de l'information a permis l'émergence d'un phénomène déterminant pour l'avénement de la société de l'information : la démocratisation de l'ordinateur.
-
·
Le concept
L'accès du grand public aux micro-ordinateurs constitue la traduction concrète de la vision de Bill Gates , président et fondateur de la société Microsoft : un ordinateur sur chaque bureau et dans chaque maison. Sachant qu'il se vend dans le monde environ 100 millions d'ordinateurs par an, et que les perspectives de croissance du secteur restent fortes, force est de constater que cette vision s'est déjà très largement transformée en réalité.
Votre mission d'information souligne l'importance du phénomène de l'acquisition par le grand public d'un matériel dont ce dernier était encore largement ignorant au début des années 1980.
La demande, voire le désir, de posséder un ordinateur sont en effet le fruit d'une extraordinaire adaptation des moyens d'accès à une machine, qui il y a vingt ans à peine restait encore hermétique et peu attractive. A cette époque l'ordinateur offre un visage austère, puisque son utilisation exigeait la connaissance d'un langage de commandes informatiques permettant de faire exécuter certains traitements ou certaines opérations par la machine. L'homme ne communiquait alors avec l'ordinateur qu'au moyen du clavier et dans le langage de la machine.
· Les moyens
Dans le domaine des logiciels , la " révolution " provient de la définition d'une " interface graphique ", qui vient s'interposer entre l'homme et l'ordinateur. L'utilisateur ne se trouve alors plus devant un écran noir, mais face à un cadre d'accueil graphique dans lequel il peut sélectionner les commandes qu'il souhaite utiliser au moyen d'options dans des "menus"ou icônes.
Cette novation s'est accompagnée sur le plan matériel de l'arrivée de la "souris" . Ce nouvel instrument, dont l'appellation imagée a contribué à forger la popularité, complète le cadre graphique d'accès à l'ordinateur en permettant à l'utilisateur de "pointer", à l'aide du "pointeur" graphique situé sur l'écran, la fonction qu'il souhaite utiliser, cette dernière étant activée au moyen d'un "clic" sur un des "boutons" de la souris.
L'accès de l'utilisateur aux fonctions de l'ordinateur se trouve ainsi considérablement facilitée et n'exige, pour ainsi dire, qu'une formation minimale.
Facilitée par la baisse des prix, l'explosion du marché des micro-ordinateurs est allée de pair avec celle des logiciels. Ces derniers, de plus en plus variés, ont en effet connu un très large développement, facilité par les progrès des différentes techniques de stockage déjà évoqué dans le présent rapport.
C'est ainsi que se sont développés de nouveaux logiciels, dits " multimédia " , c'est-à-dire regroupant à la fois du texte du son et de l'image.
Donnant une dimension supplémentaire à l'ordinateur, ces logiciels ouvrent de larges perspectives aux utilisateurs qui peuvent maintenant accéder à d'impressionnantes collections de cédéroms culturels, pédagogiques ou ludiques.
Enfin, l'ordinateur est devenu " communiquant ", soit en étant raccroché à un réseau informatique, soit en utilisant les lignes téléphoniques au moyen d'un " modem ".
Cette démocratisation de l'ordinateur est cependant encore inégale et reste insuffisante en France. Ainsi d'après M. Bernard Vergnes, président de Microsoft Europe, entendu par votre mission d'information, le taux de pénétration des micro-ordinateurs reste encore faible en Europe et, notamment, en France. S'agissant de l'équipement professionnel, aux Etats-Unis, ce taux atteint 90 % parmi les employés à " cols blancs ", tandis qu'il reste inférieur à 50 % en Europe et en France. S'agissant de l'équipement familial, ce taux qui s'élève à 33 % aux Etats-Unis, descend à 11 % en France, alors qu'il représente 14 % en Grande-Bretagne et 20 % en Suède...
Votre mission d'information considère qu'un tel retard exige que des mesures déterminantes soient prises, dans ce domaine, pour résorber ce retard.
2. L'ébullition des télécommunications et de l'audiovisuel
Le développement fulgurant de l'informatique
s'accompagne d'évolutions majeures dans le domaine des
télécommunications et de l'audiovisuel.
Contrairement à l'informatique, ces deux univers, pourtant eux-aussi
assez récents,
se caractérisent par le poids important des
réglementations et le rôle déterminant des pouvoirs publics.
De nombreuses novations ont entraîné et entraîneront encore
d'importantes adaptations.
a) La télévision décuplée par l'arrivée du câble et du satellite
L'histoire française de la télévision est
caractérisée par une singulière accélération
à partir du milieu des années 1980. Avant cette date, en effet,
la télévision en France avait déjà
été marquée par une grande étape, passant ainsi de
la chaîne publique unique aux trois chaînes publiques nationales.
Mais, à partir des années 1980, cette situation amorce une
évolution déterminante avec la multiplication du nombre de
chaînes hertziennes nationales.
Aux trois chaînes existantes viennent en effet s'ajouter Canal +,
chaîne hertzienne cryptée payante, et deux chaînes
"généralistes", la 5 et M6.
Cet accroissement de l'offre hertzienne nationale a par ailleurs
été complété avec le développement du
câble et du satellite.
Le câble
L'implantation du câble en France a désormais plus de dix ans,
puisque les premiers réseaux ont été ouverts en
février 1987. L'ancienneté moyenne du réseau
câblé n'est cependant que de quatre ans.
Le câble connaît son plus fort développement en milieu
urbain, les taux de câblage les plus importants étant atteints
dans les zones où la densité de population est la plus forte.
Dans son exposé présenté en mai 1997 dans la cadre de
"Médiaville", M. Hervé Bourges, président du Conseil
supérieur de l'audiovisuel (CSA) a dressé un bilan de la
pénétration du câble en France, qui reste encore faible par
rapport à certains pays étrangers.
Le président du CSA a souligné que l'ensemble des
617 réseaux câblés
français avait
représenté, en 1996, un
chiffre d'affaires de plus de
2,5 milliards de francs
, faisant du câble un support de
diffusion significatif.
Il a remarqué la taille extrêmement variable de ces
réseaux, 10 % des sites représentant près de
78 % des prises raccordables et comptant plus de 33.000 prises
chacun. A cet égard, il a relevé que
les trois principaux
"câblo-opérateurs"
-Lyonnaise Câble, Compagnie
générale de vidéocommunication (CGE) et France
Télécom Câble-
représentaient à eux seuls
82 % des prises raccordables et 81 % des abonnés
, alors
qu'ils n'exploitent que 15 % des sites. Les autres opérateurs se
partagent le solde, soit 18 % du marché.
RÉPARTITION DU MARCHÉ DU CÂBLE EN 1996
Prises raccordables |
Abonnés |
Taux de pénétration
Total
abonnés/
|
|
Lyonnaise Câble |
31 % |
26 % |
25,18 % |
CGV (filiale CGE) |
28 % |
25 % |
27,9 % |
France Télécom Câble/TDF |
28 % |
30 % |
34, % |
ANOC |
9 % |
10 % |
34,1 % |
Divers |
5 % |
9 % |
56,3 % |
Source : CSA
S'agissant de la structure de ce marché, et notamment dans la
perspective du désengagement annoncé de la Compagnie
générale des Eaux (CGV), il apparaît que ce paysage est
encore susceptible de connaître d'importantes évolutions.
En termes de pénétration, près d'
un tiers des foyers
TV
(31 %) sont
raccordables
à un réseau
câblé, mais seulement
10 % des foyers TV sont
effectivement
abonnés
au câble, soit plus de 30 %
des foyers raccordables, dont 22 % sont abonnés au service de base.
ÉVOLUTION DU CÂBLE DE 1990 A 1996
Evolution de la pénétration industrielle
1990 |
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
|
Total abonnés/
|
|
|
|
|
|
|
|
Prises
raccordables/
|
|
|
|
|
|
|
|
Evolution de la pénétration commerciale
1990 |
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
|
Abonnés basique/
|
|
|
|
|
|
|
|
Total
abonnés/
|
|
|
|
|
|
|
|
Evolution des taux de progression
1990 |
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
|
Abonnés |
112 % |
48 % |
37 % |
23 % |
25 % |
15 % |
15 % |
Prises raccordables |
44 % |
35 % |
24 % |
13 % |
10 % |
8 % |
6 % |
Source : CSA/AVICA
Ces pourcentages correspondent en valeur absolue à
6,7 millions
de foyers susceptibles d'être raccordés au câble et à
plus de 2,2 millions de foyers effectivement raccordés,
dont
700.000 accédant à un service antenne et 1,5 million au
service de base. A cet égard, il convient de rappeler que les objectifs
du Plan câble fixés par le gouvernement en novembre 1982
prévoyaient l'installation de 1,4 million de prises entre 1983 et
1985, cette implantation devant ensuite se poursuivre au rythme d'un million de
prises par an pour atteindre 10 millions de prises.
Se situant en deçà des objectifs initiaux et moins
développé que dans de nombreux pays comparables, le
câble en France a été handicapé
par plusieurs
facteurs. Outre le choix prématuré de la fibre optique multimode
et les divergences d'intérêt entre certains investisseurs et
certains câblo-opérateurs,
l'importance de l'offre de
chaînes hertziennes généralistes a été un
véritable handicap pour le câble
. Face à six
chaînes,
dont une chaîne à péage qui a connu un
large succès (Canal +),
le câble n'a pendant longtemps
pas possédé de contenu spécifique, ce qui a
incontestablement diminué son attractivité, d'autant plus que de
nombreux "consommateurs" potentiels "épuisaient" le montant
du budget
qu'ils acceptaient de consacrer aux services télévisés en
s'abonnant à Canal +.
En comparaison, il convient de noter qu'aux Etats-Unis 91 % des
95,2 millions de foyers TV sont raccordables à un réseau et
que le taux de pénétration (abonnement effectif au câble)
s'élève à plus de 65 %, soit près de
60 millions de foyers TV. En Allemagne, ce taux atteint plus de 52 %.
Le satellite
Dernier arrivé dans le domaine des supports de diffusion
télévisés, le satellite connaît une rapide
progression. A peine un an après le lancement par Canal + du
"bouquet"
7(
*
)
de programmes
CanalSatellite, fin
avril 1996, la
télévision payante par satellite dessert plus
de 500.000 foyers TV
. Ce marché est donc susceptible de
connaître une évolution rapide et importante. Ainsi TF1, France
Télévision, CLT, M6 et la Lyonnaise des Eaux se sont
associées dans le projet "Télévision par satellite" (TPS),
destiné à lancer des programmes numériques en France. La
diffusion des premiers programmes de ce nouveau "bouquet" a
débuté à la mi-décembre 1996, l'objectif de TPS
étant de 35 à 40 % de part de marché en 1997, soit
240.000 abonnés fin 1997.
Il convient enfin de mentionner l'offre numérique lancée par
AB Sat, filiale de la société AB Procuctions.
L'univers de l'audiovisuel se trouve donc profondément modifié
par l'émergence de nouveaux supports de diffusion, qui accroissent
considérablement le volume et la qualité de l'offre
télévisée.
Pour sa part, le secteur des télécommunications ne reste pas
à l'abri de profondes mutations.
b) La libéralisation du secteur des télécommunications
Après plus d'un siècle de monopole public,
la
date du 1er janvier 1998 marquera l'entrée en vigueur de la
libéralisation du marché français des
télécommunications,
prévue par la loi
n° 96-659 du 26 juillet 1996 de réglementation des
télécommunications. Cette loi met fin au monopole de France
Télécom pour l'établissement des infrastructures filiaires
publiques et la fourniture au public du service téléphonique
fixe. Par ailleurs, elle institue l'Autorité de régulation de
télécommunications (ART) et l'Agence nationale des
fréquences (ANF).
Tirant les conséquences de la résolution du Conseil
européen arrêtée le 17 novembre 1994, la France a donc
mis en oeuvre le cadre juridique dans lequel s'exercera la concurrence dans le
domaine des télécommunications.
Ce domaine était déjà marqué depuis plusieurs
années par une très forte évolution provoquée par
les développements technologiques.
Sans prétendre analyser en détail ce phénomène, il
convient cependant d'en faire ressortir les traits les plus saillants.
Les développements de la technologie ont en effet
accéléré le processus de transformation des
télécommunications en multipliant les possibilités de
contournement des barrières réglementaires
. Il s'agit
notamment des systèmes de rappel automatique qui permettent de
contourner le monopole national pour les appels internationaux, des cartes
d'appel, des réseaux privés internationaux ou du
développement des télécommunications par satellite.
L'aspect le plus évident de cette évolution concerne les
réseaux de
radiotéléphonie mobile
qui disposent de
leur propre infrastructure de transport et qui peuvent en conséquence
contourner en grande partie le réseau public commuté fixe. La
progression du radiotéléphone mobile s'avère en effet
spectaculaire, à tel point qu'elle se trouve aujourd'hui au coeur de la
croissance du
marché mondial des télécommunications.
Selon l'Observatoire mondial des systèmes de communication,
ce
marché -services et équipements- devrait s'élever en 1997
à plus de
745 milliards de dollars
, poursuivant sa forte
croissance depuis 1991 avec une moyenne annuelle de + 5,6 %.
L'Observatoire note que la croissance de ce marché est très
largement due aux télécommunications mobiles, qu'il s'agisse de
terminaux ou d'infrastructures. Ainsi, depuis 1991,
la part des
"mobiles"
est passée de 5,1 % à 21,9 % (prévision 1997),
soit 134 milliards de dollars, avec un parc de téléphones
mobiles de l'ordre de 175 millions
. Dans cet ensemble, le
marché français des télécommunications se situe
au quatrième rang au niveau mondial (4,5 % du marché) et au
deuxième rang au niveau européen,
après l'Allemagne,
avec un montant estimé de 5,34 milliards de dollars pour les
équipements et de 29,4 milliards de dollars pour les services.
La France se caractérise cependant par la faible
pénétration du téléphone mobile. Ce retard est
cependant en train d'être rattrapé grâce au fort
développement des ventes. A cet égard, Itinéris, le
service de téléphonie mobile de l'opérateur public France
Télécom -qui détient près de 58 % du
marché français- a passé la barre des 2 millions
d'abonnés en juillet 1997. De fait, cet opérateur a vendu
700.000 abonnements depuis le début de l'année 1997,
soit une quantité supérieure à l'ensemble des ventes de
l'année 1996 (600.000). Cette tendance se vérifie très
largement chez les autres opérateurs que sont SFR ou Bouygues
Télécom.
Les évolutions de ces deux mondes "classiques" du
téléphone et de la télévision viennent ainsi
à la rencontre du monde "nouveau" de l'informatique provoquant
dès lors une puissante réaction en chaîne porteuse de
modernité.
B. DES CONJONCTIONS "IRRADIANTES"
Ce grand mouvement se caractérise par la multiplication
des moyens techniques de diffusion de l'information. C'est dans un monde fait
de diversité et de concurrence que naît la société
de l'information.
Cette réalité aux multiples facettes constitue un
véritable "éloge de la complexité"
, qu'il serait
vain de vouloir réglementer selon des visions traditionnelles, voire
conservatrices.
L'observation, l'analyse et l'évaluation de ce monde de l'information,
en constante évolution, exigent donc un grand pragmatisme.
Certains pensent à une unification future des réseaux et des
terminaux. D'autres, au contraire, pensent à des réseaux
spécifiques avec des terminaux spécifiques correspondant à
des fonctions ludiques, des fonctions de gestion, des fonctions
éducatives ou plus spécialisées.
1. Les réseaux : artères d'un monde unifié
a) Les différents types de réseaux et de supports
Les réseaux
Quelle que soit leur nature, les réseaux constituent le lien par lequel
circulent les informations transmises d'un point à un autre. Cette
circulation ou cet échange d'information peut s'effectuer sur plusieurs
types de réseaux dont les principaux sont le réseau
téléphonique, le réseau câblé, le
réseau mobile, les réseaux de télédiffusion
satellitaire ou hertzien.
- S'agissant du
réseau téléphonique
, celui-ci
permet de "transporter" la voix, mais aussi des informations
numériques
qu'il achemine vers des télécopieurs ou des ordinateurs.
Au sein de ce réseau, on distingue le réseau commuté
traditionnel et le réseau numérique à intégration
de services (RNIS -en France, il s'agit de NUMERIS-), ce dernier permettant de
véhiculer une plus grande quantité d'information à une
vitesse bien supérieure à celle du réseau commuté
analogique.
- Viennent ensuite les
réseaux câblés
. Ces
réseaux, strictement locaux, sont en général
constitués d'une tête de réseau (le plus souvent
alimentée par satellite) et d'un réseau en fibre optique reliant
cette tête de réseau à ces centres de distribution
eux-mêmes reliés aux utilisateurs par un réseau de
raccordement en câble coaxial. Ces réseaux câbles sont en
principe caractérisés par leur architecture arborescente -et non
en étoile comme le réseau téléphonique- et peuvent,
au prix de légères adaptations, supporter une "voie de retour",
c'est-à-dire une circulation de l'information du récepteur vers
l'émetteur qui autorise ce qu'il est convenu d'appeler
l'interactivité
8(
*
)
.
- Le
réseau de la téléphonie mobile
est, quant
à lui, dit
cellulaire
. La norme GSM (Global System for Mobile),
associée au réseau cellulaire, est un système de
radiocommunications numériques -désormais mondial- mis au point
par l'Institut européen de normes de télécommunications
(ETSI, European telecommunication standard institute) siégeant à
Sophia Antipolis. Ce réseau est dit cellulaire en raison de son principe
de fonctionnement, fondé sur une division du territoire en une
série de zones -appelées
cellules
- dotées chacune
d'un dispositif d'émission-réception, un système de
localisation des appels et de changement automatique des fréquences,
généralement relayé par satellite, permet de maintenir la
transmission en dépit du mouvement du récepteur.
L'augmentation du débit de ce réseau et la compression des
données le rend compatible avec la transmission de tous les types
d'informations numérisées.
- Il s'agit enfin des
réseaux hertziens
dont les faisceaux
-analogiques ou numériques- sont utilisés en particulier par la
télévision.
Ces faisceaux sont formés d'ondes concentrées par des
réflecteurs paraboliques et/ou des satellites.
- Les
satellites
peuvent intervenir comme support de transmission pour
divers types de réseau. Leur importance risque de devenir croissante
dans l'avenir par suite des projets de satellites en batterie
interconnectés. Des antennes paraboliques constituent les liaisons
montantes ou descendantes.
Les supports
Les supports physiques utilisés,de façon spécifique ou
combinée au sein de ces réseaux, sont, par leurs
caractéristiques propres, déterminants pour l'acheminement de
l'information. Le moins performant de ces supports est la traditionnelle
"
paire torsadée
", constituée par des fils de cuivre.
Celle-ci n'est plus utilisée que pour relier les postes
téléphoniques des domiciles des utilisateurs aux centraux
téléphoniques.
Vient ensuite, pour les circuits à longue et moyenne distance, le
câble coaxial
-câble en cuivre, entouré d'une couche
d'isolant, elle-même blindée d'une tresse en cuivre, l'ensemble
étant coulé dans une gaine en plastique. Ayant très
largement servi de support pour le développement de la
télévision câblée, ce support possède une
capacité supérieure de près de 300 fois à
celle de la paire torsadée ; il permet de transporter entre 15 et
30 canaux de télévision en diffusion analogique. Cette
capacité peut donc croître fortement en fonction de la compression
des données permise par une diffusion numérique.
Vient enfin le câble à
fibre (s) optique (s)
qui permet de
multiplier par 1.000 la capacité de diffusion par rapport au câble
coaxial. Ce câble en fibre optique, généralement
composé en silice, permet de véhiculer les signaux sous forme
lumineuse, ce qui rend ces derniers insensibles aux perturbations
électromagnétiques ou électrostatiques. Ce mode de
transmission présente en outre l'avantage de ne nécessiter aucune
amplification ou régénération sur longue distance,
à la différence des signaux électriques diffusés
sur support métallique.
Les réseaux hertziens et satellitaires n'ont pas besoin de supports
physiques au sol autres que les antennes. Le débit transporté
peut être fonction du nombre de canaux et des fréquences
affectées.
b) L'unification tendancielle des réseaux : le phénomène Internet
Utilisant potentiellement tous les types de supports, le
phénomène Internet (Interconnected Networks - réseaux
interconnectés) préfigure l'avènement d'un monde
unifié de l'information.
Reliant en 1997 environ 60 millions
d'utilisateurs, ce "réseau des réseaux" constitue l'aboutissement
grand public d'un concept déjà ancien.
L'origine d'Internet remonte en effet à 1969, date à laquelle le
ministère de la défense des Etats-Unis créa un
réseau destiné à fédérer les organismes
travaillant pour ce ministère. Ce dernier fut baptisé ARPANET,
par référence à l'Advanced research projects agency (ARPA)
du ministère de la défense qui l'avait conçu.
Ce réseau était caractérisé par un mode
d'interconnexion de réseaux et d'ordinateurs le rendant peu
vulnérable en cas de dégâts causés -par un conflit
militaire en l'espèce- sur une partie de ces réseaux.
Le principe de ce nouveau réseau s'est ensuite très largement
ouvert à l'ensemble de la communauté scientifique et
universitaire américaine et mondiale. Jusqu'à la fin des
années 1980, c'était pour l'essentiel un outil de communications
entre chercheurs, dont le coût était partiellement pris en charge
par les organismes publics.
La philosophie initiale d'Internet se
définissait par un souci de mise en commun et de partage de ressources
intellectuelles.
La plupart des " internantes "
chevronnés
sont hostiles à tout développement commercial sur le
réseau des réseaux.
Depuis cette période, Internet a connu une évolution
spectaculaire, tant quantitative que qualitative. Sans rentrer dans une analyse
détaillée et technique d'Internet
9(
*
)
, il
convient de noter qu'Internet n'a pas d'existence
physique. Il s'agit d'une
sorte de "galaxie" dans laquelle sont
interconnectés des centaines de milliers de réseaux et
d'ordinateurs
. La majorité des utilisateurs y accède au moyen
du réseau téléphonique classique, les différents
sous-réseaux étant en revanche reliés par des lignes
à haut débit. Internet ne propose aucun service ; il ouvre
l'accès à de multiples services tels que des bases de
données ou le courrier électronique qui sont chacun
géré par un opérateur dont la fiabilité peut
être de niveau élevé lorsqu'il s'agit d'un centre de
recherche ou d'une bonne université par exemple, mais dont certains
opérateurs sont moins crédibles.
Les connexions à Internet se font grâce aux liaisons
assurées par des sociétés commerciales appelées
prestataires ou fournisseurs d'accès. De ce fait, l'utilisation
d'Internet ne constitue pas une opération gratuite, puisque le
"consommateur" doit s'abonner auprès d'un fournisseur d'accès
acquittant ainsi en général une somme forfaitaire (de l'ordre de
100 francs par mois) correspondant à une certaine durée de
connexion autorisée, le principe étant souvent en France celui
d'une tarification au tarif d'une communication locale -quelle que soit la
localisation du serveur consulté. Dans d'autres cas, la tarification
peut être nulle ou dépendant d'un abonnement fixé en
fonction du débit garanti.
La facturation du seul abonnement national sans limitation de la durée
de connexion constitue cependant une pratique de plus en plus courante,
notamment aux Etats-Unis. Cette tendance est susceptible de se
développer en France avec la libéralisation du secteur des
télécommunications. Ainsi, au-delà des premières
expériences de
commercialisation d'Internet sur le câble
au
Mans, à Strasbourg et dans le 7e arrondissement de Paris,
l'arbitrage, rendu par l'Autorité de régulation des
télécommunications le 11 juillet 1997, devrait ouvrir la
voie à une généralisation de cette pratique.
Cette décision comporte, en tout état de cause, une orientation
essentielle pour favoriser la "remise à niveau" du nombre
d'abonnés à Internet en France, qui ne s'élève
qu'à environ 400.000, contre 60 millions dans le monde. En outre,
l'utilisation de ce support permettrait aux utilisateurs de disposer d'une
qualité d'accès et d'une rapidité très
supérieure à celles que permet la ligne
téléphonique traditionnelle.
Internet permet, en effet, dans ses principales composantes la messagerie
électronique, les forums de discussion et le World Wide Web (WWW, W3 ou
tout simplement "le" Web
10(
*
)
) l'accès
à un nombre considérable de serveurs offrant une très
large gamme de services. Les fonctionnalités sont variées (par
rapport aux fax et téléphone) : correspondance très
économique, discussion de groupes interactifs, bases de données
type cédérom, etc.
Les fonctionnalités graphiques, sonores ou visuelles du Web exigent
d'importantes ressources de transmission en raison du volume de l'information.
C'est pourquoi, l'accès par une simple ligne téléphonique
exige souvent de longs temps d'attente, correspondant au "chargement"
de
l'information. Cet inconvénient est marqué si le volume global du
"trafic" de l'information est dense. Ainsi, les "heures de
pointes" que
constitue, aux Etats-Unis (principal utilisateur d'Internet) la matinée,
rendent souvent laborieux les accès au réseau en Europe vers les
serveurs localisés aux USA aux heures correspondantes, soit entre
15 heures et 17 heures en particulier.
Une solution de plus en plus pratiquée est l'utilisation de serveurs
miroirs (c'est-à-dire de la réplique en Europe ou au Japon du
contenu informationnel d'un serveur placé aux USA ou au Canada.
2. La "longue marche" vers un terminal unique
Cet univers technologique en constante expansion se
caractérise donc par une "interpénétration" croissante des
différents modes de communication, qu'il s'agisse de l'informatique, des
télécommunications ou de l'audiovisuel, et des supports de
diffusion, qu'il s'agisse du réseau téléphonique, du
câble, du faisceau hertzien ou de la fibre optique. Cette unité
des différentes composantes de la société de l'information
se trouve scellée par la possibilité de traduire chacune d'entre
elles en un langage unique, le numérique.
L'évolution vers un terminal unique, rassemblant à la fois les
fonctions du téléphone, de la télévision, de la
chaîne audio et de l'ordinateur est parfois envisagé. Ainsi, cet
univers fait de complexité pourrait se résumer, du point de vue
du consommateur, à une seule machine universelle fournissant
l'accès à toutes les fonctions de la société de
l'information.
Cette vision reste encore largement utopique au regard de la tendance actuelle,
qui tendrait plutôt vers une multiplication des terminaux qui peut
correspondre à des usages spécifiques, y compris dans le grand
public (salle de séjour, bureau à domicile, domaine des enfants
pour pédagogie et jeux, etc.).
Les indices d'unité sont cependant nombreux, comme le montrent les
quelques exemples suivants.
L'imbrication potentielle de la télévision et de
l'ordinateur
est illustrée concrètement de plusieurs
façons. Ainsi, dans le cadre de Canal Satellité, l'offre
télévisée par satellite de Canal +, le
décodeur raccordé à l'ordinateur permet de
télécharger des logiciels et des jeux vidéos sur un disque
dur. Ce système permet aussi de regarder des programmes informatiques
sur le téléviseur.
Par ailleurs, ainsi qu'il a déjà été dit,
l'accès des ordinateurs à Internet au moyen des réseaux
câblés de télévision
, rapproche aussi ces deux
terminaux.
Enfin, il faut préciser que
le téléphone peut
être traité par l'ordinateur au moyen d'Internet
, et compte
tenu de la possible gratuité du service, cette fonction est suceptible
de se développer assez rapidement.
Il est difficile pourtant, dans ce monde changeant, de produire toute autre
évolution que l'expansion rapide.
*
* *
Au regard de ces mondes en mouvement, notre mission
d'information souligne la nécessité d'éviter qu'un
décalage ne puisse se faire jour entre la tendance à
l'unification des grandes composantes de la société de
l'information (télécommunications, audiovisuel, informatique) et
le cadre juridique auquel chacune d'elle est soumise.
De ce point de vue, la législation française a déjà
accompli de très importants progrès au cours des dernières
années.
Cet effort de rationalisation du droit doit cependant être poursuivi.
Dans le même esprit, votre mission d'information souhaite que les trois
autorités respectivement compétentes dans les domaines de
l'audiovisuel (le Conseil supérieur de l'Audiovisuel, CSA), des
télécommunications (l'autorité de régulation des
télécommunications, ART) et des fréquences (Agence
nationale des fréquences, ANF) se rencontrent de façon
périodique pour coordonner leur action en faveur de
l'intérêt général.
Une telle démarche constitue, dans l'esprit de la mission d'information,
une nécessité impérieuse. Si, d'aventure, cette voie
devait être négligée, il serait alors nécessaire
d'envisager une transposition du modèle prévalant aux Etats-Unis
d'Amérique et au Canada.
III. LA TÉLÉMATIQUE EN FRANCE : UN ESSAI À TRANSFORMER
Confronté à l'émergence de ce monde
nouveau, notre pays avait fait figure, avec le minitel, de pionnier. Cette
formidable expérience a placé la France au premier rang des
nations possédant une expérience massive de la gestion d'un
système d'information télématique et de ses exigences.
Mais force est de constater qu'aujourd'hui, la France possède un
important retard dans le domaine de l'équipement informatique des
ménages et, corrélativement, en ce qui concerne l'accès
à Internet, et surtout des atouts en matière de
développement des usages pratiques au niveau international de cet outil
de publicité, de convivialité et d'expansion économique et
culturelle.
A cet égard, votre mission d'information considère que les
pouvoirs publics ont le devoir historique de valoriser l'avance sociologique
acquise par les français avec le minitel, notamment en matière
d'éducation initiale ou de formation continue.
A. LE MINITEL : LE "SYNDRÔME CARAVELLE"
Notre pays semble parfois souffrir d'un mal
étrange : possédant un certain génie pour
définir des concepts nouveaux et un réel talent pour leur mise en
uvre technologique, nous semblons ensuite "vivre sur nos lauriers",
et manquer
ainsi les étapes ultérieures de développement et de
valorisation du concept initial.
L'évocation d'un "syndrôme Caravelle" au sujet du Minitel, est
fondée sur l'existence d'une forte analogie entre l'histoire de ce
terminal et celle du premier avion de ligne à réaction moyen
courrier
11(
*
)
.
1. Un concept génial au succès incontestable
L'idée d'un petit terminal, mis à disposition
gratuitement
auprès des abonnés du téléphone
et permettant d'accéder à un annuaire électronique, puis
à un nombre croissant de services, a en effet constitué une
innovation conceptuelle et une gestion industrielle remarquable.
Ainsi, le grand public s'est progressivement habitué à un
matériel nouveau, dont il s'était jusqu'alors dispensé,
découvrant à cette occasion un ensemble de potentialités
dont il est aujourd'hui un " gros consommateur ".
Le succès de ce petit terminal, dont le
nombre d'unités
installées dépasse aujourd'hui les 6,5 millions,
a
entraîné la naissance d'un véritable marché des
services télématiques qui, avec plus de
110 millions d'heures
de consultation par an,
représente un
chiffre d'affaires compris
entre 7 et 8 milliards de francs
pour près de
25.000 codes
d'accès
à des serveurs.
Le développement de ce marché est lié à la mise en
place d'un système comportant le terminal Minitel, le logiciel
Télétel et le " kiosque " de taxation. Ce dernier,
plutôt que de proposer au " consommateur " un abonnement
préalable auprès du serveur sollicité, est fondé
sur une facturation du service en fonction de la durée de consultation.
Cette facturation est effectuée par France Télécom qui
reverse ensuite aux différents serveurs consultés la part qui
leur revient.
La simplicité d'accès et la richesse de l'offre du minitel ont
donc fait naître en France une véritable culture de la
télématique.
2. Une culture à valoriser
Le développement spectaculaire d'Internet laisse
à penser qu'une
exploitation visionnaire du concept du minitel
mérite qu'une initiative forte soit prise pour moderniser un
système qui est d'un usage onéreux et techniquement très
dépassé.
A cet égard, l'émergence d'un
" ordinateur de
réseau "
(le network computer, dit
NC
par
différence avec le personnal computer, PC) sans disque dur constitue un
développement dont le minitel est le parent direct. De la même
façon, tous les efforts des grands constructeurs informatiques pour
insérer les micro-ordinateurs dans le cadre domestique, s'apparentent,
d'une certaine façon, à une partie du concept minitel.
Reste maintenant aux décideurs publics et privés
d'agir par
une croisade nécessaire pour éviter un retard structurel de
l'entrée de la France dans la société de l'information.
Dans cette perspective, notre pays possède au moins deux atouts :
la prédisposition d'un public de près de 15 millions
d'utilisateurs du minitel et l'expérience acquise par les pouvoirs
publics en matière de régulation d'un système
d'information et de services destiné au grand public.
Or, la valorisation de ces atouts ne va pas de soi lorsqu'il s'agit de faire
évoluer ce public vers d'autres horizons.
Le symbole de la
résistance au changement
, à
l'époque d'Internet est constituée par le fort
développement des cartes d'émulation Minitel
12(
*
)
sur micro-ordinateur, dont le nombre dépasse
aujourd'hui 1 million.
Cette donnée démontre que, même lorsqu'ils font
l'acquisition d'un ordinateur, les Français gardent le "réflexe"
minitel.
Un important effort de promotion est donc encore nécessaire pour que le
grand public, formé à l'utilisation du minitel modifie ses
habitudes, pour se servir d'un autre type de terminal, au demeurant beaucoup
plus coûteux s'agissant d'un micro-ordinateur.
Par ailleurs, l'expérience acquise par la France dans la gestion du
système d'information et de services associé au minitel
représente un atout important pour la participation de notre pays
à la
définition des principes ou des moyens permettant
à la société d'utiliser Internet sans risques,
qu'il
s'agisse de la protection de la vie privée, des droits fondamentaux de
la personne ou encore de la sécurité des paiements dans le
commerce électronique
13(
*
)
.
A cet égard, votre mission d'information approuve les grandes lignes de
la déclaration d'intention
(la "Déclaration de Bonn")
adoptée par les ministres de 29 pays européens
14(
*
)
, le 8 juillet 1997, au terme d'une conférence
sur la réglementation d'Internet.
Reconnaisant le
" rôle-clé "
joué par le
secteur privé, estimant
" que l'expansion des réseaux
globaux de l'information doit être essentiellement induite par le
marché et laissée à l'initiative privée "
et que
" l'entreprise privée doit conduire l'expansion du
commerce électronique ",
cette déclaration n'en souligne
pas moins la nécessité pour le secteur public de jouer un
" rôle actif "
dans ce domaine.
Ainsi, cette déclaration recommande de mettre en place un
" cadre réglementaire du commerce électronique "
en partant du principe que
" les cadres juridiques
généraux devraient s'appliquer dans le secteur en
ligne "
.
Enfin, il convient d'indiquer au sujet de la question de la
responsabilité juridique des fournisseurs d'accès à
Internet quant au contenu des services qu'il diffusent, la déclaration
précise que ces fournisseurs d'accès
" ne devraient pas,
en général, être responsables du contenu "
s'ils
n'ont pas de raison de le croire illégal, et qu'il convenait de leur
fixer des obligations
" raisonnables "
de contrôle.
B. DES PARIS RISQUÉS, QU'IL FAUT BIEN PRENDRE !
Le développement d'un successeur du minitel paraît devoir être entouré de prudence et ne saurait, en tout état de cause, tourner le dos à Internet.
1. Le défi d'Internet
A une époque où, comme l'écrit M. Andy
Grove, président fondateur de la société Intel, dans son
dernier ouvrage intitulé
" Seuls les paranoïaques
survivent "
, il faut -pour survivre- détecter les changements
radicaux qui vont bouleverser une industrie,
il serait en effet
suicidaire
de se contenter d'adapter une technologie
désuète
.
Or, l'Internet grand public, " héritier spirituel " du
Minitel, constitue une réelle menace pour l'ensemble des
activités et services qui se sont constitués autour du petit
terminal Minitel. Il existe donc un impératif pour sauvegarder cet
acquis en l'adaptant à l'époque d'Internet.
2. Trouver la voie
Le nouveau terminal actuellement mis au point par France
Télécom en partenariat avec plusieurs constructeurs, dont
Alcatel.
" Webphone "
permettra-t-il d'associer en un
même terminal, un téléphone, un minitel et l'accès
à Internet ? Faut-il évoquer la version
" WebTV "
qui permettrait d'y ajouter la fonction de
téléviseur ? L'ensemble pourra-t-il être vendu
à un prix très inférieur à celui d'un
micro-ordinateur ? Sera-t-il adopté par les marchés
extérieurs ? Ne faut-il pas s'associer aux opérateurs qui
ont largement investi pour les systèmes matériels et logiciels
des ordinateurs de réseau (network computer, NC) ?
Le plus efficace ne serait-il pas de négocier l'immense marché
porteur que représente les usagers du minitel pour négocier et
pousser un partenariat avec ces opérateurs ?
Chacune de ces questions présente des risques. Le plus grand risque
assurément est de vouloir attendre sans décider.
La certitude, dans l'inaction, est de perdre. Mieux vaut agir et prendre le
meilleur risque.
CHAPITRE II :
L'ÉCONOMIE ET LA
SOCIÉTÉ
AU SEUIL DE LA MODERNITÉ
I. UNE SOCIETE PLUS OUVERTE
L'ère de l'information, nous y sommes
déjà. Les conséquences sur l'évolution de nos
sociétés sont en cours, inéluctables. La
numérisation de l'information, sa diffusion instantanée et
universelle, la disponibilité d'outils individuels de plus en plus
" intelligents " de recherche et de traitement des données
numérisées, en un mot, la mise en contact permanente des hommes
et des sociétés de notre planète bouleversent nos
habitudes. Toutes les hiérarchies sont ébranlées. Chacun
ayant accès aux mêmes informations, le pouvoir hiérarchique
change de nature, ses modalités d'exercice doivent aussi évoluer.
Seuls les ordres admis et compris seront à l'avenir
exécutés. Tous les acteurs de la vie sociale, et au premier chef
les pouvoirs publics, doivent avoir conscience de ces bouleversements : il
faut en tirer parti et en limiter les risques.
Il est intéressant de relever plus spécialement quelques
tendances de fond susceptibles d'imprimer un cours nouveau à la vie de
nos sociétés :
- la mondialisation accélérée,
- la démocratisation de l'accès au savoir,
- la prolifération de l'information,
- la fragilisation des hiérarchies,
- la nécessaire transparence.
A. LA MONDIALISATION
La société de l'information est
structurée autour de réseaux internationaux ; l'information
et la communication se font en temps réel.
Aucun Etat ne saurait se retrancher à l'écart de ces
réseaux, sauf à se résoudre au déclin.
L'accès à l'information est en effet la source majeure de
création de richesse dans les sociétés post industrielles
où l'investissement immatériel depuis déjà dix ans
est devenu plus important que l'investissement matériel. Il est de plus
impossible d'empêcher les populations d'atteindre tel ou tel ou tel
segment du réseau mondial de diffusion de l'information. La
société globale de l'information bouscule les frontières,
met les cultures en contact permanent, favorise la créativité, la
liberté, l'enrichissement mutuel. Les gouvernants chinois ont compris
qu'on ne pouvait pas mettre des gendarmes ou des douaniers derrière
chaque kilobit. Telles semblent bien être certaines des
caractéristiques majeures de la société de l'information.
On constate aussi cependant, à l'examen des principales perspectives de
la mondialisation, qu'à chaque ouverture correspond un risque qu'il
importe de prévenir, notamment celui de l'hégémonie des
cultures et techniques dominantes.
-
· Sur le plan culturel, le décloisonnement accentué
d'espaces nationaux encore inégalement ouverts sur l'extérieur
apparaît en principe comme un facteur d'enrichissement mutuel et de
liberté accrue de la création. Il est certain, par exemple,
qu'avec des moyens de communication planétaires dont le contrôle
échappera de plus en plus aux autorités politiques, les
rêves de modèle social autarcique entretenus par certains
régimes autoritaires sont promis à l'échec. On sait le
rôle qu'a joué la télévision dans les
révolutions de l'Europe de l'Est. En revanche, il convient d'être
conscient du risque de nivellement des cultures nationales que comporte
l'établissement d'une société globale de l'information
véhiculant des contenus très majoritairement américains.
La domination des Etats-Unis sur l'industrie audiovisuelle et informatique, et
désormais sur la production de certains téléservices
(pensons à la télémédecine), est
préoccupante à cet égard. Nombre d'Etats qui avaient
renoncé à toute ambition de promouvoir une création
nationale en utilisant les moyens modernes de communication commencent à
s'interroger sur les conséquences du renforcement de
l'hégémonie anglo-saxonne sur les contenus diffusés. La
France, qui a accordé de longue date un caractère prioritaire
à la préservation de son potentiel créatif, doit prendre
la vraie mesure des dangers de la mondialisation des échanges
d'informations et tout particulièrement créer les conditions
d'une dynamique française, européenne et
méditerranéenne de promotion d'une industrie interactive de
téléservices. Valoriser sur les nouveaux réseaux un
patrimoine d'une grande diversité, diffuser la culture, c'est une
priorité pour la France et l'Europe qui, par la même occasion,
porteront nos valeurs mais aussi les compétences industrielles,
commerciales, touristiques sur les marchés nouveaux.
Il faut craindre par ailleurs que les contacts permanents n'amorcent un appauvrissement général à la suite de l'utilisation des mêmes symboliques de communication et des mêmes sources d'information par des centaines de millions de personnes dans le monde. La diversité des acteurs et des contenus constitue donc un enjeu majeur. Nos amis chinois et sud américains, comme les pays du Sud et du moyen Orient en sont bien conscients.
Il convient de mentionner spécialement, parmi les conséquences culturelles de l'internationalisation de l'information numérique, l'avenir de la francophonie. On peut espérer que les autoroutes de l'information serviront la francophonie en établissant des liens nouveaux entre les pays francophones, en élargissant considérablement le marché des logiciels et des contenus francophones, en proposant à des populations ne parlant pas le français mais ouverts à notre culture un accès souple et diversifié à celle-ci. Encore faut-il préalablement encourager la création de logiciels francophones de traitement de l'information et d'exploration des réseaux, qui ne soient pas de simples démarquages des produits anglophones, et promouvoir le lancement de contenus " d'expression originale française " susceptibles de répondre à la demande potentielle.
L'un des objectifs majeurs de toute stratégie de promotion de la francophonie sur les autoroutes de l'information serait enfin de prévenir les risques d'appauvrissement de notre langue sous une double influence : d'une part l'utilisation servile d'expressions issues de l'anglais de base, assez pauvre, pratiqué sur les réseaux et d'autre part le recours à des logiciels de traduction tout à fait incapables, quels que soient les progrès imaginables, de transposer dans notre langue et d'adapter à notre culture des services et des produits conçus dans un contexte différent. Or la possibilité d'atteindre le marché francophone moyennant de modiques investissements dans la traduction automatique ne pourra qu'inciter les opérateurs anglo-saxons à déverser sur ce marché des produits amortis sur le marché américain. Le processus économique qui a permis à la production audiovisuelle américaine de s'imposer sur les marchés mondiaux au détriment des production nationales pourrait se reproduire à l'échelle de la société globale de l'information. La dimension culturelle des problèmes recouvre ainsi d'importants enjeux économiques.
· La mondialisation a des enjeux spécifiquement économiques. Si, les " autoroutes de l'information " devaient provoquer l'américanisation des systèmes mondiaux de communication, et il faut retenir que 80% des serveurs d'Internet sont actuellement situés dans des pays de langue anglaise, la société de l'information pourrait servir essentiellement à la promotion non seulement de la culture et des contenus américains, comme on l'a vu ci-dessus, mais aussi des activités tertiaires américaines. Internet véhicule en effet de plus en plus des services marchands. Le décloisonnement économique accentué que suscitera la société de l'information implique donc une compétition accrue entre les grands pôles économiques mondiaux. L'entrée de la France et de l'Europe dans la société de l'information apparaît ainsi comme une nécessité primordiale au regard de la compétition économique mondiale. Les projets tels que la banque de programmes et de services de la Cinquième, dans l'axe de ce que le rapport sénatorial sur l'accès au savoir par la télévision appelait la 3ème fenêtre, est un premier pas bien timide et bien mal financé. Le projet 9e plate-forme multimédia numérisée de Sophia Antipolis et de la Cité des sciences, lié aux projets MEDSAT et Université sans mur euro-chinoise vont dans le même sens.
· Autre effet prévisible de la mondialisation, la société globale de l'information va sensiblement modifier les conditions d'exercice de la souveraineté étatique. Le caractère transnational des réseaux va en effet accélérer dans de nombreux domaines une perte d'efficacité des législations nationales, que l'on constate déjà dans le secteur audiovisuel. La réception directe de programmes diffusés par satellite grâce à des antennes paraboliques dont le coût décroît rapidement favorise l'accès d'opérateurs non soumis aux réglementations économiques et culturelles prises par les Etats, à des marchés jusqu'alors protégés. Les premiers pas d'une évolution comparable se manifestent spécialement sur l'Internet (cf. 2e partie du présent rapport, chapitre II).
-
· Il convient d'observer enfin que la mondialisation pourrait contourner
les pays en développement en raison du coût prohibitif de
l'installation des réseaux et de l'équipement des utilisateurs en
terminaux. La société de l'information contribuerait alors
à renforcer la marginalisation de pays déjà largement
à l'écart des échanges internationaux de biens et de
services économiques et culturels. Actuellement, le tiers-monde
représente moins de 5% des lignes téléphoniques dans
l'ensemble du monde. Or l'accès aux nouvelles technologies de la
communications, loin d'apparaître comme un luxe réservé
à l'usage d'une poignée de responsables politiques et
économiques, peut être considéré comme un
élément significatif d'insertion dans les échanges
mondiaux. L'entrée du tiers-monde dans la société de
l'information devrait en particulier favoriser certaines délocalisations
d'activités tertiaires, qui ouvrent d'indéniables perspectives
aux pays en développement en termes de croissance, de formation de la
population et de modernisation de la société. L'extension de la
société de l'information au tiers-monde est donc un enjeu crucial
du développement.
-
· On a constaté de longue date, le rôle du savoir
15(
*
)
et de la formation dans les sociétés
modernes : la valeur ajoutée de l'économie dépendra
de plus en plus largement de la détention du savoir, de la
capacité de créer les nouveaux métiers de l'information,
du recyclage permanent des agents économiques. Les besoins de formation
de la population croissent ainsi sans que le système éducatif
traditionnel, dont les ressources ne peuvent augmenter indéfiniment,
soit en mesure d'y répondre convenablement. Or les nouvelles techniques
de l'information offrent de vastes perspectives à cet égard.
Combinant l'écrit, l'image et le son, et mettant en uvre des
procédés d'interactivité qui renforcent
l'efficacité pédagogique des produits d'enseignement, elles
doivent permettre de conjuguer l'excellence aux nécessaires
économies d'échelle dans la formation initiale et continue. Ces
techniques permettront par exemple de diffuser à des coûts
raisonnables à des publics nombreux et disséminés, des
enseignements dispensés par des personnalités susceptibles
d'allier prééminence scientifique et qualité
pédagogique.
Dans ce domaine aussi, certains " effets pervers " dans la pratique de l'usage des produits multimédia sont toutefois à prendre en compte. Les concepteurs de produits multimédias ont parfois tendance à juxtaposer de courtes séquences, à l'allure de " spots ", qui impliquent une approche superficielle du sujet traité. Les liens " hypertextes " permettant de passer instantanément d'un fichier à un autre en sélectionnant un mot ou une image avec la souris de l'ordinateur cassent l'attention des étudiants ou lecteurs peu enclins à l'effort. L'utilisateur, sollicité tout au long de son parcours par une multitude de propositions connexes, est tenté de n'accorder aux informations déroulées devant lui qu'une attention flottante. Une pédagogie du bon usage reste en fait à inventer et surtout à répandre pour que les nouvelles techniques de l'information soient un outil de formation efficace et qui puisse être commodément évalué.
· Ces nouvelles techniques n'auront d'influence sur le renforcement du potentiel éducatif de notre société, et en fin de compte sur la démocratisation du savoir, que si chacun y a accès. Le risque est qu'une appropriation inégale des nouvelles techniques suscite une société à deux vitesses superposant aux inégalités traditionnelles de l'avoir et du savoir, en les renforçant, une discrimination nouvelle entre " inforiches " et " infopauvres ".
Le coût d'achat d'un micro ordinateur, nécessaire pour consulter un CD ROM ou pour accéder aux réseaux, est dissuasif pour la majeure partie de la population. L'apparition d'ordinateurs de réseaux beaucoup plus économiques et d'équipements permettant l'utilisation des récepteurs de télévision pour ce type d'usage dessine de nouvelles perspectives. Par ailleurs, le problème de l'accès aux nouvelles techniques des catégories les plus défavorisées, et par conséquent les plus intéressées par la démocratisation du savoir doit être réglé dès l'école élémentaire et dans les quartiers difficiles. Une croisade pour la mise en réseau des écoles et des lieux publics, notamment dans les quartiers difficiles, s'impose. Elle est en cours. D'autre part une lente dissémination des équipements informatiques dans les foyers sur le modèle de ce que fut autrefois l'accession de la voiture, de la télévision et du téléphone, au statut de produits de masse est certaine. Cette perspective est insuffisante compte tenu des enjeux, spécialement en termes de compétitivité internationale, de l'entrée de la France dans le monde de l'information. D'où la notion de croisade évoquée plus haut, partant de la base avec des volontaires bénévoles, des mécènes et l'appui des collectivités locales. Mais il faut que l'Etat prenne aussi sa part !
Sur le plan culturel, on observe parfois que la maîtrise des nouveaux outils suppose de la part des utilisateurs la capacité intellectuelle ou culturelle de gérer l'afflux d'informations, de repérer les contenus utiles, de ne pas se restreindre à un usage ludique. Beaucoup dépendra à cet égard de la diffusion par le système scolaire des structures mentales et culturelles nécessaires à l'utilisation des techniques de la société de l'information et de sa capacité de susciter dans ce domaine l'appétit de savoir qui reste l'élément moteur de toute démarche pédagogique et éducative.
- · Le rôle de l'école est ainsi tout à fait primordial en ce qui concerne la généralisation de l'usage de ces techniques et leur contribution à la démocratisation du savoir.
Cette participation du secteur privé complétera les 2,25 milliards de dollars par an que le gouvernement américain va consacrer à la connexion de l'ensemble des écoles et des bibliothèques à internet d'ici l'an 2000...
En France, au niveau des communes et des établissements, l'idée se répand que l'accès dès l'école primaire à des enseignements sous une forme multimédia familiariserait les élèves au maniement de cet outil, contribuerait à l'amélioration des performances du système éducatif et à la réduction du fossé que l'évolution " naturelle " risque de creuser entre les participants à la société de l'information et les autres.
Beaucoup de réalisations ont été effectuées avec de très grands succès pédagogiques. Cela reste méconnu et peu diffusé. En partie parce qu'à juste titre, les directeurs d'école ne veulent pas que leur hiérarchie sache qu'ils disposent de moyens (car le jour où l'Etat voudrait aider il risque de considérer qu'il faut commencer ailleurs). Le ministère, malgré des gestes de bonne volonté, n'est pas entré dans une campagne systématique, ne voulant pas renouveler l'erreur commise lors de l'informatique pour tous ; venue du haut, cette initiative a eu des résultats très inégaux et dans l'ensemble décevants. Il faut que la mise en place du plan parte du bas, du terrain, d'une action conjuguée entre l'inspection académique locale, la municipalité, avec l'appui de bénévoles formateurs et de mécènes, comme pour Netday 96 aux Etats-Unis.
Le sénateur Alain Gérard vient de faire le point de la mise en uvre des expériences en cours dans un rapport établi à la demande du précédent Premier ministre, Monsieur Alain Juppé, et de présenter 32 propositions pour une bonne intégration des technologies nouvelles dans l'éducation.
QUELQUES PROPOSITIONS DU RAPPORT GÉRARD
-
· Initier les futurs enseignants aux technologies de l'information dans les Instituts universitaires de formation des maîtres. (Il est étonnant qu'il faille le dire)
· Prendre en compte la problématique des nouvelles technologies dans les concours de recrutement d'enseignants.
· Elaborer une politique des contenus éducatifs et culturels grâce à une procédure nationale d'aide à la création de produits pédagogiques multimédias correspondants aux programmes d'enseignement.
· Définir les conditions d'un libre accès du public au patrimoine public virtuel.
· Garantir l'accès des enseignants et des élèves à une information pertinente, hiérarchisée et structurée.
· Faire des lycées et des centres culturels français à l'étranger les noeuds d'un réseau international d'échanges.
· Accorder une prime de premier équipement de l'ordre de 2000 F aux nouveaux enseignants pour l'achat de CD ROM et de logiciels.
· Ouvrir dans les 3 ans sur les réseaux externes le parc informatique des établissements du second degré et d'un nombre significatif d'écoles.
· Faire participer les enseignants au processus de décision d'acquisition du matériel dans le cadre d'une démarche décentralisée.
· Offrir aux établissements un tarif forfaitaire pour l'accès à Internet.
· Mettre en place plusieurs niveaux de support technique pour les établissements.
· Doter tous les enseignants, chefs d'établissements et inspecteurs d'une adresse électronique professionnelle.
· Exonérer de la TVA certains logiciels éducatifs et bases de données.
· Permettre la cession gratuite de matériels informatiques retirés du service aux associations de parents et aux associations de soutien scolaire.
· Résoudre la question des droits d'auteurs des produits pédagogiques utilisés par le système éducatif.
- considérer que l'accès gratuit du système scolaire à Internet avec la gratuité des communications fait partie du service universel (par exemple lors de la révision de la loi Fillon en juillet 1998) ;
- exiger que tous les étudiants disposent d'un ordinateur connecté au réseau et d'une adresse Internet (et augmenter d'autant le niveau des bourses).
C. LA PROLIFÉRATION DE L'INFORMATION
-
· Les utilisateurs des réseaux de la société de
l'information auront accès à une masse énorme
d'informations dont l'origine sera souvent difficile à identifier et
à vérifier. Le cinéma a illustré certaines
manipulations que permettent les techniques nouvelles. L'imagerie de
synthèse permet en particulier d'élaborer des images
électroniques indépendamment de toute réalité mais
avec toutes les apparences de la réalité. La
crédibilité des informations diffusées par les
réseaux est donc douteuse ; ceci favorisera la concentration de la
demande du public sur un nombre restreint de prestataires de services dont la
notoriété sera une garantie de fiabilité. Ceci
contribuerait à endiguer certains inconvénients, qui seront
examinés ci-dessous, de l'absence de contrôle des contenus
diffusés sur les autoroutes de l'information. L'extraordinaire
foisonnement des contenus d'Internet pourrait ainsi à terme reculer au
profit d'une structuration oligopolistique des sources d'information, que les
réseaux " fermés " accessibles par abonnement
préfigurent peut-être, en dépit de leur faible
succès actuel face à Internet. Cette évolution toucherait
essentiellement la partie commerciale du réseau.
· Autre question, la prolifération de l'information va-t-elle enrichir les rapports sociaux en permettant la multiplication des occasions de contacts d'un bout à l'autre de la planète entre des personnes intéressées par les mêmes questions ? Les relations entre personnes vont en effet désormais s'élargir, beaucoup plus facilement que ce ne fut le cas avec le minitel, au delà du cadre professionnel, géographique, familial qui les limite jusqu'à présent. Le succès des groupes de discussion d'Internet montre en effet l'émergence d'une sociabilité universelle sur les réseaux de la société de l'information. Celle-ci, artificielle au premier abord, se développe ensuite, l'expérience le prouve, en sociabilité réelle.
La généralisation des nouvelles techniques porte
indiscutablement atteinte à l'organisation hiérarchique de
l'entreprise et de l'administration. On sait le lien qui existe
traditionnellement entre la détention du pouvoir et celle de
l'information. Or l'utilisation croissante par les entreprises des techniques
de l'internet, dont la nécessité est évoquée
ci-dessous, de même que les possibilités que ces techniques
offrent pour améliorer les relations entre l'administration et les
usagers, imposent l'adoption de modèles d'organisation
caractérisés par la flexibilité et la
décentralisation.
Les conditions nouvelles de la production, de la gestion, de l'administration
suscitent dans l'entreprise le recours à des groupes de travail
mandatés pour une mission spécifique et dissous une fois celle-ci
exécutée : le travail coopératif n'apparaîtra
plus comme une utopie de consultant en management mais comme une
réalité rendue incontournable par les progrès de
productivité qu'il permet de dégager ; la structuration des
entreprises par objectifs conduira les dirigeants à animer, hors du
modèle hiérarchique traditionnel, des équipes
réduites et largement autonomes ; l'évolution des modes
d'exercice de l'autorité provoque enfin la remise en cause de certaines
catégories de cadres intermédiaires, achevant une
évolution commencée avec l'effacement progressif de la
maîtrise à la suite de l'automatisation de la production.
Dans les administrations, marquées par une culture profondément
juridique et hiérarchique, l'utilisation des nouvelles technologies,
dont le difficile démarrage est évoqué ci-dessous,
provoque l'apparition de modèles de travail plus efficaces,
spécialement en ce qui concerne les relations avec les usagers. Ces
modèles mettront en question les niveaux hiérarchiques. La
logique du travail en réseau implique en effet que les agents en contact
avec les usagers détiennent l'information nécessaire et aient la
capacité de prendre rapidement les décisions requises sans
nécessairement en référer au niveau supérieur. Ici
aussi, la notion de structuration par objectifs suppose une profonde
évolution des mentalités.
Et la transparence devient indispensable.
II. DES COLLECTIVITÉS PUBLIQUES PLUS EFFICACES
A. UN ATOUT À MIEUX EXPLOITER POUR LA MODERNISATION DE L'ÉTAT
Les nouvelles technologies ne peuvent que jouer un rôle
primordial pour les changements nécessaires au sein de l'Etat.
Les technologies de l'information peuvent renforcer la proximité
entre l'administration et le citoyen
-notamment pour une facilité
accrue des démarches administratives-,
augmenter la
productivité des services et améliorer leur coordination.
M. Richard Bion, chargé de mission pour les nouvelles technologies
et les systèmes d'information au Commissariat à la réforme
de l'État, a d'ailleurs conforté votre mission d'information dans
cette opinion qui avait déjà été largement
exprimée par le Sénat lors des débats sur la loi
correspondante présentée dans la session 1996-1997.
1. Une intégration progressive des nouvelles technologies par les services de l'État
a) Les étapes de l'informatisation des services de l'État
Depuis le " plan calcul " lancé en 1966,
l'administration de l'État a progressivement pris conscience de l'enjeu
que représentent les technologies de l'information et de la
nécessité pour l'État de les intégrer.
Les étapes de cette prise de conscience sont résumées dans
l'encadré suivant :
UNE INTÉGRATION PROGRESSIVE DE LA PART DE L'ÉTAT
1966-1984 : " Plan calcul "
: Le
Gouvernement impose la création de " commissions de
l'informatique " dans chaque ministère.
Décret du 18 juin 1984
: Des " commissions de
l'informatique et de la bureautique " sont mises en place dans chaque
ministère, ainsi que des schémas directeurs et des conventions de
développement permettant le suivi des choix effectués.
Le comité interministériel de l'informatique et de la bureautique
dans l'administration (CIIBA) est créé.
Décret du 24 décembre 1986
: Obligation pour
chaque ministre, responsable de son informatique, de réaliser un
schéma directeur, dont la mise en place est supervisée par le
CIIBA.
1992 : Rapport Fontaine
évaluant l'informatique de l'État.
1994 : Circulaire du 31 janvier 1994
relative à
l'établissement d'un cadre coordonné de gestion de l'informatique
dans l'administration, qui précise les dispositions relatives aux
schémas directeurs des ministères.
Décret du 13 septembre 1995
: Création du
comité interministériel pour la réforme de l'État,
chargé d'animer et de coordonner les actions des administrations en
matière de systèmes d'information. Création du
Commissariat à la réforme de l'État, chargé de
veiller à la prise en compte par les administrations des
conséquences des nouvelles technologies de l'information sur leur
fonctionnement et leur organisation.
1996
:
circulaire du 15 mai 1996
sur les sites Internet des
ministères et arrêté du 18 mai 1997 portant
modèle-type de traitement d'informations nominatives mis en oeuvre dans
le cadre d'un site Internet ministériel.
1996 : Circulaire du 16 septembre 1996
qui prévoit la
mise à jour des schémas directeurs des ministères.
b) Un effort à poursuivre
Conséquence de ces évolutions, il existe
aujourd'hui dans l'administration de l'État (hors Défense),
d'après le Commissariat à la réforme de l'État, un
ratio moyen
d'un
micro-ordinateur pour deux agents
. Ce chiffre
varie cependant de 1 à 5, suivant les administrations.
Le budget informatique de l'État s'élève à
5 milliards de francs par an et nécessite la conclusion de
1.000 marchés (dont 60 % pour le matériel et 40 %
pour des études et prestations de service). L'administration dispose de
13.700 informaticiens.
Le nombre des utilisateurs est
évalué à 600.000
, pour plus de
250.000 micro-ordinateurs.
On peut craindre que dans leur immense majorité des ordinateurs servent
comme machine à écrire à traitement des textes mais non
comme terminaux de réseaux intranet.
L'informatisation a été plaquée sur les structures
administratives existantes
. Elle n'a pas entraîné de
changement organisationnel majeur. Aucune remise en cause les
hiérarchies administratives. Elle n'a pas non plus et sans doute fort
peu de travail interservice. Il serait bon de connaître le nombre de
messages en e-mail qui circulent chaque jour entre ces
600.000 utilisateurs potentiels. Un tiers des micro-ordinateurs de
l'administration ne fonctionne pas en réseau. Les systèmes des
différentes administrations restent cloisonnés. D'après le
Commissariat à la réforme de l'État, les " gisements
d'information " de l'administration ne sont pas non plus exploités
comme l'avènement des nouvelles technologies le permettrait.
D'après M. Richard Bion, entendu par votre mission d'information,
une meilleure utilisation des systèmes d'information, par la mise en
place de réseaux interministériels d'information notamment,
permettrait d'améliorer la décision publique, d'en réduire
les délais, de faire mieux communiquer les administrations, centrales ou
déconcentrées.
D'ailleurs, notre collègue député
M. Patrice Martin-Lalande, dans son rapport au Premier Ministre
intitulé " L'Internet : un vrai défi pour la
France "
16(
*
)
fait un constat similaire
lorsqu'il affirme que pour l'administration, les technologies de l'information
" ne doivent pas être une simple mesure d'accompagnement mais le
pivot de la modernisation de l'État. (...)
L'État doit mettre
en réseau l'administration, c'est-à-dire passer d'une
informatique de gestion à une informatique de
communication
".
Dans une publication excellente, l'actuel conseiller technique du Premier
ministre pour les technologies et la société de l'information
plaidait " pour un Etat en réseau "
17(
*
)
dont nous sommes fort loin.
Le rapport précité formule les propositions suivantes pour
améliorer l'utilisation par l'administration des nouvelles
technologies :
L'ADMINISTRATION ET LES NOUVELLES TECHNOLOGIES :
PROPOSITIONS DU RAPPORT
" L'INTERNET : UN VRAI DÉFI POUR LA
FRANCE "
Mobiliser les grandes écoles d'administration
afin qu'elles intègrent l'utilisation des nouvelles technologies de
l'information et de la communication (NTIC) dans leur programme de formation.
Il est indispensable d'identifier au sein de chaque administration les
personnes compétentes dans l'utilisation des NTIC
pour leur confier
par exemple une mission de formation.
Il est urgent d'intégrer le multimédia dans les actions de
formation professionnelle
et de prévoir un plan d'action à
court terme pour que chaque agent en bénéficie.
Les concours administratifs doivent être réorientés
afin de tenir compte des NTIC dans le fonctionnement de l'administration.
L'État veillera à ce que tous les candidats puissent
s'entraîner aux techniques multimédia dans la préparation
de leur concours.
Fournir à chaque agent public une adresse électronique d'ici
l'an 2000.
Mettre en réseau l'administration
La mise en réseau de l'Administration doit s'effectuer de façon
pragmatique, en s'appuyant notamment sur la compétence de ses
ingénieurs mais sans vouloir tout normaliser.
L'État doit constituer un réseau Intranet et peut être
des réseaux extranets
(réseaux internes à une
organisation ou à un ensemble d'organisations avec des accès
identifiés ou sécurisés) permettant aux agents publics de
s'échanger des informations.
Les applications sont innombrables :
- Une meilleure gestion du personnel grâce à un
échange d'informations en temps réel des offres d'emploi et des
compétences disponibles.
- Une meilleure gestion des risques en globalisant les moyens et en
individualisant les réponses. Des centres de traitement
spécialisés pourraient par exemple exercer un contrôle de
légalité plus efficace par télétravail.
- Un traitement statistique en temps réel du territoire national
(les administrations travaillent aujourd'hui sur un recensement qui date de
1990).
On pourrait penser à des objectifs plus contraignants et plus
drastiques. Pourquoi ne pas
-
· imposer dès 1998 à tous les fonctionnaires des
catégories A et B de se doter d'une adresse électronique et
d'utiliser comme véhicule interne à l'administration la
messagerie électronique.
· dans les examens de recrutement dès 1998 pour les catégories A et B, considérer que sont éliminatoires de mauvais résultats en matière de messagerie électronique, recherche de documentation sur Internet, création et pratique de travail coopératif sur listes.
· diminuer les crédits de tout ministère dont le système Intranet ne présenterait pas x % de travail coopératif interne (x étant augmenté chaque année)
2. La démocratie en ligne : un défi à relever
Des impulsions, venues du plus haut sommet de l'État, ont affirmé la nécessité de rendre l'Administration plus proche et plus accessible pour le citoyen.
a) Un État plus proche et plus ouvert ?
La création d'un site web par ministère est
certes utile (cf. infra). Mais c'est d'autant plus insuffisant que
l'interactivité entre ces sites et l'extérieur est souvent nulle.
Les nouvelles technologies doivent être pour l'État le moyen
d'être plus accessible pour les citoyens. Pour réformer notre
État, la simplification des procédures administratives ne suffit
pas.
Il faut changer plus profondément l'accès au service
public
. Les technologies de l'information permettent cette
révolution. L'État au service du citoyen, c'est abolir les
contraintes des déplacements, de l'attente, de la fermeture en dehors
des heures de bureau. C'est possible donc urgent.
Le développement des
" téléprocédures "
doit bien sûr
concerner les entreprises, pour lesquelles elles représentent la
perspective de gains substantiels de productivité.
M. Patrice Martin-Lalande dans son rapport précité,
chiffre à 500 millions de francs l'allégement de charges que
représenterait pour les entreprises la dématérialisation
des déclarations mensuelles de cotisations sociales (URSSAF, ASSEDIC,
Caisses de retraites...) et de taxe sur la valeur ajoutée,
c'est-à-dire le fait pour les entreprises d'envoyer leurs
déclarations sociales, fiscales et douanières via l'Internet.
Mais les citoyens doivent eux aussi bénéficier du
développement des téléprocédures dans leurs
relations avec l'Administration.
La mise en ligne des formulaires
administratifs
serait une voie d'amélioration possible, tout comme
la possibilité d'effectuer les déclarations fiscales par Internet.
La circulaire du Premier ministre du 15 mai 1996
relative
à la communication, à l'information et à la documentation
des services de l'État sur les nouveaux réseaux de
télécommunication est une étape importante dans la prise
de conscience par l'État du rôle moteur que peuvent jouer, pour sa
modernisation, les nouvelles technologies.
Cette circulaire affirme que
" L'État doit prendre part au
développement d'Internet en créant des produits d'information, de
documentation et de communication accessibles par ce réseau. A cette
fin, le Gouvernement a décidé que chaque ministère serait
doté, d'ici au 31 décembre 1997, d'un tel ensemble de
produits et que les crédits du fonds interministériel de
modernisation pourraient être mobilisés à cet
effet ".
Cette circulaire, adressée aux ministres et secrétaires
d'État, a entraîné la création de sites Web par les
différents ministères, dont l'adresse se termine par la racine
commune " gouv. fr ". Dans la plupart des pays
industrialisés,
aux États-Unis bien sûr, mais aussi chez nos partenaires
européens et dans les pays d'Europe centrale et orientale, l'Internet
est déjà utilisé par les administrations comme moyen de
diffusion de l'information. Il importait donc que le Gouvernement
français offrit aux citoyens français mais aussi aux utilisateurs
étrangers d'Internet un accès similaire aux informations
publiques.
A titre d'exemple, citons le serveur ministériel relatif aux
Télécommunications (www.telecom.gouv.fr) et celui du
ministère de l'économie, des finances et de l'industrie (www.
finances. gouv. fr), qui sont particulièrement riches d'informations.
Bien d'autres ministères ont mis leurs sites au point : culture,
fonction publique, jeunesse et sports, agriculture, aménagement du
territoire et environnement, éducation nationale, équipement,
affaires étrangères, outre mer... Une liste de ces sites est
disponible sur le serveur " Admifrance " :
www.admifrance.gouv.fr.
Mais un site doit être fortement interactif et la structure des services
de chaque ministère doit permettre de répondre sinon en temps
réel du moins dans un délai bref (un jour ?) aux questions
posées. Toute une révolution mentale! En outre à l'heure
actuelle
l'État n'offre pas gratuitement aux citoyens un accès
aux contenus d'information
. Est-il logique de créer des sites
gouvernementaux en leur déniant le droit de diffuser la loi de la
République ?
Le régime actuel de diffusion des données publiques n'est pas
admissible
La diffusion du " service public des bases de données
juridiques ", qui comprend tous les textes officiels de la
République française cités dans l'encadré
ci-dessous, a été organisée par les décrets
n° 84-940 du 24 octobre 1984 et n° 96-481 du
31 mai 1996. Ce dernier décret fait actuellement l'objet d'un
recours pour excès de pouvoir devant le Conseil d'État,
déposé par l'ordre des avocats, tendant à son annulation,
qui est actuellement en cours d'instruction
18(
*
)
.
TEXTES INCLUS DANS LE SERVICE PUBLIC
DES BASES DE DONNÉES JURIDIQUES
-
traités
et accords internationaux
publiés ;
-
lois et règlements
;
- documents publiés au Journal officiel des
Communautés
européennes
;
- instructions et
circulaires
publiées ;
-
conventions collectives
nationales ayant fait l'objet d'un
arrêté d'extension ;
-
décisions
du Conseil constitutionnel, du Conseil d'État
et du tribunal des conflits ;
-
arrêts
de la Cour de cassation et de la Cour des comptes ;
-
jugements
des cours administratives d'appel et des tribunaux
administratifs ;
-
décisions
des cours et tribunaux judiciaires ;
-
décisions
des chambres régionales des comptes ;
-
arrêts
de la Cour de justice et du tribunal de première
instance des Communautés européennes ;
-
arrêts
de la cour et des décisions de la Commission
européenne des droits de l'homme ;
-
actes
publiés des autorités administratives
indépendantes (CSA, COB, CNIL, ART...) ;
-
autres documents officiels
de caractère juridique dont les
catégories sont fixées par arrêté conjoint du
Premier ministre et du ou des ministres intéressés.
Le régime juridique de la diffusion de ces données est le suivant
:
- la diffusion par voie ou support électronique de ces bases de
données fait l'objet d'une
concession
;
- la diffusion externe
ne peut être réalisée que
par le titulaire
de cette concession, qui dispose donc du
monopole de
diffusion
des textes officiels ;
- deux exceptions -
théoriques
pour l'instant- existent
à ce monopole : soit, par dérogation, quand le premier
ministre autorise la diffusion externe par un tiers si le concessionnaire n'est
pas à même de l'assurer, soit, par le biais de
" licences ", payantes, quand le concessionnaire cède les
données numérisées qu'il détient.
Les services de l'État, et au premier chef les ministères,
comme le Parlement, ne peuvent donc pas
19(
*
)
mettre en ligne les textes officiels sur leurs sites, y compris les lois dont
ils sont à l'origine.
La loi, que selon l'adage nul n'est censé ignorer, qui est, selon
l'article 6 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen
du 26 août 1789, l'expression de la volonté
générale, se voit ainsi frappée du sceau d'un secret
d'autant plus aberrant qu'il est trahi par de nombreux -mais non officiels-
sites, notamment étrangers.
En effet, face à cette carence de l'Administration
20(
*
)
, des individus ou des universités
étrangères ont mis en ligne certains pans de la
réglementation française, sans toutefois offrir la garantie
d'authenticité et d'actualisation qui découlerait de la mise en
ligne sur un site officiel.
Le journal Libération du 28 février 1997 affirmait
ainsi : "
Qu'un automobiliste ne s'avise pas de chercher le code
de la
route sur le site du ministère de l'équipement. Il le
dénichera sur celui de Jérôme Rabenou, étudiant en
maîtrise de droit. Pour le citoyen souhaitant lire le projet de loi
Debré, rien à espérer du côté du
ministère de l'intérieur (dont on cherchera en vain le site). Il
trouvera son bonheur sur celui des sans-papiers. Quant au code
général des collectivités territoriales, il se trouve sur
un site universitaire... japonais. Peu de solutions, en revanche, pour
l'internaute en quête du Journal officiel de la veille : seuls un
sommaire analytique et une sélection de textes actualisés tous
les quinze jours sont accessibles sur des sites universitaires en Allemagne et
au Japon
".
Certains textes de loi sont parfois disponibles sur les serveurs de tel ou tel
parti ou homme politique qui est intervenu dans son élaboration et qui
" privatise " ainsi ce bien public, ce qui est une solution
discutable.
Certes, les textes sont accessibles par Minitel ainsi que par consultation de
bases de données électroniques, mais dans ces deux cas le
coût de la connexion est élevé (environ 700 francs par
heure en moyenne).
Le principe d'égalité d'accès au service public semble
atteint par le coût prohibitif des connexions actuellement
proposées. Votre mission estime que les textes officiels doivent sans
tarder être mis en ligne sur les serveurs Internet -existants- du
Parlement, des ministères et des juridictions.
Un changement est d'autant plus nécessaire que ces moyens de
communication, quelque peu dépassés, n'offrent pas de liens
hypertextes entre les différentes dispositions et
ne touchent pas le
public international.
Conscients de ces écueils, certains ministres ont d'ores et
déjà franchi le pas parmi lesquels M. François Fillon,
ministre délégué à la Poste, aux
télécommunications et à l'Espace du
précédent Gouvernement, qui avait en son temps mis en ligne la
loi du 26 juillet 1996 de réglementation des
télécommunications. De même, M. Jean Arthuis, ancien
ministre de l'économie et des finances, a été à
l'initiative de la mise en ligne du Code général des Impôts
sur le serveur Internet du ministère des finances.
En outre, la possibilité d'établir des liens hypertexte offerte
par le réseau Internet est particulièrement adaptée pour
la consultation des textes réglementaires, qui procèdent le plus
souvent par renvois à d'autres dispositions.
Le Sénat a, pour sa part, rejoint cette démarche en
décidant de diffuser le code général des
collectivités territoriales sur son serveur Internet.
Votre mission d'information se félicite de voir ainsi le Sénat
jouer pleinement son rôle constitutionnel envers les collectivités
locales et participer à une nécessaire démarche de
libéralisation de la diffusion des données publiques.
Les atouts de l'hypertexte doivent être mis au service du droit
La réglementation actuelle est complexe et peu lisible. En effet, la
clarté des textes est souvent amoindrie par des renvois à
d'autres dispositions en vigueur. En outre, elle est changeante car
fréquemment modifiée. Bien souvent, la lecture des lois et
décrets n'est donc accessible qu'aux spécialistes.
Mettre les données officielles sur Internet permettrait de
remédier à ces deux inconvénients qui sont autant
d'obstacles à la diffusion démocratique des textes de la
République. En effet, les liens hypertexte permettent
instantanément de passer d'une disposition à une deuxième,
visée par le premier texte, puis de revenir ensuite à celui-ci.
Bien des recherches fastidieuses seraient ainsi grandement facilitées.
En outre, l'actualisation des textes pourrait se faire en temps réel.
Bien plus, des liens hypertextes " officiels " pourraient
être
mis en place (de la loi au décret d'application par exemple) qui
fourniraient des indications, si précieuses pour le praticien du droit,
quant à l'état d'application des dispositions votées par
le Parlement. La possibilité d'établir des liens hypertextes
change en effet considérablement les modes de lecture possibles d'un
document, comme il est indiqué dans l'encadré ci-après
:
DU TEXTE À L'HYPERTEXTE
" Vers une épistémologie de la discursivité
hypertextuelle "
par Jean Clément
(extraits)
" Le discours oral est binaire. L'expression
" suivre (ou perdre) le fil du discours " traduit l'idée
d'un
ordre irréversible et unidimensionnel. Le texte imprimé introduit
une deuxième dimension. Aux deux repères de l'avant et de
l'après du discours oral, il ajoute ceux du plus haut et du plus bas.
Sur la page, chaque fragment textuel occupe une position spatiale qui invite
à une lecture tabulaire et multiple que les poètes, entre autres,
ont su exploiter.
Mais le support du papier restreint et fige les
possibilités d'agencement des éléments du texte
.
Même si une page peut être parcourue en divers sens, même si
un livre peut être feuilleté dans le désordre, la
matérialité du dispositif de lecture offert par le livre limite
sérieusement les possibilités de vagabondage. Certains auteurs
ont tenté d'imagniner des dispositifs plus souples,
mais il a fallu
attendre le texte numérique pour voir voler en éclat l'ordre
immuable du texte et apparaître de nouvelles possibilités
(...)
L'hypertexte est une des figures de cette nouvelle textualité. Il se
caractérise par sa non-linéarité et par sa
discontinuité potentielle. (...)
C'est une structure déconstruite que l'hypertexte invite le lecteur
à organiser selon son bon plaisir, au fil de ses vagabondages. Car les
fragments d'un hypertexte ne sont pas des électrons libres, ils
appartiennent à des configurations potentielles dont certaines ont
été voulues par l'auteur tandis que d'autres naissent du geste du
lecteur activant les liens qui s'offrent à lui. Entre ordre et
désordre, l'hypertexte se donne à déchiffrer comme la
figure changeante d'une intelligibilité potentielle, comme un espace
sémantique à construire. "
Source : http://www.psiconet.com
La non-linéarité de la lecture hypertextuelle peut faciliter
considérablement la consultation juridique puisque l'ordre dans lequel
se trouvent ou se suivent les éléments d'informations n'est plus
une contrainte pour leur consultation.
Bien plus, certains
21(
*
)
estiment que les
nouvelles technologies pourraient transformer profondément la nature du
travail gouvernemental. En effet, dans la perspective d'une diffusion en ligne
des textes, ceux-ci pourraient être préparés par un
Intranet propre au Gouvernement, qui remplacerait les procédures
interministérielles, parfois longues, qui existent aujourd'hui. Il en
résulterait une habitude accrue de la collaboration entre les services
et du travail en réseau. De même un Intranet parlementaire entre
Assemblée et Sénat faciliterait le travail en réseau des
rapporteurs pour les textes en navette entre les deux assemblées.
Le vote des dispositions législatives par le Parlement, ou la signature
des décrets, serait le signal du passage d'un Intranet à un
Extranet, accessible à tous.
Une volonté politique forte nécessaire pour engager les
changements qui s'imposent
Votre mission d'information pense que les résistances administratives
liées à l'imbroglio juridique actuel du régime de
diffusion des textes officiels sont si fortes que seule une volonté
politique clairement affirmée peut en venir à bout.
L'argumentaire fondé sur les obstacles techniques invoqués
à l'encontre de la diffusion des textes par le Gouvernement
(difficulté d'authentification, sécurité des serveurs) il
s'agit pour l'Etat de s'adapter à son temps. C'est la volonté qui
fait défaut.
Espoir d'une démocratie renouvelée, les nouvelles technologies
offrent également la chance d'un développement plus harmonieux du
territoire.
B. UN POTENTIEL NOUVEAU POUR L'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ET LES COLLECTIVITÉS LOCALES
Le Sénat qui, aux termes de la Constitution, assure la
représentation des collectivités territoriales de la
République, accorde une attention particulière à
l'aménagement du territoire et aux collectivités locales.
La mission d'information de la Commission des Affaires économiques sur
l'aménagement du territoire
22(
*
)
, a
d'ailleurs largement contribué à renouveler la réflexion
sur son développement.
Souhaitant voir reconnu un véritable " droit à
l'aménagement du territoire " comme droit fondamental de la
personne humaine, la mission précisait que
" l'aménagement du territoire est un facteur essentiel de
cohésion sociale. Un État, en effet, ne peut supporter longtemps
de graves " cassures " territoriales comme celles qui sont
apparues
en France depuis quelques années. Les schémas d'une France
à " deux vitesses " , de la " France qui
gagne " et
de la " France qui perd " ne sont pas tolérables. Il n'est
pas
concevable de se borner à constater cette évolution (...). Le
pays, s'il l'acceptait, s'exposerait à des crises violentes ainsi
qu'à la résurgence de revendications
autonomistes "
23(
*
)
.
Il serait intolérable de voir se développer, entre les villes et
les zones faiblement peuplées, un fossé supplémentaire qui
serait celui de l'accès à l'information et aux nouvelles
technologies.
Les territoires isolés ne doivent pas devenir les " nouveaux
analphabètes " de l'ère du multimédia.
Bien au contraire, il faut faire en sorte que ces technologies nouvelles soient
le vecteur d'une égalité territoriale retrouvée.
Votre mission d'information sur l'entrée dans la
société de l'information est convaincue que les nouvelles
technologies ont un rôle important à jouer pour permettre un
développement plus harmonieux de notre territoire.
Elle souhaite que
les pouvoirs publics mènent à bien l'action qu'ils ont
déjà entreprise dans ce domaine, notamment par le vote
récent de dispositions législatives favorables à un
meilleur équipement en nouvelles technologies des zones faiblement
peuplées. Elle se félicite, enfin, du rôle accru des
collectivités locales dans ce domaine.
1. Les nouvelles technologies, espoir des zones faiblement peuplées
L'évolution des techniques de communication a
profondément transformé l'économie des territoires. Le
développement des réseaux a raccourci les distances et
multiplié les possibilités d'échanges. Certes, les grands
investissements de transports contribuent à l'insertion dans l'espace
économique des territoires desservis. Mais ils ne sont plus aujourd'hui
une condition suffisante du développement économique des zones de
faible densité. Ils peuvent même contribuer à
accroître la désertification, sauf si un effort parallèle
d'investissement en réseaux télématiques grand
débit leur redonne vitalité et attractivité.
Les applications des nouvelles technologies pourront structurer la France de
demain, comme l'on fait, hier, les grands équipements.
C'est désormais dans le recours grandissant aux nouvelles technologies
que réside l'opportunité la plus prometteuse pour le
développement et l'équilibre de notre territoire.
a) Les nouvelles technologies ont "modifié la géographie".
Comme votre rapporteur et nombre de membres de la mission
avec
lui dans leurs propos, leurs écrits et leurs actions ne cessent de le
rappeler, comme l'a en outre affirmé devant votre mission d'information
Mme Anita Rosenholc, chargée de mission à la
Délégation à l'aménagement du territoire et
à l'action régionale (DATAR), avec la diffusion des nouvelle
technologies,
la localisation de l'activité économique ne
dépend plus que des compétences et de l'attractivité des
territoires, et non plus de simples critères géographiques.
En effet, les réseaux de communication permettent une gestion à
distance des activités.
D'ailleurs, la DATAR élabore, pour les zones les moins peuplées
du territoire, des " plans de villes " et des
" plans de
départements " en vue de promouvoir des réimplantations
d'entreprises rendues possibles par l'utilisation des nouvelles technologies.
Elle estime qu'il existe une vraie opportunité de développement
économique de ces zones, liée aux nouveaux services de
télécommunications. Tout réside dans une plus grande
" attractivité " des territoires concernés.
D'après la DATAR, la desserte en réseaux de
télécommunications figure au rang de premier critère de
l'attractivité d'un territoire. L'irrigation par les réseaux
permet de " gommer " le handicap de l'éloignement
géographique.
La couverture des zones les plus faiblement peuplées par la
radiotéléphonie mobile
est exigée tant par les
dispositions des cahiers des charges des trois opérateurs (France
Télécom, SFR, Bouygues Telecom) que par la loi
n° 96-659 du 26 juillet 1996 de réglementation des
télécommunications
24(
*
)
, qui,
à l'initiative de votre Haute Assemblée, a introduit un
dispositif incitatif d'exonération à la contribution au
financement du service universel pour ceux des opérateurs mobiles qui
s'engagent à effectuer une couverture accélérée des
zones les moins denses.
Espoir et avenir de l'espace rural, signalons aussi les projets de
lancement
de satellites de télécommunications
en orbite basse, qui
offriront une couverture en téléphonie mobile planétaire.
Les territoires les plus reculés profiteront, à
égalité avec les zones les plus denses, des nouveaux services
proposés.
Les " zones d'ombre ", non couvertes, vont
ainsi
disparaître.
En effet, véritables " centraux
téléphoniques en orbite ", les nuées de satellites
qui seront déployées permettront une couverture totale et
permanente de la planète. L'égalité de tous, du coeur du
Sahara aux zones reculées de notre territoire, devant la communication,
sera ainsi assurée. Même si des incertitudes demeurent, sur le
plan financier notamment, le lancement le 5 mai 1997 des
cinq premiers satellites du réseau Iridium laisse espérer
une réalisation prochaine de ces projets de constellations satellitaires.
LES PROJETS DE DÉPLOIEMENTS SATELLITAIRES
IRIDIUM |
GLOBALSTAR |
ICO |
ODISSEY |
|
Caractéristiques |
66 satellites, en orbite basse (780 km) |
48 satellites, orbite basse |
10 satellites, orbite moyenne |
12 satellites, orbite moyenne |
Lancement |
a débuté en mai 1997 |
automne 1997 |
2e trimestre 1998 |
automne 1999 |
Ouverture du service |
septembre 1998 |
1998 |
2000 |
2000 |
Coût total |
3,1 milliards $ |
2,5 milliards $ |
3 milliards $ |
3 milliards $ |
Leader du projet |
Motorola |
Local Space & Communications et Qualcomm |
Inmarsat |
TRW et Teleglobe |
Partenaires industriels |
Lockheed, Siemens, Raytheon, Com Dev |
Aérospatiale, Alcatel, Daimler Benz, Ericsson |
NEC, Ericsson, Samsung, Panasonic, Mitsubishi, Wavecom |
Mitsubishi, Magellan, Northern Telecom, Panasonic |
Opérateurs |
O.tel.O, Stet, Sprint, Korea Mobile telecom |
France Télécom, Vodaphone, Air Touch, Dacom |
Plus de 40 dont De Te Mobil |
Source : L'Usine Nouvelle, 30 avril 1997.
b) La baisse du coût des communications a raccourci les distances.
La fin d'un déséquilibre tarifaire
pénalisant les zones reculées du territoire
Traditionnellement, France Télécom demandait des prix
relativement élevés pour les communications à longue
distance et des prix en-deçà de ceux des autres pays -et
inférieurs aux coûts- pour l'abonnement résidentiel ainsi
que, dans une moindre mesure, pour les appels locaux.
Une telle situation résultait d'un déséquilibre historique
qui était pénalisant pour les zones reculées du territoire
puisque le prix des appels interurbains était bien plus
élevé que les coûts que ceux-ci engendraient.
Consciente du handicap que représentait, pour les zones
défavorisées, cette tarification qui, de surcroît,
était inadaptée au monde concurrentiel,
votre Haute
Assemblée a adopté une disposition législative
(l'article 8 de la loi de réglementation des
télécommunications du 26 juillet 1996)
visant
à faire disparaître ce déséquilibre tarifaire :
L'OBLIGATION DE RÉÉQUILIBRAGE DES TARIFS
TÉLÉPHONIQUES
Article 8 de la loi n° 96-659 du 26 juillet 1996
de réglementation des télécommunications
Nouvel article L.35-3, II, 3° du code des postes et
télécommunications
"
Le déséquilibre résultant de la
structure actuelle des tarifs téléphoniques au regard du
fonctionnement normal du marché
sera résorbé
progressivement par l'opérateur public avant le
31 décembre 2000, dans le cadre de baisses globales des tarifs
pour l'ensemble des catégories d'utilisateurs
".
Une forte baisse des tarifs
Une baisse importante des tarifs a résulté de l'adoption de ces
dispositions et de la perspective de l'ouverture totale à la concurrence
au 1er janvier 1998.
Au total, en trois ans, le prix des communications nationales aura
été divisé par deux
. Les principales évolutions
tarifaires sont résumées dans le tableau suivant :
ÉVOLUTION DES TARIFS TÉLÉPHONIQUES DE FRANCE TÉLÉCOM
En Francs, toutes taxes comprises
1994 |
1995 |
1996
|
1996
|
1997
|
|
Abonnement résidentiel
|
45,76 |
45,76 |
52,80 |
52,80 |
34 et 68 |
Communications locales
|
0,73 |
0,74 |
0,74 |
0,74 |
0,74 |
Communications nationales
|
2,30 |
2,12 |
1,98 |
1,71 |
1,39 |
Communications
internationales
|
6,69 |
5,93 |
4,94 |
4,45 |
2,97 |
Source : France Télécom
Au total, le prix des communications téléphoniques en France
s'est largement rapproché de celui observé dans les autres pays,
tandis que l'abonnement et le raccordement restent parmi les moins chers au
monde :
PRIX DU TÉLÉPHONE : COMPARAISONS INTERNATIONALES
En Francs, prix hors taxes
Abonnement résidentiel |
Abonnement professionnel |
Communication
nationale
|
Communication locale
|
|
|
France Télécom |
28 (modéré)
|
59 et 87
|
1,15/min |
0,21/min |
253 |
British Telecom |
63 |
101 |
0,6/min |
0,27/min |
790 |
Deutsche Telekom |
72 |
72 |
1,48/min |
0,23/min |
288 |
Telia (Suède) |
69 |
107 |
0,5/min |
0,12/min |
605 |
Taux de change au 27 novembre 1996
L'ouverture totale du secteur des télécommunications à la
concurrence au 1er janvier 1998 ne fera qu'accentuer le mouvement de chute
des prix. L'opérateur a, d'ores et déjà, annoncé de
nouvelles baisses de prix d'ici à l'an 2000 à raison de 9 %
par an en moyenne en 1997 et 1998 et d'au moins 4,5 % par an pendant les
deux années suivantes
25(
*
)
(en francs
constants). En effet, tant les exemples étrangers que le secteur
français du téléphone mobile viennent conforter ce
postulat traditionnel de la théorie économique : la concurrence
exerce une forte pression qui tend à rapprocher le prix des coûts
réellement supportés.
Pourtant, la tarification des communications reste toujours un obstacle au
développement, notamment en zone rurale, des nouvelles technologies.
Pour ces zones, la mise en place d'une boucle locale à tarification
forfaitaire des connexions aux services en ligne faciliterait une utilisation
accrue du potentiel que représentent les nouveaux modes de
communication.
2. Un effort à poursuivre
Pour pouvoir tirer pleinement profit des opportunités
qu'offrent au monde rural les nouvelles technologies, encore faut-il l'appui
d'une volonté politique. Or, celle-ci n'est pas toujours
avérée.
Il faut même partir en croisade pour convaincre les acteurs
économiques et les élus locaux. Ne rien faire est dangereux.
a) Un impact discuté
En effet, comme le soulignait déjà
M. Thierry Breton en 1994 dans son rapport sur " Les
téléservices en France " :
"
Lorsqu'il n'y a pas
de volonté affichée d'avoir un impact sur l'aménagement du
territoire, les téléservices ont au contraire tendance à
s'implanter en zones urbaines
"
26(
*
)
.
Plusieurs raisons sont invoquées pour
expliquer cette tendance naturelle à la concentration
géographique : la facilité d'embauche de main d'oeuvre
qualifiée que réclament les téléservices ; la
facilité d'entretien et de dépannage par des entreprises
extérieures ; la plus grande proximité des clients.
M. Michel Matheu, chef de service au Commissariat général du
plan, a d'ailleurs dénoncé, devant votre mission d'information,
"
l'illusion
" qui consiste à espérer que les
nouvelles technologies puissent contrebalancer, à elles seules, les
phénomènes d'urbanisation et de désertification rurale. A
son sens, les nouvelles technologies ne peuvent entraîner que quelques
délocalisations ponctuelles en milieu rural, mais pas de renversement
majeur en faveur de l'aménagement du territoire.
Le Président de la Commission des Affaires économiques du
Sénat, M. Jean François-Poncet, a souligné, au cours
de la table ronde organisée par votre mission d'information le
mercredi 11 juin 1997 sur " les collectivités
locales et les nouvelles technologies de l'information ", les
difficultés rencontrées dans la tentative d'implantation de
téléservices en Lot-et-Garonne. Il a toutefois cité
l'exemple d'une implantation réussie dans le domaine du
télémarketing téléphonique. D'après M. le
Président Jean François-Poncet, le principal obstacle n'est pas
d'ordre technologique. Il ne réside pas non plus dans le niveau de
formation des hommes et des femmes de territoires les plus isolés. La
difficulté vient plutôt du " conservatisme "
français : peu de donneurs d'ordre sont en effet prêts
à s'engager dans une expérience de téléservices. Ce
sont les mentalités qui doivent donc être changées.
En effet, les nouvelles technologies ne modifieront vraiment la
répartition géographique du travail que s'il existe une vraie
volonté politique de permettre aux zones de faible densité de
notre territoire d'exploiter toutes les promesses contenues notamment dans la
perspective du développement des téléservices.
Plusieurs dispositions législatives ont récemment
été adoptées qui devraient faciliter l'équipement
et l'utilisation des nouvelles technologies dans les zones les plus
défavorisées du territoire.
Cet effort doit être
poursuivi. L'impulsion doit venir de l'État
qui doit tenir
les engagements pris pour mettre les nouvelles technologies au service du
désenclavement des parties les plus isolées de notre territoire.
b) Un schéma des télécommunications à élaborer
La politique d'aménagement du territoire a vu ses objectifs redéfinis par la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire. Ce texte, que votre Haute Assemblée 27( * ) a largement inspiré et amendé, définit comme suit les missions de la politique d'aménagement et de développement du territoire :
LES OBJECTIFS DE LA POLITIQUE D'AMÉNAGEMENT DU
TERRITOIRE
(article 1 de la loi n° 95-115)
" La politique d'aménagement et de
développement du territoire concourt à l'unité et à
la solidarité nationales. Elle constitue un objectif
d'intérêt général.
Elle a pour but d'assurer, à chaque citoyen, l'égalité des
chances sur l'ensemble du territoire et de créer les conditions de leur
égal accès au savoir. Elle a pour objet la mise en valeur et le
développement équilibré du territoire de la
République.
A cet effet, elle corrige les inégalités des conditions de vie
des citoyens liées à la situation géographique et à
ses conséquences en matière démographique,
économique et d'emploi. Elle vise à compenser les handicaps
territoriaux. Elle fixe des dispositions dérogatoires modulant les
charges imposées à chacun. (...)
L'État assure l'égal accès de chaque citoyen aux services
publics. A cet effet, il détermine l'implantation des administrations
publiques, les conditions d'accès à distance aux services
publics, la localisation des investissements publics qui relèvent de sa
compétence, les obligations des établissements, organismes
publics et entreprises nationales placés sous sa tutelle et
chargés d'un service public. "
La loi prévoit, dans son article 20, qu'un
schéma des
télécommunications
sera établi par décret.
Il doit organiser le développement des réseaux de
télécommunications, notamment des réseaux interactifs
à haut débit,
" de manière à ce que,
à l'horizon 2015, ces derniers couvrent la totalité du
territoire, qu'ils soient accessibles à l'ensemble de la population, des
entreprises et des collectivités territoriales et qu'ils offrent des
services équitablement répartis et disponibles, notamment dans
les zones rurales "
.
Le schéma sectoriel des télécommunications a pour but de
préciser le schéma national d'aménagement et de
développement du territoire dont l'élaboration est en cours. Le
schéma national, dont l'avant-projet a été approuvé
par le précédent Gouvernement, sera soumis aux régions,
aux départements et aux principales organisations représentatives
des communes. Ils devra ensuite être adopté par la voie
législative.
Une fois la loi portant approbation du schéma national
d'aménagement et de développement du territoire adoptée,
votre mission d'information souhaite que le Gouvernement élabore, dans
les délais les plus brefs, le schéma sectoriel des
télécommunications qui doit préciser les moyens à
mettre en oeuvre pour une large diffusion des nouvelles technologies dans les
zones les moins peuplées du territoire.
L'accès à des
réseaux interactifs haut débit doit faire partie du service
universel,
c'est-à-dire doit pouvoir être proposé au
même tarif quel que soit le lieu. En outre, le schéma des
télécommunications doit permettre un accès à un
tarif de raccordement privilégié des établissements
d'enseignement isolés.
c) Des raccordements à privilégier
Les établissements d'enseignement situés dans
les zones les plus fragiles du territoire doivent être raccordés
à coût faible et si possible nul comme cela existe dans des pays
tel que le Canada et les Etats-Unis et comme cela a parfois été
négocié en France (exemple du département du Rhône).
Lors de la discussion de la loi n° 96-659 du 26 juillet 1996 de
réglementation des télécommunications, votre Haute
Assemblée a adopté, sur proposition de la Commission des Affaires
économiques,
un article additionnel visant à fournir aux
établissements d'enseignement situés dans les zones les plus
fragiles du territoire (
zones de revitalisation rurale ou de redynamisation
urbaine)
un accès à tarif préférentiel aux
services les plus avancés de télécommunications
, comme
le réseau numérique à intégration de services, les
services en ligne et les services de télécommunication
avancés.
L'article 7 de la loi de réglementation des
télécommunications dispose que le schéma des
télécommunications
"
détermine les moyens
nécessaires et, en particulier, l'équipement requis pour assurer
l'accès des établissements d'enseignement, notamment des
collèges, lycées et universités, aux services offerts sur
le réseau numérique à intégration de services, aux
services en lignes et aux services de télécommunications
avancés
.
Dans ce cadre, il évalue les conditions
pouvant assurer l'accès auxdits services à un tarif
préférentiel pour ceux de ces établissements situés
dans une zone de revitalisation rurale ou dans une zone de redynamisation
urbaine, ainsi que pour ceux situés dans les départements dont
plus de 50 % du territoire est classé en zone de revitalisation
rurale
".
Pour que ces dispositions, votées par la représentation
nationale, ne demeurent pas des voeux pieux, il convient d'adopter dans le
délai le plus bref possible le schéma sectoriel des
télécommunications prévu par la loi du
4 février 1995.
Le schéma sectoriel doit donner à la Nation l'occasion de
réaffirmer sa volonté d'irriguer toues les zones du territoire en
réseaux et services performants afin qu'ils profitent des
opportunités de développement offerts par la
télémédecine, le télétravail, la promotion
des ressources touristiques, le développement du commerce
électronique.
d) Une action à mener à terme
Le comité interministériel sur
l'aménagement du territoire (CIAT), tenu à Auch le 10 avril
1997, a replacé les nouvelles technologies au coeur de la politique
d'aménagement du territoire en affirmant que "
les services de
télécommunications, leur accessibilité, la promotion de
leur usage, sont déterminants pour la réalisation des objectifs
d'aménagement du territoire
".
L'avant-projet de schéma national d'aménagement et de
développement du territoire, approuvé à cette occasion,
affirme que le développement des réseaux et services de
télécommunications va "
évidemment
"
transformer les conditions de localisation des activités sur le
territoire.
" Le recours grandissant au multimédia, stratégique en
toute hypothèse pour de nombreuses activités, est sans doute
l'évolution qui, au cours des deux prochaines décennies, influera
le plus sur l'équilibre du territoire ".
Plusieurs mesures ont été proposées pour promouvoir
l'utilisation de nouvelles technologies au service d'un développement
harmonieux du territoire, comme le détaille l'encadré ci-dessous :
COMITÉ INTERMINISTÉRIEL D'AUCH :
L'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ET LES NOUVELLES TECHNOLOGIES
PRINCIPALES MESURES
Raccordement des établissements d'enseignement
Le CIAT a décidé que tous les établissements du second
degré et une partie des écoles devront s'équiper de
micro-ordinateurs communicants, à raison, dans un premier temps, d'un
poste pour 30 élèves dans le primaire, un pour 15 au
collège et un pour 10 au lycée. Les élèves
utiliseront les nouvelles technologies de l'information au moins une heure par
semaine pendant les 4 années du collège. Les
établissements devront disposer d'un accès à un
réseau académique et aux réseaux externes via Internet.
Renater sera étendu pour permettre le raccordement des
établissements scolaires. L'État financera cette extension en
1998 et 1999.
Mise en réseau des bibliothèques universitaires
Cet objectif devait être atteint grâce à un engagement de
l'État de 50 millions de francs par an pendant 3 ans.
Constitution de bibliothèques universitaires
Un plan de numérisation des catalogues et des ressources documentaires
doit bénéficier, pour sa mise en oeuvre, de 30 millions de
francs par an pendant 3 ans.
Forfaitisation des coûts
L'État s'engage à négocier avec les fournisseurs
d'accès, au profit des établissements scolaires et
universitaires, des conditions tarifaires permettant la forfaitisation des
coûts.
Développement des téléservices dans le secteur
public
Les schémas départementaux d'organisation et de modernisation des
services publics identifieront toutes les possibilités offertes par les
téléservices et le télétravail. La
généralisation du traitement informatique des dossiers dans les
services administratifs devra permettre de nouvelles localisations d'emplois.
Les services de télémédecine, de
télé-enseignement, de téléculture seront
généralisés.
Ces mesures constituent une amorce crédible de " mise à
niveau " du territoire français dans le domaine des NTIC. En outre,
elle rappelle que la loi du 26 juillet 1996 de réglementation des
télécommunications prévoit que sera périodiquement
réexaminé le contenu du service universel.
Votre mission d'information souhaite que soient, à cette occasion,
inscrites dans la loi nombre de ces mesures favorables à
l'aménagement du territoire.
3. Les collectivités locales : vitrines ou laboratoires ?
Camembert (Orne)
- Lancement en octobre 1995 d'un site
Internet " un village, un fromage ".
Saint-Agrève (Ardèche)
- Création en 1996 d'un
syndicat intercommunal à vocation unique " les inforoutes de
l'Ardèche ", permettant à l'ensemble des communes membres de
se connecter au réseau mondial Internet pour le prix d'une communication
locale.
Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine) -
Lancement dans les locaux de la
mairie d'un " espace cyber jeunes " permettant depuis
septembre 1996
l'utilisation de dix ordinateurs destinés à rechercher des
emplois sur Internet ou à réaliser des curriculum vitae ou encore
à interroger des banques de données.
Le Mans (Sarthe)
- L'ouverture, à titre expérimental, d'un
accès Internet sur le réseau câblé dès le
mois d'octobre 1996 fait de cette ville la première en Europe à
offrir cette faculté.
Marly-le-Roi (Yvelines)
- Transmission immédiate par Internet,
à titre expérimental, à partir de décembre 1996 des
délibérations du conseil municipal à la
sous-préfecture de Saint-Germain-en-Laye.
Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine)
- Diffusion en direct, en janvier
1997, de la réunion du conseil municipal sur le réseau
câblé de la ville permettant aux habitants d'interroger
directement les élus.
A la vigilance traditionnelle du Sénat en matière
d'aménagement du territoire, s'ajoute, conformément à sa
vocation constitutionnelle
28(
*
)
, la
volonté de veiller aux intérêts des collectivités
territoriales. Il était donc "naturel" que votre mission d'information
puisse analyser l'action des collectivités territoriales, afin de mettre
en perspective leur rôle dans ce domaine. Tel était, notamment,
l'objectif de la table ronde relative aux expériences locales
organisées par votre mission d'information le mercredi 11 juin 1997 et
dont le compte rendu figure en annexe du présent rapport.
D'une façon générale, votre mission d'information tient
à appeler l'attention -déjà fortement
développée- des collectivités locales sur le potentiel des
nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC), mais
aussi sur leurs limites, voire sur leurs risques ou leurs contraintes,
notamment sur le plan financier.
Sans qu'il soit un seul instant question de dicter une marche à suivre,
-la multiplicité des actions et des expériences menées
rendrait d'ailleurs une telle démarche absurde- il s'agit de recommander
la recherche d'une voie médiane entre un "activisme" local
potentiellement très coûteux pour les budgets locaux et un
"passéisme" dommageable où ce nouvel univers serait ignoré.
Les collectivités locales doivent en effet,
chacune
en
fonction de ses besoins réels
, rechercher la meilleure valorisation
possible des NTIC, en sachant conjuguer -autant que possible- leurs initiatives
avec l'expérience de partenaires publics ou privés
spécialisés.
A cet égard, il convient en particulier d'analyser la position des
collectivités locales face au phénomène Internet, avant de
présenter leur situation dans le contexte de libéralisation de
l'audiovisuel et des télécommunications.
a) Internet : un passage obligé ?
Les collectivités locales
entrent depuis quelques
années dans un "deuxième âge" de l'informatique
.
D'importants investissements ont en effet déjà permis aux
collectivités locales d'atteindre un niveau d'équipement
satisfaisant en "informatique de production" destinée aux tâches
de gestion.
A cette étape succède celle de l'entrée dans
"l'informatique communicante". L'aspect le plus
"médiatique" de cette
nouvelle ère tient aux développements liés à
Internet.
(1) L'accès à Internet
L'étude de l'Observatoire des
Télécommunications dans la Ville (OTV)
29(
*
)
réalisée en 1996 sur "les taux
d'équipement des collectivités locales en informatique et en
télécommunications" mettait en évidence la très
forte progression de l'équipement en micro ordinateurs et de
l'utilisation des ressources d'Internet et du courrier électronique.
Ainsi, le parc des micro-ordinateurs détenus par les
collectivités locales a connu une progression de 90 % entre 1993 et
1995, passant ainsi de 154.000 à 294.000 unités. En ce qui
concerne Internet et la messagerie électronique, le "taux
d'équipement" constitue une fonction croissante de la taille des
collectivités locales. Au sein des communes, en effet, ce taux atteint
65 % pour l'accès à Internet (55 % pour la messagerie
électronique) pour les communes de plus de 100.000 habitants ; ces
taux descendant respectivement à 38 % et 31 % pour les communes de
30.000 à 100.000 habitants, à 14 % et 10 % pour les communes
de 5.000 à 30.000 habitants. En deçà de ce seuil de
population, les chiffres ne sont plus significatifs.
S'agissant des départements, le taux de raccordement à Internet
dépasse 52 % (42 % pour la messagerie électronique), ces taux
atteignant 65 % pour les régions et plus de 10 % pour les
structures intercommunales.
Ces chiffres, déjà anciens, traduisent à la fois
l'entrée incontestable des collectivités locales dans le monde
d'Internet ainsi que le caractère inégal de cet accès.
En effet, si la proportion des collectivités accédant à
Internet et à la messagerie électronique continue à
croître, il s'avère que les petites communes restent encore
largement à l'écart de ce phénomène. A cet
égard, le dépouillement des réponses au questionnaire
adressé par votre mission d'information aux collectivités locales
au sujet des NTIC a très largement mis en évidence la
perception dubitative, pour ne pas dire méfiante, d'un grand nombre
d'élus de petites communes vis-à-vis d'Internet et des NTIC en
général.
Sur ce point, votre mission d'information a
relevé le caractère récurrent de l'argument financier,
beaucoup d'élus considérant un investissement de leur commune
dans ce domaine comme incompatible avec les ressources limitées de leur
budget.
Les
économies que procurent au contraire la messagerie
électronique
par rapport aux envois par voie postale ou par fax sont
le plus souvent ignorées. Compte tenu du taux de raccordement
déjà existant la plupart des correspondances administratives
devrait désormais être obligatoirement des correspondances par
messageries électroniques. Des propositions de loi seront
rédigées en ce sens par le Président et les rapporteurs.
Votre mission d'information souligne que les
conditions tarifaires de la
consultation d'Internet connaissent une importante évolution
avec le
principe du forfait.
En effet, après avoir vu l'avènement du principe de la
tarification au prix de la communication locale, quel que soit l'emplacement du
serveur consulté (en France ou à l'étranger),
les
fournisseurs d'accès à Internet s'orientent de plus en plus vers
les forfaits
qu'ils soient à durée de consultation
limitée ou -de plus en plus- à durée illimitée. En
outre, une collectivité locale et, a fortiori un groupement de
collectivités locales, peut aujourd'hui négocier les conditions
de son abonnement avec le fournisseur d'accès.
Il s'agit aussi d'exploiter les possibilités ouvertes par le
phénomène
Intranet
. Ce dernier constitue une utilisation
de l'ensemble des outils et des facultés d'Internet au profit d'un
groupe d'utilisateurs précis. Ce phénomène, analysé
dans la seconde partie du présent rapport, doit être
exploité.
Intranet fournit l'occasion, d'une part, de moderniser
l'organisation administrative et la communication interne d'une
collectivité et
, d'autre part, de contribuer à
renforcer
les échanges entre collectivités locales, voire entre les
collectivités locales et l'Etat
, l'ensemble de ces échanges
s'effectuant à un coût réduit et une rapidité accrue.
(2) Les sites Internet des collectivités locales
Au-delà de la simple "consommation" d'Internet, les
collectivités locales sont aujourd'hui
actives et présentes
sur ce réseau mondial
.
Ce phénomène connaît une véritable expansion depuis
quelques années, votre mission d'information ayant relevé (au 30
juillet 1997) que près de 200 communes, environ 30 départements
et près de 20 régions étaient aujourd'hui présentes
sur le "Web" avec des sites "officiels". Avant de tenter une
présentation typologique
de ces initiatives et de
formuler
quelques recommandations dans ce domaine
, votre mission d'information tient
à saluer l'initiative prise par M. le Président du
Sénat et le service informatique du Sénat, de présenter en
bonne place sur son serveur "Web" une rubrique "collectivités
locales"
dont la vocation est de recenser et de permettre l'accès aux sites des
collectivités
30(
*
)
.
Traduction informatique du rôle constitutionnel du Sénat
,
cette initiative présente l'intérêt de regrouper, en un
seul point, l'ensemble de "l'offre" locale présente sur Internet.
A cet égard, si le site du Sénat n'est pas le seul à jouer
ce rôle (les autres sites qu'il convient de mentionner étant ceux
du Crédit local de France et la page " Towns, Regions,
Departments ", d'Adminet-France), il convient de noter que la
structure du
serveur du Sénat prévoit la totalité des régions et
des départements, ces "rubriques" ayant vocation à se
"remplir"
progressivement au fur et à mesure où de nouveaux sites
apparaissent et signalent leur existence au Sénat. Un " tour de
France " des sites Internet des collectivités locales peut donc
être effectué à partir du serveur du Sénat.
Les principaux types de sites
Au sein de cet ensemble en croissance, et après "exploration" d'une
cinquantaine de ces sites, votre mission d'information a noté qu'il
existait au moins trois grandes catégories : le site
institutionnel, le site de développement économique du territoire
et le site de démocratie locale ; ces différentes
catégories se recoupant souvent au sein d'un même serveur.
La première catégorie,
le site institutionnel
, a pour
vocation de présenter la collectivité, ses élus, ainsi que
la structure, le rôle et les actions de la collectivité. Cette
catégorie "vitrine" correspond en général à la
première génération des serveurs locaux et ne constitue
souvent plus qu'une composante des serveurs des collectivités locales.
Cette évolution est positive dans la mesure où la "vie" d'un
serveur et son attractivité ne peuvent reposer sur ce seul aspect.
La deuxième catégorie
, le site de développement
économique du territoire
, constitue une utilisation plus "active"
du
site Internet. Il s'agit ici d'effectuer la "promotion" d'un
territoire, que ce
soit à destination d'investisseurs potentiels en assurant une
présentation dynamique des atouts locaux ou que ce soit à
l'attention de touristes qu'il s'agit de séduire. Ce type de site, ou
cette facette d'un site, constitue indéniablement un aspect essentiel de
l'utilisation d'Internet par les collectivités locales.
S'agissant du tourisme, il convient de noter qu'un nombre croissant de
personnes préparent leurs voyages et leurs déplacements au moyen
d'Internet. Le Président de la mission a indiqué que dès
1996 plus de 50 % des Californiens choisissent leurs vacances en fonction
du contenu des sites Internet proposés. M. Bernard Vergnes,
président de Microsoft Europe, a indiqué, lors de son audition
par votre mission d'information que plus de 30 % de l'ensemble des
touristes américains agissaient ainsi. Le site de Grasse dans les
Alpes-Maritimes a conduit à draîner une nouvelle population
touristique vers les hôtels des 12 communes associées et cette
donnée permet de mesurer l'importance des retombées potentielles
d'un serveur bien conçu dans le domaine du tourisme. L'augmentation
massive des touristes étrangers sur la Côte d'Azur est liée
à la qualité des sites (Nice-Matin, CAD news, ...).
La troisième catégorie,
le site de démocratie
locale
, est, quant à lui, principalement destiné aux
habitants du territoire concerné. A cet égard, il convient de
remarquer que cette "catégorie" de site a, d'une certaine façon,
été précédée ou amorcée par la
volonté d'améliorer les services rendus aux citoyens qu'il
s'agisse de leur information administrative, de la délivrance de
documents ou de leur accès aux services des
médiathèques/bibliothèques. Les expériences
d'Issy-les-Moulineaux de Metz et des autres villes qui se sont lancées
sont démonstratives.
La "démocratie locale" peut en effet trouver à se renforcer en
exploitant les capacités d'interactivité offertes par Internet,
qu'il s'agisse de lieux de débats ("forum, newsgroups") ou de courrier
électronique (E-mail). Plus largement, une collectivité peut
héberger sur son serveur des rubriques gérées par des
associations locales, permettant ainsi une participation active des citoyens au
sein de la communication locale.
Quelques conseils...
Sans prétendre donner une recette miracle, qui n'existe d'ailleurs pas,
votre mission d'information souhaite formuler quelques recommandations à
l'attention des gestionnaires -effectifs et surtout potentiels- de sites
"Web"
locaux.
- Identifier les objectifs et définir les moyens
Il ne s'agit pas de céder à un effet de mode en "montant"
à tout prix son site Web sans avoir défini sa vocation et
évalué les moyens humains et financiers que la
collectivité envisage d'y consacrer en notant qu'un
site qui
n'évolue pas est un site qui meurt.
Ainsi, il convient de savoir que le
coût de la
réalisation
de quelques pages pour un site simple et modeste
s'élève à environ 15.000-20.000 francs, tandis que le
développement d'un site plus élaboré conduit à
prévoir un investissement de 150.000 à 200.000 francs. Il
faut toujours prévoir les moyens nécessaires à une mise
à jour régulière, sans laquelle un site n'est pas
" vivant ", n'est plus consulté et devient donc inutile.
- Etre aisément localisable
Pour trouver un public, un site Internet exige, en dehors d'une
publicité à destination du public local, d'être
identifié par les utilisateurs potentiels qui, le plus souvent,
utilisent des moteurs de recherche disponibles sur Internet pour trouver les
informations qu'ils souhaitent recueillir. A cette fin, il est
nécessaire de choisir avec précision les mots-clés
représentatifs de la page d'accueil du site, dans la mesure où ce
sont ces mots qui permettront au moteur de recherche, et donc à
l'utilisateur, de "repérer" le site.
- Etre utile
Après avoir été localisé, le site doit
éviter de décevoir le public en lui permettant de trouver une
satisfaction dans le contenu du site et en lui donnant envie d'y revenir.
A cet égard, la qualité intrinsèque des informations du
site et leur
mise à jour
régulière jouent un grand
rôle. Les internautes par ailleurs n'aiment pas les longues phrases, les
textes compacts, les formules complexes. Le ton doit être direct, bref,
simple. Des croquis, dessins ou photos valent mieux qu'une liste de chefs de
service...
Plus encore, il s'agit
d'offrir au public le plus grand nombre de liens
possibles avec d'autres serveurs ou services
. A cet égard et par
exemple, de belles pages descriptives sur le tourisme doivent être
accompagnées de possibilités pour l'utilisateur de se "connecter"
sur des serveurs d'hôtels, de musées, de sites de loisirs ou
d'événements prévus . Le gestionnaire du site doit ainsi
rechercher dans toute la mesure du possible les divers partenariats permettant
de prévoir le plus grand nombre de liens avec d'autres serveurs ou
services.
Au total, sans être un passage obligé, Internet représente
pour les collectivités locales une occasion de se faire connaître,
sans qu'il s'agisse pour autant d'un investissement risqué.
Cette dernière remarque est d'autant plus vraie que les petites
collectivités peuvent rechercher un "hébergement" de leur site
sur celui d'une collectivité plus importante ou bien mettre à
profit des structures intercommunales pour participer à des
réalisations communes. Par ailleurs, il convient de rechercher des
partenariats actifs -et donc un partage des coûts- avec d'autres
structures (chambres consulaires, fondations, associations, universités,
...).
Ni tambour de ville, ni miroir aux alouettes, Internet ne doit pas
échapper aux collectivités locales, dont la culture de
décentralisation concorde avec la philosophie
décentralisée du "réseau des réseaux".
Les Trophées MultiMédiaville 1997
Ces Trophées MultiMédiaville concernent
3
catégories non cumulables destinées à récompenser
les sites Web des villes selon 3 critères :
- contenu :
meilleur contenu en termes d'information
, de
diversité, de qualité de rédaction, d'intérêt
des textes et des images...
- interactivité :
site le plus interactif de manière
interne
(mécanique du site, ergonomie, technicité des pages,
multiplicité des liens...)
et externe
(participation citoyenne,
échanges avec le public, forums...).
-
esthétique : qualité du graphisme
de l'habillage,
de la typographie, des couleurs, fonds de page, boutons...
Les membres du jury qui ont eu à visionner les sites ouverts par les
villes de France ont constaté une très grande qualité de
la plupart des sites et ont éprouvé de grandes difficultés
à faire leur choix. En effet, selon l'expression du Président du
Jury, les sites Web des villes sont "l'expression de la culture urbaine
française". Le plus souvent riches en information et accordant une
grande place à l'esthétique, ils n'oublient pas qu'Internet est
un réseau de communication et que seule l'interactivité donne aux
sites leur plein potentiel relationnel. Une petite cyberpromenade à
travers ces sites permets de s'en rendre compte rapidement.
Esthétique
Prix :
Nantes
Prix remis à Patrick Mareschal, premier adjoint au maire de Nantes
Nominé : Chantilly, Corinne Serec, conseiller municipal
Interactivité
Prix :
Issy-les-Moulineaux
Prix remis à Eric Legale, directeur du Cabinet du maire
Nominés : Parthenay, Claude Poggioli, premier adjoint au maire
Montigny-le-Bretonneux, Pierre Leguerinel, adjoint au maire et Michel Laugier,
directeur de Cabinet du maire
Contenu
Prix :
Aubagne
Pris remis à Jean Tardito, maire d'Aubagne
Nominés : La Rochelle, Denis Leroy adjoint au maire
Strasbourg, Virginie Galez, chargée de mission
Composition du jury des Trophées MultiMédiaville
Président :
Olivir-René Veillon
, directeur du
développement de la Sept-Arte
Membres :
Michel Berenguer,
rédacteur en chef de Décision
Locale
René Escalle,
directeur adjoint à l'Association des Maires
de Grandes Villes de France
Philippe Parmantier,
rédacteur en chef de Autoroutes de
l'Information et Territoires
Christophe Pouilly,
directeur de la création Agence Singapour.
Source : http://www.sarthe.com/multimediaville/lalettre261.htm
b) Le câble ressuscité ?
L'évolution des nouvelles technologies, la tendance
à l'universalisation du langage numérique et l'imbrication
croissante des domaines de l'informatique des télécommunications
et de l'audiovisuel (analysées dans le premier chapitre de cette partie)
sont autant de facteurs dont les collectivités locales peuvent tenter de
tirer profit. Dans ce domaine cependant, notre mission d'information incite
toutefois à une action prudente et mesurée au regard des
conséquences financières que peuvent comporter "certains grands
projets".
La déréglementation des télécommunications
constitue en effet une source potentielle d'économies et d'action pour
les collectivités locales. A partir de la date du 1er janvier 1998,
chaque collectivité locale pourra choisir librement et "acheter" ses
télécommunications à l'opérateur de son choix,
qu'il soit national ou non, qu'il soit public ou privé.
Les collectivités locales peuvent aussi jouer un rôle d'aiguillon,
voire d'accélérateur pour l'entrée dans la
société de l'information. Les régions Alsace, Aquitaine,
PACA, département de la Vienne, du Rhône, de la Somme, des
Alpes-Maritimes et de bien d'autres (cf. documents auditions du 11 juin 1997 en
annexe).
L'implication des collectivités locales dans la société de
l'information et potentiellement d'autant plus forte que les
réseaux
câblés sont en passe de connaître une véritable
résurrection
.
La numérisation et la libéralisation des
télécommunications ouvrent en effet au câble d'importantes
perspectives d'avenir. L'échec relatif du câble en France qui,
jusqu'à une date récente, était quasi exclusivement
consacré à la télévision, trouve pour l'essentiel
son origine dans l'importante concurrence de l'offre de la
télévision hertzienne et de l'existence d'une chaîne
payante. Cette
absence de spécificité ou de plus value
décisive du câble est aujourd'hui en train d'être
dépassée
.
Le premier aspect de la résurrection du câble est lié
à Internet. Le câble constitue en effet un
vecteur
privilégié pour accéder au réseau mondial
dans
la mesure où, d'une part, il autorise un accès à
débit élevé (environ mille fois plus rapide que
l'accès par une ligne téléphonique classique) et
où, d'autre part, il permet une facturation strictement forfaitaire
totalement indépendante de la durée d'utilisation.
Les expériences conduites dans le cadre de cybercâble sur les
réseaux câblés du Mans, d'Annecy, de Strasbourg et du
7° arrondissement de Paris préfigurent une
généralisation potentielle de ce mode d'accès à
Internet, qui est en lui même un puissant moyen de relancer le
câble. A cet égard, l'arbitrage rendu le 11 juillet 1997 par
l'Autorité de régulation des télécommunications
(ART), prônant une installation rapide d'Internet sur le câble et
exigeant de France Télécom la mise aux normes des sites du plan
câble, doit être salué
31(
*
)
.
Les perspectives de rentabilisation du câble sont d'autant plus fortes
que ce dernier constitue un vecteur de qualité pour les services de
télécommunications, y compris la téléphonie vocale.
Les collectivités locales peuvent et doivent tirer partie de ces
évolutions que ce soit en tant que "consommateurs", en tant que
gestionnaires ou en tant qu'opérateurs.
Le "terrain" local
constitue
en effet un "laboratoire" pour la concrétisation de la
société de l'information
, tel est d'ailleurs l'esprit de la
loi n° 96-299 du 10 avril 1996, relative aux
expérimentations
dans le domaine des technologies de
l'information. Ainsi comme l'affirme M. Jean-Charles Vignot, ancien
chargé de mission au CSA: "
Tout porte à croire que le
législateur désire octroyer aux acteurs sur le terrain, et en
premier lieu aux collectivités territoriales, les compétences
permettant de
réaliser la jonction technologique et juridique entre
réseaux audiovisuels et réseaux de
télécommunications
et ainsi adapter au mieux les services
proposés aux besoins d'une ville, voire d'un quartier. Il est clair que
le législateur s'est (enfin !) soucié de la place
prépondérante que doivent occuper les collectivités
étant donné leur implication directe, souvent financière
dans le développement des réseaux câblés".
Les collectivités locales possèdent donc un véritable
rôle de décideur sur leur territoire pour l'aménagement des
réseaux filaires et l'exploitation des services, rôle qu'est venue
confirmer la loi n° 96-659 de réglementation des
télécommunications du 26 juillet 1996.
Le cadre juridique étant désormais propice au
développement des nouvelles technologies et à
l'expérimentation des supports les plus variés, il appartient aux
collections locales d'utiliser les moyens mis à leur disposition. Pour
ce faire, des réflexions doivent être menées de
façon à évaluer leurs besoins en la matière et
à s'inspirer des expérimentations déjà
menées dans d'autres départements.
Votre mission incite donc les décideurs locaux à se renseigner
sur le sujet, à ne pas hésiter à se regrouper entre eux
pour mener à bien une réflexion, des projets.
Le développement des nouvelles technologies de l'information peut ainsi
se révéler fédérateur d'énergies et
permettre aux communes fortement enclavées de lutter pour le
désenclavement rural : il s'agit là d'un véritable outil
pour l'aménagement du territoire qui devrait permettre de rompre avec
cette fâcheuse tendance naturelle qui a vu depuis quelques
décennies des régions se développer au détriment du
reste de la France.
Dans cet ensemble, votre mission d'information tient enfin à insister en
particulier sur les
importantes potentialités de la technique de
diffusion dite
MMDS
(Microwave Multiwave Distribution
System/distribution multiplexée sur canal micro-ondes).
Le MMDS (Microwave Multiwave Distribution System)
Testées depuis longtemps aux Etats-Unis en analogique
et déjà utilisées en transmission par France Telecom
("faisceaux hertziens" à 140 Mbits), les micro-ondes
présentent de nombreux avantages potentiels pour la diffusion de
données numériques : installation économique, débit
élevé permettant de distribuer jusqu'à une centaine
(trente-trois en analogique, le système permettant de multiplexer
plusieurs voies à bas ou moyen débit sur une voie à haut
débit) de chaînes de télévision. La portée
des émetteurs est inversement proportionnelle à la longue d'ondes.
Les Etats-Unis et certains pays européens envisagent d'utiliser la bande
de 2,5 Gigahertz (employée en France métropolitaine par la
gendarmerie mais dans laquelle vont être effectués des tests dans
l'île de la Réunion). Des expériences sont en cours ou
envisagées notamment au Mans, dans la Vienne ou en Ariège, dans
l'intervalle des 10 à 12 Gigahertz. Cette gamme de fréquences
étant déjà mise à contribution pour la
réception des émissions par satellite, offre ainsi l'avantage de
permettre de recourir aux mêmes décodeurs (mais les antennes
doivent être suffisamment sélectives).
Thomson Multimédia (qui a remporté aux Etats-Unis un important
contrat dans le cadre du projet MMDS
"Tele T.V."
) cherche pour
sa part
à exploiter la bande des 3,6/3,8 Gigahertz que TDF serait
prêt à lui concéder. Cette gamme de fréquences,
elle, se prêterait à une utilisation des décodeurs des
réseaux câblés mais nécessiterait de grandes
antennes "en râteau".
Il est tout à fait envisageable, par ailleurs, de monter en
fréquence pour aller dans la bande, vierge, des 20/40 Gigahertz qui
intéresse plusieurs pays. Mais la portée des émetteurs
serait, dans ce cas, beaucoup plus réduite (5 à 10 km), ce qui
impliquerait une structure de réseaux cellulaire ainsi qu'une
implantation en milieu urbain, donc une concurrence vis-à-vis des
réseaux câblés.
C'est dans cette gamme d'hyperfréquences qu'est proposée une
variante évoluée du MMDS, le LMDS offrant aux abonnés une
véritable palette de services multimédias véritablement
interactifs. Le LMDS comporterait, en effet, la voie de retour qui fait
défaut au MMDS dont l'interactivité se limite à
l'utilisation d'une voie téléphonique.
La loi du 30 septembre 1986, relative à la liberté de
communication considère la transmission d'émissions
télévisées par micro-ondes comme des infrastructures de
télécommunications, autorisées par le ministre
compétent (après accord du CSA pour certaines fréquences)
et conçues comme une extension, réservée aux zones
d'habitat dispersé, des réseaux câblés (qu'il n'est
pas question de concurrencer).
La loi d'avril 1996, relative aux expérimentations dans le domaine des
technologies et services d'information, est venue assouplir ce régime.
Le CSA (Conseil supérieur de l'audiovisuel) peut, en effet, autoriser
l'usage d'hyperfréquences sur des parties limitées du territoire,
sans passer par un appel à candidatures, mais à condition qu'il
ne soit pas porté préjudice à un réseau
câblé existant.
Les opérateurs, candidats aux expérimentations concernées,
se plaignent parfois néanmoins de certaines dispositions de cette loi,
notamment celles qui prévoient :
-
· le conventionnement par le CSA, un par un, de chacun des services
de communication audiovisuelle composant les bouquets prévus,
· l'application, même globalisée, des obligations de quotas et de contribution au développement de la production cinématographique et audiovisuelle.
La bande des 3,6/3,8 Gigahertz qui intéresse Thomson relève, de son côté, non du CSA mais de la DGPT -Direction générale des Postes et Télécommunications), au motif que sa réglementation toucherait au droit international. Selon l'industriel, l'exploitation de cette gamme de fréquences est techniquement la plus avantageuse (zone de couverture étendue...) et la plus facile à mettre en oeuvre (puissance limitée des émetteurs...). Thomson estime aussi que l'utilisation du MMDS diminue l'urgence de la numérisation de la télévision hertzienne terrestre dans les fréquences moins élevées actuelles (VHF et UHF).
Par souplesse, ses possibilités d'interconnexion, ses débits et son économie, le MMDS peut donc accélérer le déploiement des autoroutes de l'information. Il souffre cependant, en l'état actuel des techniques, d'un manque d'interactivité.
Source : Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques. Rapport P. Laffitte sur" la France et la société de l'information" n° 213 (1996-1997).
Les qualités de ce mode de diffusion ont retenu l'attention de votre mission d'information, dans la mesure où celle-ci paraît en mesure d'apporter aux territoires non câblés un certain nombre des avantages du câble. A cet égard, la loi précitée du 10 avril 1996 donne au CSA la faculté d'autoriser cette technique de diffusion sur des parties limitées du territoire, sans passer par un appel à candidatures, mais à condition qu'il ne soit pas porté préjudice à un réseau câblé existant.
On peut d'ailleurs se demander si les restrictions vis-à-vis des réseaux câblés existants ont une justification théorique dans un domaine où l'on souhaite que la concurrence conduise à des diminutions de coûts pour l'usager.
Certes la technique de ce mode de diffusion reste encore à parfaire, au moyen de l'adjonction d'une "voie de retour" permettant l'interactivité, mais il paraît certain que ce "câble sans fil" constitue un espoir formidable notamment pour les parties du territoire national qui ne bénéficient pas du câble.
Dans cette perspective, votre mission d'information souhaite, qu'au terme des expérimentations actuellement en cours, cette technologie bénéficie d'une attention particulière des pouvoirs publics.
A cet égard votre mission d'information demande que soit engagée, d'ores et déjà, une réflexion sur la bande de fréquence qui pourrait être réservée au "câble sans fil", afin que celle-ci soit compatible avec les matériels de diffusion et de réception existants, afin de ne pas alourdir les coûts de développement de cette technique . Votre mission d'information a en effet noté, au cours de l'audition des responsables de Télédiffusion de France (TDF) que la bande de fréquence correspondant aux matériels "standards" était actuellement employée en France métropolitaine par la gendarmerie. Or, il convient en la matière d'éviter (essentiellement pour des motifs de rentabilité) le développement d'une gamme de matériels spécifiques à la France.
*
* *
Au total, en France comme dans d'autres pays, les
collectivités locales sont donc, très largement, à la fois
des acteurs et des vecteurs essentiels de l'entrée dans la
société d'information. Elles contribuent par leurs actions
à associer un grand nombre de français à l'indispensable
marche de notre pays vers la modernité.
Qu'il s'agisse de
l'enseignement de la citoyenneté, de la cohésion sociale, de la
sensibilisation des diverses catégories professionnelles, des actions de
démonstration, les collectivités locales sont et doivent
être à la pointe de la croisade pour la modernisation de la
société française par un usage intelligent des NTIC.
Telle est la raison profonde pour laquelle tant de sénateurs se sont
engagés dans cette croisade.
III. UNE ÉCONOMIE EN EXPANSION
Les nouvelles technologies bouleversent l'économie et changent profondément les structures de travail. Elles permettent le développement de nouveaux services, même si elles détruisent certaines activités anciennes.
A. UNE PROMESSE DE CROISSANCE
Le lien entre les nouvelles technologies et la croissance
n'est pas univoque. En effet, comme l'a démontré Joseph
Schumpeter, tout progrès entraîne un phénomène de
" destruction créatrice " : le processus
d'intégration d'une technologie nouvelle perturbe, dans un premier
temps, le fonctionnement normal des activités économiques et
requiert une adaptation des structures économiques et des comportements.
Même si la relation entre nouvelles technologies et croissance est
complexe, elle reste largement positive. C'est ce qu'a conclu l'organisation de
coopération et de développement économique (OCDE), qui,
à la demande de la conférence du G7 sur l'emploi tenue à
Détroit en mars 1994, a examiné plus précisément la
relation entre productivité, technologie et création d'emplois.
Étant donné le caractère pluridisciplinaire de ces
questions, cette étude a été réalisée sous
la direction d'un groupe mixte d'experts constitué par trois
comités de l'OCDE : le comité de l'industrie, le
comité de la politique scientifique et technologique et le comité
de la politique de l'information, de l'informatique et des communications.
L'OCDE conclut
32(
*
)
que le rôle de la
technologie -et des nouvelles technologies- dans l'économie est
primordial puisque cette organisation affirme, sous le titre : " La
technologie, moteur de la croissance économique " :
"
A long terme, le savoir, et tout particulièrement le savoir
technologique, constitue le principal moteur de la croissance économique
et de l'amélioration de la qualité de vie
. Les nations
qui exploitent et gèrent efficacement leur capital de connaissances sont
celles qui affichent les meilleures performances. Les entreprises qui
possèdent plus de connaissances obtiennent systématiquement de
meilleurs résultats ".
Votre mission d'information s'est largement ralliée à
l'idée, que
les nouvelles technologies sont le moteur de la
croissance des
économies occidentales
. On estime d'ores et
déjà qu'elles sont responsables de plus du tiers de la vigoureuse
croissance américaine. Si l'on ajoute la croissance qu'elles induisent,
c'est sans doute beaucoup plus. Elles constituent, en outre, les fondements de
futurs marchés de produits et de services et ouvrent la porte au
développement du commerce électronique.
1. Un rôle du savoir dans l'économie renouvelé
La prise de conscience du rôle du savoir et de la
technologie dans la croissance a entraîné l'apparition du terme
" d'économie du savoir " pour caractériser les pays
industrialisés. Même si le savoir a toujours été
conçu comme un élément du développement, la
production, la transmission et l'utilisation des connaissances apparaissent de
plus en plus comme une des principales conditions de la croissance.
L'idée que le savoir joue un rôle important dans l'économie
n'est pas nouvelle. Adam Smith faisait référence à de
nouvelles générations de spécialistes, hommes de
réflexion, qui contribuent de manière importante à la
production d'un savoir utile pour l'économie.
Toutes les réalisations du type des pôles scientifiques et des
technopôles, mettant en relation les centres de compétences et les
centres de productions économiques, depuis plus de 30 ans aux Etats-Unis
et depuis près de 30 ans en Europe (Sophia Antipolis a été
créée en 1969), sont basées sur la liaison savoir - savoir
faire - finances. D'où l'importance du capital risque, des
sociétés innovantes à croissance rapide. Les
économistes commencent avec retard à s'en apercevoir, à la
suite de Galbraith et Allais.
Pourtant, les nouvelles technologies n'ont pas encore, comme l'estiment
certains économistes, achevé de transformer notre
économie. Les bouleversements qu'on peut encore en attendre sont
nombreux. Cette opinion a été exprimée
récemment
33(
*
)
par deux
économistes qui estiment "
qu'on discerne encore mal en Europe
les conséquences de l'explosion de l'information et de la communication.
Notre appareil productif -et notre société- sont dans une
situation assez classique dans l'Histoire : celle de l'abondance d'une
matière première dont les outils d'exploitation manqueraient
encore
".
Notre économie ne tirerait donc pas encore, par manque d'exploitation
systématique des données disponibles, tous les
bénéfices de l'entrée dans la société de
l'information. Nouvelle matière première, l'information ne serait
alors pas plus utile à nos économies qu'un gisement de
pétrole ne l'était au début du XIXe siècle. Seule
une exploitation systématique et rationnelle de l'information
transformerait cette dernière en " connaissance " profitable
à l'économie.
On mesure donc les bouleversements que continueront d'apporter aux
économies occidentales les nouvelles technologies.
Pourtant ces dernières sont d'ores et déjà la principale
source de croissance et d'emplois des économies industrialisés.
2. Des marchés en expansion rapide
Le développement des technologies de l'information a
déjà des conséquences économiques
considérables.
Une forte croissance des marchés liés au développement
des nouvelles technologies
Les conséquences économiques actuelles de l'entrée dans la
société de l'information ont déjà été
largement exposées par le rapport de l'Office parlementaire
d'évaluation des choix scientifiques et technologiques sur la France et
la société de l'information
34(
*
)
.
L'encadré ci-après en rappelle les principales conclusions :
LES CONSÉQUENCES ÉCONOMIQUES DIRECTES DE
L'ENTRÉE
DANS LA SOCIÉTÉ DE L'INFORMATION
35(
*
)
Des effets globaux
: le développement des
nouvelles technologies accentue la " tertiarisation " et la
mondialisation de l'économie.
La modification des frontières des secteurs industriels
traditionnels :
Les secteurs des télécommunications et de l'informatique sont les
plus touchés. On y observe une croissance des services au
détriment des équipements.
Chiffre d'affaires % du PIB mondial Taux de croissance annuel
Télécommunications 510 1,92 + 3,0 %
Informatique 445 1,67 + 6,7 %
Source : OMSYC, 1993
Le secteur des industries du contenu
Quelques marchés émergent au niveau mondial :
- jeux vidéo : de 1,1 milliard de dollars de chiffre d'affaires en 1995
à plus de 2 milliards en 2000 ;
- CD-ROM : 3,7 milliards de dollars en 1994 en croissance de 68 % ;
- services en ligne : environ 2,6 milliards de dollars.
Exemples de perspectives de croissance :
- Télécommunications : 2,23 % du PIB mondial en 1995,
2,4 % en 2000, soit 731 milliards de dollars de chiffre d'affaires ;
- Micro-ordinateurs : croissance annuelle moyenne prévisionnelle de
17 % de 1996 à 2000 ;
- semi-conducteurs : de 144 milliards de dollars en 1995 à 234 milliards
de dollars en 1999.
Un potentiel favorable
La contribution de ces techniques à la croissance et à l'emploi
semble positive.
On estime en effet que :
- l'informatique, les communications et les loisirs ont créé
400.000 emplois en un an aux États-Unis ;
- en Europe, les emplois liés aux logiciels et à l'informatique
ont triplé depuis 1980 pour représenter 750.000 personnes. Les
effectifs du secteur du logiciel pourraient croître de 15 % d'ici 3
ans, créant 97.000 nouveaux emplois ;
- en France, l'électronique, l'informatique et les
télécommunications sont les secteurs qui embauchent le plus de
cadres. Le rapport de M. Thierry Breton sur les téléservices en
France estime que ceux-ci pourraient représenter de 200.000 à
400.000 emplois en 2005, contre 65.000 en 1993.
Source : rapport sur la France et la société de l'information,
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et
technologiques, 1997.
Mais au-delà de leur impact macro-économique, les relations et
les structures de travail ont également été
modifiées.
B. DE NOUVELLES STRUCTURATIONS
Les technologies de l'information bouleversent les relations de travail et le fonctionnement de l'économie. Les hiérarchies et la géographie tendent à être remplacées par les partenariats et les réseaux.
1. Le rôle accru des " réseaux de savoir "
" L'économie du savoir " accorde une
grande
importance à la diffusion et à l'utilisation de l'information. La
réussite des entreprises et des économies dépend plus que
jamais de leur efficacité à rassembler et utiliser des
connaissances.
Certains économistes
36(
*
)
décrivent l'économie actuelle comme "
une
hiérarchie de réseaux
, mus par
l'accélération du rythme du progrès et de l'acquisition de
connaissances. On aboutit ainsi à une société de
réseaux, où la capacité d'avoir accès et de
participer à des relations à forte intensité de savoir et
d'apprentissage conditionnent la position socio-économique des individus
et des entreprises
".
Le mode de fonctionnement en réseau permettrait même de bousculer
le processus de l'innovation, traditionnellement conçu selon une
séquence binaire associant, en premier lieu, la recherche scientifique,
puis les stades successifs de mise au point, de production et de
commercialisation.
Avec les technologies de l'information, les germes de l'innovation
proviendraient de sources multiples, donnant lieu à un processus non
linéaire. Certains auteurs ont ainsi mis à jour un
" modèle interactif d'innovation "
37(
*
)
, issu d'une intense communication entre les
différents acteurs -entreprises, laboratoires, établissements
universitaires et consommateurs- ainsi que d'allers-retours entre les volets
scientifique, technique, de développement des produits, de fabrication
et de commercialisation.
Dans cette optique, l'innovation résulterait des multiples interactions
d'une "
communauté d'agents économiques et
d'établissements qui, ensemble, forment ce que l'on a appelé
systèmes nationaux d'innovation
. De plus en plus, ces
systèmes d'innovation s'étendent au-delà des
frontières nationales. Ils portent essentiellement sur les mouvements et
les relations créés entre les branches industrielles, les
pouvoirs publics et les milieux universitaires à travers le
développement du savoir. Les interactions au sein de ces systèmes
influent sur la performance des entreprises et des économies en
matière d'innovation. Le pouvoir de diffusion du savoir du
système, ou sa capacité de garantir aux novateurs un accès
opportun aux stocks de savoir dont ils ont besoin, est de toute première
importance. On commence à peine à quantifier et à dresser
la carte des circuits de diffusion du savoir et de l'innovation dans
l'économie, qui sont considérés comme les nouveaux
éléments clés de la performance
économique
"
38(
*
)
.
Le processus de la création de richesse et l'innovation seraient donc
transformés par l'avènement des nouvelles technologies. Bien
plus, la nature même des communautés humaines de travail pourrait
être bouleversée.
2. L'entreprise virtuelle
L'utilisation des nouvelles technologies fait apparaître
un nouveau mode d'organisation du travail, qui remet en cause les modes
d'organisation traditionnels.
Plusieurs facteurs introduisent de profonds changements dans la façon de
travailler.
Il s'agit d'abord du
développement du télétravail
,
facilité par les liaisons à haut débit, qui
" éclate " géographiquement l'entreprise. Les
collaborateurs ne se rencontrent plus dans des bureaux, à une adresse
fixe, mais sur les réseaux. On peut imaginer qu'une
société commerciale n'ait d'ailleurs plus de lieu
géographique d'implantation et qu'elle soit totalement
dématérialisée.
Le second facteur qui bouleverse les structurations de travail actuelles est
lié au phénomène de
fragilisation des
hiérarchies
évoqué plus haut. Les nouvelles
technologies permettent une circulation de l'information quasi
instantanée à un faible coût. L'accès à
l'information n'est plus réservée à l'équipe
dirigeante. Cette démocratisation possible du savoir change la donne au
sein de l'entreprise puisque chacun, de la base au sommet, peut disposer d'une
même qualité d'information.
Enfin, les nouvelles technologies suscitent presque naturellement la
formation de réseaux
. L'utilisation des applications
partagées de l'informatique favorise un travail plus coopératif.
Le rapport précité de l'Office parlementaire d'évaluation
des choix scientifiques et technologiques faisait déjà
état de ces changements en cours en citant certains
39(
*
)
qui estiment que "
la révolution en
cours aujourd'hui sera entraînée, non pas des changements dans la
production, mais par des changements dans la coordination
". La
hiérarchie traditionnelle se trouverait remise en cause par la formation
de structures provisoires appelées "
adhocraties
",
constituées ponctuellement pour réaliser des tâches
spécifiques. Les organisations figées et cloisonnées
seraient donc vouées à disparaître.
L'entreprise de la société de l'information tendra donc vers le
modèle d'une structure à géométrie variable,
éclatée dans l'espace, souple, flexible, peu
hiérarchisée. Cette opinion est partagée par de nombreux
observateurs. D'aucuns ont prédit l'avènement de l'entreprise
" flexible " :
L'ENTREPRISE " FLEXIBLE "
ENTREPRISE CLASSIQUE |
NOUVEAU MODÈLE FLEXIBLE |
- Centre unique
|
- Centres multiples
|
Source : H. Bahrami, 1992, " The emerging
flexible
organisation " California management review.
D'autres
40(
*
)
estiment que
"
l'entreprise de la société de l'information acquerra
une
flexibilité inconnue de sa devancière de la
société industrielle
. Les technologies de l'information
facilitent la décentralisation des décisions tactiques, la
réduction des niveaux hiérarchiques la diminution des effectifs
dans les unités de production, l'augmentation de la part du personnel
oeuvrant en amont et en aval, le développement du travail nomade ou
à domicile
".
Denis Ettighoffer
41(
*
)
estime que les nouvelles
technologies transforment l'entreprise qui, de taylorienne et mécanique,
devient réseau : "
l'entreprise post-taylorienne est
flux
". Au lieu d'une logique économique fondée sur
l'accumulation du capital matériel, l'entreprise virtuelle
développe une logique de co-production, fondée sur l'accumulation
collective de matière grise et de capital immatériel. Une
véritable mutation des entreprises et des organisations serait à
l'oeuvre, liée à l'apparition des nouvelles technologies qui leur
permettraient d'obtenir les trois " dons " de l'entreprise
virtuelle
:
l'ubiquité
(être virtuellement et simultanément en
des lieux multiples),
l'omniprésence
(découpler le temps
de travail de l'ouverture des services et faire travailler l'entreprise 24
heures sur 24),
l'omniscience
(accéder aux réseaux
d'échange des savoir-faire).
Les nouvelles technologies, source de modifications profondes de l'organisation
du travail, sont aussi porteuses de promesses de nouveaux services offerts
à la société.
C. DE NOUVEAUX SERVICES
1. Des modes de consommation renouvelés
-
·
Les perspectives offertes aux entreprises par le commerce
électronique
Le commerce électronique semble prêt à connaître une croissance considérable et à être adopté par le plus grand nombre.
Les analystes estiment qu'il y aura d'ici à trois ans entre 40 et 60 millions de clients potentiels 42( * ) dans le monde pour le commerce électronique. Les prévisions actuelles d'achats se chiffrent pour certains à 600 milliards de dollars sur les cinq à six prochaines années.
La société de services informatique Cap Gemini indique 43( * ) que la plupart des distributeurs s'attendent à réaliser le quart de leur chiffre d'affaires par le canal électronique d'ici 10 ans. Pour la vente par correspondance, la moitié des ventes serait concernée. D'ici deux ans c'est le dixième des ventes qui pourrait être fait par ce biais.
Dès le tournant du siècle, le commerce électronique devrait représenter en France 8 milliards de francs de vente pour les particuliers et 48 milliards pour le commerce interentreprise.
L'encadré suivant détaille des expériences déjà en place en France, notamment dans le secteur de la vente par correspondance :LE COMMERCE SUR INTERNET
Mondialisation, confort d'utilisation, rapidité : trois mots qui résument les atouts du commerce électronique sur Internet. De plus en plus de secteurs professionnels sont concernés, celui de la vente par correspondance (VPC) en tête.
La vente par correspondance
La Redoute (www.redoute.fr) propose 300 produits et une boutique. Le système reste toutefois rudimentaire puisqu'il n'intègre pas le paiement automatique et qu'il n'est possible de commander qu'un article à la fois. De plus, la base de données produits sur Internet n'étant pas connectée à l'informatique centrale, chaque commande reçue sur la messagerie est ressaisie.
Le serveur des Trois Suisses (www.trois-suisses.fr), où l'on trouve une sélection de 500 produits actualisés chaque jour, connaît aussi une évolution. Lui non plus n'assure pas le paiement sécurisé. Malgré tout, 4 à 5 % des clients sur Internet, avertis des risques, n'hésitent pas à fournir leur numéro de carte bancaire. Ce serveur permet au client de choisir plusieurs produits dans un " panel " virtuel. Le responsable du serveur estime que le taux de commande par Internet devrait, d'ici cinq à dix ans, rattraper celui du Minitel qui avoisine aujourd'hui 20 % du chiffre d'affaires.
On peut citer aussi le cas de la librairie " Le Furet du Nord " à Lille qui a ouvert en juin 1996 un site Internet permettant d'effectuer des recherches bibliographiques sur un fonds de 300.000 ouvrages, et d'effectuer des commandes par correspondance.
La liste des projets de vente par correspondance sur Internet ne s'arrête pas là. Ainsi, Euro Net Market a ouvert une galerie virtuelle proposant des accessoires informatiques (1.200 produits) et des vins (200 références). Signalons également le serveur d'APC (Atelier de production et de création), hébergé par Skyworld, qui proposera prochainement l'achat en ligne d'articles de mode et de CD musicaux, ou encore celui de la société informatique Adiabatic Software destiné à la vente de logiciels sur Internet.
Dans le domaine du tourisme , plusieurs agences de voyages et tour-opérateurs ont également franchi le pas pour offrir la réservation en ligne. Dégrif 'Tour-Réductour fait partie des sociétés les plus en avance sur le sujet (http://www.degriftour.fr.). Mais le Club Med (http://www.club-med.com) et Nouvelles Frontières (http://www.vtcom.fr/nf) ne sont pas en reste. Indirectement impliqués, les grands réseaux de réservation des compagnies aériennes (CRS, Computer Reservation Systems), comme Sabre et Amadeus, préparent aussi des solutions autour d'Internet. Les chaînes hôtelières considèrent la réservation sur Internet comme un des aspects de la démarche marketing. C'est le cas de Holiday Inn (http://www.holiday-in.cpm), des Hôtels Concorde (http://www.concorde-hotels.com) de Relais et Châteaux (http://www.integra.fr/relaischateaux) et de la chaîne Envergure.
La presse et différents éditeurs se lancent également sur Internet . Globe Online, le premier grand centre commercial français sur le net (http://www.globeonline.fr), propose les publications de plusieurs quotidiens et magazines (Le Monde, Libération, Le Monde informatique, Réseaux et Télécoms...) mais également des produits et des services (Encyclopaedia Universalis, Météo France, Compagnie Bancaire...). Un système de tarification Globe-ID avec utilisation d'un mot de passe permet d'effectuer des règlements sur le réseau, avec sa carte bancaire ou à l'aide d'un porte-monnaie électronique.
Source : D'après " Problèmes économiques " n° 2479.
Les réseaux offrent une opportunité avantageuse aux petites comme aux grandes entreprises.
D'abord, il entraîne la réduction du nombre d'intermédiaires entre le client et l'entreprise et permet ainsi éventuellement de diminuer les coûts liés à la distribution et de réduire le prix pour l'acheteur final.
Ensuite, le commerce électronique " redimensionne " les sociétés et élargit considérablement leur champ d'action , comme l'affirme le rapport de la Chambre de Commerce et d'Industrie de Paris sur le commerce électronique 44( * ) : " Le commerce électronique est une opportunité de promotion sans égal pour les petites structures. (...) Grâce à lui, les PME/PMI compensent leur problème de taille en accédant à un marché beaucoup plus large de consommateurs. Ces petites entreprises touchent la même audience que les grands groupes et disposent potentiellement des mêmes outils pour présenter leur offre commerciale ".
La révolution de l'information met en effet à la disposition de toutes les entreprises des réseaux et des outils qui leur permettent de communiquer avec leurs clients, quel que soit l'endroit où ils se trouvent et la langue qu'ils parlent.
Auparavant, cette possibilité n'était donnée qu'à de grandes sociétés internationales qui avaient les moyens de maintenir des bureaux là où se trouvaient les clients, dans les capitales ou dans le reste du monde.
Dorénavant, la plus petite entreprise peut atteindre des millions de clients potentiels, à un prix inférieur à celui d'un voyage à l'étranger. " L'intelligence économique " est mise à la portée de tous.
Les entreprises peuvent choisir deux moyens pour commercer en ligne : créer leur propre site ou intégrer une " galerie marchande " qui, moyennant un ticket d'entrée (de 100.000 francs à 3 millions de francs), offre à l'entreprise un hébergement sur son site, un système de paiement sécurisé, une activité promotionnelle.
Ainsi, le nombre de ces sites commerciaux, d'après la société IDC, devrait s'élever à 200.000 dans trois ans, contre 45.000 à la fin 1996.
En outre, pour les entreprises petites, moyennes ou grandes, les nouvelles technologies offrent un nouveau contact, plus direct et plus approfondi, avec leur client. Il devient possible de fidéliser ce dernier en lui adressant, par les réseaux, un marketing finement ciblé. Internet peut permettre de conquérir des clients à moindre coût, de les fidéliser et de réagir vite à leurs demandes. En effet, le vendeur a la possibilité de modifier en permanence son catalogue, d'observer les comportements d'achat de ses clients, de dialoguer avec eux, de lancer des offres personnalisées.
· Des consommateurs à séduire
Les produits concernés sont en premier lieu les logiciels (53 %), les livres (37 %), les disques compacts et les cassettes (30 %), le matériel informatique (22 %) les billets d'avion (21 %) et les vêtements (16 %).
Les principaux avantages de l'achat en ligne pour le consommateur sont la possibilité de comparaison, la faible durée du temps nécessaire à l'achat, l'élargissement de l'éventail de choix, l'absence d'horaires d'ouverture et de fermeture pour faire ses courses.
En France, l'enquête consommation du CREDOC effectuée fin 1996 46( * ) révèle que plus d'un tiers (35 %) des Français imaginent " pouvoir faire plus de choses à domicile dans les prochaines années avec l'informatique et ses nouveaux moyens ". Cette opinion est partagée par la moitié des moins de 35 ans et par les deux tiers des personnes au courant, grâce à leur profession, des possibilités offertes par la nouvelle micro-informatique.
Le désir de consommer depuis le domicile arrive en tête des attentes liées à l'apparition du multimédia.
La perspective d'acheter des produits ou services devient l'idée la plus citée fin 1996, alors qu'elle n'était qu'en quatrième position un an auparavant.
Les utilisateurs actuels d'Internet sont 80 % à penser qu'ils feront à l'avenir plus de choses à leur domicile grâce aux nouvelles technologies.
Le problème de la sécurisation des transactions financières reste crucial pour le développement du commerce électronique.
Trois solutions de paiement peuvent être actuellement utilisées sur les réseaux : la carte bancaire, d'usage courant mais non infaillible en l'absence de " sécurisation " du paiement par un chiffrement ou une carte à puce ; la monnaie électronique, adaptée au paiement de petites sommes par des " porte-monnaie virtuels " ; le post paiement, par règlement à la livraison " hors ligne " ou facturation ultérieure par des moyens traditionnels.
S'agissant des paiements par carte bancaire, de multiples expériences sont menées dans le monde. En France, deux projets pilotes (e-comm et c-set) sont actuellement en cours, sous l'impulsion de deux consortiums, dont les principales caractéristiques sont décrites dans le tableau ci-dessous :
LES DEUX PROJETS PILOTES DE PAIEMENT
" SÉCURISÉ "
PAR CARTE BANCAIRE
C-SET |
E-COMM |
|
OPÉRATEURS |
Le groupement de coûts bancaires et Europay France (Crédit Agricole, CIC, La Poste, Banques populaires, Crédit mutuel) |
Regroupement BNP, Société générale, Crédit Lyonnais, France Télécom, Gemplus. |
PARTENAIRES INDUSTRIELS |
Bull, Cap Gemini, Lexem |
Gemplus, MSI, IBM, SGZ, Microsoft |
SYSTÈME |
Chaîne complète de commerce sécurisée, avec lecteur de cartes à puce. Protocole C-SET |
Paiement sécurisé à la norme SET via un modem lecteur de cartes à puce. |
PROJET PILOTE |
Europay distribuera à partir de l'automne 97, 10.000 terminaux de cartes à puce. Une cinquantaine de sites marchands sont prévus. |
Premiers tests réalisés à l'été 97, démarrage à l'automne, avec un million de modem. Une vingtaine de sites marchands sont prévus. |
Source : L'Usine Nouvelle, 22 mai 1997.
Rappelons que la loi n° 96-659 de réglementation des
télécommunications
47(
*
)
dans son
article 17, a largement assoupli le régime de la cryptologie. Ces
dispositions, dont les décrets d'application sont attendus, devraient
lever un des principaux obstacles qui entravaient l'essor du commerce en ligne.
2. Les perspectives de développement des téléservices
Le développement des nouvelles technologies
entraîne la multiplication de nombreux services pour les citoyens.
Les télé-procédures facilitant les relations entre
l'administration et l'usager en sont un exemple, déjà cité
ci-dessus. D'autres domaines ne manqueront pas d'être touchés. Il
s'agit bien sûr du commerce électronique, évoqué
plus haut, mais aussi du développement de la
" télé-bancarisation ", c'est-à-dire des
liaisons électroniques entre les banques et leurs clients
48(
*
)
.
Comme l'éducation, la santé est un domaine de l'activité
humaine susceptible d'être largement modifié par les nouvelles
technologies.
Aux États-Unis, un plan de développement de la
télé-médecine
en milieu rural a été
mis en place, qui bénéficie de 400 millions de dollars de
crédits publics chaque année. Les tarifs des communications des
hôpitaux situés en zones rurales ont été
alignés sur ceux des hôpitaux situés en zones urbaines.
Les grands hôpitaux américains utilisent les nouvelles
technologies pour " exporter " leurs techniques médicales.
Ainsi, en matière de transplantation rénale, l'hôpital de
Nouvelle Angleterre (Tufts University, Boston) a mis ses spécialistes
à la disposition des hôpitaux argentins qui, obtenaient un taux de
rejet des greffes bien plus élevé (50 % contre 10 %).
La collaboration entre médecins sud et nord-américains a
amélioré le taux de succès des opérations (et a
poussé les malades argentins à venir se faire opérer aux
États-Unis).
Plus spectaculaires encore sont les interventions chirurgicales complexes
effectuées à distance grâce aux nouvelles technologies. Ces
expériences, ainsi que la téléradiologie, les
téléconférences médicales et les
téléconsultations, sont amenées à se
développer de plus en plus à l'avenir.
En France, la télé-médecine a déjà
été expérimentée, notamment en Bretagne, comme le
détaille l'encadré suivant :
UNE EXPÉRIENCE DE TÉLÉ-MÉDECINE À LANNION : LE PROJET REDMED
L'opération regroupe quatre partenaires qui sont le
CNET (centre de recherche de France Télécom), la
société Aristel, le centre hospitalier de Lannion et les
collectivités publiques du Trégor.
Le principe consiste à relier huit sites via le réseau
" Numéris ". Le centre hospitalier de Lannion gère un
serveur sur lequel sont stockées les analyses médicales, les
radiographies, les scanners. Des terminaux de consultation sont
installés chez les médecins de ville, les spécialistes,
les chirurgiens et radiologues de garde, qui peuvent ainsi consulter les
données relatives à un patient déterminé.
A terme, ce système permettra la
" télé-expertise " : l'hôpital sera
consulté à distance pour évaluer la gravité de
l'état d'un patient et déterminer les modalités de sa
prise en charge.
Source : " Le Télégramme ", 15 mars 1997.
Même si elle n'est encore qu'une accumulation de projets
débutants, dispersés en standards multiples, la
télé-médecine est riche de promesses pour l'avenir.
Les implications économiques des nouvelles technologies sont donc
nombreuses. Il est donc urgent d'agir pour promouvoir leur développement.
DEUXIÈME PARTIE: ASSUMER LA MODERNITE
CHAPITRE PREMIER :
AGIR
Plutôt que de dresser une liste de propositions ponctuelles, les rapports publiés par ailleurs s'y sont employés et certaines suggestions particulièrement pertinentes sont reprises dans le corps de cette étude, la mission d'information a souhaité définir quelques orientations et principes d'actions susceptibles d'éclairer le rôle et les stratégies des initiateurs potentiels de la société de l'information, au premier rang desquels apparaissent l'Etat et les collectivités locales.
I. LE RÔLE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE
A. UNE IMPLICATION NÉCESSAIRE
La plupart des propositions sectorielles
présentées ou rappelées dans les développements qui
précèdent confient à l'Etat et aux collectivités
publiques un rôle moteur dans l'avancée de la
société de l'information. La démarche adoptée
implicitement dans la plupart des études et rapports
élaborés en France sur cette question semble ainsi assez
largement contradictoire avec la conception largement répandue,
spécialement aux Etats-Unis, selon laquelle l'essentiel de l'initiative
devait venir du secteur privé, spécialement en ce qui concerne la
construction des autoroutes de l'information. Le vice-président Gore a
situé ce principe au premier rang des cinq axes stratégiques du
développement de la société de l'information aux
Etats-Unis, les quatre suivants étant la compétition entre
opérateurs, l'accès universel aux réseaux,
l'égalité de tous les citoyens en matière d'accès
à l'information et de capacité de traiter celle-ci, le maintien
d'une réglementation souple et adaptable.
La même conception du rôle moteur du secteur privé explique
en France l'accueil mitigé réservé en octobre 1994 aux
propositions, présentées dans le rapport Théry, de lancer
une politique d'équipement du territoire en fibre optique en une
quinzaine d'années. Ce programme aurait représenté un
investissement global de 150 à 200 milliards de francs, du même
ordre que le budget spatial français mais avec des effets
économiques très supérieurs. En effet, de l'avis de M.
Gérard Théry, l'équipement généralisé
en fibre optique de la " boucle locale ", c'est-à-dire de la
partie du réseau de distribution situé entre le commutateur et
l'abonné, joint à l'utilisation de la technique de l'ATM qui
permet de commuter des images vidéo, aurait permis l'enclenchement d'une
dynamique de création de services multimédias permettant
l'apparition d'un marché grand public.
La réticence à confier à l'Etat, dont l'opérateur
public aurait en l'occurrence été l'instrument, le lancement
d'une grande politique industrielle d'équipement en fibre optique
susceptible de favoriser l'apparition d'un marché des contenus
multimédias s'explique, en France, par deux facteurs.
D'une part, l'échec du plan câble a laissé des traces. Il
reposait sur un pari technologique assez comparable à celui des
autoroutes de l'information, puisque l'objectif était de câbler en
cinq ans l'ensemble des grandes villes, les retombées attendues
étant multiples : création massive d'emplois,
émergence d'une communication locale, bouleversement des modes
traditionnels de transmission du savoir grâce à
l'interactivité autorisée par la fibre optique.
D'autre part, comme le rapport du commissariat général du plan
sur les réseaux de la société de l'information l'a
souligné, le succès du grand projet industriel proposé par
M. Gérard Théry reposait sur le postulat d'une protection
réglementaire favorisant la rentabilisation à terme de
l'investissement en hauts débits.
Il aurait pu s'agir de l'octroi d'une exclusivité pour l'offre de
certains services. Mais toute forme de protection réglementaire d'un
investisseur privilégié serait mise en échec par
l'internationalisation de la demande et des marchés de la communication
en raison de la substituabilité croissante des technologies de transport
de l'information. En effet, comme il a été indiqué dans la
première partie du présent rapport, les réseaux filaires,
hertziens terrestres et hertziens satellitaires permettront de diffuser
indifféremment des contenus identiques, sur lesquels les
autorités nationales exerceront un contrôle de moins en moins
efficace. Outre les problèmes juridiques et éthiques
évoqués au chapitre II suivant, cette donnée de fait
provoque l'impossibilité de bâtir une politique industrielle
inspirée des modèles monopolistiques du passé. Au
demeurant, l'ouverture croissante du marché des
télécommunications sur le plan européen comme sur le plan
international oppose un obstacle juridique incontournable à toute
stratégie industrielle à connotation dirigiste. L'Etat ne sera
donc pas l'initiateur direct des infrastructures des réseaux grands
débits. Toutefois, comme nous l'avons souligné, il peut
considérer que l'accès à des réseaux grands
débits fait partie des obligations de service universel à des
pris très bas pour certaines catégories d'utilisateurs publics ou
d'intérêt général.
L'ensemble des développements qui ont mis ci-dessus l'accent sur les
enjeux économiques sociaux et culturels de la société de
l'information justifient un engagement de sa part dans cette voie.
Les organismes régulateurs peuvent veiller à ce que les
autorisations données à des organismes tiennent compte de ces
obligations.
On observera au demeurant, toujours à propos de la question de
l'implication de l'Etat dans la mise en place des autoroutes de l'information,
que les axes stratégiques définis en février 1994 par
le vice-président Gore, contenaient en germe des contradictions que les
exposés ultérieurs de la politique fédérale ont mis
en lumière. En septembre 1994, le vice-président américain
indiquait à une réunion de l'Union internationale des
télécommunications tenue à Tokyo : "
Nous
utiliserons l'infrastructure globale de l'information afin de promouvoir nos
économies respectives, ainsi que la santé, l'éducation, la
protection de l'environnement et la démocratie
". Cet aspect de
la mise en place de la société de l'information aux Etats-Unis
est depuis resté constamment au premier plan des préoccupations
de l'Administration et a donné lieu, avec le concours de certains
opérateurs privés, à des initiatives significatives, comme
le rappelle le paragraphe consacré ci-dessus à l'utilisation des
nouvelles technologies dans l'enseignement. Les pouvoirs publics sont ainsi au
premier rang des responsables de la mise en place de la société
de l'information aux Etats-Unis, et plus encore en France où l'Etat et
les collectivités publiques conservent un rôle essentiel dans
l'évolution de la société.
Ajoutons qu'il paraît de plus en plus probable que les acteurs
privés ne sauraient lancer par le simple jeu des forces du marché
les initiatives nécessaires à l'entrée dans la
société de l'information. Les aspects du développement des
marchés impliquant les technologies nouvelles sont en effet mal connus.
On a pensé un moment que la télévision interactive et
à la carte, en particulier les services de paiement à la
séance de spectacles sportifs et de cinéma, de même que le
télé-achat, permettraient de rentabiliser les très lourds
investissements nécessaires pour installer les réseaux à
grand débit, nécessaires à la distribution de contenus
multimédias. Les expériences menées ces dernières
années aux Etats-Unis, en particulier par Time Warner à Orlando
en Floride, ont démontré que les Américains
n'étaient pas disposés à consacrer à ces services
un budget excédant un montant de 50 à 60 francs par mois. La
capacité des abonnés de participer au financement des
infrastructures est donc limitée.
La " killer application " sur laquelle comptaient nombre
d'observateurs pour qu'un marché de masse émerge est un
mythe ; il est peu probable que les services aux particuliers tireront une
demande susceptible de porter une industrie des contenus assez puissante pour
assurer un retour sur les investissements en infrastructures. De fait, on
discerne derrière le foisonnement d'alliances et de désalliances
dont la presse se fait presque quotidiennement l'écho, le pragmatisme et
la prudence des opérateurs privés : aucun foisonnement
d'infrastructures à haut débit n'est signalé et les
services nouveaux proposés au public sont, pour l'essentiel, des
développements des services traditionnels de télévision.
Le passage à des services de consultation de bases de données
plus interactifs (tels que la consultation de la météo) sera
progressif et tiendra compte des réactions du marché à
l'offre actuellement disponible.
Cette démarche progressive est en particulier celle des
opérateurs publics et privés de bouquets satellitaires
numériques, principal créneau de développement grand
public des nouvelles technologies à l'heure actuelle.
Les exemples d'une prudence qui confine à l'atonie abondent. Des voies
prometteuses comme la numérisation de la diffusion hertzienne terrestre
qui libérerait des fréquences pour la diffusion de nouveaux
services mais aussi pour des usages à fort potentiel de croissance tels
que la téléphonie mobile, ne sont guère explorées.
Des solutions techniques telles que la diffusion par micro-ondes, qui
permettraient de distribuer en zone rurale des services équivalents
à ceux du câble moyennant des investissements d'ampleur moyenne,
restent au stade expérimental. Dans ces conditions, il est incontestable
que l'entrée de la France dans la société de l'information
passe par une forte implication de l'Etat. S'il n'est pas question de lancer la
grande politique industrielle dont on a évoqué ci-dessus la
difficulté en matière de construction de réseaux, il est
tout à fait possible de mettre en place une stratégie
diversifiée et efficace de promotion de la société de
l'information. Quels peuvent en être les principaux axes ?
B. UNE STRATÉGIE DIVERSIFIÉE
1. Des initiatives à développer
Le ministre des technologies de l'information et de la Poste
a
exposé à l'Assemblée nationale, le 27 octobre 1995, sa
conception du rôle de l'Etat en matière d'autoroutes de
l'information : " offrir aux acteurs une réglementation qui
favorise leur développement, (...) une concurrence saine et le respect
des obligations de service public ; assurer la régulation (...) ;
inciter à la recherche les entreprises ; les services et les
collectivités locales qui souhaitent innover ".
De son côté, le rapport Théry préconisait, outre le
déploiement rapide de réseaux en fibre optique, la mise en place
de plates-formes d'expérimentation de services, la promotion des
logiciels de réseaux et de contenus, l'intensification de l'ATM, tout en
marquant la nécessité de sensibiliser la société
française aux enjeux de la société de l'information.
Le rapport Laffitte, au nom de l'Office parlementaire déjà
cité, de même insistait sur l'urgence d'une véritable
croisade pour lancer en France l'usage intensif de la télématique
multimédia dans l'enseignement, à partir des collectivités
locales et des départements ministériels et dans l'ensemble du
tissu économique, associatif, culturel et social.
Ces différentes pistes, incontestablement fécondes, ont
commencé d'être explorées.
L'ambition de la mission
d'information du Sénat sur l'entrée de la France dans la
société de l'information est d'apporter une contribution
supplémentaire à ce travail indispensable, comme l'expose
l'introduction du présent rapport.
Les expérimentations de nouveaux services, menées à la
suite du premier appel à propositions lancé en novembre 1994 par
le ministre de l'industrie, permettent de tester les solutions techniques
disponibles et les réactions du marché et constituent un premier
pas avec une ampleur trop mesurée.
Il faudra aller plus loin.
2. L'Etat organisé en réseau, l'Etat numérisé, l'Etat donneur d'ordres
La mise en réseau de l'Etat doit être
systématisée. Est-il admissible, lorsque l'on peut par un
intranet ministériel s'adresser à tous les fonctionnaires
intéressés au moyen de la messagerie électronique, de
réunir de coûteux comités et commissions
préparatoires marqués par des délais légaux qui
rendent impossibles des décisions qu'il est urgent de prendre ?
Est-il admissible d'obliger les usagers -et toute l'économie- à
vivre au rythme de l'administration de Courteline en cette fin de
siècle ? Il faut aussi que l'Etat assure véritablement deux
autres aspects de son rôle peut-être insuffisamment mis en
lumière jusqu'à présent : d'une part la
démonstration du potentiel des nouvelles technologies en termes
d'efficacité dans l'action et d'économie dans les moyens, d'autre
part, l'éducation et la formation des citoyens à l'utilisation de
ces technologies. Il est essentiel de favoriser l'appropriation des nouvelles
technologies par le public et par le secteur productif. L'entrée dans la
société de l'information passe d'abord et avant tout par
l'évolution des esprits.
Le lancement d'applications dans les secteurs de la santé, de
l'éducation et de la cohésion sociale doit jouer un
rôle-clé à cet égard. La fourniture au public
à l'initiative de l'Etat d'applications directement liées
à la satisfaction de besoins d'intérêt
général dont il a la charge apparaît en effet comme un des
moyens les plus efficaces de donner au marché du multimédia
l'impulsion nécessaire à la constitution d'une forte industrie
française des contenus.
La nouvelle organisation de l'Etat et l'intervention de l'Etat comme donneur
d'ordre en matière de contenus doit être conjuguée avec
l'ensemble des mesures incitatives susceptibles, par ailleurs,
spécialement en matière fiscale.
3. La nécessaire adaptation de la fiscalité
Au terme de ses auditions, votre mission d'information a en
effet relevé que le niveau de la fiscalité indirecte pesant sur
le matériel informatique et les produits multimédia constituait
un obstacle sérieux à l'acquisition de ce matériel et de
ces produits.
Votre mission d'information propose, en conséquence, d'étudier la
diminution du taux de TVA applicable tant aux produits multimédia qu'au
matériel informatique.
L'admission de ces produits au taux de 5,5 % peut se heurter à un
certain nombre d'arguments juridiques et financiers qu'il convient d'analyser
avant d'y répondre.
Le
principal obstacle juridique
à une admission au taux
réduit de TVA des matériels informatiques et des produits
multimédia, tient à la
" législation "
européenne en matière de TVA qui contient une liste limitative de
ces biens
. Or, ni les matériels informatiques, ni les produits
multimédia ne figurent sur cette liste.
Cette
liste est cependant révisable
tous les deux ans par le
Conseil des ministres européen, sur proposition de la Commission.
Pour arriver à ce résultat la France doit convaincre ses
partenaires européens, qui souffrent eux aussi -à des
degrés divers- d'un retard d'équipement et de
" consommation " informatique par rapport aux Etats-Unis. La
Commission pourrait inscrire cette révision à l'ordre du jour
d'un conseil au sein d'un projet de directive, ce dernier devant ensuite
être adopté à l'unanimité.
Une telle démarche aurait l'avantage de
concorder avec la
volonté, maintes fois exprimée par les autorités
européennes, de promouvoir le développement des nouvelles
technologies de l'information et de la communication.
Sur le plan financier
, l'obstacle tient évidemment aux
pertes de
recettes
qu'entraînerait, pour l'Etat, une admission au taux
réduit de TVA de ces catégories de biens.
C'est pourquoi, dans le contexte budgétaire actuel, votre mission
d'information considère nécessaire d'analyser avec
précision les conséquences et les objectifs d'une telle mesure en
distinguant le matériel d'une part et les produits avec valeur
ajoutée intellectuelle d'autre part.
Tout d'abord, cette diminution de fiscalité est -par définition-
ciblée sur l'utilisateur privé, sur le citoyen. En effet, les
règles de déductibilité de la TVA font que
seul le
consommateur final acquitte la TVA
. La charge pour le budget de l'Etat
serait donc essentiellement liée à la "consommation" des
particuliers. A cet égard, il convient aussi de mentionner que la charge
supportée par l'Etat, en tant que consommateur final de biens
informatiques, sera réduite du montant de la baisse de TVA
acquittée sur ces biens.
Enfin, il convient de rappeler que la progression de la consommation induite
par cet allégement de fiscalité, viendrait compenser
partiellement les pertes de recettes fiscales.
Proposée dans cette perspective dynamique, l'admission au taux
réduit de TVA du matériel informatique et des produits
multimédia, constitue un "investissement" pour le budget de l'Etat
qui,
tout en restant proportionné à son objectif, donnerait au
Gouvernement l'occasion de traduire en actes sa volonté de favoriser
l'entrée de la France dans la société de l'information.
4. Les collectivités locales
Si, dans nombre de cas, les collectivités locales doivent relayer et compléter l'action de l'Etat sur le terrain de leurs propres compétences, il en est d'autres où elles sont en première ligne. Ce sont elles en particulier qui ont la responsabilité des infrastructures et investissements dans les établissements scolaires. L'intérêt spécifique qui s'attache pour elles au développement des réseaux et des services devrait puissamment encourager leur implication selon les axes très variés que la table ronde réunie par la mission d'information le mercredi 11 juin a permis d'identifier (cf. en annexe, le compte rendu de la table ronde) et que rappellent dans la première partie de ce rapport les développements consacrés à l'impact des nouvelles technologies sur l'aménagement du territoire.
II. MOTIVER LES ACTEURS PARA-PUBLICS
France Télécom est au premier rang des acteurs
de la société de l'information. Son degré d'implication
fait l'objet de débats, souvent de critiques, dont la mission
d'information du Sénat a reçu de nombreux échos. Le
contexte désormais concurrentiel de son activité interdit de lui
confier dans l'équipement de la France en réseau à hauts
débits, le rôle qu'il a joué dans la réalisation du
plan câble, sauf à inscrire dans le service universel le droit
à l'accès haut débit gratuit pour certaines
catégories d'usagers (écoles, hôpitaux,
municipalités, fondations reconnues d'utilité publique).
Par ailleurs, France Télécom reste l'opérateur dominant en
France. Cet opérateur est à même de passer les commandes
qui permettront la production en série des équipements et
l'abaissement des coûts, comme l'a rappelé M. Gérard
Théry lors de son audition devant la mission d'information (cf. en
annexe le compte rendu des auditions de la mission).
Sans assumer le rôle central dont la perte de son monopole et le choix de
privilégier son désendettement rendent l'exercice difficile,
France Télécom manifeste le souhait d'être l'un des acteurs
essentiels de l'entrée dans la société de l'information.
La modification des structures de l'entreprise, avec la création de
branches spécialisées par types de clientèles et d'une
division multimédia, répond à cet objectif.
Par ailleurs, quatre axes stratégiques ont été
définis en matière de multimédia. Le tableau suivant
présente l'analyse de France Télécom sur
l'évolution de ces marchés et les actions lancées dans le
cadre de ces axes stratégiques.
LA STRATÉGIE DE FRANCE TÉLÉCOM EN MATIÈRE DE MULTIMÉDIA
-
· Premier axe : Internet
Le marché de l'accès à Internet va se développer considérablement en France et sera dans la longue durée, un élément central de l'activité du groupe France Télécom. Le trafic Internet en France augmente de 15 % par mois. C'est incontestablement un point d'inflexion stratégique : Wanadoo, le service d'accès à Internet de France Télécom a aujourd'hui 45 000 abonnés et en gagne 1 500 par semaine.
Pour ce domaine France Télécom a trois objectifs :
1. Insérer Wanadoo dans une gamme complète de services de communication avancée . Celle-ci part du Minitel et comprend Wanadoo sur le réseau téléphonique commuté, sur Numéris, via le satellite et sur le câble. Enfin un accès à haut débit en ADSL, technique utilisant le réseau téléphonique commuté pour débits supérieurs à 4 Mbis/s est d'ores et déjà offert.
Il n'y a donc pas d'un côté le Minitel et de l'autre l'Internet, mais un continuum de services. La croissance actuelle du Minitel n'est pas due à France Télécom qui bloquerait le développement du " net ", mais à un couple prix-simplicité qui convient au client.
2. Démocratiser au maximum l'Internet
Quatre mesures vont y contribuer :
1) l'ouverture d'un service de messagerie Internet pour les 6,3 millions de détenteurs de Minitel (3615 Minitelnet) depuis le printemps dernier. Pour 45 centimes la minute et sans abonnement, il est ainsi possible d'avoir une adresse E-mail. 20.000 messageries personnelles ont déjà été ouvertes et ce nombre augmente de 1 000 par semaine.
2) la baisse des tarifs Wanadoo.
3) le lancement d'un Minitel-Internet : le travail est en cours avec plusieurs industriels pour disposer d'un terminal simplifié permettant d'accéder à la fois aux services Minitel et Internet dans des conditions de confort et de simplicité proches de celles du Minitel.
4) le renforcement de l'offre aux établissements d'enseignement : la préparation des jeunes à leur futur environnement est en effet un enjeu considérable.
La première étape a été l'offre d'accès à Internet via Wanadoo sur Numéris, à des conditions préférentielles, faite aux lycées et collèges. Elle permet de soutenir le développement des usages pédagogiques des services en ligne.
Une seconde étape sera le lancement, sur les sites exploités par France Télécom d'un accès à Internet sur le câble. Il est souhaitable que ces initiatives fassent l'objet de partenariat associant, aux niveaux régional et départemental, les acteurs concernés : collectivités locales, ministère de l'Education nationale, France Télécom, industriels.
Pour les entreprises, France Télécom, avec ses alliés Deutsche Telekom et Sprint, dans le cadre de leur alliance Global One, offre la faculté d'étendre leur Intranet sur les cinq continents, avec plus de 2 500 points d'accès. Adaptée aux besoins de chaque entreprise, c'est une solution complète, cohérente et modulaire qui leur permet de bénéficier sur leur réseau interne, en toute sécurité, et à moindre coût, de la facilité d'utilisation des technologies standards d'Internet.
3. Etre présent dans les contenus et transactions en ligne
Les transactions commerciales seront facilitées ; pour cela, une offre de services aux commerçants permettant la vente de biens, services et informations sur Internet sera développée en partenariat avec le secteur bancaire. La sécurisation des achats et des paiements sera assurée via les circuits bancaires traditionnels. En matière de contenus, des programmes diffusés en ligne tant éducatifs que culturels sont en cours d'élaboration.
Par ailleurs, France Télécom veut être un partenaire majeur dans le développement des villes numériques proposant des services de proximité (annuaires locaux, cartographie, informations locales) en commençant par les villes hôtes de la coupe du monde de football dont elle est un des sponsors officiels.
· Deuxième axe : Minitel et Audiotel
Le marché de la télématique traditionnelle va rester prospère pendant encore quelque temps, du fait, d'une part, de l'importance du parc installé, et d'autre part, des incontestables qualités ergonomiques du support Minitel. Ainsi, il est au moins aussi rapide de consulter son courrier électronique sur Minitelnet que sur un PC. Le Minitel représente un chiffre d'affaires de 6,3 milliards de francs. Cet atout va être valorisé pour organiser la montée en gamme. L'économie du Kiosque, permettant aux fournisseurs de service d'être rémunérés sur les investissements éditoriaux, a en effet fait ses preuves. Le savoir-faire acquis sera étendu à Internet.
· Troisième axe : la télévision
Le marché de la télévision payante va se développer. France Télécom Câble connaît la croissance de pénétration la plus élevée du marché du câble en France. Avec 420 000 clients, c'est maintenant le premier câblo-opérateur français. Le bouquet satellitaire numérique TPS, dont France Télécom est un des actionnaires, a très bien démarré (150 000 abonnés).
France Télécom va développer sa présence dans ce secteur de trois manières :
- premièrement, en accompagnant TPS dans son développement, en France et à l'étranger.
- deuxièmement, en développant également les activités dans le domaine du câble. Ainsi depuis juin 1997, France Télécom propose une offre complète de chaînes numériques sur l'ensemble des réseaux 0G. Les nouvelles chaînes de TPS sont donc disponibles sur ces réseaux. Cet investissement permettra notamment au câble de soutenir la concurrence du satellite.
De plus, d'ici la fin de l'année prochaine, un accès Internet haut débit sera lancé sur les réseaux câblés 0G. Un accès haut-débit sera proposé aux établissements d'enseignement des zones câblées gérées par France Télécom dans les mois qui viennent.
Les réseaux 1G de Rennes et Lille seront renouvelés en technologie HFC (Hybrid Fiber Coax), numérisés et équipés de l'accès Internet haut débit large. A Narbonne, des discussions sont en cours avec la mairie pour la mise en place d'un réseau multimédia HFC donnant accès à la télévision numérique et à Internet d'ici fin 1998.
Enfin, France Télécom est candidat au rachat de l'exploitation commerciale des réseaux aujourd'hui gérés par la Compagnie générale de Vidéocommunication, que la Générale des Eaux a mis en vente.
- troisièmement, le développement des chaînes thématiques et des programmes. France Télécom participe au capital de la Chaîne Histoire qui vient d'être lancée. Cette chaîne sera diffusée en numérique sur TPS et sur les réseaux câblés de France Télécom Câble, en attendant d'en bâtir une déclinaison interactive diffusée sur Internet. Des investissements ont aussi été réalisés dans la chaîne Météo, dans la chaîne de petites annonces CTV, dans le bouquet de radios numériques Multiradio. Un développement dans les dessins animés, au travers d'une participation dans France Animation, l'une des 5 premières sociétés françaises dans le dessin animé a également été initié.
· Quatrième axe : anticiper sur les nouveaux réseaux large bande
Après les deux générations de réseaux haut débit (le câble, le satellite), d'autres technologies vont suivre, dans un mouvement de dilatation constante des débits distribués. Dans le même temps, la puissance de calcul des PC va continuer d'augmenter à un rythme rapide. Réseau haut débit et terminaux puissants : les conditions d'une transformation des réseaux en structures de distribution d'images, de données et de voix, seront de plus en plus réunies. Dans ce cadre, France Télécom poursuit deux grands objectifs :
- premier objectif : maîtriser les ressources d'intermédiation logicielles sur ces réseaux large bande. Le logiciel de contrôle d'accès, Viaccess développé par France Télécom, est utilisé aujourd'hui dans la télévision payante par TPS, ABSat, France Télécom Câble, Lyonnaise communications. De nombreux acteurs étrangers de la télévision payante, en Europe et en Asie, ont également signé avec France-Télécom.
- deuxième objectif : être les pionniers de la mise en oeuvre des nouvelles technologies large bande en France. Trois exemples en témoignent :
. l'ADSL qui permet d'offrir un service d'accès à l'Internet à un débit de 4 à 8 Mbit/s (lancement en juin 1997 d'un service pré-commercial d'ADSL à Noizy-le-Grand) ;
. le MMDS numérique : lancement d'un site pilote en août 1997 à Felletin ;
. les centres de recherche de France Télécom travaillent sur les technologies large bande utilisant le transport radio, dont on sait qu'elles sont extrêmement prometteuses.
· En conclusion, France Télécom veut :
1. Démocratiser les services de transmission de données et d'image.
2. Vendre des produits simples et utiles pour le grand public, en mettant l'accent sur les services, l'assistance, les guides, les contenus de proximité. Il s'agit de s'adresser, non pas aux initiés, mais à l'ensemble des clients du téléphone qui veulent être accompagnés, dans leur langue, dans le monde très complexe des services de communication sur écran.
3. Satisfaire les besoins du client dans une logique de gamme, avec de très faibles tarifs d'entrée de gamme.
4. Préparer l'étape suivante du développement des réseaux large bande en France, en mettant en oeuvre une stratégie industrielle et globale dans le secteur.
Trois remarques peuvent être faites sur ce programme :
· France Télécom ne mise manifestement pas sur le développement de réseaux à hauts débits. Le quatrième axe stratégique : " anticiper sur les nouveaux réseaux large bande " comporte en matière de développement des capacités des réseaux filaires le seul objectif d'expérimenter l'ADSL (asymetric digital subscible line), technique de transmission des images numérisées sur des câbles téléphoniques en cuivre par ajout de deux boîtiers, l'un au central, l'autre chez l'abonné. Le président de France Télécom exprimant ainsi la position de l'entreprise à l'égard de l'évolution des réseaux, devant des représentants des collectivités locales réunis le 24 juin au Salon Multimédia-ville 97 : " Le plus facile, le plus classique aussi, c'est de se lancer dans la construction d'infrastructures. Entre le désir de vos services techniques d'être utiles, celui des fabriquants d'équipements de vendre leurs produits et celui des concessionnaires que vous finiriez bien par choisir pour gérer ces infrastructures il y a beaucoup de sirènes pour vous attirer dans ce qui peut se révéler un piège.
Car bien souvent ce sera un piège. En effet, cette infrastructure existe déjà, c'est celle de France Télécom. Elle est accessible à chacun, à des coûts qui sont en chute libre et ne sont jamais égalables par de nouveaux équipements, puisque la loi nous fait obligation de les fournir à tous à très bas prix et que la concurrence y veillera.
Tout indique, partout dans le monde des télécoms, que demain, à la différence d'hier, la valeur n'est plus dans le réseau, mais dans les services qu'on est capable d'y accrocher . "
Il est possible d'avoir une vue plus nuancée de la problématique des réseaux, comme on le verra ci-dessous.
· France Télécom va tenter de marier le Minitel avec Internet et d'étendre à Internet le système " Kiosque " qui permet la rémunération par l'usager du fournisseur de service et de l'exploitant du réseau. Cette démarche, qui s'inscrit dans la forte tendance à l'utilisation commerciale d'Internet, est incontestablement intéressante. En outre, l'élaboration d'un " Webphone " permettant d'associer dans un même terminal le téléphone, le Minitel et l'accès à Internet, pourrait contribuer au succès de la " culture Internet " dans le grand public, comme il est indiqué dans la première p artie du présent rapport.
· Aucune initiative n'est mentionnée pour faciliter l'accès à Internet par les réseaux câblés de France Télécom gérés par des opérateurs privés. L'extension de ce mode d'accès substituant une tarification forfaitaire à la tarification à la durée qu'implique l'accès à Internet par le réseau téléphonique est indispensable au développement des usages d'Internet en France. Un contentieux portant sur les redevances demandées aux câblo-opérateurs en contrepartie de la possibilité de proposer cette fonction à leur clientèle vient d'être réglé par l'autorité de régulation des télécommunications. On ne peut que regretter le faible esprit de coopération que traduit l'évolution de ce dossier.
Considérer comme semble le faire France
Télécom que les infrastructures nécessaires au
développement des services multimédias sont suffisantes
paraît très réducteur.
Certes, comme le remarquait le rapport du Commissariat général du
Plan sur les réseaux de la société de l'information,
"
la quasi totalité des services existant aujourd'hui ne
requièrent pas de débits de transmission élevés,
comme le montrent les exemples d'Internet, qui fonctionne essentiellement sur
des infrastructures traditionnelles, ou de Transpac (256kbits/s). Les besoins
en transmission de données sont satisfaits dans la plupart des cas par
les débits offerts sur le RNIS (canaux à 64kbits/s). Les services
utilisant l'image, tels que la vidéoconférence ou la consultation
de fichiers multimédias, exigent des débits plus importants, mais
ne constituent encore que des niches réduites de marché, dont le
développement reste lent.
"
Les débits limités des réseaux actuels ne font donc pas
forcément obstacle à la montée en puissance des nouveaux
services. Le même rapport notait à titre d'exemple que les besoins
des banques dépassent rarement 512kbits/s, parce que celles-ci cherchent
à éviter la circulation systématique de gros fichiers. Des
débits plus élevés ne paraissent pas non plus
justifiés dans les relations avec la clientèle. Ainsi, si sur
300 000 entreprises clientes de la BNP, près de 20 % utilisent
de manière significative les produits téléinformatiques
proposés par la banque, aucun des services concernés ne
nécessite une capacité de type large bande. En outre,
l'intérêt et donc la solvabilité de services bancaires
utilisant la vidéo restent douteux.
Par ailleurs, il faut noter que certaines techniques en phase
d'expérimentation devraient permettre de transmettre de nouveaux
services par les réseaux existants (cas de l'ADSL) ou en
établissant des réseaux relativement peu coûteux (cas de la
diffusion par micro-ondes). Ces techniques apparaissent comme des solutions de
remplacement à l'équipement de la " boucle locale " en
fibre optique, considéré comme trop coûteux eu égard
aux incertitudes du marché du multimédia.
Il n'en reste pas moins que l'apparition de véritables services
multimédias interactifs chez les particuliers nécessitera soit la
diffusion hertzienne ou satellitaire numérisée, avec voie de
retour filaire, soit la refonte des infrastructures de desserte et le
déploiement d'une masse critique de fibre optique à
proximité des utilisateurs. Le processus d'extension du réseau en
fibre optique pourrait débuter par le raccordement des zones où
se trouve concentrée la clientèle la plus susceptible de
constituer un marché pour les services à valeur ajoutée,
on pense aux centres d'affaires, aux grands laboratoires de recherche. Il
convient donc de favoriser la constitution de sites numériques
équipés de fibre optique afin de préparer le desserrement
des goulots d'étranglement qui feront obstacle tôt ou tard
à la constitution de marchés du véritable
multimédia. En même temps, les obligations légales
éventuelles de réseaux grand débit en tout point du
territoire créeront les besoins.
Pour l'essentiel, les autoroutes de l'information resteront toutefois dans le
futur proche constituées d'un ensemble de supports de diffusion divers
interconnectés et permettant l'interopérabilité des
services, à l'image d'Internet. Dans cette optique, l'Etat devrait
favoriser l'émergence de standards multiopérateurs afin
d'empêcher la segmentation des marchés et la constitution de
positions dominantes sur tel ou tel segment. Cet objectif fait partie de la
politique de la concurrence mentionnée ci-dessus. Sa réalisation
appartient au premier chef aux entreprises impliquées dans les groupes
de travail européens ou internationaux qui définissent des
standards. On regrettera la faible implication des entreprises
françaises dans ces instances dont dépend pour une bonne part la
structuration des futurs marchés et la compétitivité de
nos industries (cf. en annexe l'audition par la mission d'une
délégation du syndicat de l'industrie des technologies de
l'information).
Au-delà de l'action incitative qu'il peut mener dans ce domaine, l'Etat
doit recourir en tant que de besoin à la voie législative pour
débloquer des situations préjudiciables à l'ouverture des
marchés. C'est ainsi qu'une discussion a été
engagée au début de 1997 au Parlement, à l'occasion de
l'examen en première lecture du projet de loi sur la communication
audiovisuelle, sur les conditions de la mise en place d'un
" décodeur unique " permettant aux abonnés de recevoir
l'ensemble des services de télévision numérique
satellitaire. Le dépôt annoncé en 1998 d'un nouveau projet
de loi permettra de reprendre sur cette question emblématique un
débat que le renouvellement de l'Assemblée nationale a
interrompu.
Le développement des autoroutes de l'information sous la forme de
réseaux divers interconnectés implique des choix entre les
solutions techniques évoquées dans la première partie du
présent rapport (chapitre premier). Retenons simplement que la diffusion
par satellite en orbite basse et la diffusion par micro-ondes se
présentent comme des techniques adaptées à la
configuration des zones rurales et qu'en zone urbaine apparaissent des
possibilités de revitaliser l'économie du câble. Selon les
câblo-opérateurs américains, la
télédistribution classique ne devrait en effet représenter
que 50 % de leurs recettes d'ici à cinq ans grâce à la
possibilité d'offrir la téléphonie et l'accès
à Internet. Les adaptations techniques des réseaux
représentent un coût élevé (pour l'accès
à Internet : mise en service de la voie de retour, ce qui implique
la modification des amplificateurs du réseau, équipement des
têtes de réseau en routeurs et en serveurs locaux. Ces coûts
fixes sont évalués à quelque 25 millions de francs
pour Paris et à 1 % de l'investissement total déjà
consenti pour les réseaux du plan câble - Chiffres cités
dans Ecran total du 18 juin 1997).
Cependant, ces investissements encourageraient l'abonnement au câble dont
l'exploitation se rapprocherait dès lors du seuil de rentabilité.
Par ailleurs, comme l'observe le rapport du Commissariat général
du Plan sur les autoroutes de l'information, le câblage des villes
moyennes offre de véritables perspectives économiques dans la
mesure où, dans le cas de la construction d'un réseau
câblé, le surcoût lié à la fourniture du
téléphone ne dépasse pas 25 % de l'investissement
alors que les recettes correspondantes sont comparables à celles du
câble pour les abonnés résidentiels et quatre à cinq
fois supérieures pour les abonnés professionnels.
Le câble pourrait ainsi retrouver un avenir, ce qui rend d'autant plus
sensible la question du coût de la connexion au réseau
téléphonique et aux autres réseaux de France
Télécom.
Il est intéressant de formuler une dernière remarque pour
conclure ce survol de la stratégie de mise en place des autoroutes de
l'information. La télévision numérique terrestre
permettrait de récupérer pour d'autres usages de très
importantes capacités de diffusion au sein des fréquences
hertziennes terrestres, actuellement engorgées par la diffusion de
services de télévision classiques. Un passage à la
diffusion numérique faciliterait en particulier le développement
de la radiotéléphonie et de la radiomessagerie qui constituent
des axes majeurs du déploiement des nouvelles technologies. Or les
recherches, expérimentations et initiatives qui permettraient
d'envisager à terme cette évolution se heurtent à
l'attentisme des diffuseurs, tournés vers la diffusion satellitaire. Les
pouvoirs publics français, quant à eux, restent passifs. Dans le
même temps, les Etats-Unis ont lancé un programme d'abandon de la
diffusion classique de télévision qui devrait susciter de notre
part un regain de réflexion sur l'utilisation rationnelle des
fréquences hertziennes terrestres.
IV. DÉVELOPPER LA CULTURE INTRANET DANS LES ENTREPRISES
La première partie du rapport de la mission a permis de
brosser les perspectives que les nouvelles technologies de l'information
ouvrent à la croissance de l'économie. Encore faut-il, pour que
les entreprises profitent de ces virtualités et améliorent leur
capacité d'innover, de conquérir de nouveaux marchés de
créer des emplois, qu'elles s'adaptent à une logique nouvelle qui
implique la rupture avec les modes d'organisation et de fonctionnement
hérités d'une culture d'entreprise aujourd'hui
dépassée.
Le développement de la culture Intranet dans les entreprises
apparaît comme la première étape des évolutions
nécessaires, comme un test déterminant de la capacité
d'adaptation de l'économie française.
Le mot Intranet a été forgé au début de 1996 pour
désigner l'emploi des technologies Internet à l'intérieur
des entreprises. Internet permet à celles-ci de disposer d'une
infrastructure unique qui permet à tous les utilisateurs
d'accéder à toutes les applications existant à
l'intérieur de l'entreprise et à l'extérieur. Le
progrès est sensible par rapport à la situation dans laquelle les
entreprises devaient installer un réseau pour chaque type d'application
informatique désiré ou pour chaque type d'ordinateur
utilisé. Elles devaient ainsi traiter séparément leur
messagerie, les applications internes, les applications bureautiques, de la
même manière que les ménages installent un fil ou un
terminal différents pour le téléphone, la
télévision, le fax, l'ordinateur, le magnétoscope ...
L'interconnexion des différents réseaux d'entreprise est
coûteuse et donc partielle. Internet permet de substituer à ces
solutions une infrastructure unique et peu coûteuse. En effet, les
ordinateurs et réseaux locaux sont déjà disponibles dans
la plupart des cas, par ailleurs le logiciel nécessaire est livré
gratuitement par la plupart des fournisseurs. Le coût d'interconnexion se
réduit à l'achat d'un routeur reliant les machines en
réseau : environ 15 000 F.
Par ailleurs, les technologies d'Internet permettent la mise en service
immédiate de nouvelles applications sur des " postes
clients "
légers, ce qui représente un progrès notable par rapport
à la situation actuelle dans laquelle la plupart des applications en
réseau sont conçues en fonction de l'informatique
" client-serveur " suivant laquelle le logiciel
d'application est
réparti entre le poste serveur et les postes clients. Chaque nouvelle
application nécessite ainsi actuellement l'installation d'un nouveau
logiciel sur les postes clients, la formation des utilisateurs au nouveau
logiciel, la maintenance éclatée de celui-ci.
L'Intranet permet au contraire la mise en service instantanée d'une
nouvelle application grâce à l'installation du logiciel sur un
serveur. Il peut en résulter, quand les postes clients sont très
nombreux, de sensibles économies de coûts et de délais.
En résumé, "
l'introduction de l'Intranet dans
l'entreprise permet à la fois d'installer très rapidement de
nouvelles applications et de démultiplier les possibilités des
applications existantes en les faisant communiquer. Les nouvelles
possibilités offertes par l'Intranet dans l'entreprise sont multiples.
L'amélioration de la communication, la mise en commun de ressources
dispersées géographiquement pour réaliser une tâche,
la possibilité de combiner à la fois une présence locale
en profitant de l'accès à l'expertise globale de l'entreprise, la
création d'équipes virtuelles, sans augmenter les charges de
structures, la possibilité d'offrir un service vingt-quatre heures sur
vingt-quatre, un nouveau jour débutant chaque heure dans le
monde
"
49(
*
)
.
Une enquête récente auprès de 500 entreprises
1
a
montré que les premiers services mis en place sur un Intranet sont dans
l'ordre : le courrier électronique (un message électronique
est de trois à dix fois moins cher qu'une télécopie, selon
la distance), l'accès à l'Internet public (qui fournit à
toutes les entreprises une visibilité identique sur le Web mondial),
l'accès aux données de l'entreprises (avec une interconnexion
globale qui permet la création de groupes de travail virtuels), la
distribution et la publication d'informations (à ces coûts
très réduits quand elles existent déjà sous une
forme électronique).
Ces avancées supposent la diffusion préalable d'une culture
d'échange et de réutilisation des informations existantes qui
n'est guère encore répandue en France. De nombreuses initiatives
sont toutefois lancées afin de contribuer au lancement de la dynamique
Intranet, comme l'a montré, entre autres, l'audition de membres de
l'Association française des utilisateurs d'Unix et des systèmes
ouverts (AFUU) par la mission d'information (cf. compte rendu de
l'audition en annexe).
En mettant l'accent sur la nécessité que se développe la
culture Intranet dans les entreprises, la mission du Sénat souhaite
contribuer au déclenchement d'un processus cumulatif au terme duquel le
monde de l'entreprise aura épousé le XXIème siècle.
CHAPITRE II :
GARANTIR
Belgique
-
Jeudi 31 août 1995 -
Une
chaîne de télévision privée belge
révèle, dans un reportage diffusé à une heure de
grande écoute, que le réseau mondial de communications Internet
abrite des banques de données pédophiles.
Grande-Bretagne
-
Vendredi 24 mai 1996
- Deux hommes sont
condamnés à trois ans et à six mois de prison ferme par un
tribunal de Birmingham pour avoir diffusé sur l'Internet des photos
pornographiques mettant en scène des enfants.
Finlande
- Mercredi 28 août 1996 -
Découverte
à Helsinki d'un serveur informatique proposant quelque 3 000 images de
pornographie enfantine et de cannibalisme.
Espagne
-
Vendredi 6 septembre 1996
- Le parquet de
Séville a ouvert une enquête concernant la divulgation sur
l'Internet de photos pédophiles.
États- Unis
-
Jeudi 12 décembre 1996
- Le FBI
mène des perquisitions dans vingt villes américaines dans le
cadre d'une enquête sur la pornographie infantile via l'Internet.
L'enquête nationale en cours depuis trois ans a déjà
conduit à l'arrestation de 80 personnes, 103 inculpations, 66
condamnations et 207 perquisitions.
France -
Jeudi 13 mars 1997 -
Interpellation dans la France
entière d'environ 200 personnes coupables d'avoir copié,
vendu ou acheté des cassettes à caractère pédophile
en usant du Minitel et de l'Internet. 195 perquisitions ayant été
effectuées, 192 personnes ont été placées en garde
à vue et près de 5 000 cassettes ont été
saisies dans les 74 départements concernés par l'opération
menée par 700 gendarmes et 22 légions de gendarmerie.
Allemagne -
Lundi 21 avril 1997 -
Un couple renvoyé devant
une cour d'assises par le parquet de Rosenheim pour avoir proposé sur
l'Internet des enfants à la torture.
... ainsi pourrait-on poursuivre la noire litanie des dérives
constatées sur le " réseau des réseaux ". Ces
faits, régulièrement révélés par la presse
écrite et audiovisuelle suscitent des réactions, nombreuses et
parfois contradictoires, des acteurs eux-mêmes -fournisseurs
d'accès, associations d'utilisateurs...-, des pouvoirs publics ou encore
d'instances européennes ou internationales.
Si la société des internautes tient à préserver ce
qui caractérise l'Internet depuis l'origine, c'est-à-dire le fait
qu'il constitue un espace de liberté, les abus commis dans l'utilisation
de cet extraordinaire outil de communication, en particulier la diffusion de
contenus illicites, ont conduit ses acteurs à admettre la
nécessité d'une régulation.
Alors qu'un débat subsiste pour déterminer les moyens à
mettre en oeuvre afin d'assurer cette régulation, l'ensemble des
protagonistes s'accordent à reconnaître l'importance des enjeux.
L'écho du scandale retentit périodiquement depuis un peu plus de
deux ans, mettant en évidence les spécificité de
l'Internet à travers les difficultés auxquelles se heurtent les
forces de police et l'autorité judiciaire pour rechercher et constater
les faits délictueux puis identifier leurs auteurs, et pour
déterminer la loi applicable.
L'Internet, tout en constituant un support d'échanges de données
virtuelles parmi d'autres, présente des caractéristiques propres
qui compliquent la transposition des solutions juridiques telles que celles
applicables dans le domaine de la télématique.
Sa spécificité réside à la fois dans ses
capacités techniques exceptionnelles, dans la multiplicité des
types d'intervenants et des services offerts et dans l'implantation
internationale du réseau des réseaux.
L'Internet véhicule des messages textuels, sonores et graphiques,
l'image pouvant être animée. Totalement
décentralisé, contrairement aux réseaux
télématiques classiques, ce réseau se caractérise
par une grande fluidité, une grande volatilité des contenus. En
outre, le protocole de transaction utilisé qui implique une segmentation
des données par paquets, le message étant reconstitué
à leur arrivée sur le terminal destinataire, permet une
démultiplication des cheminements, ce qui favorise la rapidité
des transactions, lesquelles ne connaissent pas de frontières.
A cette souplesse de fonctionnement et à la dimension internationale du
réseau s'ajoutent la multiplicité et la variété des
intervenants et des services. S'il est possible, en théorie, de
délimiter des catégories d'acteurs telles que celles des
fournisseurs d'accès, des hébergeurs, des éditeurs de
contenus et des utilisateurs, un même intervenant porte souvent plusieurs
casquettes. Ce réseau n'obéit pas à la logique
traditionnelle de type fournisseur-consommateur.
L'interactivité y est maximale : chacun peut émettre et recevoir,
sans point de passage obligé ni filtre. En résulte une certaine
forme d'abolition du temps et de l'espace.
La difficulté de définir des catégories affecte
également certains services disponibles sur l'Internet. Si le Web
s'apparente à un service audiovisuel ouvert au public et le courrier
électronique à un service de correspondance privée, la
nature des forums de discussions ou " newsgroups " paraît
hybride.
Le flou qui caractérise à la fois la qualification des acteurs et
la nature des services n'est pas de nature à faciliter la mise en oeuvre
des concepts juridiques existants.
Entre le sentiment initial d'un vide juridique et celui plus récent
d'un " trop plein " résultant d'une concurrence des
législations nationales, il apparaît que les cadres juridiques ne
font pas défaut mais nécessitent parfois des adaptations.
La dimension transnationale de l'Internet va même quelquefois
jusqu'à provoquer l'obsolescence de certaines législations : cela
s'est vérifié lors de la dernière campagne
électorale précédant les élections
législatives françaises au cours de laquelle la loi du 19 juillet
1977 interdisant, pendant la semaine précédant chaque tour de
scrutin, la publication, la diffusion et le commentaire de tout sondage
d'opinion par quelque moyen que ce soit, s'est trouvée privée
d'effet, chacun ayant la possibilité de consulter les résultats
de sondages diffusés sur des serveurs étrangers via l'Internet.
Au-delà de cet exemple qui, en dépit de son caractère
anecdotique, est révélateur des transformations de notre cadre
légal susceptible de découler du développement de
l'Internet, les premières affaires contentieuses ont mis en
évidence la nécessité d'adapter la législation
applicable en certaines matières telles que les droits d'auteur, le
droit des marques, la protection des données personnelles et de la vie
privée ou encore la sécurisation des transactions commerciales.
S'agissant par exemple de la protection de la vie privée, la loi du
6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux
libertés prévoit que les fichiers comportant des informations
nominatives sont subordonnés à une procédure
d'autorisation ou de déclaration préalable auprès de la
Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL). Ces
procédures devraient logiquement s'appliquer, en ce qui concerne le
fonctionnement de l'Internet, aux fichiers appelés
" cookies ", fichiers implicites susceptibles d'être
conservés par le fournisseur d'accès retraçant les
consultations effectuées par l'abonné. Ces fichiers lui
permettent de connaître les sites régulièrement
consultés par son client : il peut ainsi rapatrier leur contenu
localement pour réduire les temps d'accès au
bénéfice de l'abonné. Mais ces fichiers font aussi l'objet
d'une exploitation à des fins commerciales : la mémoire des
connexions précédentes permet par exemple d'orienter la
consultation d'un catalogue de vente par correspondance par le client et les
fichiers sont utilisés pour effectuer des études marketing. Or,
l'existence de ces fichiers " cookies " est
généralement ignorée de l'utilisateur. Leur conservation
et leur exploitation peuvent ainsi être considérées comme
attentatoires à la vie privée.
D'autres dispositions protectrices des droits de la personne se heurtent
à des difficultés de mise en uvre sur l'Internet. On peut citer
à titre d'exemple l'exercice du droit de réponse résultant
de l'article 6 de la loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle
qui prévoit, en cas de diffusion d'imputations susceptibles de porter
atteinte à l'honneur ou à la réputation d'une personne
physique ou morale, la possibilité pour cette dernière de
diffuser à son tour une réponse dans des conditions techniques
équivalentes lui assurant une audience équivalente.
L'administration de la preuve en cette matière nécessite la
conservation des documents audiovisuels pendant un délai, dont le
principe est prévu par l'article 6 précité et dont la
durée a été fixée à huit jours par le
décret d'application du 6 avril 1987. Or, la volatilité des
contenus sur l'Internet et la difficulté à localiser la source du
message litigieux rendent difficile, voire impossible dans bien des cas, la
constitution de la preuve et donc la mise en uvre du droit de réponse.
En outre, on peut s'interroger sur l'applicabilité des dispositions
précitées aux services de type forum ou newsgroups, qui
constituent des groupes de discussion informels thématiques,
matérialisés par des messages recopiés à travers le
réseau sur de nombreux sites et qui ne répondent pas
nécessairement à la qualification de service de communication
audiovisuelle.
S'agissant de la propriété intellectuelle, l'adaptation aux
caractéristiques de l'Internet du régime juridique qui tend
à la protéger se heurte de plein fouet à la concurrence
des législations nationales. Cela constitue pourtant un enjeu majeur
pour la promotion du développement de ce réseau. L'harmonisation
des législations apparaît indispensable en la
matière : deux traités relatifs aux droits d'auteur et aux
droits voisins ont ainsi été adoptés lors de la
conférence intergouvernementale de Genève qui s'est
déroulée du 2 au 20 décembre 1996 ; la Commission
européenne a par ailleurs produit une communication dans un livre vert
sur ce thème qui devrait conduire à la rédaction de
plusieurs directives concernant le droit de reproduction, le droit de
communication au public, la protection de l'intégrité des oeuvres
et le droit de distribution.
Les quelques exemples précités révèlent la
multiplicité et la variété des adaptations normatives
nécessitées par le développement de l'Internet, leur
pertinence étant bien souvent gagée par l'adoption
préalable d'accords internationaux. Cette grande diversité et les
réflexions en cours au niveau international ne permettent pas de dresser
un bilan exhaustif dans le cadre de la présente étude : la
complexité des divers sujets appellerait en effet autant d'études
spécifiques.
Il est donc apparu préférable de consacrer les
développements qui suivent au thème relatif à la
régulation de l'Internet. Cette régulation constitue en effet un
objectif prioritaire : les affaires mettant en cause l'ordre public sur
l'Internet, jetant le discrédit sur ce formidable outil de communication
et freinant dès lors son développement, se sont en effet
multipliées. Les initiatives émanant des acteurs eux-mêmes
et des pouvoirs publics, en France comme à l'étranger,
témoignent de l'urgence de trouver des solutions.
Dans le respect de l'esprit de liberté qui anime et caractérise
le fonctionnement de l'Internet, il s'agit d'organiser une régulation de
ce réseau qui permette d'en responsabiliser les acteurs tout en
associant les pouvoirs publics, garants de l'ordre public. Il convient
toutefois de souligner que, si sa mise en uvre se heurte parfois aux
spécificités de l'Internet, les normes juridiques existantes
permettent d'ores et déjà de lutter contre les contenus illicites.
I. LUTTER CONTRE LES CONTENUS ILLICITES : LES NORMES APPLICABLES, LES MOYENS EXISTANTS ET LEURS LIMITES
A. UN ARSENAL JURIDIQUE SUSCEPTIBLE DE FONDER LA RESPONSABILITÉ PÉNALE DES ACTEURS DE L'INTERNET
La sécurité sur le réseau des
réseaux constitue une des conditions de son succès et de son
développement. Au-delà des craintes inspirées
habituellement par le progrès technique, le retard enregistré par
la France en la matière peut s'expliquer, en partie au moins, par le
discrédit résultant des affaires ayant mis en lumière les
facilités offertes par ce nouveau support de communication pour le
développement d'activités délictueuses, voire criminelles.
La législation française permet cependant de réprimer ces
pratiques : de nombreuses dispositions permettent de lutter contre la
fraude informatique, de protéger les individus et de lutter contre les
atteintes à l'ordre public.
1. Prévention et répression des délits informatiques
Aux termes de l'article 2 de la loi du 30 septembre 1986,
"
on entend par communication audiovisuelle toute mise à
disposition du public ou de catégories de public, par un
procédé de télécommunication, de signes, de
signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature qui
n'ont pas le caractère d'une correspondance privée "
.
La circulaire du 17 février 1988 a précisé cette notion de
communication audiovisuelle en se référant à trois
critères : le message délivré est destiné au
public, le contenu du message n'est pas lié à des
considérations relatives à son destinataire et le message est mis
à la disposition de tous les usagers du service.
Comme les services disponibles sur le Web semblent répondre à
cette définition, ils sont soumis à l'obligation de
déclaration préalable prévue par l'article 43 de la loi du
30 septembre 1986. Cette déclaration doit être
déposée auprès du Procureur de la République.
Doivent en outre être portés à la connaissance des
utilisateurs sur la page d'accueil les éléments d'identification
de l'exploitant du service tels que ses nom et prénoms ou son
siège social, le nom du directeur de publication et la liste des
publications.
Par ailleurs, en vertu de la loi Godfrain du 5 janvier 1988 reprise dans le
nouveau code pénal sous les articles 323-1 et suivants, sont
érigées en délit l'intrusion frauduleuse dans un
système de traitement automatisé de données et les
conséquences dommageables (modification du contenu, altération du
fonctionnement) qui en résultent.
2. Protection de l'individu et de l'ordre public
Nombreuses sont les dispositions pénales qui
protègent l'individu et sa vie privée ou qui sanctionnent les
atteintes à l'ordre public et qui sont transposables aux services
disponibles sur l'Internet.
Ainsi, la loi du 10 juillet 1991, s'inspirant de la Convention
européenne des droits de l'homme, garantit le secret des correspondances
émises par voie de télécommunications. Le courrier
électronique sur l'Internet répond à cette notion de
correspondance privée et l'article 226-15 du code pénal, dans son
second alinéa, punit d'un an d'emprisonnement et de 300.000 F
d'amende "
le fait, commis de mauvaise foi, d'intercepter, de
détourner, d'utiliser ou de divulguer des correspondances émises,
transmises ou reçues par la voie de télécommunications ou
de procéder à l'installation d'appareils conçus pour
réaliser de telles interceptions
".
Les dispositions protectrices de la vie privée figurant au chapitre VI
du code pénal sont également susceptibles d'application. Est
ainsi puni d'un an d'emprisonnement et de 300.000 F d'amende le fait, au moyen
d'un procédé quelconque, de porter volontairement atteinte
à l'intimité de la vie privée d'autrui en captant,
enregistrant ou transmettant, sans le consentement de la personne, son image ou
ses paroles (article 226-1). L'article 226-2 punit des mêmes peines la
conservation, la diffusion ou l'utilisation de ces enregistrements et de ces
documents. De même, l'article 226-8 réprime la publication, quelle
que soit le support utilisé, du montage réalisé avec les
paroles ou l'image d'une personne sans son consentement : les peines encourues
sont un an d'emprisonnement et 100.000 F d'amende.
La loi protège également l'individu en sa qualité de
consommateur : les dispositions issues du code de la consommation telles
que celles relatives à la vente par correspondance (article L. 121-16 et
suivants) ou à la publicité mensongère (article L. 121-1)
s'appliquent aux transactions sur l'Internet.
Par ailleurs, plusieurs incriminations résultant de la loi du 29 juillet
1881 sur la liberté de la presse et du code pénal permettent de
lutter contre les atteintes à l'ordre public, en particulier les
contenus illicites. L'article 24 de la loi de 1881 punit de cinq ans
d'emprisonnement et de 300.000 F d'amende ceux qui, par tout moyen de
communication audiovisuelle, auront provoqué à commettre certains
crimes ou délits. Est passible des peines précitées toute
personne ayant fait l'apologie des crimes contre l'humanité, ayant
provoqué à des actes de terrorisme, à des actes de
violence contre des personnes ou encore à la discrimination raciale,
ethnique ou religieuse. Peuvent être ainsi poursuivis les auteurs de
messages à caractère violent, raciste ou négationniste
diffusés sur l'Internet.
De même, certaines dispositions du code pénal tendent à
protéger les mineurs. L'article 227-24 punit de trois ans
d'emprisonnement et de 500.000 F d'amende la fabrication, le transport ou
la diffusion, par quelque moyen que ce soit et quel qu'en soit le support, d'un
message violent ou pornographique, ou le commerce d'un tel message lorsqu'il
est susceptible d'être vu ou perçu par un mineur.
Aux termes de l'article 227-23, est passible d'un an d'emprisonnement et de
300.000 F d'amende le fait, en vue de sa diffusion, de fixer, d'enregistrer ou
de transmettre l'image d'un mineur présentant un caractère
pornographique. Sa diffusion, par quelque moyen que ce soit, est punie des
mêmes peines, lesquelles sont portées à trois ans
d'emprisonnement et 500.000 F d'amende s'il s'agit d'un mineur de quinze ans.
Ces dispositions permettent de sanctionner les auteurs de fichiers contenant
des documents à caractère pédophile.
Au terme de cet inventaire, l'examen du droit positif révèle que
de nombreuses dispositions sont susceptibles de fonder la responsabilité
pénale des acteurs de l'Internet, la pertinence des incriminations
étant indépendante du type de support.
Cependant, pour leur mise en uvre, il faut pouvoir déterminer qu'elles
correspondent bien à la loi applicable. Il faut à la fois
localiser les faits constituant l'infraction et identifier leurs auteurs.
L'application du droit existant se heurte alors parfois aux
spécificités de l'Internet.
B. LES LIMITES LIÉES AUX SPÉCIFICITÉS DE L'INTERNET
La mise en uvre des dispositions législatives et
réglementaires en vigueur permettant de réprimer les infractions
commises, en particulier celles résultant de la diffusion de messages au
contenu illicite, se heurte parfois aux spécificités de
l'Internet.
Ces difficultés résultent à la fois de la dimension
internationale du réseau des réseaux et des
caractéristiques techniques de son organisation et de son
fonctionnement. Il s'agit en outre de déterminer quels acteurs sont
susceptibles d'endosser la responsabilité des faits délictueux
constatés.
1. Les limites liées à la disparité des législations nationales
La circulation des données sur l'Internet ignore les
frontières. Or, selon le lieu de commission de l'infraction, la norme
applicable est susceptible de varier : un contenu, considéré
comme licite dans le pays où son producteur le met en consultation, peut
être illicite dans d'autres pays où les utilisateurs peuvent y
avoir accès.
La dimension planétaire du réseau pose ainsi le problème
de la concurrence des législations nationales. Si cette question se pose
évidemment au sujet de la liberté d'information, entre pays
à tradition démocratique et pays régis par des
systèmes politiques autoritaires, elle est également susceptible
de se poser entre différents pays relevant d'une même culture.
Les législations des principaux États occidentaux
développés connaissent en effet un certain nombre de
disparités. Le droit des États-Unis en matière de
pornographie est par exemple plus sévère que les droits
français et européen : rappelons que notre code pénal
ne prohibe la pornographie que lorsqu'elle implique des mineurs, comme
participants ou destinataires (articles 227-23 et 227-24).
En revanche, si l'apologie des crimes de guerre et des crimes contre
l'humanité sont sanctionnés pénalement par l'article 24 de
la loi du 29 juillet 1881, les activités néo-nazies ou
négationnistes sont tolérées aux États-Unis ou au
Canada, au nom de la liberté d'expression.
La liberté d'expression, principe à valeur constitutionnelle,
bénéficie en effet aux États-Unis d'une
interprétation extensive : le Communication Decency Act (CDA),
adopté le 14 juin 1995 par le Sénat et le 8 février 1996
par le Congrès à une large majorité a été
annulé par la Cour suprême le 26 juin 1997 comme étant
contraire au premier amendement de la Constitution des États-Unis aux
termes duquel " le Congrès ne devra adopter aucune loi...
restreignant la liberté de parole ". Le CDA interdisait notamment
" l'utilisation d'un service interactif en ligne pour diffuser à
l'intention des mineurs des obscénités ou des propos
indécents constituant une atteinte évidente aux normes de la
société contemporaine ". Les sanctions prévues
étaient une peine d'emprisonnement de deux ans.
La conséquence prévisible de telles disparités entre les
législations nationales est la délocalisation des services
diffuseurs de contenus litigieux dans des pays à la
réglementation complaisante. En outre, l'impossibilité
d'instaurer des frontières virtuelles permettant de filtrer les messages
en fonction de la nature de leur contenu rend difficiles à la fois la
prévention et la répression des infractions. La bonne
volonté manifestée par un État pour accéder
à la demande d'un autre État se heurte ainsi à la loi du
marché, qui se révèle in fine la plus forte.
Ainsi, au mois de novembre 1995, le serveur américain Compuserve a-t-il
fermé l'accès à 200 forums de discussion ou newsgroups
à caractère sexuel à la demande de la police allemande. Ce
blocage des accès sur l'ensemble du réseau mondial ayant
suscité de vives protestations des utilisateurs, Compuserve a dû
opérer leur réouverture en février 1996, seuls cinq
serveurs à caractère pédophile restant interdits.
Toutefois, le droit pénal français permet de pallier
partiellement les inconvénients résultant de la concurrence que
se livrent les législations nationales. En effet, les règles de
compétence fixées par le code pénal définissent
largement le champ d'application de la loi pénale française.
Celle-ci est applicable non seulement aux infractions commises sur le
territoire de la République mais aussi à celles qui y sont
réputées commises dès lors qu'un de ses faits constitutifs
a eu lieu sur ce territoire (article 113-2). Aux termes de l'article 113-6, la
loi française est en outre applicable à tout crime commis par un
Français hors du territoire de la République ainsi qu'aux
délits commis dans ces mêmes conditions si les faits sont
constitutifs d'une infraction dans le pays où ils se sont
réalisés. Enfin, l'article 113-7 prévoit qu'elle est
également applicable à tout crime et à tout délit
puni d'emprisonnement, commis par un Français ou un étranger hors
du territoire de la République, lorsque la victime est de
nationalité française.
2. Les limites liées aux caractéristiques techniques de l'Internet
La rapidité des transactions et la volatilité
des contenus se combinent à la dimension transnationale pour faciliter
la commission de certaines infractions et freiner leur détection.
Ces caractéristiques du fonctionnement de l'Internet rendent parfois
délicates la localisation des faits constitutifs de l'infraction et la
saisie des éléments de preuve.
L'extrême décentralisation du réseau, chaque utilisateur
pouvant être à la fois récepteur et émetteur de
contenus et l'instantanéité des transferts à
l'échelle planétaire favorisent un certain anonymat : cette
conversation mondiale multidirectionnelle ne peut être mise sous
surveillance.
Bien que, techniquement, chaque machine connectée au réseau soit
identifiable par son e-mail (adresse électronique), la localisation de
l'origine de l'infraction est souvent complexe. La difficulté varie
selon le type de service concerné.
Sur le World Wide Web, les informations sont mises à disposition du
public sur une multitude de sites constitués par autant d'ordinateurs
serveurs connectés au réseau Internet.
Ces informations sont consultables et téléchargeables par les
utilisateurs individuels du monde entier. Les serveurs sont reliés entre
eux par des liens hypertextes permettant à l'utilisateur de
" naviguer " aisément d'une page Web à l'autre en
" cliquant " simplement sur un mot ou une image. Cette
souplesse
offerte par les outils logiciels de navigation et par les liens hypertextes
compliquent techniquement l'opération de localisation des données
litigieuses.
Cependant, ce ne sont pas les serveurs Web qui sont les plus pourvoyeurs
d'atteintes à l'ordre public. En effet, leurs exploitants
maîtrisent l'ensemble des informations qu'ils mettent à la
disposition du public et assument donc une responsabilité
éditoriale.
Au contraire, les forums de discussion thématique sont alimentés
par chaque intervenant qui y accède. L'accès est libre et ne
nécessite aucune inscription préalable. A la différence du
Web, les données ne sont pas stockées sur un serveur
central : Internet obéit à un mode de fonctionnement
réparti, les différents serveurs du groupe de discussion
procédant à des échanges d'informations de façon
automatique et selon une périodicité régulière.
Ainsi les contenus illicites peuvent-ils se propager très rapidement,
les modalités de fonctionnement des newsgroups favorisant l'effet de
contagion. Les risques sont en outre accrus par le succès de la
formule : en mai 1996, le président de l'Association
française des professionnels de l'Internet (AFPI) évaluait
à environ 18.000 le nombre de newsgroups ouverts chaque jour.
Bien que le fonctionnement de ces forums de discussion soit libre de toute
contrainte, certains exploitants prennent la précaution d'aviser les
utilisateurs qu'ils se réservent la possibilité de restreindre
les accès s'ils venaient à constater l'existence de messages au
contenu illicite. Ce repérage peut être effectué
grâce à l'appellation dont est doté chaque forum, qui
indique clairement son objet.
Si de telles démarches favorisent la prévention des infractions,
leur répression reste délicate : la volatilité des
informations accessibles sur l'Internet rend difficile la localisation des
faits délictueux et, partant, l'établissement de la preuve. Le
mode de transmission par paquets, susceptibles d'emprunter divers chemins en
fonction de l'encombrement du réseau, le message étant
reconstitué lors de son arrivée à destination, ainsi que
l'absence de différenciation relative à la nature du message
(correspondance privée par courrier électronique, conversation
dans le cadre d'un groupe de discussion, consultation d'un serveur Web)
s'opposent à l'établissement de la preuve par captage des flux
d'informations.
En effet, l'article 100 du code de procédure pénale
prévoit qu' "
en matière criminelle et en matière
correctionnelle, si la peine encourue est égale ou supérieure
à deux ans d'emprisonnement, le juge d'instruction peut, lorsque les
nécessités de l'information l'exigent, prescrire l'interception,
l'enregistrement et la transcription de correspondances émises par la
voie des télécommunications
". Or, la notion de
"
correspondances émises par la voie des
télécommunications
" ne peut concerner que le courrier
électronique. En outre, l'article 100-1 du même code exige
que la décision prise par le juge d'instruction comporte "
tous
les éléments d'identification de la liaison à
intercepter
". Cette exigence paraît inapplicable dès
lors que les liaisons ne peuvent être individualisées.
Reste donc, en vue de la constitution de la preuve, la nécessité
de pouvoir saisir les données pendant leur stockage, c'est-à-dire
la mémoire de masse du micro-ordinateur. Mais là encore, le
régime juridique applicable en matière de perquisitions
paraît peu adapté : la lourdeur des procédures,
justifiée par la nécessité de préserver les droits
de la défense, risque de faciliter la destruction des
éléments de preuve.
3. La détermination des acteurs dont la responsabilité est susceptible d'être engagée
L'imputation de la responsabilité résultant de
la mise à la disposition du public, sur l'Internet, de messages au
contenu illicite, constitue également une question délicate.
Si différentes catégories d'acteurs peuvent être
individualisées, un même acteur exerce parfois plusieurs fonctions
simultanément sur le réseau.
On distingue : l'opérateur de télécommunications, qui se
contente de louer le support permettant d'acheminer les informations ; le
fournisseur d'accès, transitaire facilitant l'accès au
réseau ; les prestataires d'hébergement, qui gèrent sur un
micro-ordinateur serveur divers services tels que des pages Web ou des forums
de discussions et qui sont souvent eux-mêmes éditeurs de contenus
; et enfin le simple utilisateur susceptible à la fois d'expédier
des messages par courrier électronique, de consulter des serveurs Web ou
de participer à une conversation sur un newsgroup.
Cette confusion des rôles, chaque acteur pouvant être consommateur
et producteur d'informations, et l'impossibilité technique d'exercer un
contrôle rigoureux et systématique sur les messages mis en
circulation sur le réseau, rendent parfois délicate la
désignation des responsables.
On peut ainsi s'interroger sur l'application à l'Internet du
régime de responsabilité éditoriale résultant, pour
la presse, de la loi du 29 juillet 1881, transposé aux services de
communication audiovisuelle par la loi du 29 juillet 1982. Ce
régime semble a priori transposable à l'ensemble des services
disponibles sur ce réseau, à l'exception toutefois du courrier
électronique assimilable à une correspondance
privée : l'article 2 de la loi du 30 septembre 1986
définit en effet la communication audiovisuelle comme "
toute
mise à disposition du public ou de catégories de public, par un
procédé de télécommunication, de signes, de
signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature qui
n'ont pas le caractère d'une correspondance privée
".
Alors que les articles 42 et suivants de la loi de 1881 définissent
un système de responsabilités en cascade désignant comme
premier titulaire le directeur de publication ou l'éditeur, à
défaut l'auteur, à défaut l'imprimeur, à
défaut enfin le vendeur, le distributeur ou l'afficheur,
l'article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 inséré par
la loi du 13 décembre 1985 fait du directeur de la publication
l'auteur principal de l'infraction "
lorsque le message
incriminé a fait l'objet d'une fixation préalable à sa
communication au public
". Si cette condition n'est pas
satisfaite, la
responsabilité incombe à l'auteur et subsidiairement au
producteur. En outre, lorsque le directeur de la publication est mis en cause
comme auteur principal, l'auteur peut être poursuivi pour
complicité.
Ces dispositions, qui définissent le régime d'imputation de la
responsabilité pénale en matière de communication
audiovisuelle, visent les intervenants d'une production audiovisuelle dans son
acception classique, les rôles étant clairement distribués.
Sur l'Internet, la chaîne des intervenants peut être plus
élaborée et la confusion des rôles est fréquente ce
qui rend délicate la transposition du régime d'imputation des
responsabilités défini précédemment. Il pourrait
sembler ainsi nécessaire d'écarter la responsabilité du
fournisseur d'accès qui se contente d'assurer à ses clients le
bon fonctionnement des procédures d'accès à
l'Internet : son rôle, purement technique, s'apparente à
celui d'un opérateur de communication ; il est totalement neutre en
ce qui concerne la nature des messages introduits sur le réseau.
D'ailleurs, si la loi de 1881 précitée envisage, en
matière de presse, la possibilité d'engager la
responsabilité du distributeur, la loi de 1982 ne prévoit pas une
telle faculté en ce qui concerne le transporteur des messages
audiovisuels.
Cependant, le fournisseur d'accès est parfois simultanément
exploitant de serveurs Web. S'il édite lui-même des pages Web, sa
responsabilité éditoriale peut logiquement être
engagée. En revanche, lorsqu'il se contente d'héberger sur son
serveur des pages Web éditées par ses clients, on peut
s'interroger sur la possibilité de lui faire endosser la
responsabilité de la publication des informations illicites.
Il semble que la fiction instaurée par la loi en matière de
presse ou de communication audiovisuelle, permettant de désigner le
fournisseur de services, directeur de la publication, comme
"
coupable
d'office
", ne soit pas transposable à l'Internet, même
à titre subsidiaire. En effet, le fournisseur
d'accès-hébergeur n'a pas la maîtrise de l'ensemble des
informations délivrées par le serveur qu'il exploite : il ne
peut matériellement exercer un contrôle fiable sur la nature des
contenus mis en consultation, du fait de leur volume et surtout de leur
volatilité, car ils peuvent à tout moment être
modifiés. La condition d'une "
fixation préalable
à sa communication au public
" du message incriminé,
à laquelle est subordonnée toute poursuite exercée contre
le directeur de publication en vertu de l'article 93-3 de la loi du
29 juillet 1982 révèle le souci du législateur de
réserver cette possibilité aux cas où le fournisseur de
services est réputé avoir eu connaissance du contenu du message.
Or, les spécificités techniques de l'Internet s'opposent à
la transposition d'une telle présomption : la fiction, perdant
alors tout lien avec la réalité, entrerait en contradiction avec
les principes fondamentaux du droit pénal ! Les premières
décisions de jurisprudence corroborent d'ailleurs ce point de vue :
dans une ordonnance de référé du 12 juin 1996, Union
des Étudiants Juifs de France (UEJF) c/Calvacom et autres, le tribunal
de grande instance de Paris, sans pouvoir statuer sur la constitution de
l'infraction de révisionnisme, a reconnu l'absence de
responsabilité éditoriale des fournisseurs d'accès tout en
affirmant cependant le devoir de surveillance leur incombant, par la
définition d'un cadre déontologique applicable aux sites
gérés et la fermeture des accès, après
avertissement, pour les contrevenants.
En outre, des dispositions exonérant les fournisseurs d'accès de
leur responsabilité pénale avaient été introduites
par voie d'amendement gouvernemental lors de l'examen du projet de loi de
réglementation des télécommunications. Deux des trois
articles ainsi insérés par l'article 15 de la loi du
26 juillet 1996 dans la loi du 30 septembre 1986 relative à la
liberté de communication ont cependant été
déclarés contraires à la Constitution (décision du
Conseil constitutionnel n° 96-378 DC du 23 juillet 1996),
le pouvoir de recommandations conféré au Comité
supérieur de la télématique (CST), créé
auprès du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA),
n'étant pas assez précisément défini.
L'exonération de responsabilité pénale au
bénéfice des fournisseurs d'accès prévu par
l'article 43-3 ne cédait que dans trois hypothèses :
celle où n'aurait pas été proposé aux clients un
système de sélection des informations accessibles
(art. 43-1) ; celle où l'accès à un service
ayant fait l'objet d'un avis défavorable du CST publié au Journal
officiel (art. 43-2) aurait été maintenu ; celle
où le fournisseur d'accès aurait "
en connaissance de
cause, personnellement commis l'infraction ou participé à sa
commission
".
Traduisant la préoccupation de couper court à un débat
agitant le monde des internautes en explicitant solennellement le régime
juridique applicable, ce dispositif était néanmoins critiquable.
En effet, les deux premières hypothèses visées à
l'article 43-3, permettant d'engager la responsabilité
pénale du fournisseur d'accès, auraient pu être
interprétées comme consacrant une responsabilité pour fait
d'autrui, ce qui ne saurait se concevoir en matière pénale
(art. 121-1 : "
nul n'est responsable pénalement que de son
propre fait
. "). Tout au plus la méconnaissance d'un avis
négatif du CST aurait-elle pu permettre au juge d'admettre la
culpabilité du fournisseur d'accès pour complicité, sur le
fondement de l'article 121-7 du code pénal aux termes duquel
"
Est complice d'un crime ou d'un délit la personne qui
sciemment, par aide ou assistance, en a facilité la préparation
ou la consommation
". La troisième hypothèse
évoquée était quant à elle inutile : en effet, le
code pénal subordonne la mise en jeu de la responsabilité
pénale d'une personne, à sa participation personnelle (art.
121-1) et à l'existence d'une intention frauduleuse (art. 121-3).
C. LA NÉCESSITÉ DE RENFORCER LES MOYENS DE LUTTER CONTRE LES DÉRIVES CONSTATÉES
L'Internet, qui définit un nouvel espace de
communication, constitue également un nouvel outil facilitant la
commission d'infractions les plus diverses (intrusion frauduleuse sur des
systèmes informatiques qui y sont connectés, diffusion de
messages au contenu illicite...).
Les spécificités techniques de fonctionnement de l'Internet, en
particulier sa dimension internationale, compliquent à la fois la
prévention et la répression de ces infractions. Si la
prévention repose en grande partie sur la bonne volonté et la
diligence des acteurs de l'Internet, l'action répressive ne peut
être déléguée. Les autorités étatiques
ont en charge la garantie de l'ordre public, fonction proprement
régalienne, et doivent être dotées des moyens
nécessaires pour l'assumer : cela suppose une adaptation permanente
des méthodes et des instruments utilisés par les services de
police et les autorités judiciaires.
La dimension transnationale de l'Internet nécessite en outre le
développement d'une coopération policière et judiciaire
plus efficace.
1. Développer les moyens de la police et de la justice
Voilà plus de dix ans que les grandes entreprises,
soucieuses de se protéger contre les intrusions frauduleuses, se dotent
de services chargés de la sécurité informatique. En
dépit des précautions prises, la fraude assistée par
ordinateur a un coût élevé : en 1994, les sinistres
informatiques provoqués par des actes de malveillance ont ainsi
été évalués à 6,2 milliards de francs
par le Clusif, Club de la sécurité informatique français
qui regroupe cent cinquante grandes entreprises. Encore ces actes
délictueux ne sont-ils connus que pour 4 à 5 % d'entre
eux !... le " chiffre obscur ", qui constitue la partie
immergée de l'iceberg, reste donc considérable et risque de
s'aggraver avec le développement des outils.
Si la société civile sécrète ses propres anticorps,
il apparaît indispensable que la puissance publique réagisse
à son tour et se dote des moyens nécessaires pour lutter
efficacement contre ce nouveau type de criminalité. On peut, à
cet égard, regretter que les initiatives prises jusqu'à ce jour
en France ne résultent pas d'une volonté politique
affichée mais des services eux-mêmes, directement
confrontés aux nécessités de l'expertise.
Si la DST semble avoir créé un service spécialisé
dans l'informatique dès 1986, la police judiciaire ne s'est dotée
de services compétents en matière de fraude aux technologies de
l'information qu'en 1994.
Trois cellules officielles de surveillance et d'enquête existent ainsi
à l'heure actuelle. Il s'agit du département informatique et
électronique de l'Institut de recherche criminelle dépendant de
la Gendarmerie nationale, du Service d'enquête sur les fraudes aux
technologies de l'information (SEFTI) relevant de la direction de la police
judiciaire de la Préfecture de police de Paris, et enfin de la Brigade
centrale de répression de la criminalité informatique (BCRCI)
rattachée à la Direction centrale de la police judiciaire.
L'Institut de recherche criminelle de la Gendarmerie nationale,
créé en 1990, est installé à Rosny-sous-Bois et
regroupe 161 personnes qui effectuent des expertises, dans le cadre des
enquêtes de police judiciaire menées par la gendarmerie, et
forment des techniciens.
Le SEFTI, créé le 11 février 1994, dépend de
la sous-direction des affaires économiques et financières de la
Direction de la police judiciaire de la Préfecture de police de Paris.
Cet organisme est aujourd'hui constitué de 14 fonctionnaires :
un commissaire principal, douze officiers de police et une secrétaire.
Sa compétence territoriale s'étend à Paris et aux trois
départements de la petite couronne, c'est-à-dire les Ha
uts-de-Seine, la Seine-Saint-Denis et le Val-de-Marne.
Le SEFTI apporte son concours aux enquêtes concernant des infractions
commises au moyen d'outils informatiques. Il remplit également une
mission pédagogique en assumant une action d'information auprès
d'organismes privés ou publics susceptibles d'être
confrontés aux problèmes de fraude informatique.
Opérationnelle depuis le mois de septembre 1994 et constituée
d'une douzaine d'inspecteurs, la BCRCI est chargée, quant à elle,
de mener des enquêtes de portée nationale ou internationale. Son
bureau assure la liaison avec des services internationaux tels qu'Interpol ou
le groupe de travail européen sur la fraude informatique.
Il convient de souligner l'atmosphère de confidentialité qui
entoure l'existence de ces services et la difficulté à obtenir
des informations sur les moyens mis à leur disposition. Si la
discrétion est parfois gage d'efficacité, une certaine
médiatisation pourrait en l'occurrence contribuer à dissuader
certains candidats à la fraude informatique.
Or, le développement des autoroutes de l'information démultiplie
les risques, les spécificités techniques de l'Internet aggravant
le caractère furtif de la criminalité informatique.
L'efficacité de la répression de ce type de fraude est ainsi
subordonnée au renforcement des moyens dont est dotée la police
judiciaire et des possibilités d'expertise dont doivent disposer les
magistrats instructeurs. Il semble en effet nécessaire d'étoffer
les services compétents et de veiller à un adaptation constante
des matériels mis à leur disposition. La constitution et la
conservation des éléments de preuve nécessitent en outre
une possibilité d'intervention instantanée : les
procédures d'urgence actuellement disponibles ne paraissent pas
parfaitement adaptées.
On peut par ailleurs s'interroger sur l'opportunité de créer une
cellule opérationnelle de traçage à laquelle incomberait
une mission de surveillance du réseau des réseaux. En effet, la
masse considérable des informations transitant sur l'Internet ainsi que
son mode de fonctionnement peuvent faire douter de l'efficacité et de la
pertinence d'une telle entreprise, un travail d'investigation
systématique étant de surcroit susceptible de se
révéler très onéreux. Il reste toutefois possible
aux autorités de police compétents d'exercer une surveillance en
effectuant des sondages sur le réseau, par la consultation
régulière des services " à risque ", grâce
à l'utilisation des outils logiciels appelés " moteurs de
recherche " permettant de procéder à des sélections
par mots clés.
2. Développer la coopération policière et judiciaire
La dimension transnationale de l'Internet et
l'impossibilité technique d'instaurer des frontières virtuelles
imposent le développement d'une coopération internationale en
matière de justice et de police.
La disparité des législations nationales relatives à la
définition des incriminations offre des échappatoires aux
activités criminelles. Or, comme l'a affirmé avec force un
rapport de la Délégation du Sénat pour l'Union
européenne
50(
*
)
,
" l'efficacité passe par la définition d'un droit
pénal de l'Union (...) et par la création d'un ministère
public européen ".
Il s'agit cependant d'une oeuvre de longue haleine. Aussi, dans l'intervalle,
paraît-il nécessaire d'inciter les États à adopter
une législation extraterritoriale leur permettant d'engager des
poursuites contre leurs ressortissants dès qu'ils reviennent sur le
territoire national. Les États-Unis et de nombreux pays européens
se sont déjà dotés d'une telle législation. Ainsi,
un projet de loi italien réprimant plus sévèrement la
pédophilie, sanctionnant le commerce, la production, la distribution et
la détention de matériel pornographique, y compris par voie
télématique, mettant en scène des mineurs,
prévoit-il la possibilité de poursuivre les ressortissants
nationaux coupables du même délit à l'étranger.
Au niveau européen, quelques actions communes ont en outre
été engagées récemment.
Au mois de septembre 1996, les ministres de la justice et de l'intérieur
des quinze États membres de l'Union européenne se sont ainsi
réunis à Dublin pour tenter de lutter plus efficacement contre la
pédophilie et la traite des êtres humains. Ils sont parvenus
à un accord pour mettre en oeuvre trois actions communes :
l'extension du mandat de l'Unité Drogue d'Europol (UDE) chargée
dorénavant de coordonner également les enquêtes en
matière de pédophilie ; la création d'un centre
d'excellence, sorte de répertoire des experts et moyens existants dans
les États membres pour débusquer les réseaux de traite
d'êtres humains ; le financement d'un programme de formation
spécialisée de policiers et de magistrats tendant à
améliorer leur efficacité sur le terrain.
Constatant la prolifération des messages à caractère
pédophile sur l'Internet, les ministres réunis à Dublin
ont décidé la création d'une mission d'expertise pour
définir les armes juridiques susceptibles d'empêcher de telles
dérives.
La Commission des Communautés européennes a ainsi
présenté au mois d'octobre 1996 un " Livre vert sur la
protection des mineurs et de la dignité humaine dans les services
audiovisuels et d'information ". Préconisant un
"
rapprochement des législations nationales "
, ce
livre
vert souligne le rôle fondamental de la coopération en
matière de justice et d'affaires intérieures,
érigée en "
axe prioritaire
" en vue de
"
lutter efficacement contre les continus et usages illégaux des
nouvelles technologies
". Considérant que "
le
Traité fournit des instruments pour une telle
coopération
", la Commission suggère des actions de
coordination sur des thèmes aussi divers que l'anonymat sur les
réseaux, la conclusion de conventions internationales d'extradition ou
encore la formation des autorités policières en matière
d'utilisation des ordinateurs et des réseaux électroniques.
Dans une communication intitulée " Contenu illégal et
préjudiciable sur Internet ", également d'octobre 1996, la
Commission des Communautés européennes, considérant qu'il
était "
d'une importance vitale
" de combattre les
sources de contenus délictueux et d'en restreindre la diffusion, a
réaffirmé que la coopération entre les États devait
être intensifiée par l'échange d'information relatives aux
fournisseurs de tels contenus et par la définition de normes
européennes minimales.
Elle a approuvé la proposition faite par l'Allemagne d'organiser une
conférence internationale ayant pour objet d'instaurer une structure de
coopération internationale et d'élaborer une convention sur les
contenus illégaux.
Elle a estimé que le dialogue sur ce thème devrait être
étendu à des organisations telles que l'OCDE, l'OMC ou les
Nations-Unies.
Depuis lors, des travaux d'expertise ont été entrepris. Ainsi, au
mois de mai 1997, un groupe de travail d'Interpol réunissant 70
policiers spécialisés venant de 25 pays s'est réuni
à Salonique pour étudier la pornographie enfantine sur l'Internet
et remédier aux difficultés de la coopération
policière. Une semaine plus tard, une réunion regroupant 223
policiers de 31 pays (Europe, États-Unis, Canada, Arabie Saoudite,
Bahrein, Autorité palestinienne) s'est tenue en Norvège : elle a
souligné la nécessité de parvenir à une convention
des Nations-Unies interdisant tout matériel de pornographie enfantine
sur l'Internet.
Enfin, à la fin du mois de juin, la Commission européenne a
annoncé qu'elle proposerait, lors de la réunion du conseil des
ministres du 2 octobre, un plan d'action de 7 millions d'écus (environ
50 millions de francs) pour renforcer les moyens de traquer les serveurs
coupables de diffuser des contenus illicites sur l'Internet.
Si l'Europe, contrairement aux États-Unis, entend se doter des moyens de
répression nécessaires, un mouvement unanime auquel participent
les acteurs de l'Internet souligne l'urgence d'organiser la prévention
des infractions en instaurant une auto-régulation, ce système de
régulation devant rester compatible avec l'esprit de liberté qui
caractérise le fonctionnement de l'Internet depuis sa création.
II. ORGANISER LA RÉGULATION DE L'INTERNET AFIN DE PRÉVENIR LES DÉRIVES ET GARANTIR LA PÉRENNITÉ DE SON DÉVELOPPEMENT
La multiplication des dérives constatées, facilitées par la souplesse de fonctionnement du réseau des réseaux, suscite l'inquiétude des autorités étatiques qui ont en charge la préservation de l'ordre public. L'urgente nécessité de trouver des solutions a provoqué des réactions en ordre dispersé, révélatrices des différences culturelles, en particulier en ce qui concerne la notion de liberté d'expression. Si des divergences de point de vue subsistent, les instances internationales s'efforcent de définir des orientations communes, l'efficacité en la matière étant subordonnée à la convergence des réponses apportées. Un minimum de convergence est en effet imposé par les spécificités techniques de l'Internet qui conduisent à écarter tout dispositif de surveillance systématique nécessairement voué à l'échec. Il s'agit donc de trouver une voie moyenne, respectueuse à la fois du principe de liberté qui anime ce nouvel espace de communication et de la souveraineté des États, garants de l'ordre public. Cette démarche empreinte de réalisme devrait permettre d'aménager, en France, un dispositif régulateur recueillant un large consensus.
A. LES INITIATIVES ÉTRANGÈRES ET INTERNATIONALES RÉVÈLENT DES POINTS DE DÉSACCORD ET DES AXES DE CONVERGENCE
1. La persistance d'approches divergentes condamne des méthodes de régulation autoritaires
Dans certains États tels que les États-Unis ou
les Pays-Bas prévaut une conception maximaliste de la liberté
d'expression qui aboutit au rejet de tout système de régulation
fondé sur un principe d'interdiction.
C'est ainsi que les dispositions du titre V du Communications Decency Act (CDA)
interdisant la communication via l'Internet de données
"
indécentes
" ou "
ouvertement
choquantes
" ont été invalidées le 26 juin
1997 par la Cour suprême, bien qu'elles aient recueilli une très
large majorité au Sénat (84 voix contre 16).
A la suite de la cour fédérale de Philadelphie (Pennsylvanie) en
juin 1996, qui avait estimé que "
en tant que moyen d'expression
de masse le plus développé existant actuellement
",
l'Internet avait "
le droit d'être protégé du mieux
possible contre toute forme d'ingérence du Gouvernement
", la
Cour suprême des États-Unis a à son tour confirmé
que le CDA violait le Premier Amendement à la Constitution
américaine garantissant la liberté d'expression, en ne donnant
pas une définition claire et précise de l'indécence. Elle
a ainsi approuvé le point de vue d'une vingtaine d'associations telles
que l'Association des libraires américains (ALA) ou l'American Civil
Liberties Union (ACLU), le plus important groupement de défense des
droits civiques du pays.
Fidèles à leur tradition libérale, les Pays-Bas ont
également décidé de limiter au strict minimum les actions
répressives et de préserver la libre parole sur le réseau
des réseaux. Dès 1995, les pouvoirs publics ont rappelé
que la diffusion d'images pédophiles était
sévèrement réprimée mais que les autres types de
matériel pornographique mettant en scène des adultes, même
s'ils montraient des perversions sexuelles, restaient licites.
Le Président de la principale association néerlandaise regroupant
les prestataires d'accès déclarait au début de
l'année 1997 : "
Sur Internet, tout se tient. Le réseau
crée un village global, ceux qui veulent en faire partir devront
s'adapter, abandonner une partie de leurs règles anciennes. Être
tolérant et ouvert signifie accepter l'arrivée chez soi d'autres
conceptions de la liberté
". Il a ainsi condamné comme
irréalistes et voués à l'échec les projets
français et allemands de mise en place de systèmes de blocage
interdisant l'accès à des sites étrangers.
Les tentatives de blocage se sont en effet révélées peu
probantes : au mois de septembre 1996, la justice allemande avait ainsi
ordonné à tous les fournisseurs d'accès nationaux
d'empêcher leurs abonnés de se connecter sur le site
néerlandais de Radikal, journal d'extrême gauche dont la
distribution est interdite en Allemagne comme publication faisant l'apologie du
terrorisme. Cette mesure a été contre-productive car en quelques
jours une quarantaine de sites-miroirs sont apparus en Europe, au Canada, au
Japon et aux États-Unis. Puis des pages de Radikal ont été
rapatriées sur des serveurs locaux allemands, des poursuites
étant engagées à l'encontre de plus de quatre-vingt sites
pirates. Face à cette levée de boucliers, le procureur
fédéral de Karlsruhe a dû suspendre son action.
De même, les injonctions tendant à la fermeture de certains sites
sont subordonnées à la bonne volonté des autorités
du pays où ils sont implantés et se heurtent à la
puissante loi du marché : ainsi Compuserve ayant fermé en
décembre 1995 à la demande du parquet de Munich deux cents forums
de discussion à caractère sexuel, a dû procéder
trois mois plus tard à leur réouverture, à l'exception de
cinq d'entre eux traitant de pédophilie.
Ainsi, du fait de la disparité des législations pénales et
des conceptions de la liberté d'expression, les méthodes
autoritaires semblent condamnées à l'inefficacité.
Le principe de la liberté des échanges et les enjeux de
développement du commerce électronique pourraient en outre
conduire prochainement à la libéralisation de la
commercialisation des logiciels de cryptage nécessaires à la
sécurisation des transactions mais risquant d'accroître
simultanément l'anonymat sur l'Internet.
Sur cette question aussi cruciale pour le développement du réseau
et pour le respect de l'ordre public, les attitudes et les pratiques divergent.
Dans la plupart des pays démocratiques, la cryptographie est libre.
Longtemps interdite en France, elle obéit aujourd'hui à un
régime juridique spécifique défini par l'article 17
de la loi du 26 juillet 1996 de réglementation des
télécommunications modifiant l'article 28 de la loi du
29 décembre 1990 qui instaurait un cadre plus restrictif. La loi de
1996 libéralise l'utilisation d'un moyen de cryptologie ayant pour objet
d'authentifier ou d'assurer l'intégrité d'un message, ou encore
d'assurer la confidentialité des informations transmises moyennant le
recours à un tiers de confiance agréé, sorte de
" notaire électronique ", dépositaire des clés.
La fourniture, l'importation (hors Communauté européenne) et
l'exportation restent soumises à autorisation préalable du
Premier ministre lorsque les fonctions de confidentialité sont en jeu et
sont soumises à déclaration dans tous les autres cas.
Les producteurs de logiciels de cryptage ont exercé une pression de plus
en plus forte pour que ces contraintes soient levées, de même que
les associations de défense des droits de l'homme par crainte pour la
protection de la vie privée dans les pays soumis à un
régime politique autoritaire.
En dépit de ces divergences d'appréciation, les pays de l'OCDE se
sont prononcés en faveur d'une libéralisation du cryptage, seule
méthode susceptible de fonder la confiance des utilisateurs et en
particulier des entreprises pour la promotion du commerce électronique
mondial. Ainsi le 27 mars 1997, l'OCDE (Organisation de coopération
et de développement économiques) a-t-elle publié des
directives encourageant les gouvernements à "
éviter
d'entraver inutilement la disponibilité au plan international des
méthodes cryptographiques
". Si elle retient le principe dit
des " tiers de confiance " recueillant l'assentiment des
États-Unis, de la France et de la Grande-Bretagne, elle met cependant en
garde les gouvernements contre le coût de mise en oeuvre et les risques
d'utilisation abusive d'un tel système : le débat reste donc
ouvert sur cette question. Par ailleurs, selon l'OCDE, la nécessaire
harmonisation mondiale suppose l'élaboration de normes techniques
facilitant "
l'interopérabilité, la portabilité et
la mobilité
".
Ces orientations viennent une fois encore entériner une situation de
fait qui a vu naître et prospérer depuis le début des
années 1990, aux États-Unis, un logiciel de
codage-décodage dénommé PGP (Pretty Good Privacy),
réputé "
300 millions de milliards de fois plus puissant
que les moyens de cryptage habituels
" (codage sur 128 bits).
L'exportation de logiciels n'étant jusqu'à présent
autorisée que lorsque les clés de chiffrement ne
dépassaient pas 40 bits, le créateur de PGP avait fait
l'objet de poursuites judiciaires qui ont cessé en janvier 1996, sans
qu'une condamnation ne soit prononcée. Fin juin 1997, Microsoft puis
Netscape devaient obtenir l'autorisation d'utiliser une clé de
128 bits à l'étranger dans le secteur bancaire.
La définition d'une attitude commune permettant de définir des
standards techniques paraît désormais urgente si les États
veulent éviter d'être contraints à abdiquer leur
souveraineté en se trouvant dans l'impossibilité d'exercer un
contrôle minimum autorisé par les législations sur les
écoutes. Selon un responsable du SCSSI (service central de la
sécurité des systèmes d'information), certains logiciels
tels que PGP, pourtant déjà massivement diffusé, ne
permettent pas la mise sous séquestre des clés de chiffrement.
Il est donc patent que la régulation de l'Internet ne peut
résulter de décisions prises au coup par coup et que
l'efficacité des mesures à mettre en oeuvre est
subordonnée à l'adoption d'une attitude coordonnée des
pays les plus influents et à la responsabilisation des acteurs du
réseau des réseaux.
2. L'apparition d'axes de convergence
En dépit d'une forte inertie, des orientations communes
commencent à se dessiner pour organiser une régulation de
l'Internet. Elles s'inspirent largement des systèmes mis en place dans
différents pays et s'articulent autour du concept
d'auto-régulation.
Tirant les conséquences du rejet suscité par les méthodes
de régulation fondées sur la censure étatique, certains
pays ont décidé de mettre en place un système
d'auto-régulation fondé sur une étroite collaboration
entre les prestataires du réseau et les pouvoirs publics.
Ainsi les professionnels britanniques ont-ils pris l'initiative au mois de
septembre 1996 de "
nettoyer le réseau
". Le
dispositif
"
confie aux exploitants le soin de retirer de leurs serveurs
toutes
les données qui leur auront été signalées comme
contraires à la loi britannique et les associe à la recherche sur
les systèmes de classification des données et au
développement des logiciels de verrouillage correspondants
".
Ce système constitue l'aboutissement d'une réflexion menée
en particulier par l'ISPA (association regroupant les prestataires
britanniques) qui avait publié en mai 1996 un "
code of
practice
" évoquant l'ensemble des relations entre les
prestataires et leurs clients et comportant un engagement à
éliminer des serveurs les documents "
incitant à la
violence, au sadisme, à la cruauté ou à la haine
raciale
".
Fin 1996, a ainsi été créée une fondation
appelée " Safety-Net " qui a en charge la gestion d'une
ligne
téléphonique (hot line) permettant aux utilisateurs de l'Internet
de dénoncer toute diffusion de matériel pornographique
illégal. Cette fondation, après avoir identifié le serveur
en infraction, lui adresse une injonction de retrait des documents illicites
et, si cette injonction n'est pas suivie d'effets, demande à
l'opérateur de détruire ces documents tout en saisissant la
police. Safety-Net assure par ailleurs une notation des différents sites
en fonction de la nature des contenus offerts au public.
Cette initiative a été approuvée par les ministères
britanniques de l'intérieur et de l'industrie.
Quant aux Pays-Bas qui, avec quinze millions d'habitants possèdent plus
de serveurs que la France, ils ont été un des premiers
États européens à adopter des mesures de régulation
des contenus diffusés via l'Internet sur leur territoire. Dès
janvier 1996, la NLIP, principale association regroupant les prestataires
d'accès, a créé une fondation chargée de
gérer une hot line, un numéro d'appel permettant à tout
citoyen de signaler l'existence d'images pédophiles sur le
réseau. Une seconde hot line doit permettre de débusquer les
messages racistes. Dès qu'un document illégal est
repéré, sa provenance est déterminée et les experts
de la fondation contactent l'auteur de l'infraction pour le sommer de mettre
fin à ses pratiques. Si celui-ci n'obtempère pas, les
autorités de police sont saisies. Le ministère de la justice a
apporté son soutien à cette initiative qui a reçu un
accueil favorable des utilisateurs de l'Internet.
Il semble que dans ces deux pays, le système de régulation mis en
place ne bénéficie pas de financements publics, les fournisseurs
assumant directement les dépenses de fonctionnement.
Prenant en considération ces deux expérimentations nationales, la
Commission des Communautés européennes, à la suite de la
résolution adoptée par le Conseil des
télécommunications le 27 septembre 1996 visant à
interdire la diffusion de contenus illicites sur l'Internet, a publié
une communication intitulée "
Contenu illégal et
préjudiciable sur Internet
".
Cette communication du 16 octobre 1996, soulignant la "
nature
hautement décentralisée et transnationale de
l'Internet
", préconise une "
réponse
coordonnée au niveau de l'Union européenne et au niveau
international
". Elle rejette tout système de contrôle
fondé sur un blocage des accès combiné à la
constitution de listes noires de sites en considérant qu' "
un
régime restrictif de ce type est inconcevable en Europe car il porterait
gravement atteinte aux libertés individuelles et aux traditions
politiques "
et serait contraire au principe de la liberté des
échanges régissant le cadre juridique du marché
intérieur.
Elle se déclare favorable à l'utilisation de logiciels de
filtrage installés sur les postes utilisateurs permettant l'exercice
d'un contrôle parental, comme constitutif d'une solution pragmatique qui,
sans entraver la libre circulation de l'information, garantit le respect des
différences de sensibilités selon les familles et les cultures.
Elle souligne à cet égard les performances du logiciel PICS
(Platform for Internet Content Selection) qui, officiellement lancé en
mai 1996 par le World Wide Web Consortium, consortium industriel s'attachant
à promouvoir l'utilisation de normes de référence pour
favoriser l'évolution du Web, tend à s'imposer comme un standard.
PICS permet d'étiqueter les sites, de leur attribuer un label et
d'effectuer un filtrage efficace.
Tout en invitant l'industrie "
à former une plate-forme commune
pour l'utilisation de systèmes de filtrage à l'intérieur
de la Communauté
", la Commission encourage les fournisseurs de
contenus européens à adopter leur propre code de conduite et les
fournisseurs d'accès à contribuer au processus
d'autorégulation par la mise en place de mécanismes de
"
signalement
" via des "
hot
lines
".
Le 28 novembre 1996, le Conseil des Télécommunications
réuni à Bruxelles a confirmé ces orientations dans une
résolution "
invitant les États membres à
encourager et faciliter les systèmes d'auto-régulation associant
des organismes représentatifs des fournisseurs et utilisateurs de
services sur Internet et l'instauration de codes de conduite efficaces et
éventuellement de mécanismes de signalement en ligne directe
accessibles au public
". Les ministres ont estimé qu'il fallait
"
favoriser au niveau communautaire la coordination des organismes
auto-régulateurs
".
Le 24 avril 1997, le Parlement européen a à son tour
adopté une résolution entérinant les conclusions
élaborées par la Commission des Communautés
européennes. Cette dernière devrait présenter un plan
opérationnel au Conseil des Télécommunications qui se
tiendra le 2 octobre 1997.
Privilégiant les initiatives émanant des acteurs de l'Internet,
les instances européennes souhaitent ainsi jouer un rôle moteur et
fédérateur. Rejetant toute forme de censure, elles encouragent
les États à assumer leur part de responsabilité, en
particulier en matière de coopération policière et
judiciaire.
Depuis l'arrêt de la Cour suprême relatif au Communications Decency
Act, les États-Unis se tournent résolument vers un système
de responsabilisation individuelle fondé sur l'utilisation de logiciels
de filtrage : certaines lois actuellement en cours d'élaboration au
Congrès envisagent ainsi d'exiger des fournisseurs d'accès qu'ils
procurent de tels outils à leurs abonnés.
Au-delà du cercle européen, il paraît cependant difficile
de faire l'économie d'une réflexion au niveau mondial tendant
à la définition de normes techniques et d'un " code de la
route commun
" sur les autoroutes de l'information : la France
a
proposé que cette démarche se déroule dans le cadre de
l'OCDE.
Ainsi les vingt-neuf pays membres de cette organisation internationale ont-ils
inscrit à leur programme, au printemps 1997, l'élaboration d'une
charte de coopération internationale sur le fonctionnement de l'Internet.
Réunis à Bonn au début du mois de juillet 1997, une
quarantaine de responsables gouvernementaux européens de l'Ouest et de
l'Est, Américains, Canadiens et Japonais ont tenté de jeter les
bases d'une réglementation de l'Internet et du développement du
commerce électronique. Ont été associés à
cette conférence les représentants de quelque quatre-vingts
organisations et entreprises internationales. Cette manifestation a abouti le 8
juillet à la signature d'une déclaration d'intention soulignant
le " rôle clé " du secteur privé tout en appelant
le secteur public à jouer un " rôle actif ". Le ministre
canadien de l'industrie a en outre invité les membres de l'OCDE à
participer à une nouvelle conférence sur l'Internet au Canada
à l'automne 1998, avec pour objectif d'établir un calendrier pour
la recherche de solutions sur les problèmes requérant une
coopération internationale.
B. LES TENTATIVES FRANÇAISES POUR ORGANISER UNE RÉGULATION DE L'INTERNET
Depuis 1994, les pouvoirs publics mènent en France une
réflexion sur les conséquences socio-économiques
résultant de la révolution technologique induite par
l'avènement des autoroutes de l'information (Rapport Théry remis
au Premier ministre, rapport du Commissariat général au Plan).
Plus récemment, les autorités étatiques françaises
se sont saisies des problèmes posés par le développement
de l'Internet au regard de l'ordre public.
Un groupe de travail interministériel ayant pour mission de proposer des
mesures concrètes "
permettant, dans le strict respect de la
liberté de communication
", d'assurer "
un niveau
satisfaisant de garantie de l'ordre public
" a ainsi été
créé au printemps 1996 à la demande conjointe du ministre
de la Culture et du ministre délégué à la Poste,
aux Télécommunications et à l'Espace. Ce groupe de
travail, présidé par Mme Isabelle Falque-Pierrotin, a remis ses
conclusions au mois de juin 1996.
A cette même période et à la suite de la mise en examen de
deux fournisseurs d'accès à l'Internet pour diffusion d'images
pédophiles, le Gouvernement, au cours de l'examen par le Sénat du
projet de loi de réglementation des télécommunications,
faisait adopter un amendement instaurant un dispositif de régulation et
limitant la responsabilité pénale des professionnels
susvisés. Mais certaines de ces dispositions se sont heurtées
à la censure du Conseil constitutionnel, ce qui a conduit le
Gouvernement à rechercher des solutions alternatives.
Dans cette perspective, deux nouvelles missions de réflexion ont
été confiées, l'une à M. Antoine Beaussant,
Président du GESTE (Groupement des éditeurs de services
télématique), en octobre 1996, par le ministre
délégué à la Poste, aux
Télécommunications et à l'Espace, l'autre à
M. Patrice Martin-Lalande, député du Loir-et-Cher, en
novembre 1996, par le Premier ministre.
Le groupe de travail présidé par M. Antoine Beaussant a
abouti à l'élaboration d'un code de bonne conduite
intitulé " Charte de l'Internet ", tandis que le rapport
établi par M. Patrice Martin-Lalande formule cent trente quatre
propositions pour le développement de l'utilisation des nouvelles
technologies de l'information et la clarification du régime juridique
qui leur est applicable.
1. L'échec du dispositif législatif proposé par la loi du 26 juillet 1986
A la suite de deux actions judiciaires mettant en cause la
responsabilité pénale de fournisseurs d'accès à
l'Internet qui ont suscité un vif émoi par ces professionnels, le
Gouvernement a saisi l'occasion de l'examen par le Parlement du projet de loi
sur la réglementation des télécommunications pour faire
adopter, par voie d'amendement, le 18 juin 1996, un dispositif tendant à
organiser la régulation de ce réseau.
Ce dispositif comportait plusieurs volets, l'article 15 de la loi
insérant trois nouveaux articles dans la loi n° 80-1067 du
30 septembre 1986 relative à la liberté de
communication, dont deux ont été déclarés non
conformes à la Constitution.
L'article 43-1, seul entré en vigueur, impose à toute personne
dont l'activité est d'offrir un service de connexion "
de
proposer à ses clients un moyen technique leur permettant de restreindre
l'accès à certains services ou de les
sélectionner
". Ce filtre a en particulier pour objet de
permettre l'exercice d'un contrôle parental et d'éviter que les
enfants n'accèdent à des informations susceptibles de heurter
leur sensibilité.
L'article 43-2 instituait, sous l'autorité du CSA (Conseil
supérieur de l'audiovisuel) un nouveau comité, le Comité
Supérieur de la Télématique (CST). Placé
auprès du CSA, il était chargé d'élaborer des
recommandations qu'il appartenait au CSA d'adopter et destinées à
assurer le respect des règles déontologiques par les services de
communication audiovisuelle.
Etait créée au sein du Comité Supérieur de la
Télématique une instance compétente pour émettre un
avis sur le respect par ces services desdites recommandations, l'avis
étant publié au JORF en cas de non respect. Le comité
pouvait être saisi de réclamations émanant de tout
utilisateur, opérateur, fournisseur de services ou de toute organisation
professionnelle ou association d'usagers. Le président du CSA, sur
proposition du comité, devait saisir le procureur de la
République lorsqu'il avait connaissance, à l'occasion de
réclamations ou de demandes d'avis, de faits passibles de poursuites
pénales.
Le comité était par ailleurs chargé d'une mission
d'information à l'égard des services de
télécommunication pour le développement desquels il devait
proposer des mesures. Il était en outre investi d'une mission de
coopération internationale en participant à l'élaboration
de règles déontologiques communes.
La détermination précise de sa composition et de ses
modalités de fonctionnement était renvoyée à un
décret pris après avis du CSA. L'article 43-2 indiquait
toutefois qu'il devait être constitué pour moitié de
professionnels représentant les fournisseurs d'accès, les
éditeurs de services et de presse, et pour l'autre moitié de
représentants des utilisateurs et de personnalités
qualifiées nommées par les ministres chargés des
télécommunications et de la communication, son président
étant désigné par le CSA parmi les personnalités
qualifiées.
L'article 43-3 visait à exonérer de leur responsabilité
pénale les offreurs d'accès à l'Internet dès lors
qu'ils auraient proposé à leurs clients un logiciel de filtrage
(article 43-1) et qu'ils n'auraient pas laissé en libre accès des
services ayant fait l'objet d'un avis défavorable du comité,
à moins d'avoir, "
en connaissance de cause, personnellement
commis l'infraction ou participé à sa commission
".
Par sa décision n° 96-378 DC du 23 juillet 1996, le
Conseil constitutionnel a estimé que le pouvoir de formuler des
recommandations, dévolu par l'article 43-2 au Comité
Supérieur de la Télématique, n'était pas assez
précisément encadré alors que les avis rendus en
considération de ces recommandations étaient susceptibles d'avoir
des incidences pénales. Il a considéré que le
législateur avait méconnu les dispositions de l'article 34 de la
Constitution lui imposant d'assurer la sauvegarde des droits et des
libertés de valeur constitutionnelle en déterminant
lui-même la nature des garanties nécessaires. Les articles 43-2 et
43-3 ont ainsi été déclarés non conformes à
la Constitution.
Le dispositif censuré avait suscité des réactions
mitigées parmi les professionnels de l'Internet : Ils avaient en
particulier émis des réserves sur le fait que la
régulation du secteur soit confiée à des
spécialistes de la télématique ou de l'audiovisuel et non
à des experts de l'Internet, estimant que chacun de ces mondes
appartenaient à des cultures différentes.
A la suite de cet échec, le ministre délégué
à la Poste, aux Télécommunications et à l'Espace a
décidé de confier aux professionnels de l'Internet le soin
d'élaborer un code de bonne conduite et de réfléchir aux
modalités de son application. M. Antoine Beaussant, Président du
GESTE, a été désigné pour organiser une large
concertation devant aboutir à l'élaboration de cette charte.
2. Les conclusions de la mission Beaussant
Cette mission, lancée à la fin du mois d'octobre
1996, a rendu ses conclusions le 5 mars 1997.
Afin de dégager des orientations recueillant le consensus, les
responsables de la mission ont fait appel à la fois à des
personnalités qualifiées, à des représentants des
fournisseurs d'accès, des fournisseurs de services en ligne et des
éditeurs de contenus, à des juristes d'entreprise, à des
avocats spécialisés, à des représentants
d'organisations d'utilisateurs... soit plus de cent-quarante personnes.
Hormis les très nombreuses auditions qui se sont parfois
déroulées dans le cadre de groupes de travail thématiques,
un site Web a été ouvert pour faciliter le débat entre les
participants. Pour enrichir la réflexion et s'inspirer des
expérimentations étrangères, ce site a
répertorié tous les serveurs sur l'Internet contenant des
documents relatifs à la régulation. Des réunions
plénières ont en outre été
régulièrement organisées pour acter au fur et à
mesure les points de convergence.
C'est ainsi que fut élaborée la Charte de l'Internet. Celle-ci
définit ainsi son objet : "
Pour favoriser le
développement harmonieux de l'Internet, l'objet de la Charte est de
préciser, dans le cadre des lois et traités, les règles et
usages des acteurs de l'Internet et d'en faciliter la mise en oeuvre par un
outil simple et pragmatique d'autorégulation, le Conseil de
l'Internet
".
Rappelant les principes applicables en matière de respect de la
dignité humaine, des libertés et des droits fondamentaux, de
protection des droits de propriété intellectuelle et des droits
des consommateurs, la Charte prévoit que les adhérants s'engagent
à respecter ces règles de bonne conduite et à promouvoir
son usage.
Par souci de transparence, elle exige que tout acteur mettant un contenu
à la disposition du public fournisse une adresse électronique
permettant son identification et sa localisation.
Concernant les contenus sensibles, les acteurs s'engagent à promouvoir
des mécanismes offrant aux utilisateurs la possibilité
d'opérer une sélection des informations.
La Charte préconise la création d'un Conseil de l'Internet,
organisme d'autorégulation composé de représentants des
différentes catégories d'acteurs (fournisseurs de contenus des
secteurs marchand et non marchand, fournisseurs d'infrastructures, fournisseurs
d'accès et fournisseurs d'hébergement) et présidé
par une personnalité indépendante élue par le Conseil. Est
en outre institué auprès du conseil d'administration un
comité constitué de représentants de la
société civile et de personnalités qualifiées.
Les missions assignées au Conseil de l'Internet sont diverses :
information des acteurs et des utilisateurs ; délivrance d'avis sur le
caractère illicite d'un contenu lorsqu'il est saisi d'une
réclamation ou sur autosaisine ; si une illicéité
manifeste est constatée, pouvoir d'adresser des recommandations au
responsable du site pour modification ou suppression du contenu concerné
; si la recommandation reste lettre morte, émission d'un avis
recommandant aux prestataires techniques de bloquer l'accès, cet avis
restant confidentiel. Les avis et recommandations ont vocation à
acquérir une valeur de référence pour l'autorité
judiciaire.
Le Conseil est également investi d'une mission de conciliation entre les
acteurs de l'Internet qui doivent s'efforcer de régler leurs
différends à l'amiable.
Il est ainsi conçu comme l'"
organisme indépendant et
unique d'autorégulation et de médiation
", organisme
privé dont les acteurs de la Charte souhaitent que l'Etat contribue au
financement de son fonctionnement dans la mesure où "
sa mission
revêt un intérêt public
".
Il participe enfin au développement de la coopération
internationale en concertation avec les organismes homologues des autres Etats.
Bien que résultant d'un long processus de concertation, le projet de
charte n'a pas recueilli un assentiment unanime.
Les représentants de l'AUI (Association des utilisateurs de l'Internet),
souhaitant marquer leur opposition aux solutions préconisées et
considérant que "
le Conseil de l'Internet demeurait un
organisme de censure
", ont décidé, dès le 28
janvier, de ne plus siéger au sein de la commission
présidée par M. Antoine Beaussant.
L'Internet Society (ISOC), approuvant le principe de l'autorégulation, a
estimé que le projet de Charte constituait une bonne base de discussion,
susceptible d'améliorations.
L'AFPI (Association française des professionnels de l'Internet) a en
revanche considéré que "
la démarche
d'autorégulation était inadéquate
" et qu'un
"
Conseil de l'Internet devait être nommé par l'Etat et
pourvu de compétences réglementaires
". Elle s'est
déclarée "
en désaccord avec l'idée d'un
code de déontologie autogéré
" et a
regretté l'incapacité du Gouvernement "
à
créer des règles claires qui auraient force de loi
".
Afin de prendre en considération ces réactions, un nouveau groupe
de travail réunissant une soixante de personnes a été
créé sous la présidence de M. Michel Vivant, professeur de
droit et expert auprès de la Commission européenne.
S'inspirant des travaux effectués par la mission Beaussant, ce groupe de
travail devrait prochainement produire un rapport innovant sur plusieurs points
: la Charte serait commuée en un simple manifeste "
court et
consensuel
" se limitant à définir les grands principes,
"
texte fondateur
" qui devrait recueillir
l'approbation
unanime des participants. Le Conseil de l'Internet serait transformé en
un organisme plus léger d'autorégulation géré
conjointement par les utilisateurs et les professionnels. Doté d'un
rôle de médiation, il serait chargé d'animer un
observatoire des pratiques des Français sur le réseau et pourrait
créer une hot line. Le point de savoir s'il doit être doté
du pouvoir de recommander la fermeture de sites illicites et de délivrer
des informations à l'autorité judiciaire demeure en discussion et
fait l'objet d'appréciations divergentes.
L'ensemble des travaux menés par les acteurs de l'Internet met en
évidence leur attachement au principe de liberté qui régit
le fonctionnement du réseau depuis sa création mas
également leur souhait de clarifier les règles applicables
fondant leur responsabilité. Organiser une régulation de
l'Internet apparaît donc comme une nécessité faisant
l'objet d'une reconnaissance quasiment unanime, la difficulté consistant
à définir des modalités consensuelles. Si la
préférence des acteurs de l'Internet va à un
système d'autorégulation, nombreux sont ceux qui soulignent la
nécessité pour les pouvoirs publics de ne pas abdiquer leur part
de responsabilité.
C. VERS UNE " RÉGULATION À LA FRANÇAISE " ?
Laisser jouer le principe de liberté qui
caractérise le fonctionnement du réseau des réseaux depuis
sa naissance tout en essayant d'endiguer les principales dérives
constitutives d'infractions à la loi : tel est l'enjeu du débat.
Le dispositif de régulation à mettre en place doit être
suffisamment souple pour répondre à un ensemble
d'impératifs, parfois présentés comme contradictoires mais
qui, en définitive, sont largement complémentaires.
1. Une régulation au service du développement de l'Internet : des responsabilités partagées
Les spécificités de l'Internet, en particulier
sa dimension transnationale et son caractère fortement
décentralisé vouent à l'échec tout système
de régulation fondé sur un contrôle a priori.
En l'absence d'accord au niveau international sur un contrôle de cette
nature et d'harmonisation des législations applicables, un tel
système dont le champ d'application se limiterait à une zone
géographique réduite, tentant de rétablir des
frontières virtuelles pour surveiller la circulation des flux
d'information, serait inopérant et certainement contre-productif pour le
pays concerné car de nature à encourager la délocalisation
des activités de services et donc à créer des distorsions
de concurrence.
A l'opposé, le " laisser-faire, laisser-aller "
découlant des thèses ultra-libérales n'est pas non plus
envisageable. Le réseau des réseaux doit en effet
apparaître comme une zone d'échanges sécurisée et
non comme une " jungle " où toutes les dérives seraient
possibles en toute impunité. Une telle approche, de nature à
fonder la confiance des utilisateurs, ne peut d'ailleurs être que
favorable au développement de l'Internet. Comme l'a fait valoir le
Professeur Michel Vivant dans le cadre de la mission confiée à M.
Antoine Beaussant : "
Au réseau «espace de
liberté», il faut répondre par le réseau «espace
de responsabilité» ".
Cette responsabilité, eu égard au particularisme de l'Internet,
doit être une responsabilité partagée. Il revient aux
acteurs eux-mêmes de contribuer à prévenir les
dérives en définissant des règles de bonne conduite qui,
au minimum, doivent inciter au respect des lois en vigueur, lois qui doivent
s'appliquer quel que soit le support véhiculant l'information.
L'appartenance à la " société de l'Internet "
serait ainsi subordonnée à l'adhésion à une
déontologie. Comme cela a été rappelé
précédemment, cette volonté d'autorégulation s'est
traduite dans certains pays par la mise en place d'une " hot
line "
destinée à recueillir les réclamations des utilisateurs et
à intervenir auprès des acteurs mis en cause pour faire cesser
les agissements litigieux.
Si les modalités d'organisation et de fonctionnement de l'Internet
imposent un système fondé sur l'autorégulation et
condamnent, comme inadapté, tout dispositif de surveillance
systématique du réseau, cela n'implique pas l'obligation pour les
pouvoirs publics de se tenir à l'écart. Ceux-ci doivent en effet
conserver un droit de regard qui connaît de multiples justifications.
Tout d'abord, le développement des nouvelles technologies de
l'information sont susceptibles d'induire des transformations
économiques, sociales et culturelles d'une telle ampleur que les
autorités étatiques ne peuvent s'en désintéresser.
La concertation tendant à une harmonisation des législations en
certaines matières telles que la cryptologie ainsi que le
développement d'une coopération policière et judiciaire
passent par la négociation d'accords au sein des instances
européennes ou internationales.
Enfin, l'Etat, garant de l'intérêt général et de
l'ordre public doit être en mesure de faire respecter les lois en vigueur
ainsi qu'un équilibre entre les différentes libertés
fondamentales.
A l'occasion du recours exercé contre la loi du 26 juillet 1996 de
réglementation des communications, le Conseil constitutionnel a ainsi
réaffirmé dans sa décision n° 96-378 DC qu'aux termes
de l'article 34 de la Constitution "
il appartenait au
législateur d'assurer la sauvegarde des droits et libertés
constitutionnellement garantis
" et que "
s'agissant
de la
liberté de communication,
il lui revenait de concilier, en
l'état actuel des techniques et de leur maîtrise, l'exercice de
cette liberté telle qu'elle résulte de l'article 11 de la
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, avec, d'une part, les
objectifs de valeur constitutionnelle qui sont la sauvegarde de l'ordre public,
le respect de la liberté d'autrui et la préservation du
caractère pluraliste des courants d'expression socioculturels
".
Cette décision du Conseil constitutionnel constitue une approche
pragmatique puisqu'il est admis que les
"
contraintes techniques
inhérentes aux moyens de communication concernés
"
doivent être prises en considération. Pour autant, la puissance
publique, et le législateur en particulier, ne peut se soustraire aux
responsabilités qui lui incombent : il s'agit donc de définir
selon quelles modalités les autorités étatiques pourront
assumer leur mission.
2. Une régulation à la française compatible avec l'esprit de liberté caractérisant l'Internet : trois propositions
Si un dispositif fondé sur le principe
d'auto-régulation, et donc de responsabilisation des acteurs de
l'Internet, constitue le modèle dominant au niveau international et
paraît devoir s'imposer dans le cadre national, une " prise de
participation " des pouvoirs publics semble également
incontournable ; certaines organisations de professionnels telles que l'AFPI
l'appellent même de leurs voeux.
Il s'agit donc de concevoir un système suscitant l'adhésion des
acteurs, gage d'efficacité, qui ménage un droit de regard de la
puissance publique et qui s'intègre de surcroît dans le paysage
multimédia français.
Ainsi, alors que le développement des moyens dont disposent les services
de police devraient avoir une fonction dissuasive, il convient de rappeler que,
concernant la mise en oeuvre d'une auto-régulation, l'article 15 de la
loi du 26 juillet 1996 de réglementation des
télécommunications a inséré dans la loi du 30
septembre 1956 un article 43-1 exigeant de "
toute personne dont
l'activité est d'offrir un service de connexion à un ou plusieurs
services de communication audiovisuelle ",
la fourniture à ses
clients d' "
un moyen technique leur permettant de restreindre
l'accès à certains services ou à les
sélectionner ".
Cette obligation légale constitue une
généralisation de l'utilisation de logiciels dits "
de
contrôle parental
" qui étaient déjà
proposés sur certains réseaux privés tels que Compuserve
ou AOL. La mise en place effective de ce mode de filtrage des contenus
apparaît particulièrement nécessaire dans la perspective du
raccordement des établissements scolaires à Internet. Il convient
en effet de fournir aux enseignants les moyens techniques de prévenir
les usages intempestifs.
Il est donc indispensable que le gouvernement
veille à assurer la mise en oeuvre des dispositions de
l'article 43-1 de la loi du 30 septembre 1956 et adopte dans les
meilleurs délais les textes d'application nécessaires.
a) Ouverture d'une " hot-line "
Hormis cette autorégulation "en aval ", au
niveau
du poste utilisateur, il s'agit d'instaurer une
autorégulation
" en amont
"
, gérée par les professionnels
de l'Internet qui pourraient à l'instar de ce qui existe en
Grande-Bretagne ou aux Pays-Bas, mettre en place une
hot line
destinée à recueillir les réclamations des utilisateurs.
Dans l'hypothèse où ces réclamations concerneraient des
agissements constitutifs d'infractions pénales, les responsables de la
hot line devraient automatiquement déférer au Parquet. En effet,
le pouvoir d'adresser des injonctions aux contrevenants pour faire cesser le
trouble conféré aux autorités néerlandaises
chargées de gérer la hot line ne paraît pas transposable en
France. Dès lors que l'infraction est constituée, il n'appartient
pas à un acteur privé de statuer sur l'opportunité des
poursuites pénales aux termes de l'article 40 du code de
procédure pénale, il revient au procureur de la République
de recevoir les plaintes et les dénonciations et d'apprécier la
suite à leur donner.
La structure chargée de gérer la hot line pourrait prendre la
forme d'une association reconnue d'utilité publique créée
par les professionnels prestataires d'accès à l'Internet. Elle
aurait pour mission, à l'occasion des réclamations qui lui
seraient adressées ou de sa propre initiative, de localiser et
d'identifier les sites ou services en infraction.
b) Mise en place d'une agence de régulation de l'Internet
Parallèlement à cette hot line serait mise en
place une
Agence de régulation de l'Internet (ARI)
constituée, à l'image du Conseil de l'Internet
préconisé par la mission Beaussant , de représentants des
différentes catégories de professionnels (fournisseurs
d'infrastructure, d'accès ou d'hébergement) mais aussi des
représentants des fournisseurs de contenus, privés ou publics, et
des associations d'utilisateurs. La puissance publique y serait ainsi
représentée par l'intermédiaire de ses services publics
utilisateurs et pourvoyeurs d'informations sur le réseau. Des
personnalités qualifiées pourraient également être
désignées pour y siéger.
Cette agence serait investie d'une
mission d'information et de conseil
auprès des acteurs et des utilisateurs. Afin d'assurer une plus grande
transparence sur le réseau, elle pourrait être chargée de
vérifier que les services en ligne de communication au public se
conforment bien aux formalités déclaratives résultant de
l'article 43 de la loi du 30 septembre 1986 qui prévoit que les services
de communication audiovisuelle autres que ceux prévus aux chapitres I
(services de télévision et de radiodiffusion par voie hertzienne)
et II (service de télévision et de radiodiffusion transitant sur
le câble) sont soumis à déclaration préalable
auprès du Procureur de la République. La plupart des fournisseurs
de services ou de contenus localisés en France ne connaissent pas en
effet cette obligation légale.
Cette action d'information et de conseil pourrait se traduire par la
publication d'avis et de recommandations. En relation directe avec les
responsables de la hot line sans pour autant être chargée de sa
gestion ou exercer sur elle une tutelle, l'agence procéderait à
un recensement et à une évaluation des dysfonctionnements
constatés pour élaborer ses
recommandations
.
Cette structure constituerait par ailleurs un
lieu de concertation et de
conciliation entre les acteurs de l'Internet
.
Enfin, en liaison avec les organismes homologues étrangers, elle
apporterait sa
contribution au développement de la coopération
internationale
pour la régulation de l'Internet.
Structure de droit privé, elle pourrait bénéficier, au
moins dans un premier temps, de financements publics témoignant d'un
engagement de la puissance publique.
S'il eût été sans doute préférable, par souci
de simplification, de confier la mission de régulation à un
organisme déjà établi tel que le CSA ou le Conseil
Supérieur de la Télématique, alors que les
différents supports ont vocation à véhiculer les
mêmes types de données (écrit, son, image fixe ou
animée), les spécificités de l'Internet conduisent
à envisager un système " sur mesure " associant secteur
privé et secteur public.
c) Création d'un observatoire national de l'évolution des technologies de l'information et de la communication
Pour compléter ce dispositif à double
détente constitué par la hot line et l'Agence de
régulation de l'Internet, il serait nécessaire de créer
une structure de réflexion et de prospective sur l'évolution des
technologies de l'information qui pourrait en outre jouer un rôle de
coordination entre les différentes instances chargées de ces
questions.
Pourrait ainsi être conçu un
Observatoire national de
l'évolution des technologies de l'information et de la communication
(ONETIC)
.
Structure souple et légère
qui pourrait être
composée de délégués désignés en leur
sein par le CSA, le CST, la CNIL, la CADA, la future agence de
régulation de l'Internet et, éventuellement, la Commission
nationale de contrôle des interceptions de sécurité
(CNCIS), cet observatoire rendrait des propositions d'arbitrage pour
régler les conflits de compétences
qui surviennent parfois
entre ces différentes autorités : il constituerait ainsi un
vecteur de
décloisonnement
.
Il aurait fondamentalement pour mission d'exercer une
veille
technologique
, de réfléchir aux répercussions des
évolutions sur la sphère économique, sociale et culturelle
et d'assurer l'information des pouvoirs publics. Il s'agit en effet
d'être en mesure d'anticiper sur les prochaines " vagues "
de
progrès technologique et d'éviter de se trouver confronté
à des problèmes dont on ne prend conscience seulement a
posteriori, comme ce fut le cas pour l'Internet. Destinataire des rapports
établis par les différentes autorités susvisées
susceptibles de nourrir ses réflexions, l'observatoire ne serait
doté d'aucun pouvoir de décision ou de contrôle. Il
pourrait en revanche
formuler des propositions
et consigner ses
observations dans un
rapport annuel
adressé au Parlement et au
Gouvernement.
Une autre formule pourrait être de confier ce rôle à la
CSSPPT. Cette communication comportant sept sénateurs, sept
députés et des professionnels qualifiés, a pour fonction
de conseiller le Gouvernement pour toutes les matières liées
à la poste, au téléphone, aux services
télématiques en particulier pour ce qui concerne le service
public.
Elle est déjà en relation étroite avec les
ministères concernés ainsi que les organisations telles que le
CSA, la CNIL, l'agence de régulation des fréquences, l'agence de
régulation des Télécom.
Ce rôle nécessiterait sans doute une légère
extension des moyens de la communication issus des autorités
concernées, la nomination de quelques personnalités
supplémentaires et la prise en compte du concept de
décloisonnement indispensable.
ANNEXE I: COMPOSITION DE LA MISSION COMMUNE D'INFORMATION SUR L'ENTRÉE DANS LA SOCIÉTÉ DE L'INFORMATION
Pierre LAFFITTE
Groupe du Rassemblement
Démocratique et Social Européen, Alpes-Maritimes ;
Président
Lucien NEUWIRTH
Groupe du Rassemblement pour la République,
Loire ;
Vice-Président
Danièle POURTAUD
Groupe socialiste, Paris ;
Vice-Présidente
Philippe RICHERT
Groupe de l'Union centriste, Bas-Rhin ;
Vice-Président
Charles JOLIBOIS
Groupe des Républicains et Indépendants,
Maine-et-Loire ;
Vice-Président
Jack RALITE
Groupe Communiste Républicain et Citoyen,
Seine-Saint-Denis ;
Vice-Président
Jean-Paul HUGOT
Groupe du Rassemblement pour la République,
Maine-et-Loire ;
Secrétaire
Franck SÉRUSCLAT
Groupe socialiste, Rhône ;
Secrétaire
Alain JOYANDET
Groupe du Rassemblement pour la République
Haute-Saône ;
Rapporteur
Pierre HÉRISSON
Groupe de l'Union centriste, Haute-Savoie ;
Rapporteur
Alex TÜRK
Réunion administrative des Sénateurs ne
figurant sur la liste d'aucun groupe, Nord ;
Rapporteur
François AUTAIN
Groupe socialiste, Loire-Atlantique
Claude BELOT
Rattaché administrativement au groupe de
l'Union centriste, Charente-Maritime
Jean-Claude CARLE
Groupe des Républicains et Indépendants,
Haute-Savoie
François GERBAUD
Groupe du Rassemblement pour la
République, Indre
Francis GRIGNON
Groupe de l'Union centriste, Bas-Rhin
Jean-Jacques HYEST
Groupe de l'Union centriste, Seine-et-Marne
Gérard LARCHER
Groupe du Rassemblement pour la République,
Yvelines
Jacques MAHEAS
Groupe socialiste, Seine-Saint-Denis
Paul RAOULT
Groupe socialiste, Nord
Jean-Marie RAUSCH
Rattaché administrativement au groupe du
Rassemblement Démocratique et Social Européen, Moselle
Henri REVOL
Groupe des Républicains et Indépendants,
Côte-d'Or
Jean-Pierre SCHOSTECK
Groupe du Rassemblement pour la République,
Hauts-de-Seine
René TREGOUËT
Groupe du Rassemblement pour la
République, Rhône
ANNEXE II : COMPTE RENDU DE LA TABLE RONDE DU MERCREDI 11 JUIN 1997 SUR " LES COLLECTIVITÉS LOCALES ET LES NOUVELLES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION "
__________
M. Pierre Laffitte, président
- Je voudrais
tout d'abord excuser l'absence momentanée du président Monory
qui, par suite d'une réunion imprévue, a dû décaler
sa présence...
En tant que président de la mission d'information du Sénat sur
l'entrée de la France dans la société de l'information, je
vous souhaite la bienvenue.
Il nous est apparu que les collectivités locales -que notre haute
assemblée a pour mission de représenter plus largement-
étaient indiscutablement en pointe en la matière. Les
collectivités locales, comme l'Etat se doivent de ne pas être
à la traîne et, au contraire, de montrer l'exemple.
Un certain nombre de ces collectivités ont accepté de
présenter leur activité dans ce domaine aujourd'hui ; c'est
l'objet de cette audition un peu particulière et solennelle. Je remercie
tous leurs représentants de nous faire part des compétences
qu'ils ont acquises et des problèmes qu'ils ont rencontrés.
Bien entendu, ceci ne couvre pas tout ce qui se fait en France, en particulier
dans ma région et dans mon département, qui a le sentiment qu'il
est lui aussi à la pointe en la matière, car nous avons, tant
dans les initiatives de la région que surtout dans celles du
département -et en particulier à Sophia Antipolis- une position
assez éminente, que la plupart connaissent bien et qu'en tout cas je
m'efforce de rappeler aussi souvent que nécessaire !
Je crois que c'est indispensable ; la France, après avoir
été en tête de la télématique mondiale, est
en effet en train de prendre un retard considérable que nous ne pouvons
admettre.Il n'y a aucune raison que ce retard se maintienne, et les
intervenants qui sont ici présents démontrent que l'on peut faire
en sorte d'être de nouveau au premier plan. C'est ce que
j'espère...
Je passe immédiatement la parole à M. Valade, afin qu'il nous
expose ce qui fait l'originalité de la région Aquitaine en la
matière...
M. Jacques Valade
- Monsieur le Président, la
région Aquitaine a mis en place au cours des années trois outils
opérationnels complémentaires. Ils permettent de mettre en oeuvre
une politique définie il y a longtemps, confirmée en 1992, celle
des nouvelles techniques d'information et de communication.
Tout d'abord, notre agence régionale, qui dépend directement du
conseil régional d'Aquitaine, a été mise en place il y a
douze ans: il s'agit de l'agence Aquitaine Nouvelles Communications,
présidée par le président du conseil régional. Elle
est chargée d'explorer les voies qu'offrent ces nouvelles technologies
à la région.
Pour permettre à cette agence de fonctionner, nous votons chaque
année une ligne budgétaire abondée aux environs de 12
à 15 millions de francs, le budget de la région étant de
3,4 milliards. Pour des actions spécifiques, en particulier dans le
domaine de l'éducation, des budgets correspondants peuvent abonder les
dotations de l'agence.
Les moyens performants qui existent dans ce domaine sont pour la plupart mal
connus ; par ailleurs, il est bon de pouvoir les mettre au service de tous les
Aquitains, de façon directe ou indirecte, qu'il s'agisse des
collectivités locales, des chefs d'entreprises, des acteurs
économiques, éducatifs sociaux et culturels. Pour cela, l'agence
s'efforce de favoriser la compréhension de ces technologies, leur
maîtrise, l'accès et l'usage.
Il ne s'agit donc pas d'une agence pour la région Aquitaine au sens du
conseil régional, mais d'une agence tournée vers les
éventuels utilisateurs publics ou privés...
Par ailleurs, en termes de développement de l'image, nous avons
souhaité que l'Aquitaine existe sur le marché et dans le contexte
des NTIC. C'est une des raisons pour lesquelles nous avons associé les
industriels régionaux de l'information et de la communication, dont nous
espérons qu'ils seront créateurs d'emplois et de richesses.
Le second outil est constitué par l'association Aquarel, placée
auprès de la direction de l'action économique, de la recherche et
de l'enseignement supérieur. Cette action a eu pour objet initial
d'assurer le développement d'Internet en Aquitaine, tant pour l'ensemble
des centres de recherche et des entreprises de la région que pour
assurer la promotion des entreprises et des institutions auprès du grand
public.
L'Aquitaine offre ainsi à ses centres de recherche, à ses
universités et à ses industriels relevant de la recherche et de
la technologie, une infrastructure de communication informatique haut
débit, dotée de trois noeuds d'échange situés au
coeur des trois grands centres industriels de la région : Bordeaux,
Bayonne et Pau.
Aquarel est tout naturellement en charge de l'évolution du réseau
Internet en Aquitaine, au travers notamment de la création de l'ensemble
de réseaux métropolitains large bande. Notre obsession est de
permettre de raccorder les entreprises à ce réseau, car les
centres de recherche et les universités le font d'une façon
relativement spontanée...
Par ailleurs, Aquarel a été chargée de créer un
site Web sur l'institution et toutes les manifestations qui se déroulent
en Aquitaine. En 1996, le site du conseil régional d'Aquitaine a
reçu le premier prix du concours CAP'COM, qui récompense le
meilleur site Internet des collectivités locales et territoriales.
En outre, Aquarel organise chaque année un colloque sur le thème
d'Internet, avec la participation très nombreuse et assidue de
spécialistes, mais également d'industriels. Cette manifestation,
en trois ans, a obtenu une renommée européenne et internationale.
Chaque année, cela constitue pour nous un événement.
Enfin, depuis 1995, toujours dans le cadre d'Aquarel, en partenariat avec
France Télécom et le rectorat de l'académie de Bordeaux,
nous nous sommes efforcés de raccorder les lycées,
collèges et écoles primaires d'Aquitaine. A ce jour, plus de
quatre-vingts établissements sont connectés, sous le
contrôle technique d'Aquarel.
Je pense que, d'ici octobre prochain, la connexion des 200
établissements du second degré du second cycle, mais aussi des
centres d'apprentissage, sera achevée ou en cour d'assèchement.
Enfin, la DATAR et l'Union économique européenne, avec l'appui de
la Ligue de l'enseignement, sont à la base de la mise en place et de
l'animation de l'université de la communication qui, chaque
année, rassemble beaucoup de personnes intéressées par
l'information et la communication.
Le conseil régional de la Gironde a mis en place en 1995 une association
dénommée Centre européen de la communication, qui a
été déclarée projet d'intérêt public
par le comité interministériel des autoroutes de l'information et
sélectionnée par l'Union européenne comme l'un des deux
centres "Midas" français.
Ce centre développe des actions d'information, de sensibilisation, de
formation et de stimulation par rapport à l'ingénierie
auprès de toutes les catégories socio-professionnelles
spécifiques, ainsi que des institutions et du grand public.
Nous avons ainsi, soit grâce à des séminaires ou à
des expositions thématiques, pu mobiliser la corporation des avocats et
des médecins. Actuellement, une exposition se développe sur le
thème de l'environnement et des multimédias. Chaque fois,
l'information, la capacité de formation et surtout la sensibilisation
des entreprises sont développées...
Pour nous ces trois outils correspondent à l'équipement de base.
Naturellement, nous ne pouvons nous en contenter, et nous avons bâti,
compte tenu de l'expérience acquise de douze années, un programme
portant sur les techniques de l'information et de la communication des
entreprises, l'aménagement du territoire et les collectivités
locales au travers des NTIC, les industries de l'information et de la
communication et l'industrie des programmes audiovisuels et du cinéma.
Il s'agit en fait de contrats entre les firmes de production
cinématographiques ou télévisuelles et notre
région, sous l'angle de l'accueil de ces sociétés, de mise
à disposition des compétences des entreprises qui peuvent exister
et de formation des collaborateurs que l'on peut trouver sur place.
M. le Président
- La parole est maintenant à M.
Jean Faure...
M. Jean Faure
- Monsieur le Président, notre ambition
n'est pas celle d'une région mais celle d'un district qui comprend sept
communes, 8.500 habitants et 50.000 lits touristiques et deux stations
internationales des sports d'hiver. L'activité essentielle du massif du
Vercors, qui se situe entre 1.000 et 2.200 m d'altitude, était agricole
il y a quarante ans encore ; or, le nombre d'exploitations agricoles a
été divisé par dix et le relais a été
assuré par le tourisme.
Malheureusement, l'activité touristique, n'est pas une activité
de riches : c'est une activité qui accueille des gens riches, mais qui
fait travailler des gens souvent au SMIC, pour des travaux saisonniers qui ne
séduisent pas la jeunesse locale puisque, bien souvent, les enfants du
pays partent en ville pour trouver des activités plus conformes à
leurs souhaits.
En revanche, ces activités saisonnières et peu valorisantes sont
souvent occupées par des travailleurs immigrés ou du personnel
qui vont, suivant les saisons, de la Côte aux Alpes ou des Alpes jusque
en Bretagne...
Il est donc très difficile de maintenir une activité
économique et tout ce qui a pu être testé en matière
d'artisanat, d'industrie ou autres n'est que rêve, car la distance et
l'éloignement font qu'il n'y a pas de développement
économique possible en dehors du maintien de l'agriculture et de la
sauvegarde du tourisme.
Nous avons donc recherché, à travers les nouvelles technologies
de communication, la possibilité de transformer les autoroutes qui
manquent à notre pays par des autoroutes de l'information.
Nous avons commencé par l'immersion dans le milieu scolaire. Nous sommes
dans une région de 70.000 hectares, dont plus des deux-tiers sont
boisés et donc relativement isolés. Cette immersion en milieu
scolaire nous a permis d'équiper, à l'initiative du district,
cent vingt classes qui travaillent en réseau, branchées sur
Internet. Dès l'école primaire, les enfants sont
sensibilisés aux nouvelles technologies de communication.
Ils se retrouvent ensuite dans des collèges et des lycées qui,
grâce à la région Rhône-Alpes et au
département, vont pouvoir être complètement
rénovés et reconçus comme une cité scolaire du
futur, avec des salles multimédias et des programmations -bien entendu
avec la complicité des rectorats, de l'académie et du
ministère de l'éducation nationale- permettant ainsi d'enseigner
n'importe quelle matière par vidéoconférence, même
s'il n'y a que deux élèves inscrits.
Cela nous permet de maintenir nos élèves, face à
l'évaporation qui se produisait entre le collège et le
lycée, car si nous avions plus de 600 élèves dans un
collège, nous tombions à 140 au lycée, ce qui était
une catastrophe puisque nous perdions là la ressource qui permet de
maintenir les classes.
Un choix de formation, en sachant que nous avons ouvert avec le
"ski-études" une possibilité d'enseigner toutes les
matières à des jeunes entre la troisième et la terminale
et qui font de la compétition.
La plupart de nos grands champions de ski, en France, sont tous issus du
"ski-études". Nous les avons équipés d'une trentaine de
portables pour que, au cours de leurs pérégrinations en Europe et
dans le monde, ils puissent continuer à travailler avec leurs
professeurs. C'est ce que l'on appelle les "cyber-champions".
A l'intérieur même de ce lycée, certains jeunes ont
créé une entreprise SARL ; ces jeunes, qui sont entre la seconde
et la terminale, proposent des services à la population, ce qui est une
expérimentation assez intéressante.
Enfin, toujours dans le cadre de ce lycée du futur, nous avons pour
ambition de créer, avec le rectorat et l'académie, une formation
bac + 3 pour des jeunes du pays désirant se former aux nouvelles
technologies de communication.
Il fallait déboucher sur le monde du travail et le district a pris
l'initiative de créer un bâtiment à la disposition des
entreprises désireuses de venir s'installer ou se créer sur place
; ce bâtiment de 500 m², très moderne y compris dans sa
conception architecturale, dont le coût s'est élevé
à un peu plus de 5 millions, a permis à EDF, Hewlett Packard,
Schneider et d'autres de délocaliser un certain nombre d'emplois pour
tester la possibilité de travailler dans un site autre que les sites
urbains.
En effet, il n'est pas désagréable de travailler dans un parc
naturel régional, à côté d'un golf, au milieu de
deux stations nationales et internationales, avec ski de fond, ski de piste,
etc., et les délocalisations sont beaucoup plus faciles à
réaliser dans un tel cadre...
Le bâtiment propose trente-deux bureaux, occupés à 90 %,
dont à peu près la moitié par les entreprises nationales
dont j'ai parlé ; l'autre moitié est constituée par des
entreprises qui se sont créées sur place. Certaines proposent des
services aux entreprises locales en matière de tourisme. D'autres
proposent à distance des services ou des programmations de logiciel ou
encore de nouveaux services qui n'existent pas encore aujourd'hui. Par exemple,
Schneider essaye d'innover en proposant d'installer chez les retraités
isolés dans les hameaux un système de
télé-surveillance, qui sera géré depuis le centre
de Téléspace Vercors.
On pourra ainsi maintenir ces personnes à domicile avec un
contrôle plus suivi que la simple télé-alarme. Il s'agit en
fait de surveiller si le gaz n'est pas resté allumé, si les
fenêtres ne sont pas restées ouvertes, etc.
Actuellement, six entreprises de services privées, variant entre deux et
cinq employés, se sont créées autour de cette initiative.
Notre ambition est de continuer cette expérience. Certes, nous ne
réglerons pas le problème de l'emploi par la création de
ce centre, mais nous expérimentons une autre façon de travailler.
Penser faire du télé-travail à domicile, en conservant
toutes ses charges familiales et collectives, n'est pas raisonnable. Il faut
recréer un cadre de travail avec secrétariat et accueil communs,
salles de visioconférence, ordinateurs.
L'amortissement se révèle moins coûteux pour les
entreprises. Je pense que l'on devrait pouvoir démultiplier cette
expérience dans les villages autour de Villars-de-Lans, et proposer aux
petites entreprises de tourisme de nouveaux services, pour gérer leur
planning, leur comptabilité, leurs fiches de salaires ou autres,
créant ainsi des métiers dont nous n'avons pas encore idée.
Nous avons enfin tenté de regrouper toutes les initiatives similaires,
sans toutefois verser dans l'exploitation des salariés.
Nous proposons à des jeunes formés pour cela de créer leur
propre entreprise et d'utiliser leur imagination pour occuper nos locaux
puisque, aujourd'hui, le télé-travail ne coûte pas plus
cher, que l'on habite Villars-de-Lans ou le coeur de Paris !
M. le Président
- La parole est M. André Santini,
député-maire d'Issy-les-Moulineaux...
M. André Santini
- Monsieur le Président, ce que
nous avons fait n'a aucune valeur d'exemple. Il s'agit d'un témoignage
à partir d'une ville anciennement industrialisée -sous le second
Empire- et qui a subi la crise terrible des années 1970-1980, avec la
chute pour obsolescence de "monstres" comme SEV-Marshall -4.000
personnes- une
manufacture de tabac de 2.000 personnes ou les cartouches GEVLO -2.200
personnes.
Lorsque j'ai été élu, 10.000 emplois avaient
été détruits en neuf ans, et nous étions
tombés à 17.000 emplois. Nous avons aujourd'hui atteint 36.000
emplois, ce qui nous vaut de gros ennuis avec la DATAR...
La sociologie de ces entreprises était intéressante. Nous avons
remplacé ces entreprises de blanchisserie ou de poudrière par des
sociétés de communication, d'informatique ou de pharmacie
-Johnson and Johnson va installer son siège européen à
Issy-les-Moulineaux dans quelques semaines...
Je me suis dit qu'il fallait tenter quelque chose pour apprivoiser les
nouvelles technologies, alors très en retrait et auxquelles nos gens
n'adhéraient pas, tout en évitant la création d'une
nouvelle fracture entre les "cyber-branchés" et les "SDF" de
l'informatique et du multimédia.
Il me semble aussi que les élus ont un rôle à jouer pour
diffuser l'idée de modernité. Cela a des conséquences
partout. Ma commune a été la première d'Ile-de-France
à adhérer à la collecte sélective, à
diffuser les distributeurs de seringues pour les toxicomanes.
Depuis quelques jours, nous sommes la seule commune d'Ile-de-France à
diffuser l'euro. Deux cents commerçants ont adhéré
à cette opération, et l'on est loin de toutes les petites
querelles politiciennes. Trente mille pièces ont été
battues. Elles ont été vendues en deux jours, et nous allons en
émettre 30.000 encore.
C'est une bonne façon de mettre le débat au quotidien et de
sortir des problèmes qui nous assaillent.
Nous avons demandé un rapport à Andersen, qui a permis de mettre
en synergie toutes les PME qui, dans la ville, avaient un pied dans les
nouvelles technologies, et nous avons adopté un plan local de
l'information en janvier 1996.
Nous avons lancé en mai 1996 un site Internet -1.500 visiteurs par mois-
destiné à l'origine à diffuser et à promouvoir le
tissu économique, qui compte un nombre important d'entreprises de
communication et de nouvelles technologies, soit un quart des
sociétés installées sur la commune.
Les PME-PMI étaient incitées à se connecter sur le
réseau mondial. Le club des As, le club PME PMI diffusent aujourd'hui
une fiche avec leur activité et leurs coordonnées.
En mai 1996, 4 % des membres du club PME-PMI avaient une adresse
électronique. Aujourd'hui, elles sont plus de 30 %. En moins d'un an,
l'effet d'entraînement que nous souhaitions a joué pleinement.
Nous avons également créé un serveur spécifique
pour la pépinière d'entreprises, une bourse de l'emploi sur le
serveur de la ville, car il n'est pas logique que nous soyons seulement
tournés vers la performance économique. Il fallait aussi que le
social, en particulier les demandeurs d'emplois, soient associés
à cette démarcher. Enfin, l'espace "jeunes" que nous avons
créé permet aux jeunes de 16 à 25 ans de rechercher des
stages, des formations ou des offres d'emplois.
Nous avons créé en mars dernier un club des internautes, qui ne
sont pas tous identifiés, recensant 150 personnes et réunissant
soixante-dix à quatre-vingts d'entre eux, la plupart opposants
politiques, mais appréciant la démarche moderniste de la ville.
Il existe des transcourants remarquables !
Nous avons voulu aussi sensibiliser la population à ces nouvelles
technologies. Nous organisons donc des sessions pour tous les décideurs,
tous les vecteurs : corps médical, élus, présidents
d'association, corps de sécurité, corps enseignant,
représentants des cultes -qui sont tous venus.
La médiathèque propose une séance spécifique pour
les retraités, afin de rétablir le lien
inter-générations entre les petits-enfants hyperbranchés
et le troisième âge, qui a déconnecté depuis
longtemps.
Nous allons, pour "Sciences en fête", en octobre prochain, organiser
des
animations et des conférences dans tous les lieux publics de la ville.
Un sondage nous a montré que nous atteignons maintenant le seuil de 40 %
d'ordinateurs dans les foyers de la commune. A force de marteler les choses,
nous dépassons le score américain !
Le journal local dispose d'une rubrique intitulée "Le coin des
internautes". A l'automne prochain, nous lançons un musée
français de la carte à jouer, le plus grand d'Europe. Il aura
bien sûr un site Internet spécial pour promouvoir les collections,
il sera multilingue. On pourra ainsi procéder à une visite
virtuelle et l'on disposera même d'une boutique électronique,
autant de choses qui sont aujourd'hui à peine
expérimentées...
Par ailleurs, l'équipement des écoles primaires en ordinateurs
était l'une de nos priorités. Dès cette rentrée,
nous avions équipé quatre écoles pilotes, dont deux dans
les quartiers défavorisés -façon de rattraper le handicap-
de 36 ordinateurs multimédias, en collaboration avec les équipes
pédagogiques et les services de l'éducation nationale. Nous
aurons équipé toutes les écoles de la ville pour la
rentrée scolaire 1999.
Au total, nous avons dépensé un million de francs, ce qui
constitue une somme ridicule pour un budget de 650 millions.
Nous avons également lancé le concept du conseil municipal
interactif en janvier dernier. Deux séances ont eu lieu. La
troisième a été suspendue pour cause de campagne
électorale. L'idée était de diffuser le conseil municipal
sur le câble, en temps réel, in extenso, et de permettre aux
téléspectateurs de poser des questions pendant la séance
par "e-mail", minitel ou téléphone vert.
Nous avons connu tous les ennuis possibles : le préfet s'est posé
la question de la légalité, le CSA n'avait jamais vu cet objet
juridique non-identifié, la commission de contrôle des comptes
l'assimilait à un bulletin municipal ! Nous avons vaincu toutes ces
réticences en arguant du fait qu'il serait encore plus ridicule
d'interdire cette expérience que de l'autoriser.
Nous nous mettons d'accord avec l'opposition sur le temps de parole. Dans les
règlements du Sénat ou de l'Assemblée nationale, le temps
de parole est proportionnel à l'effectif présent. La loi
municipale valorisant la prime, on ne peut tout à fait raisonner de la
sorte, sans quoi l'opposition n'aurait eu que 20 %. Au CSA, la règle
veut que le temps de parole soit accordé pour un tiers à la
majorité, un tiers à l'opposition, un tiers au Gouvernement. En
matière municipale, ce ne peut être le cas...
Nous avons donc décidé d'accorder à l'opposition sa
représentativité électorale. Ma liste ayant fait 59-60 %
au premier tour des dernières élections, nous avons donné
40 % du temps à l'opposition. Il est possible qu'après la
défaite des oppositions aux législatives, il faille adapter la
règle selon les scores.
Les gens ont joué le jeu : 45 % d'Audimat aux deux séances
déjà enregistrées, l'une en janvier, l'autre en mars. Cela
représente 5.000 foyers câblés et 12.500 personnes qui ont
regardé le conseil municipal de bout en bout ! Nous avons 300 appels
téléphoniques et 43 sur Internet. Beaucoup de citoyens
assistaient pour la première fois à une séance du conseil
municipal.
On ne peut donc que se féliciter de la réconciliation des
politiques avec les citoyens, ces derniers se voyant ainsi offrir la
possibilité de donner leur avis à tout moment.
Lors de la première séance, les gens ont découvert qu'il
existait une opposition, qui s'en est trouvée valorisée, je tiens
à le dire en présence de collègues qui n'y sont pas
indifférents, quelles que soient leurs couleurs politiques...
La deuxième séance a par contre constitué une catastrophe
pour cette même opposition : le pouvoir use, surtout quand on ne l'a pas
! Un de mes adversaires socialistes m'avait fait remarquer : "Monsieur le
Maire, nous sommes d'accord avec votre budget à 80 % !". Aussitôt,
nous avons eu une avalanche d'appels téléphoniques. Les gens
demandaient : "Dans ces conditions, pourquoi ne le vote-t-il pas ?" !
(Rires).
Il est très difficile d'être opposant intelligemment ! Les plus
acharnés offrent un style négatif. La télévision
est un instrument impitoyable : les gens sont chez eux, en famille, commentent
et observent. Ce n'est pas de la démocratie directe. Nous sommes en
démocratie représentative, mais nous sommes à nouveau
soumis au contrôle permanent des électeurs ! C'est une
démocratie de participation, et nous devons répondre à
cette attente.
Nous avons mis en place un comité de veille technologique. J'ai
gratuitement invité toutes les entreprises intéressées par
l'opération -qui m'ont délégué leur chef de
recherches- ainsi que quelques vedettes comme Joël de Rosnay, Elie Cohen,
Thierry Mileo, la Cinquième, et nous avons recensé les pistes
à poursuivre.
A partir de septembre, nous mettrons en place des boucles optiques locales,
profitant de la loi qui le permet. Ainsi, MFS Worldcom et Cegetel vont
réaliser deux réseaux indépendants pour offrir aux
entreprises de nouvelles propositions commerciales en matière de
télécommunications. La plupart des propositions vont faire chuter
le prix de celles-ci -second postes de toutes les entreprises- de 20 à
60 % !
La ville se paye directement : nous câblons tous les bâtiments et
nous ne paierons donc plus rien en téléphone. Toutes les sommes
économisées seront affectées au site Internet, afin de
permettre aux jeunes d'avoir non seulement l'accès à Internet,
mais aussi la communication gratuite.
Enfin, grâce à ces économies, nous allons mettre en place
à la mairie un téléphone vert consacré à
l'école, aux affaires sociales, à la voirie, aux ordures
ménagères, bref à tous les services municipaux. Cela va
permettre de revaloriser le service public et montrer ainsi aux gens que les
nouvelles technologies sont à leur service, pour plus de service public
et plus de démocratie !
M. le Président
- C'est une leçon de
démocratie moderne que vous venez de nous donner et en même temps
une indication sur le fait que ces nouvelles technologies conduiront les
administrations en général à une plus grande
rapidité d'action. C'est en effet l'un des points majeurs qui gêne
les citoyens, mais aussi le secteur économique.
L'un de mes amis a reçu l'autorisation d'un type de cryptage six mois
après sa demande. Or, la durée de vie du système
était de l'ordre de six mois. Il s'en était donc servi
illégalement, et l'autorisation arrivait trop tard ! Il y a donc
là un problème de fond.
La parole est maintenant à M. Jean François-Poncet...
M. Jean François-Poncet
- Monsieur le Président,
après avoir écouté mon ami Santini, j'ai conscience que je
vais vous faire changer de siècle !
Je suis sénateur du Lot-et-Garonne, département rural perdu dans
le sud-ouest, entre Toulouse et Bordeaux et dont la principale
préoccupation est l'aménagement du territoire. Le problème
que nous nous sommes posé a été de savoir si
l'aménagement du territoire a quelque chose à attendre de ces
nouvelles techniques de communication, pensant qu'il s'agissait là d'une
possibilité extraordinaire pour une zone rurale.
A priori, je considère que si ces nouvelles technologies n'apportent pas
aux zones isolées une possibilité nouvelle de
développement, c'est que quelque chose nous a échappé.
Nous avons commencé par réaliser une étude
générale, puis nous avons pris un certain nombre d'initiatives :
nous avons mis toutes les manifestations culturelles sur ordinateurs et
entrepris de sensibiliser tous les élus locaux, à la disposition
desquels on a mis des matériels. Cela s'est finalement traduit par des
fax. Les municipalités, en dehors des ordinateurs servant à
réaliser les budgets, ne sont pas allées très
au-delà...
Nous avons naturellement cherché dans quelle mesure les nouvelles
techniques de communication pouvaient être, pour un département
rural, créatrices d'emplois. Nous avons voulu savoir si, grâce
à ces instruments nouveaux, l'on pouvait faire venir des emplois qui,
normalement, s'installeraient dans l'agglomération parisienne, en les
déconcentrant dans une zone rurale, où la main-d'oeuvre notamment
féminine cherche des emplois.
On peut en effet imaginer un télé-travail à domicile ou
des ateliers, et nous sommes partis sur l'idée d'ateliers d'une dizaine
à une vingtaine de jeunes femmes.
Le problème n'est naturellement pas, dans une entreprise de ce genre, la
technologie : la technologie est au point, cela ne fait aucun doute ! Le
problème se situe au niveau du donneur d'ordres et réside dans le
fait de savoir où se situe le marché.
C'est sur ce point que portera mon intervention...
Nous avons exploré deux séries de marchés, en prenant des
initiatives spontanées et en concourant à tous les appels d'offre
de la DATAR. Nous avons été à chaque fois
sélectionnés.
Nous avons donc démarché un certain nombre de grands groupes dont
les sièges sont parisiens, partant de l'idée que, dans un certain
nombre d'activités, comme les assurances et la banque, il existe dans le
"back-office" un grand nombre de personnes qui pourraient se trouver à
des centaines de kilomètres de la capitale, avec un immobilier moins
cher, des salaires moins élevés, une disponibilité plus
grande, les transports n'éprouvant pas les nerfs en province comme en
banlieue.
Je suis allé trouver la Caisse des dépôts et consignations
et j'ai essayé de mobiliser ceux que j'avais une chance de pouvoir
mobiliser.
Nous avons par ailleurs pris contact, grâce à la DATAR, avec une
entreprise installée en région parisienne, qui apparaît
comme l'une des mieux placées pour prospecter les PME et les professions
de services -avocats, cabinets fiscaux, etc.- en région parisienne, dont
les besoins nous ont semblé délocalisables.
De plus, cette société a l'habitude de ce type de technologie.
Elle pratique l'enseignement des langues par téléphone et
possède une branche "traduction", à laquelle elle fait traduire
pendant la nuit, utilisant les fuseaux horaires, les textes en espagnol au
Mexique, ou anglais en Angleterre. Cette entreprise cherchait un partenaire et
avait le marché en marché.
Nous avons également exploré plus récemment la voie du
télé-marketing, à la suite d'une consultation à
laquelle nous avons procédé pour une zone particulièrement
fragile de notre département, un cabinet de consultants toulousain nous
ayant aidé à trouver un opérateur.
Dans les trois cas, ce sont les emplois qui nous intéressent, si
possible en zone rurale, afin de pallier la baisse du nombre d'actifs dans le
secteur agricole, qui continuera à employer de moins en moins de
personnes.
Nous avons reçu une aide appréciable de la direction du travail
et des services de l'emploi, qui ont trouvé des candidats et les ont
formés à leurs frais. Nous avons également
bénéficié de crédits européens,
régionaux et nationaux pour monter ces ateliers. Tout paraissait donc
merveilleux.
Nous avons monté ainsi deux ateliers de télé-travail, en
relation avec les deux premières filières ; un troisième
était sur le point d'être équipé. Par ailleurs, une
autre activité de télé-marketing a été mise
en place...
Le résultat est extrêmement décevant, non que cela ne
marche pas ou qu'on ne trouve pas de personnel compétent que l'on puisse
former, mais parce que nous ne trouvons pas de donneurs d'ordres ! Cela tient
à une série de phénomènes. Le premier est le
conservatisme des entreprises, qui n'ont pas encore intégré le
fait qui, aux Etats-Unis, fait de très grand progrès, à
savoir que le "back-office" peut être très loin de l'endroit
où se déroulent les opérations intellectuellement plus
sophistiquées.
Je me suis battu comme un malheureux pour que la Caisse des Dépôts
crée deux emplois, pour que le GAN nous en donne trois. On a à
peu près sauvé un atelier, mais on a dû fermer le second ;
quant au troisième, on ne l'a jamais ouvert !
Parmi les autres raisons, il y a probablement le fait que les
sociétés n'ont pas envie, en région parisienne, de
délocaliser des emplois à un moment où elles sont
contraintes à des opérations de dégraissage.
En outre, le prix de l'immobilier a beaucoup baissé et l'avantage que
pouvait conférer une implantation dans une région où
l'immobilier doit être l'un des moins chers de France a eu tendance
à disparaître.
Reste le télé-marketing, où les choses fonctionnent
très bien, probablement aussi parce que nous avons trouvé un
opérateur d'un dynamisme redoutable, qui s'est adressé à
un certain nombre de grands opérateurs nationaux pour occuper des
créneaux importants.
Alors qu'on avait installé les autres ateliers dans des locaux modernes,
on a installé cet opérateur dans une vieille école
désaffectée que j'aurais honte de vous montrer, mais cela marche
très bien !
A mes yeux, le problème n'est pas un problème
d'équipement, de technologie ou de formation des hommes, mais le
dramatique conservatisme français ! Ce que vous pourrez faire pour le
changer sera miraculeux -si vous y parvenez !
M. le Président
- C'est une croisade que nous sommes en
train de lancer !
Je crois que le télé-marketing fonctionne dans beaucoup
d'endroits. Il est certain qu'il faut énormément d'imagination de
la part des donneurs d'ordres et des métiers nouveaux, qui sont des
intercesseurs qui doivent savoir utiliser les nouvelles technologies et prendre
les initiatives.
En effet, le télé-marketing -surtout téléphonique-
ne va durer qu'un temps, jusqu'à ce qu'il soit remplacé par
Internet large bande, dès que les Français seront habitués
à regarder chaque matin leur boîte à lettre
électronique, et il faut donc s'y préparer !
En tout état de cause, le vrai problème demeure de pouvoir vendre
des services.
La parole est maintenant au recteur Philippe Joutard, de l'académie de
Toulouse...
M. Philippe Joutard
- Monsieur le Président, en 1993-1994,
nous avons été retenus, ainsi que la région, dans le cadre
d'un appel d'offres portant sur les autoroutes de l'information.
Je dois insister sur l'importance de la synergie avec la région
Midi-Pyrénées, d'une part du fait des problèmes que
connaissait cette gigantesque académie dotée de tout petits
établissements -certains lycées comptant 200 élèves
et connaissant des problèmes d'options, de liaison et d'isolement- mais
aussi parce qu'il nous paraît que les nouvelles technologies sont
l'occasion de préparer nos élèves aux compétences
nécessaires dans la société de demain.
Il s'agit à la fois de compétences traditionnelles -aller
à l'essentiel, avoir l'esprit critique- et de compétences plus
nécessaires encore, comme le sens de l'autonomie ou du changement, qui
mettent en jeu le rapport étroit entre formation initiale et continue,
d'où la nécessité de préparer très tôt
nos élèves à la notion d'auto-formation et
d'auto-documentation.
Pour nous, les nouvelles technologies ne sont pas de la technique mais, pour
l'essentiel, de la pédagogie. Je rejoindrai la conclusion du
président François-Poncet en disant que le problème majeur
n'est pas technique mais davantage un problème de révolution des
esprits. C'est à ce niveau qu'il faut agir.
C'est pourquoi je me soucie fortement du fait que la mise en place de ces
nouvelles technologies ne soit pas contradictoire avec la logique qu'elle
présuppose.
Ceci implique de ne pas omettre de se soucier du contenu et des acteurs qui
vont l'utiliser. Je refuse donc -et la région est dans le même
état d'esprit- d'équiper un établissement qui ne dispose
pas de projet ni d'acteurs, car je sais que les instruments resteront au
placard.
Je me méfie des bilans quantitatifs, certes très lisibles, mais
qui ne permettent pas de savoir ce qui fonctionne réellement !
Il convient donc de mettre l'accent sur l'importance décisive de la
sensibilisation et de la formation. Il s'agit de convaincre les sceptiques, de
faire tomber les réticences et de susciter des vocations.
Dès lors, il faut rassurer les professeurs de base sur les
difficultés, bien distinguer les personnes "ressources-techniques" des
professeurs de base et insister sur le fait que cela ne diminue pas le
rôle de ces derniers mais le transforme !
Il faut donc éviter d'en rester à une petite minorité
-danger des établissements expérimentaux- et prendre son temps,
en allant à un rythme déterminé, sans bousculer les
choses, ni décourager les volontés.
Il est donc nécessaire de recourir à un réseau
d'établissements d'appui, qui ont pour but de sensibiliser leurs voisins
et faire que des enseignants puissent expliquer ce que font d'autres
enseignants. C'est à niveau que se réalisera la conversion.
Le deuxième danger réside dans le fait d'être contraire
à la logique de réseau, en défendant étroitement
son territoire.
Or, l'on sait que les mairies ont en charge les écoles, que les conseils
généraux traitent les collèges, et que les lycées
dépendent des régions. Il est donc absolument nécessaire
qu'en matière de formation, il existe une synergie entre ces trois
échelons, sans règles contradictoires. C'est un des
problèmes difficiles à régler...
De même, il existe un problème dans la notion de partage, à
l'intérieur même de nos établissements, entre formation
initiale et formation continue.
Il convient de faire tomber les barrières entre les deux, et d'accepter
l'idée que des équipements pour la formation initiale puissent
servir à la formation continue, et réciproquement. Voyez tout ce
que cela implique pour d'autres secteurs !
De la même façon, dans les zones rurales, notre conviction -et
c'est aussi celle de la région et de beaucoup de collectivités
territoriales de Midi-Pyrénées- est que les investissements en
matière de médiathèques, de CDI dans les collèges
ne peuvent uniquement servir aux seuls élèves. Il faut
réfléchir au rôle qu'elles peuvent jouer sur d'un point de
vue général, pour l'ensemble du pays ou du canton.
En conclusion, nous avons réussi à mobiliser les militants et les
sympathisants ; il faut maintenant passer à la
généralisation. A ce niveau, les problèmes sont
redoutables. Ceux-ci ne concernent pas prioritairement l'investissement -encore
qu'il ne suffit pas de relier les lycées ou les collèges : il
faut établir les réseaux internes, plus chers qu'on ne le pense.
Les problèmes de fonctionnement sont beaucoup plus sérieux :
l'accès à la communication locale est en voie de
résolution. Le président Valade a signalé ce qu'il avait
fait dans sa région, et la région Midi-Pyrénées
fait de même. Le problème du forfait est plus préoccupant.
Celui de la maintenance n'est pas encore résolu.
La principale question est en fait de permettre une véritable
évolution qui permette à chaque enseignant d'éprouver du
plaisir à continuer d'enseigner.
M. le Président
- La parole est au président du
conseil général de la Somme...
M. Fernand Demilly
- Monsieur le Président, le conseil
général de la Somme a pris conscience des utilisations nombreuses
des NTIC et constaté que ces nouvelles technologies étaient
génératrices d'emplois. Il nous fallait donc déterminer
où et comment ces emplois pourraient être créés.
Ce sont bien sûr, dans le contexte actuel, des motivations très
fortes pour les responsables de collectivités locales que nous sommes.
Convaincu de cet intérêt majeur, j'ai proposé à mes
collègues du conseil général de la Somme de s'investir
dans le développement des ces nouvelles technologies.
A cet effet, j'ai suggéré que le département de la Somme
s'associe avec le district d'Amiens, notre capitale régionale et
départementale, pour créer l'agence de développement des
NTIC, inaugurée au mois de mars dernier, sous la forme d'une association
dans un premier temps.
Cette agence a été rejointe par la région Picardie, les
chambres de commerce et d'industrie de l'Oise et par la ville de Saint-Quentin.
Son but est de rationaliser, de coordonner les interventions et de favoriser
les synergies. Elle peut, à cet égard, diligenter les
études nécessaires et se porter maître d'ouvrage pour les
opérations que nous avions à mener ensemble.
C'est ainsi que, le 2 juin dernier, la commission permanente du conseil
général a confié à cette agence la
réalisation du schéma directeur de
télécommunications du département.
Ce schéma directeur a pour objectif le recensement et la qualification
des besoins dans des domaines où le département est
impliqué ou entend s'impliquer. La définition des services, de
l'infrastructure et de l'organisation permettant de répondre au mieux
à ces besoins, un plan d'action précisant
l'échéancier et les moyens nécessaires à la mise en
oeuvre des orientations retenues.
Ce schéma directeur devra en outre proposer une oeuvre alternative de
télécommunications pour les entreprises utilisatrices de
réseaux : centre d'appel, télé-travail, centre de
télé-service, etc., dont une dizaine viennent de s'implanter dans
une pépinière d'entreprises.
Il devrait être réalisé pour le mois de septembre, afin que
le conseil général puisse en débattre lors de son
débat d'orientation budgétaire.
L'agence s'est également vue confier l'étude et la mise en oeuvre
d'un projet d'accompagnement scolaire, en partenariat avec la CNAF et trois
associations locales, qui oeuvrent déjà dans ce domaine avec des
moyens limités.
A partir d'outils multimédias, ce projet doit permettre aux enfants en
difficulté de se percevoir comme sujets autonomes, de mobiliser et de
développer leur potentiel intellectuel, de se valoriser aux yeux des
autres et donc d'expérimenter la réussite.
En partenariat direct avec la CCI d'Amiens, nous avons initié, au mois
de mars dernier, un programme de sensibilisation des PME-PMI aux outils NTIC,
dans un contexte de promotion du concept d'intelligence économique.
Au rythme de vingt entreprises par mois, ce projet permettra, pour cette
première année, à 180 chefs d'entreprise de mieux
maîtriser l'information économique, en assurant des veilles
-documentaires, technologiques, concurrentielles et stratégiques- de
rechercher des partenariats, de trouver de nouveaux débouchés,
notamment à l'exportation.
Enfin, dans le domaine de l'éducation, une expérience est
menée depuis deux ans dans un collège rural de la Somme, en
partenariat avec le service "nouvelles technologies" du rectorat.
L'évaluation très positive que nous pouvons faire de cette
expérience nous conduit à envisager l'équipement de sept
collèges pour la prochaine rentrée.
M. Michel Rillié, directeur général, va vous dire quelques
mots de projet...
M. Michel Rillié
- Monsieur le Président, depuis
deux ans, nous disposons, dans le collège rural de Rosières,
d'une salle multimédia qui fonctionne en interactivité avec le
poste du professeur. Les élèves travaillent à leur rythme,
peuvent appeler le professeur pour lui poser des questions. Il s'agit donc d'un
changement de comportement entre élèves et professeur.
Pour la première fois, je suis entré dans un collège, et
j'ai gêné la classe ! Ils n'ont plus peur de lever le doigt et de
déclencher des ricanements. Ils disent bonjour et merci en se
déconnectant, demandent à revenir travailler durant la
récréation pour refaire les exercices du matin et
améliorer le score, l'ordinateur leur fournissant un bilan à la
fin de chaque exercice...
Ce collège a également servi à former d'autres professeurs
du département, et nous avons actuellement sept équipes de sept
collèges différents, très motivées, formées
par le service "nouvelles technologies" du rectorat. Celles-ci nous
ont
déposé des projets pédagogiques, et c'est parce qu'ils
avaient des projets pédagogiques que le rectorat est prêt à
équiper ces nouvelles salles.
Ces nouveaux équipements comprendront un serveur numérique qui
permettra au professeur de composer et de personnaliser son cours grâce
à des CD-ROM, des photographies ou des films numérisés par
le serveur vidéo-numérique.
Bien entendu, chaque salle multimédia est reliée au réseau
Internet via Numéris, dont les possibilités sont actuellement
extrêmement limitées. C'est pourquoi un schéma directeur
départemental envisage quelques tuyaux à gros débit.
Dès lors, les collèges seront reliés en réseau de
manière efficace. Nous pourrons surtout envisager le
télé-enseignement entre collèges, le professeur n'ayant
plus besoin d'être physiquement dans la même salle que les
élèves.
Ceci permettrait d'introduire des options nouvelles ou originales, qui font
cruellement défaut dans les collèges ruraux, et qui sont,
d'après les parents, sources de désertification.
M. le Président
- Je regrette que le recteur Dumont, de
l'académie de Nice ne soit pas présent, car il aurait
donné un certain nombre d'exemples de motivations fortes des
collégiens ou de lycéens de son académie, qui couvre les
Alpes-Maritimes, le Var, où il existe déjà des
opérations de télé-enseignement entre différent
lycées techniques.
M. Dumont aurait pu également parler d'un réseau
réticulaire dans le nord de Grasse, analogue à l'opération
qu'évoquait Jean Faure, qu'un inspecteur d'académie a mis en
place, avec l'appui du conseil général des Alpes-Maritimes et
d'un SIVOM intercommunale spécifique.
La parole est à René Trégouët...
M. René Trégouët
- Monsieur le
Président, le département du Rhône a décidé
en 1990 de lancer une vaste campagne de câblage. Dès le
départ, nous avons décidé de réaliser une
opération fondamentale d'aménagement du territoire par le biais
du câble, le département comportant une partie rurale importante.
En effet, nous pensons que les métiers de demain, de manière
générique, reposeront sur la capacité de nos enfants
d'ajouter du savoir à un signal.
Ce dossier est le plus gros dossier d'autoroute de l'information de France.
Deux cent cinquante millions de francs par an pendant plus de quatre seront
investis, en collaboration avec le leader mondial Time Warner.
Ceci en fait une opération structurante puisque, alors qu'une ligne
téléphonique amène 28.600 signes par seconde, la plus
petite commune du département disposera de 155 millions de signes par
seconde, permettant ainsi d'exercer tous les métiers de demain, quel que
soit l'endroit.
Par ailleurs, il est fondamental de ne pas séparer le problème de
la formation de celui de l'entreprise et du particulier. Il faut que l'on sache
préparer nos enfants à ces métiers du futur...
J'aurais voulu indiquer à Jean François-Poncet qu'il existe
toujours une phase où on arrive à attirer des entreprises dans un
certain secteur. Toutefois, il convient aussi de donner la possibilité
aux enfants des ingénieurs qui s'installent dans le monde rural la
possibilité de devenir eux-mêmes un jour ingénieur. C'est
une des évidences fondamentales de l'aménagement du territoire :
la capacité de formation doit être répartie sur l'ensemble
du territoire...
Le département du Rhône a été retenu en tant que
plate-forme nationale expérimentale des autoroutes de l'information et
nous allons lancer des expérimentations d'usage. Ce qui nous
intéresse dorénavant, ce ne sont plus les tuyaux, mais les
contenus et les usages que nous en ferons.
La première application concernera l'école, le collège, le
lycée. Nous apportons ainsi 350 millions de subventions, dont les
retombées devraient nous être favorables. Nous désirons
mettre à la disposition de l'ensemble des grands organismes
-éducation nationale, santé, etc.- les capacités les
meilleures possibles, car le département n'est pas là pour se
substituer à eux.
Mais surtout, 5 % de la capacité du réseau est mis gratuitement
à la disposition de la collectivité publique. L'équivalent
de 3,2 fibres est donc mis gratuitement à disposition de celle-ci. Ceci
va permettre de relier gratuitement tous les services publics et surtout de
relier toutes les écoles avec des centres serveurs
départementaux, pour faire en sorte que ces établissements
n'aient plus à payer les connexions. C'est aussi le serveur
départemental qui gérera les droit d'auteur et la maintenance.
On essaye donc d'être le plus pragmatique possible et au plus près
des enseignants qui veulent se lancer dans ces opérations, sans
toutefois nous substituer à eux à aucun moment. Ils doivent
s'engager volontairement et nous allons offrir, en complément avec
l'éducation nationale, des capacités de formation aux
enseignements qui le désireront. Cette mise à disposition de
capacités sur des réseaux sera fort importante pour demain.
Dans le domaine de la santé, nous allons relier gratuitement tous les
hôpitaux locaux aux hospices civils de Lyon. Cela permettra aux
médecins des hôpitaux locaux de disposer d'expertises du grand
centre que constituent les hospices civils ; au même titre, les centres
de secours seront réorganisés pour pouvoir, dans les cas
d'urgence, connecter directement des véhicules équipés
permettant de préparer le malade et de mieux l'accueillir dans les
centres d'urgence.
On prépare également une expérimentation pour relier
toutes les entreprises dans un très grand Intranet départemental.
De même, avec un grand groupe de presse français, nous allons
lancer une expérience du journal de demain : chaque abonné
recevra chaque matin un journal qui correspondra à son profil et qu'il
pourra éditer sur imprimante. On enlève ainsi à la presse
ses deux handicaps actuels, l'impression papier et le transport de ce papier.
En fait, nous allons surtout devenir un centre d'expérimentation
d'usage...
M. le président
- Je souhaite la bienvenue au
président Monory...
René Trégouët a mis l'accent sur la nécessité
d'associer étroitement les acteurs industriels et les utilisateurs aux
initiatives des collectivités locales. Bien entendu, celles-ci,
lorsqu'elles le peuvent, doivent prendre des initiatives, mais les
investissements les plus importants doivent surtout être de leur fait, et
les utilisateurs -particulièrement dans le domaine de l'éducation
et de la santé- doivent pouvoir aussi être fortement
motivés.
André Santini a également indiqué qu'une nouvelle forme de
démocratie, beaucoup plus exigeante, se faisait jour dès que les
populations étaient susceptibles d'être directement
concernées.
Je ne puis résumer en quelques mots tous les excellents exposés
de nos collègues Demilly, François-Poncet, Valade, Faure et le
recteur Joutard. Mais, cela constitue un message d'espoir, qui nous conduit
à poursuivre notre action volontaire, d'autant plus importante au
Sénat qu'elle est partagée par beaucoup de sénateurs et,
en particulier, par le président, dans un domaine où nous pouvons
certainement avoir un rôle à jouer !
M. René Monory, Président du Sénat
-
J'attache en effet une très grande importance à toutes ces
technologies nouvelles, car nous n'y échapperons pas !
Ce matin, deux journalistes m'ont dit que le Sénat figurait, dans
l'esprit des gens, au premier plan en matière de modernisme et des
technologies nouvelles. Je leur ai répondu que c'était sans doute
grâce à des gens comme Pierre Laffitte et René
Trégouët, et je leur ai dit que, selon moi, le prochain
Président de la République serait élu par Internet !
Cela peut paraître une gageure, mais le prochain Président de la
République recevra dix ou vingt mille questions par jour sur Internet.
Je crois donc qu'il s'agit d'un changement de société...
Le voyage que j'ai effectué il y a deux mois sur la côte ouest des
Etats-Unis, à Seattle et San Francisco, m'a profondément
frappé. J'y ai vu les plus grands patrons du monde. J'ai retenu trois
idées de ces différents entretiens...
Tout d'abord, le monde changera plus rapidement dans les dix prochaines que
dans les cent cinquante dernières années ; par ailleurs, le monde
de demain sera fait par les 10-25 ans -cela n'exclut pas les autres... Enfin,
il existe trois priorités : l'information, l'information, l'information !
Voilà ce que j'ai entendu, en schématisant mon propos et je
considère qu'il est important de le savoir.
Je pense que les choses se feront grâce aux jeunes. Dans mon
département, il y a longtemps que nous avons mis en place des
réseaux. La grande difficulté est d'arriver à faire
pénétrer l'informatique à l'école. Il y a treize
ans, j'avais fait installer des ordinateurs dans les écoles primaires,
mais à quoi bon, si le système ne fonctionne pas autour ? Il faut
donc passer par les instituteurs.
Ces ordinateurs ont été remplacés deux ou trois fois, ces
matériels vieillissant vite ; à la fin de l'année, je
pense que toutes les écoles maternelles, primaires, collèges et
sans doute lycées seront sur Internet, avec des sites pour chaque ville
et des centres de ressources ou de réserves, dans lesquelles on formera
aussi bien les instituteurs que les autres. En effet, les enfants, en sortant
de l'école, vont réclamer un ordinateur à leurs parents,
qui devront également se former !
Je voudrais également mettre en place des bouquets de logiciels
d'éducation. Certaines entreprises font déjà de gros
efforts d'investissements. Quarante des instituteurs, à qui l'inspecteur
d'académie a posé la question, sont prêts à se
former immédiatement. Certains vont donc former les autres, car ils
seront mieux perçus que des formateurs extérieurs.
Cela va coûter un millier d'ordinateurs supplémentaires, mais ce
n'est pas grave. Je ne voudrais choquer personne, mais si je devais choisir
entre 5 millions d'enrobé et 5 millions d'ordinateurs, je
préférerais opter pour les ordinateurs ! Il n'est bien entendu
pas question que je cesse de m'occuper de l'entretien des routes, mais je crois
qu'on ne peut plus perdre de temps !
Les Etats-Unis ont ainsi créé 9 millions d'emplois dans les
technologies nouvelles. Il y a un seuil à atteindre, mais la demande
sera telle qu'il convient d'être prêt !
Je remercie Pierre Laffitte d'avoir pris l'initiative de ce colloque. Il faut
que le Sénat reste à la pointe de tout cela, car le message passe
bien. Ce que je reprocherai aux hommes politiques -y compris à
moi-même sans doute- c'est de pas essayer de faire davantage le faire
passer, alors que les gens sont prêts à l'entendre.
Peut-être est-on trop frileux... On ne doit pas se protéger, mais
s'adapter à une évolution irréversible !
M. le président
- Merci, Président, de tes
encouragements. La parole est maintenant à M. Santoni, directeur du
Métafort d'Aubervilliers, qui intervient en lieu et place de M. Jack
Ralite...
M. Pascal Santoni
- Monsieur le Président, Jacques Ralite
s'excuse de ne pouvoir participer à votre rencontre.
Le projet Métafort complète assez bien l'ensemble des
expériences qui ont été exposées, même si
elles n'appartiennent pas au même registre de décisions ou
d'initiatives.
Le projet Métafort est un projet d'équipement dont l'idée
est venue d'un constat banal, qui remonte à six ans, selon laquelle la
numérisation de l'ensemble des signes de communication et les
réseaux de télécommunications allaient bouleverser et
transgresser tous les cloisonnements de l'activité humaine dans le
domaine de la communication, que cela allait toucher l'ensemble de ces secteurs
d'activité.
Il paraissait difficile, voire impossible, de greffer ces nouvelles
technologies dans des lieux existants. Il fallait donc créer des lieux
d'accueil pour ce qui allait devenir le moteur de l'innovation en ce domaine,
c'est-à-dire des projets intégrant des technologies et des
finalités différentes, sociales, industrielles ou artistiques.
C'est ce que nous avons essayé de faire depuis 5 ans avec le
Métafort. Lors de l'avant-dernière biennale de Lyon, nous avons
réalisé, avec le soutien des Américains, un projet que
nous avons porté de bout en bout. A l'origine, un artiste a eu
l'idée d'utiliser les logiciels de reconnaissance et de synthèse
vocale, mais aussi de traduction automatique, pour la communication sociale en
temps réel.
Ceci a permis aux visiteurs de la biennale de Lyon de s'exprimer en
français, leur message étant transcrit numériquement,
accompagné de l'image, via Internet, et reproduit dans le hall d'une
université américaine. Cette transcription était ensuite
traduite automatiquement, puis synthétisée, l'ordinateur pouvant
alors exprimer en anglo-américain ce qui avait été dit en
français, et vice versa.
Parfois, l'idée sociale et artistique permet donc de
générer des projets qui peuvent avoir des débouchés
industriels importants : en effet, depuis deux ans, nous avons vu se
développer tout un travail de recherches, au CNET et ailleurs, sur la
synthèse vocale et la traduction automatique. C'est une façon
pour les internautes francophones de pouvoir s'exprimer dans leur langue, sur
un réseau à 95 % anglo-américain !
Je crois qu'il faut créer des lieux d'accueil de projets
réellement disponibles à toute innovation et les
expérimenter. Au moment du plan "câble", je pensais qu'il fallait
élaborer les contenus avant de penser aux tuyaux. Je ne le pense plus ;
je crois au contraire qu'il faut mettre ces outils à disposition, de
façon à obliger les institutions et les décideurs à
élaborer des contenus correspondant aux besoins et aux attentes.
C'est pourquoi je crois qu'il ne faut pas trop attendre car, contrairement
à ce que l'on entend, les nouvelles technologies créent des
emplois dans d'autres secteurs.
Il ne faut pas qu'un seul Métafort, mais plusieurs, de
différentes formes, qui s'inscrivent dans une démarche
non-institutionnelle, des lieux qui puissent accueillir des démarches de
tout type : spectacles vivants, missions de formation, pièces
technologiques, etc.
Un accompagnement de ces projets est nécessaire. Contrairement aux
idées reçues, les banlieues constituent des viviers qui
méritent d'être exploités. Cela permettrait d'offrir aux
jeunes d'autres occupations que celles que la presse leur attribue, et qui sont
généralement délinquantes.
Les technologies, en soi, ne sont rien. Il ne s'agit que d'un outil, qui
dépend de l'usage qu'on en fait : il faut maintenant réellement
expérimenter ces usages.
M. le Président
- Nous en sommes pour la plupart
convaincus. Cela confirme d'ailleurs ce que vient de dire le président
Monory : il faut que la France favorise les millions d'emplois liés
à l'industrie des contenus ! C'est la plus grande priorité, mais
encore faut-il disposer de contenants.
Je rappelle que, dans la loi sur l'aménagement du territoire, le
Sénat a fait préciser que les évolutions technologiques
devraient être disponibles sur l'ensemble du territoire français.
Toutefois, le coût est également important. Ainsi, dans les
Alpes-Maritimes, France Télécom a mis à notre disposition
des liaisons de 155 mégabits pour un coût mensuel de 10.000
francs, ce qui représente probablement le plus bas coût de
raccordement au mégabit du monde, moins cher qu'aux Etats-Unis.
Ceci doit évidemment être appuyé par des incitations au
télé-travail, à la télé-médecine.
C'est ce que nous faisons, avec l'appui du conseil général, de
l'université de Nice, du CHU et d'un certain nombre de partenaires
institutionnels ou industriels ! Il faut développer cette dynamique, et
je suis heureux de constater que notre table-ronde a attiré aujourd'hui
des personnalités importantes.
La parole est à M. Gendron, responsable de la mission "câble"
à la mairie de Montreuil...
M. Francis Gendron
- Monsieur le Président, nous sommes
une municipalité ouvrière en mutation industrielle, politique,
sociale et culturelle. Non seulement, pour nous, les tuyaux, ce n'est pas fini,
mais nous en faisons une priorité absolue.
La ville de Montreuil a signé, il y a quelques années, avec
Cité-Réseau Time Warner une concession de service public qui
prévoyait deux grands éléments, la
télé-distribution et la télécommunication.
Nous avons exigé que ce réseau soit construit sur
l'arrivée de fibres optiques dans 36 quartiers et chaque gaine comporte
6 fibres optiques, deux dédiées là la
télé-distribution, quatre aux télécommunications.
Malgré tout, les tuyaux demeurent des éléments très
importants dans notre démarche, ne serait-ce que parce que le
député-maire de la ville de Montreuil a reçu de la part de
mandataires un refus de rentrer dans l'expérimentation de la mise
d'Internet sur le réseau câblé. En effet, nous avons non
seulement besoin de tuyaux au niveau local, mais aussi de connexions nationales
et internationales. Pour nous, la question des tuyaux reste donc
déterminante.
Comment offrir des services si nous n'avons pas à les rentabiliser et
à les commercialiser ? Il nous faut donc absolument créer un
environnement favorable, afin de faire en sorte que l'on puisse
téléphoner à Montreuil pour 15 francs par mois. Les fibres
optiques nous le permettent, quelle que soit la durée de la liaison.
Or, la technologie des télécommunications et de l'informatique
est en crise. Nous sommes dans une notion d'informatique et de réseaux
complètement ouverte.
Certains ont évoqué la production de services, mais comment
parvenir à des coûts acceptables pour une population pauvre ? ...
Il faut donc absolument régler la notion de réseau et de tuyaux !
Nous avons rencontré France Télécom à trois
reprises en un an, mais nous n'arrivons toujours pas à trouver de
solutions, alors que nous en avons dégagées aux niveaux local et
international !
M. le Président
- Nous pourrons leur confirmer votre
demande ! Et nous diffuserons le compte rendu de ces auditions.
La parole est maintenant aux représentants alsaciens...
M. Gaston Steiner
- Monsieur le Président, le programme
d'expérimentation de télé-services alsacien Cristal a
été labellisé au titre des autoroutes de l'information.
Ce programme vise à expérimenter des usages nouveaux dans trois
secteurs différents, qui sont l'éducation, le secteur des
collectivités locales et des accès aux services publics et le
secteur de la santé et des services télé-médecine.
Notre plan d'expérimentation a été grandement
facilité par l'existence, dans notre région, d'équipements
et d'infrastructures de bonne qualité, comme le réseau
câblé de vidéocommunication, qui en train de se
déployer dans le cadre de plans départementaux de câblage.
Il existe aujourd'hui, 300.000 prises raccordables, d'une technologie
relativement moderne, sur un ensemble potentiel de 500.000 à 550.000,
soit 60 % du potentiel de cette région, qui peut disposer de cette
technologie dès aujourd'hui.
Il faut mentionner aussi l'implication forte des collectivités
territoriales. Le plan départemental de câblage du Bas-Rhin, qui a
débuté il y a plus de deux ans, permet de câbler l'ensemble
des communes moyennant une aide de leur part de l'ordre de 1.000 francs par
prise et une subvention du conseil général.
L'objectif est double : il consiste à amener un plan de services de
chaînes de télévisions, mais surtout d'apporter de nouveaux
services. C'est ce que nous sommes en train d'expérimenter en
superposant sur ce plan d'infrastructure un plan d'expérimentation de
services.
Pour le secteur de l'enseignement tout d'abord, il s'agit de mettre place un
réseau éducatif régional, qui va relier dans un premier
temps 270 lycées et collèges, grâce aux réseaux
câblés de vidéocommunication pour tous les points qui en
disposent et grâce aussi aux réseaux de France
Télécom.
Ce réseau va constituer un point d'appui pour l'ensemble des projets
pédagogiques qui existent déjà dans cette académie,
dont la cellule "nouvelles technologies" du rectorat a commencé à
expérimenter des services comme la télé-maintenance des
équipements ou la formation optionnelle grâce à des
équipements de vidéo-conférence, etc.
Ce plan de déploiement permet d'aller plus loin que la simple
expérimentation des usages pédagogiques et qui peut donner
à chaque établissement implanté dans les zones rurales les
plus éloignées les mêmes chances qu'aux
établissements urbains.
L'apport des infrastructures est de deux ordres. En termes de capacités
et de bandes passantes, on imagine bien qu'au-delà des simples
accès à Internet que l'on peut déployer aujourd'hui, il
existe un potentiel important en termes d'accès à la
vidéo, pour des applications de vidéo à la demande, pour
lesquelles nous allons expérimenter d'ici la fin de l'année,
l'accès depuis des salles de classe à des programmes à la
demande, sur des serveurs numériques, qui vont être
disposés dans notre région.
L'autre avantage est d'ordre tarifaire. Le fait de pouvoir disposer de fibres
optiques sur une portion importante du territoire autorise une forfaitisation
des accès sans freiner les usages, mais en les encourageant au
contraire. Il existera ainsi pour un grand nombre d'établissements
scolaires des forfaits au mois, qui leur éviteront d'être
taxés en fonction de la durée des connexions.
Le second champ d'expérimentation est celui des collectivités
locales et, plus généralement, de l'accès aux services
publics. Un premier projet est en cours et consister à doter l'ensemble
des mairies de moyens d'accès à un service Intranet
destiné aux collectivités locales, et à moderniser les
échanges entre les communes, les grandes collectivités
territoriales et le monde extérieur.
Le problème n'est ni d'ordre technologique ou technologique, mais
d'ordre culturel et réside dans la formation des agents administratifs.
Les difficultés que nous allons donc rencontrer sont de l'ordre de la
formation et de la sensibilisation de l'ensemble de cette population.
En outre, nous sommes également en train d'expérimenter -avec
l'appui des collectivités locales et certains organismes qui nous
fournissent des informations- des bornes d'accès aux offres de l'ANPE ou
aux services de la CPAM. Ces bornes pourront être disposées dans
des lieux publics, en présence d'un agent qui pourra assister les
usagers dans leurs démarches.
Ces initiatives des collectivités de la région Alsace et des
conseils généraux du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, sont conduites par
TELAL, société d'économie mixte agissant en tant que
maître d'oeuvre, dont les actionnaires sont ces grandes
collectivités territoriales, ainsi que les grandes villes.
Enfin, s'agissant du secteur de la santé et de la
télé-médecine, le programme d'expérimentation
comprend la mise en relation des hôpitaux de proximité avec des
centres hospitaliers important, comme les Hôpitaux universitaires de
Strasbourg, et permettra à des spécialistes d'accéder
à des centres de compétences ou à une expertise pour un
travail d'assistance au diagnostic, dans des cas difficiles.
Deux projets sont expérimentés : ils concernent le secteur
périnatal chirurgie obstétrique, chirurgie infantile- et le
suivi des greffés. Ils ont pour but de rapprocher ce type de services
des patients qui en ont besoin, sans obliger cette population à se
tourner nécessairement vers les gros centres hospitaliers.
M. le Président
- Pour conclure, nous allons parler de
Marly-le-Roi...
M. Hervé Lebec
- Monsieur le Président, je
représente ici François-Henri de Virieu, qui ne peut être
parmi nous aujourd'hui.
La société Immedia est l'assistant "maîtrise d'ouvrage" du
projet de la municipalité de Marly-le-Roi en matière de nouvelles
technologies, dont François-Henri de Virieu est à l'origine.
Je signale en outre que François-Henri de Virieu publie aujourd'hui un
article dans "Le Monde", qui porte sur le sujet que nous traitons.
Marly-le-Roi est une commune de région parisienne de 17.000 habitants,
avec une densité urbaine très importante. Aujourd'hui, il
n'existe plus de terrains à viabiliser selon les concepts traditionnels
de mise en valeur d'une zone industrielle de ce type.
Marly-le-Roi est le siège européen du numéro un de la
pharmacie mondiale, d'Axa-UAP. Le tissu de PME-PMI est relativement important,
mais il n'existe plus de possibilités de créer des
sociétés nouvelles sur le territoire de la commune...
M. le président
- Vous pouvez les envoyer à Sophia
Antipolis !
M. Hervé Lebec
- Nous n'avons pas dit notre dernier mot !
Comment donc développer Marly-le-Roi dans un contexte de cette nature ?
La commune a un lourd passé d'expérimentations très
connues : la "Cité des grandes terres" a en effet été le
prototype des villes nouvelles en région parisienne, et l'on garde
à Marly-le-Roi l'idée d'expérimentation.
Par ailleurs, le conseil local de la vie associative et le conseil pour le
développement économique se sont montrés favorables aux
technologies nouvelles. Un tel projet n'est possible que si la notion de
réseaux existe sous une forme traditionnelle -fort tissu associatif,
habitudes de collaboration, volonté d'expérimentation.
Le projet "Marly-Cyber-le-Roi" a pour ambition de créer une ville
cybernétique, un double de la ville territoriale. Pour ce faire, il
fallait d'abord favoriser l'appropriation des technologies par la population
-étudiants, collégiens, commerçants, etc.
Le premier lieu d'appropriation s'est ouvert à la mairie ; d'autres vont
suivre : maison des associations, office de tourisme, services publics, et tous
lieux inter-générations par excellence. C'est là la
clé de notre projet.
Il y a trois semaines, nous avons ouvert un site Internet, résultat d'un
travail coopératif avec le secteur associatif, le journal d'information
local, indépendant de la mairie et les services de la mairie. Beaucoup
de communes l'ont déjà fait, et il fallait donc trouver une
valeur d'usage supplémentaire à un site Internet.
Nous allons donc doubler cette opération par une série de sites
Intranet, qui permettront d'accéder au POS, ou aux plans de
réaménagement urbanistique de Marly, avec possibilité de
consulter la population.
Cela permettra également un accès aux différents services
de la mairie, grâce à la formation des personnels administratifs
et des élus qui, une fois rompus à cette technologie, pourront
répondre aux besoins que l'on est en train de susciter parmi la
population.
Nous favoriserons enfin une troisième génération de sites
Internet, en collaboration avec le tissu associatif ou économique de la
ville.
Le troisième volet du projet est de faciliter une utilisation directe
par la population. Nous allons donc doter chaque Marlychois d'une adresse
"e-mail" par défaut. Les habitants qui ne seront pas
équipés d'ordinateurs pourront se rendre dans un des lieux
d'appropriation et utiliser des matériels banalisés, par
l'intermédiaire d'une carte qui sera mise en oeuvre dans les mois qui
viennent. Celle-ci leur permettra de déclencher l'utilisation d'outils
publics à des fins privatives, créant ainsi une justification
d'usage.
Nous allons réaliser ce dernier projet avec un grand opérateur du
service public chargé de distribuer le courrier, dont je ne puis dire le
nom. Il est prévu de pouvoir utiliser l'adresse "e-mail" par
différents moyens, y compris le minitel.
En effet, le minitel, qui équipe 7 millions de foyers français,
est utilisable dans le cadre d'une messagerie électronique, certes avec
des contraintes et des limites, mais sans investissement structurel ou
technique.
Nous allons par ailleurs viabiliser le réseau câblé,
propriété de France Télécom, exploité par la
Lyonnaise des Eaux -ce qui est parfois difficile à gérer... Nous
avions ainsi proposé, au début du projet, une expérience
de téléphonie gratuite sur le câble à France
Télécom, qui l'a refusée.
Nous allons enfin développer le concept de bureaux de voisinage, qui se
développe en Ile-de-France. L'usager pourra aussi bien être une
petite entreprise, un salarié qui trouvera là une
possibilité de télé-travail ou une personne isolée,
qui recherche des moyens techniques mais aussi à s'associer à
d'autres individus qui se trouvent devant la même problématique,
créant avec eux de la richesse.
M. le Président
- Je remercie chacun de sa contribution,
dont vous avez tous apprécié la haute qualité.
En conclusion, à travers les différentes interventions, il
m'apparaît que la priorité est l'éducation. Les
réseaux larges bandes sont préférables et, lorsque ceux-ci
existent, il vaut mieux les utiliser.
Enfin, il semble que la France n'a pas encore intégré la culture
en réseau, car toutes nos habitudes de pensées -y compris
politiques et administratives- reposent sur la hiérarchie ; or, la
culture Internet est, par définition, anarchique.
J'ai toutefois l'impression que les choses se modifient, et l'expérience
de M. Santini le démontre. En effet, nous pouvons tous constater, depuis
quelques années, que davantage d'électeurs viennent assister aux
séances du conseil municipal, manifestant ainsi un désir de plus
grande transparence. Nous sommes au début d'une véritable
révolution culturelle, que l'administration n'a pas encore senti car,
grâce à la messagerie électronique, on a la
possibilité de diviser par dix ou cent la durée de certains actes
administratifs. Lorsque ceux-ci sont de nature interministérielle, il
suffirait d'un Intranet interministériel pour pouvoir aller infiniment
plus vite !
Il ne faut pas aller trop vite, mais on peut indiscutablement mettre en
harmonie la vitesse de réaction des structures administratives avec
celle des structures industrielles et commerciales...
C'est un des éléments pour lequel les collectivités
locales peuvent montrer l'exemple, bien qu'il existe des réflexions sur
la réforme de l'Etat et que le ministère des finances ait
reçu mission de préparer des opérations sur les Intranet
ministériels et interministériels.
Pour ma part, je pense que notre commission sénatoriale peut avoir une
certaine action en matière d'information, de sensibilisation,
d'éducation et de culture. Je demande donc à tous de
suggérer des actions spécifiques.
Concernant les infrastructures, je suis convaincu que les décisions
prises concernant la mise en concurrence des opérateurs historiques
nationaux intensifiera les infrastructures. L'organisation prévue au
niveau départemental devrait permettre d'éviter les
problèmes majeurs, et je crois qu'on va aller dans le bon sens en terme
de diminution des coûts d'usage, lorsque les réseaux le permettent.
Personne n'a évoqué les satellites. Certains réseaux vont
se mettre en place très bientôt. Ceci est très
intéressant sur le plan des relations internationales. Le
département des Alpes-maritimes a toute une série de projets et
de démonstrations en matière de
télé-médecine ou de télé-services avec
l'ensemble des pays méditerranéens.
Pour le moment, cela n'apparaît pas essentiel sur le plan des
collectivités locales françaises, encore que ce soit une question
de coût : dès lors qu'existeront quantité de canaux
disponibles à bon marché, cela sera une façon de relier
à relativement grand débit des régions moins denses que
les grandes zones.
Je crois en tout cas que la réunion que nous avons est très
enrichissante, et je voudrais donner la parole à ceux qui voudraient
poser des questions...
M. Philippe Joutard
- Je tiens à dire que la
brièveté de mon exposé m'a conduit à être
quelque peu brutal, et ne m'a pas permis d'évoquer toutes les
réussites. Il existe cependant une masse d'expériences
réussies !
Je voulais toutefois souligner que l'on est arrivé au stade beaucoup
plus difficile de la généralisation. Or, un certain nombre
d'enseignants se posent la question et se demande si leur statut ne va pas s'en
trouver bouleversé. Le président Laffitte a raison : il y a dans
les nouvelles technologies un aspect anarchique et, souvent, les
élèves sont techniquement plus forts que les enseignants.
Il faut donc les rassurer au fur à mesure que les choses progressent,
car on ne fera rien, dans le cadre de la formation, sans les enseignants !
M. le Président
- Il est vrai que le métier
d'enseignant a changé. La transmission du savoir n'est qu'un des
éléments du métier d'enseignant, qui va devoir jouer son
rôle la plus noble, qui est l'organisation des compétences et du
savoir à l'intérieur des esprits, en fonction des
caractéristiques propres de chacun.
Même si le métier d'enseignant va s'enrichir fortement, quoi qu'il
en soit, cela constitue une modification et l'on conçoit que cela ne se
passe pas sans quelques difficultés...
M. Hervé Lebec
- Il existe aussi une possibilité de
subversion du monde enseignant. La mise en réseau, correspond à
une projection dans un univers mental qui n'est pas forcément compris
par certaines générations d'enseignants.
Je l'ai constaté à l'intérieur même de ma
société, où les jeunes de vingt ans -et je n'ai que
trente-sept ans- ne travaillent déjà plus comme moi. Ils sont
naturellement tournés vers le réseau : c'est leur langue
maternelle !
Il faut prendre cette dimension en compte.
La subversion qui peut exister dans les lycées ou les collèges
risque de bouleverser profondément le rapport à l'institution
scolaire. Il faut en quelque sorte faire du co-marketing : la réflexion
doit être commune et non descendante...
M. Francis Gendron
- On dit que la France est un pays en retard
sur ce plan. Or, aujourd'hui, la France peut être la première
nation à offrir un accès Internet à haut débit. Qui
freine l'opération ?
M. le Président
- Je ne suis pas un inquisiteur en la
matière, mais j'ai fait un rapport dans lequel j'ai dit clairement ce
que je pensais.
Je mettais un peu tout le monde dans le même sac, patronat ou syndicat,
politiques ou ministres, France Télécom ou les autres.
Le passé est le passé. Il faut maintenant foncer et partir en
croisade, et c'est ce que je fais, afin d'essayer de faire en sorte que
l'opération qui a si bien réussi aux Etats-Unis réussisse
en France !
Je crois que nous allons étonner le monde, car nous sommes d'une
certaine façon en retard mais, sociologiquement, grâce au minitel,
nous sommes en avance, et il suffira de peu de chose pour aller de l'avant !
Sur ces grands espoirs, merci à tous.
ANNEXE III
COMPTE RENDU DES AUDITIONS DE LA MISSION
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
Pages |
||
Mercredi 25 septembre 1996 |
|
|
Mercredi 9 octobre 1996 |
·
M. Michel MATHEU, chef de
service
|
|
Mercredi 16 octobre 1996 |
·
Mme Anita ROSENHOLC,
Chargée de mission
·
M. Georges-Yves KERVERN
Membres du CLUB DE L'ARCHE |
|
Mercredi 30 octobre 1996 |
·
M. Jean-Luc ARCHAMBAULT,
Directeur
|
|
Mercredi 6 novembre 1996 |
·
M. Gérard
THÉRY, Président
·
M. Stéphane TREPPOZ, Directeur du
développement du pôle médias
COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX |
|
Mercredi 13 novembre 1996 |
· M. Pierre LAFFITTE, Président de la mission |
35 |
Mercredi 20 novembre 1996 |
·
M. Pierre FAURE, Adjoint
du directeur de
l'informatique, chargé des autoroutes de l'information
|
|
Mercredi 27 novembre 1996 |
·
M. Jean-Pierre MACHART,
Directeur
|
|
Mercredi 4 décembre 1996 |
·
Mme Louise CADOUX,
Vice-président
délégué
|
|
Mercredi 18 décembre 1996 |
·
M. Roland FAURE
,
membre
du
CONSEIL
SUPÉRIEUR DE L'AUDIOVISUEL,
et
Président
du
CLUB
DIGITAL AUDIO BROADCASTING
|
|
Mercredi 29 janvier 1997 |
·
Mme Clara DANON,
Sous-directeur des technologies
nouvelles
|
|
Mardi 18 février 1997 |
· M. Jean-Marie RAUSCH, Sénateur |
55 |
Mercredi 26 février 1997 |
·
M. Philippe LEVRIER,
Directeur
général
|
|
Mercredi 12 mars 1997 |
·
M. Richard BION,
Chargé de mission pour les
nouvelles technologies et les systèmes d'information
·
M. Xavier AUTEXIER
,
Délégué général
SYNDICAT DE L'INDUSTRIE DES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION |
|
Mercredi 26 mars 1997 |
· M. Bruno CHETAILLE, Président TDF |
67 |
Échange de vues sur l'organisation des travaux de
la mission
Audition de
Olivier MURON
Directeur de la promotion de la recherche et de son transfert
INSTITUT NATIONAL DE RECHERCHE EN INFORMATIQUE
ET EN
AUTOMATIQUE
(INRIA)
Mercredi 25 septembre 1996
M. Pierre Laffitte, président
, a estimé
nécessaire de mettre en lumière, à travers une
première série d'auditions, les enjeux économiques et
sociaux de l'entrée dans la société de l'information. Il a
ensuite présenté un certain nombre de thèmes que la
mission devra examiner à cette fin. Le premier est le contrôle du
contenu des services distribués sur les réseaux de la
société de l'information et la répression des contenus
illégaux par une législation nationale ou grâce à
une démarche internationale. Un rapport élaboré
récemment à la demande des ministres de la communication et de la
poste (rapport Falque-Pierrotin) présente à cet égard des
observations qu'il conviendra de prendre en considération.
Il sera aussi nécessaire de cerner l'équilibre à
réaliser entre les impératifs contraires de l'ordre public et de
la liberté d'expression. La Conférence internationale de
Stockhlom et les vives réactions à la loi récemment
adoptée par le Congrès américain afin d'endiguer la
violence dans les émissions de télévision montre la
nécessité et la difficulté de cette démarche.
La mission devra aussi examiner les moyens de renforcer les politiques
publiques susceptibles de favoriser l'entrée dans la
société de l'information, compte tenu de l'intérêt
économique et social d'une généralisation des nouvelles
technologies. L'amélioration du fonctionnement et des prestations des
services publics peut nécessiter l'emploi de ces technologies
susceptibles de contribuer ainsi à la réduction de la fracture
sociale. Les secteurs de l'éducation et de la santé offrent un
vaste potentiel à cet égard.
La défense de l'identité culturelle entre aussi dans le champ
d'investigation de la mission. Il est nécessaire de faire obstacle
à l'emprise excessive de l'anglais de base dans les domaines où
se déploieront les nouvelles technologies. Il sera d'autant plus
nécessaire de préserver la diversité linguistique sur les
réseaux de la société de l'information que le rôle
des services à contenu culturel progressera rapidement.
Par ailleurs, il incombe aux pouvoirs publics de répandre la formation
et l'information des catégories sociales et professionnelles
intéressées par la généralisation rapide des
nouvelles techniques. Des secteurs tels que la création artistique sont
impliqués par ces évolutions alors que la plupart des personnes
intéressées ne sont guère préparées à
tirer profit du potentiel ainsi mis à leur disposition.
M. Alex Türk, rapporteur
, a interrogé le président
sur le calendrier des travaux de la mission, sur l'opportunité
d'élaborer des propositions de réformes législatives
à l'issue de ses travaux et sur la nécessité d'examiner de
façon très large la problématique des nouvelles
technologies.
M. Pierre Laffitte, président
, a estimé que la mission
devrait présenter, dans les différents secteurs examinés,
des orientations à partir desquelles les commissions permanentes du
Sénat pourraient élaborer des propositions de loi. Aux
Etats-Unis, on observe cependant que les principaux développements en
cours résultent d'initiatives locales et non de lois
fédérales. Dans la même optique la mission pourrait
élaborer, à l'intention des collectivités locales, des
recommandations susceptibles de favoriser l'appropriation des nouvelles
technologies par les acteurs locaux. En ce qui concerne la dimension
réglementaire de l'entrée dans la société de
l'information, il peut être aussi envisagé d'inciter le
ministère des affaires étrangères à lancer des
initiatives internationales sur un certain nombre de thèmes. Par
ailleurs, les travaux de la mission ne sauraient être limités au
fonctionnement d'Internet. En conclusion, il a semblé à M. Pierre
Laffitte que l'appellation de " mission commune d'information sur
l'entrée dans la société de l'information " serait
mieux adaptée à la réalité des problèmes
qu'elle entendait traiter. Il a recueilli l'accord des membres de la mission
sur cette proposition qui sera portée à la connaissance des
présidents de commission concernés avant d'être
notifiée à M. le Président du Sénat.
M. Jacques Mahéas
a approuvé la proposition d'examiner
tous les aspects liés à l'entrée dans la
société de l'information et a estimé nécessaire
d'aborder spécialement la formation des jeunes à l'emploi des
nouvelles technologies ainsi que le rôle de l'éducation nationale
à cet égard. Il a aussi souhaité que la mission exerce un
rôle de conseil aux collectivités locales en éclairant les
maires sur le potentiel des nouvelles technologies et sur les solutions
techniques à leur disposition.
M. Pierre Laffitte, président
, a jugé essentiel que la
mission ait un rôle pédagogique à l'égard des
collectivités locales et a estimé que les auditions permettraient
de mettre en valeur un certain nombre d'initiatives exemplaires.
M. Jean-Marie Rausch
a souhaité que l'objectif de la mission soit
clairement délimité par rapport aux travaux en cours dans
d'autres enceintes et a regretté le manque de portée des
expériences en cours. Il a spécialement noté
l'insuffisante implication de France Telecom dans l'expérimentation de
nouveaux services. Il a souhaité que la mission identifie les blocages
qui ralentissent le développement des systèmes de communication,
citant à titre d'exemple la difficulté d'obtenir le raccordement
à Internet par le câble, solution plus économique pour
l'usager que le raccordement par le réseau téléphonique.
M. Pierre Laffitte, président
, a souhaité que la mission
se penche sur ces problèmes, citant, à son tour, l'exemple de
Numéris dont le développement est freiné par l'absence de
structures commerciales appropriées à France Telecom. La mission
devra éclairer les causes, en grande partie culturelles, du retard de la
France dans ces différents domaines.
M. Franck Sérusclat
a demandé quel serait le rythme de
travail de la mission et a souhaité que les travaux de celle-ci
n'interfèrent pas avec la préparation d'un rapport que lui a
confié l'Office des choix scientifiques et technologiques sur les
apprentissages essentiels.
M. Pierre Laffitte, président
, a jugé difficile de passer
totalement sous silence les initiatives qui se déroulent dans le cadre
de l'éducation nationale mais qu'aucune base de données ne permet
de diffuser au-delà des établissements directement
intéressés. Il sera aussi nécessaire d'aborder la question
du câblage des écoles, dont on ne comprend pas le retard en France
alors que le Québec a lancé un programme en ce sens dans
l'enseignemnet primaire, le câblage des établissements
d'enseignement secondaire étant déjà effectué avec
des conséquences très positives sur le taux d'équipement
des ménages en ordinateurs.
M. Alain Joyandet, rapporteur
, a estimé que les travaux de la
mission devraient résoudre deux questions majeures : comment aider le
pays à ne pas prendre trop de retard en matière de nouvelles
technologies et comment éviter que la généralisation de
celles-ci ait lieu de façon incontrôlée. Il a
observé qu'un grand nombre des problèmes évoqués au
cours du débat seraient mieux résolus en favorisant l'initiative
locale. Il a aussi insisté sur l'importance de la démarche
pédagogique de la mission et sur la nécessité de
présenter de façon claire aux acteurs locaux l'ensemble de la
problématique de la société de l'information. Ceci passe
en particulier par la présentation d'expériences de terrain. Il
sera aussi utile d'aborder les conséquences des technologies
numériques sur les médias traditionnels.
M. Pierre Laffitte, président
, a relevé que de nombreux
organes de presse, en particulier de la presse quotidienne régionale,
s'inscrivaient d'ores et déjà dans l'évolution vers la
société d'information.
M. Pierre Hérisson, rapporteur
, a de son côté
insisté sur la nécessité de démystifier les
nouvelles technologies et sur l'objectif d'assurer au plus grand nombre
l'accès aux nouveaux services au meilleur coût.
M. Pierre Laffitte, président,
a conclu le débat en
indiquant qu'un programme d'auditions sera établi compte tenu des
observations présentées par les membres de la mission, que les
auditions auraient lieu le mardi après-midi, et que le public serait
informé des travaux de la mission grâce à des
questionnaires diffusés régulièrement sur le serveur Web
du Sénat.
La mission a ensuite procédé à
l'audition de M. Olivier
Muron
, directeur de la promotion de la recherche et de son transfert
à l'Institut national de recherche en informatique et en automatique
(INRIA), afin de recueillir la position de cet organisme sur le
développement des technologies de l'information. Il a en particulier
souhaité connaître son appréciation sur les
bénéfices pouvant être retirés par la France de ces
nouvelles technologies, ainsi que sur la nécessité de
définir une politique de contrôle des informations
diffusées destinée à prévenir certaines
dérives.
M. Olivier Muron
a tout d'abord précisé que son
intervention serait essentiellement centrée sur la problématique
des réseaux qui lui semblait déterminante pour la
réflexion sur l'avenir des autoroutes de l'information, dont Internet
est le prototype. Il a ensuite procédé à la
définition d'un réseau, instrument permettant de véhiculer
des informations numérisées : textes, sons, images. Il a
précisé que ces réseaux pouvaient utiliser plusieurs types
de support, comme les satellites, les réseaux câblés ou les
réseaux téléphoniques.
M. Olivier Muron
a présenté les trois étapes
principales du développement historique d'Internet. Après avoir
décrit la naissance de ce réseau dans le cadre des
activités du département de la défense du gouvernement
américain, il a indiqué qu'il s'était ensuite
étendu à la recherche civile avec le raccordement des
universités et des centres de recherche, la dernière étape
intervenant avec l'ouverture au grand public. Il a relevé à cet
égard que, depuis le début des années 1990, la croissance
exponentielle du nombre d'ordinateurs connectés au réseau faisait
tendre ce dernier vers "l'universalité". Il a par ailleurs
souligné que le financement des infrastructures d'Internet, initialement
public, était progressivement privatisé.
S'agissant de la gestion d'Internet,
M. Olivier Muron
a
précisé que celle-ci était assurée par une
association indépendante baptisée "Internet society", dont la
mission était essentiellement de définir des protocoles
d'accès au réseau, ainsi qu'un système d'adresses et des
actions de promotion.
Il a ensuite précisé que le développement d'Internet
nécessitait une action soutenue de standardisation. Il a indiqué
que celle-ci se traduisait essentiellement par la définition d'un
ensemble de protocoles techniques communs permettant d'interconnecter
l'ensemble des réseaux participants. Il a remarqué que la
qualité de ces protocoles d'accès s'était
considérablement améliorée et que les réseaux de la
télévision câblée disposaient maintenant de
fonctionnalités permettant l'accès à Internet.
M. Olivier Muron
a ensuite présenté les modalités
de fonctionnement d'Internet, où l'information est
décomposée en "paquets", appelés "datagrammes", et
où chaque ordinateur connecté au réseau dispose d'une
adresse individuelle lui permettant de recevoir une information
numérique. A cet égard, il a fait remarquer que la faiblesse du
niveau d'équipement des ménages français en
micro-ordinateurs avait constitué jusqu'à une date récente
un frein au développement d'Internet en France.
Evoquant les services offerts par Internet,
M. Olivier Muron
a
insisté sur leur faible coût au sein d'un réseau dont la
gestion garantit un bon niveau de fiabilité pour la transmission de
l'information. Il a rappelé qu'aux fonctions traditionnelles de
transferts de fichiers et de courrier électronique, s'était
ajouté un système de pilotage de la recherche d'informations
ainsi que des services interactifs multi-utilisateurs, destinés
notamment à la vidéoconférence. Il a insisté sur
l'importance du "world wide web" (www) qui a accéléré le
développement du réseau.
M. Olivier Muron
a ensuite
présenté des exemples d'applications diffusées sur
Internet dans les domaines de l'information météo, de
l'éducation et de l'information culturelle. Il a précisé
sur ce dernier point que les travaux conduits par l'INRIA avec le
ministère de la culture avaient permis de développer un serveur,
aujourd'hui bilingue, bénéficiant d'un très grand nombre
de consultations.
Il a ensuite décrit le développement récent des
"Intranet", réseaux internes d'entreprises connectées à
Internet.
A cet égard, le président s'est interrogé sur les
modalités permettant de protéger ces réseaux contre des
interventions extérieures.
M. Olivier Muron
lui a répondu que ces réseaux
étaient doublement protégés au moyen d'une adresse
confidentielle et d'un système de mot de passe. Il a souligné que
le raccordement des réseaux d'entreprises à Internet constituait
un facteur important de croissance, celle-ci étant favorisée, en
outre, par l'émergence de protocoles d'accès plus efficaces ainsi
que par la faiblesse des coûts de ce système pour les
utilisateurs. Il a indiqué que ce réseau couvrait aujourd'hui la
plupart des pays du monde.
M. Olivier Muron
a ensuite décrit les grandes catégories
d'utilisateurs d'Internet. Après avoir noté l'importance du
secteur commercial, académique et institutionnel, il a souligné
la part croissante du grand public.
Le président ayant souhaité recueillir des informations sur les
coûts de raccordement du public au réseau,
M. Olivier
Muron
a indiqué qu'aux Etats-Unis celui-ci s'élevait
forfaitairement à trente dollars par mois, les communications locales
étant gratuites dans ce cadre. Il a relevé l'intérêt
de ce mode de facturation par rapport au système français
où le prix des communications s'ajoute à celui du raccordement.
M. Franck Sérusclat
a souhaité connaître
l'importance du public accédant à Internet en France.
M.
Olivier Muron
lui a précisé qu'il était difficile de
donner un chiffre précis en raison de la multiplicité des
opérateurs, mais que ce nombre était généralement
évalué à 100.000, ce qui situait la France à un
niveau très inférieur à la moyenne européenne. Il a
indiqué que cette situation contrastait fortement avec celle des
Etats-Unis, où les opérateurs ont actuellement des
difficultés à satisfaire l'ensemble de la demande. A cet
égard, le président a précisé qu'aux Etats-Unis
l'ensemble des bibliothèques publiques offrait la possibilité
d'accéder au réseau Internet.
M. Olivier Muron
a ensuite évoqué les grands enjeux
d'Internet dans l'avenir. Il a souligné que le premier, d'ordre
technologique, portait sur l'utilisation des différents supports. Il a
indiqué que l'utilisation des réseaux câblés
permettrait d'abaisser le coût des communications en autorisant la mise
en oeuvre d'un principe de facturation forfaitaire. Il a insisté sur le
fait que cette formule favorisait le développement des consultations et
autorisait un débit très supérieur à celui du
réseau téléphonique pour le transfert des données.
Il a ensuite évoqué la nécessité de prévoir
le développement de la consultation des messageries électroniques
à partir de terminaux mobiles.
A ce sujet, le président s'étant interrogé sur les
perspectives d'avenir de tels terminaux,
M. Olivier Muron
lui a
répondu qu'elles étaient comparables à celles de la
téléphonie mobile, à partir du moment où seraient
parfaitement maîtrisées les techniques de miniaturisation de
l'écran et du clavier.
Au sujet des technologies à retenir,
M. Pierre Laffitte,
président,
et
M. Alain Joyandet, rapporteur,
ont
souligné l'intérêt du système de diffusion par
micro-ondes, dit "multiband multipoint distribution service" (MMDS)
comme moyen
pour une collectivité locale de favoriser l'émergence de
réseaux à un moindre coût. Ils ont cependant insisté
sur les limites que comporte cette technologie. Le président a ensuite
noté l'intérêt des "sites numériques", permettant de
fournir, à l'échelle locale, des informations sur les services de
proximité dont peuvent bénéficier les citoyens, tels que
la diffusion d'offres d'emploi ou l'accès à des informations
pratiques sur les services publics.
Evoquant ces perspectives,
M. Franck Sérusclat
s'est
inquiété des obstacles matériels à la diffusion de
ce type de services. Le président a répondu que le rôle de
la mission d'information était d'ordre pédagogique, et qu'il
s'agissait de souligner le rôle d'incitation des pouvoirs publics dans ce
domaine.
M. Olivier Muron
a indiqué l'intérêt pour les
collectivités locales de développer des serveurs Internet
comportant des informations touristiques, dans la mesure où une
étude récente montrait que près de 50 % des touristes
américains se rendant à l'étranger utilisaient Internet
pour préparer leur voyage.
M. Franck Sérusclat
ayant souhaité savoir combien de
bibliothèques publiques françaises offraient la
possibilité d'accéder à Internet, le président lui
a indiqué qu'une prise de conscience était nécessaire dans
ce domaine puisque les bibliothèques publiques municipales n'offraient
pas encore ce service.
M. Olivier Muron
a alors
précisé que l'amélioration de la qualité des
logiciels de recherche par "mots-clés" permettait aujourd'hui de
retrouver aisément les informations recherchées.
M. Olivier Muron
a ensuite procédé à l'analyse des
problèmes de sécurité, qui constituent le deuxième
grand enjeu de l'avenir d'Internet. Il a indiqué que les principaux
problèmes de sécurité portaient sur la mise au point de
"gardes-barrières" (fire walls) permettant de contrôler le point
de passage entre des réseaux internes et Internet, ainsi que sur la
sécurité des transactions. Sur ce dernier point, il a
précisé que les techniques de "chiffrement" des informations
s'avéraient souvent insuffisantes au regard de la puissance de calcul
des ordinateurs.
M. Olivier Muron
a présenté enfin le troisième
grand enjeu pour l'avenir d'Internet, qui tient au contrôle de
l'accès aux informations contenues dans les serveurs, l'objectif
étant de limiter l'accès de certains utilisateurs, comme les
enfants, à des catégories d'informations données.
Précisant que le "contrôle à la source" était
difficile à mettre en oeuvre, il a indiqué que la meilleure
solution consistait à installer un logiciel de filtrage sur l'ordinateur
de l'utilisateur afin d'empêcher l'accès à certains
serveurs. En conclusion, il a insisté sur la nécessité de
favoriser les expérimentations, notamment dans le domaine du
câble, afin de promouvoir le développement des autoroutes de
l'information.Le président a noté que le sous-équipement
de la France dans le domaine du câble, résultant en partie de la
qualité de la télévision hertzienne et des progrès
du satellite, constituait à cet égard un handicap.
M. Alain Joyandet, rapporteur,
a considéré que le
thème des autoroutes de l'information pouvait constituer un axe de
relance du "plan câble". Il a en outre souligné la
nécessité de fournir aux décideurs locaux des informations
précises sur le type de réseau à choisir dans le cadre
d'une promotion des autoroutes de l'information.
Le président a enfin insisté sur la nécessité qu'il
y avait pour les opérateurs étrangers de réseaux
câblés de s'adapter à la culture française pour
conquérir des parts de marché.
Audition de
M. Michel MATHEU,
Chef de service
COMMISSARIAT GÉNÉRAL DU PLAN
Mercredi 9 octobre 1996
M. Michel Matheu
, qui anime la section
" énergie, environnement, agriculture et tertiaire " au
commissariat du Plan, a tout d'abord insisté sur la convergence entre
télécommunications, audiovisuel et informatique, suscitée
par la numérisation, la compression et la transmission de données
à haut débit. Il a qualifié ce rapprochement de
phénomène " d'unimédia ", sur la portée
duquel il s'est toutefois interrogé.
Il a, en effet, souligné la spécificité de ces trois
secteurs et dressé le constat, plus que d'une réelle convergence,
d'une politique d'alliances fortement influencées par les choix publics
et le cadre réglementaire, ce que confirment les différences
constatées entre pays européens en ce qui concerne le
développement de technologies comme le service
téléphonique sur le câble.
M. Michel Matheu
a ensuite abordé la question des utilisations
professionnelles des nouvelles technologies, en insistant sur l'importance pour
leur développement des coûts supportés par les entreprises.
Il a toutefois estimé que les marchés professionnels
constituaient à moyen terme le plus sûr vecteur de
développement de la société de l'information.
Quant au marché grand public, il a fait part des incertitudes qui
caractérisaient son développement. Il a, en effet, estimé
qu'en 1996, 15 à 20 % seulement des foyers étaient, en
France, équipés de micro-ordinateur, dont 1 sur 6 ou 8 pourvu de
" modem ". Au total, 2 % au plus de la population
française était donc susceptible de se connecter aux services en
ligne.
En outre,
M. Michel Matheu
a souligné l'importance des facteurs
sociaux et psychologiques pour la diffusion des nouvelles technologies dans le
grand public, en indiquant qu'il pouvait y avoir une inquiétude à
leur égard ou, de la part de certains usagers, une incapacité
culturelle ou intellectuelle à gérer l'afflux d'informations.
Enfin,
M. Michel Matheu
a abordé la question des
inégalités sociales ou territoriales face au développement
des nouvelles technologies, s'appuyant sur des statistiques de 1993 montrant
qu'un ouvrier sur sept seulement avait déjà manipulé un
micro-ordinateur.
S'agissant de l'inégalité territoriale, il a
dénoncé l'illusion qui consistait à espérer que les
nouvelles technologies pourraient contrebalancer, à elles seules, le
phénomène d'urbanisation et de désertification rurale.
Même si quelques délocalisations ponctuelles en milieu rural,
ainsi qu'une désynchronisation des horaires de travail pouvaient, a-t-il
affirmé, être favorisées par les nouvelles technologies,
les réseaux et les services de la société de l'information
ne lui paraissaient pas de nature à jouer un rôle majeur dans
l'aménagement du territoire.
Au cours du débat qui a suivi cet exposé,
M. Michel Matheu
a apporté les réponses suivantes aux observations et questions
présentées par le président ainsi que par
MM. Alex
Türk et Franck Sérusclat :
- il serait possible de compléter les analyses du rapport du
commissariat général du Plan en tenant compte de quelques
particularités françaises : le développement
précoce de la télématique a donné aux
Français l'habitude de l'interactivité ; la faible
pénétration du câble fait obstacle au développement
de certaines applications de la société de l'information telles
que le raccordement des particuliers à Internet et la
téléphonie par le câble ; enfin, si l'apprentissage
des nouvelles technologies a souvent lieu, en France, dans le cadre des
activités professionnelles, la filière scolaire est en revanche
moins performante que dans d'autres pays.
M. Michel Matheu
a
rappelé à cet égard l'échec du plan
" informatique pour tous " ;
- le phénomène d'urbanisation, constaté en France comme
dans le reste du monde, représente un atout économique dans la
mesure où, facilitant la création de pôles technologiques,
il favorise la valorisation de ces sites dans la compétition
internationale. Il est possible de limiter les conséquences
négatives de l'urbanisation en installant des terminaux et des stations
de travail dans certains lieux publics sur l'ensemble du territoire ;
- la difficulté qu'éprouvent souvent les collectivités
locales à s'appuyer sur les nouvelles technologies et les
déconvenues parfois constatées sont dues au fait qu'elles ne
disposent pas des structures de compétence susceptibles de
négocier avec les fournisseurs dans de bonnes conditions et de susciter
l'adhésion des élus à des projets efficaces ;
- la sociabilité qui se développe autour des services de la
société de l'information est artificielle à maints
égards mais peut favoriser la multiplication d'autres types de
contacts ;
- l'accentuation des inégalités sociales qui résultera
vraisemblablement de la généralisation des nouvelles technologies
est due essentiellement à l'impuissance du système scolaire
à diffuser les structures mentales et culturelles nécessaires
à l'utilisation des services de la société de
l'information. Le véritable défi à relever est d'abord
celui de l'éducation de masse ;
- la télé-éducation ne paraît pas appelée
à se substituer à la relation directe
professeur-élève. Elle rend possible une double transmission du
savoir, l'enseignant utilisant, dans son contact avec les élèves,
un support numérisé ;
- il ne semble pas que les nouvelles technologies de l'information
représentent un important potentiel de création d'emplois, il se
pourrait même que le solde des créations et des suppressions
d'emplois résultant de l'entrée dans la société de
l'information soit négatif. La diffusion des nouvelles technologies dans
un pays donné est cependant indispensable en terme de
compétitivité internationale ;
- en ce qui concerne les droits de la propriété intellectuelle,
le rapport du commissariat général du Plan constate que les
formes actuelles de gestion des droits ne sont pas adaptées, sans
présenter de propositions de réforme.
Audition de
Mme Anita ROSENHOLC, Chargée de mission à la
Délégation à l'aménagement du territoire et
à l'action régionale (DATAR)
et de
M. Georges-Yves KERVERN
M. Jean-Michel BILLAUT
Mme Claudine
SCHMUCK,
membres du club de l'Arche
Mercredi 16 octobre 1996
Mme Anita Rosenholc
a affirmé que tous les
processus de production avaient de plus en plus recours aux nouvelles
technologies ce qui induisait de profonds changements notamment dans les
domaines de la télé-médecine, du
télé-enseignement ainsi que de nombreuses autres activités.
En conséquence, la localisation de l'activité, a souligné
Mme Anita Rosenholc
, dépendait désormais largement
des compétences dont disposaient en la matière les territoires
concernés. Une meilleure répartition sur le territoire des
activités " d'arrière guichet " était donc
rendue possible par l'émergence de nouvelles technologies, les
réseaux de communication permettant une gestion à distance de ces
activités.
La DATAR, a précisé
Mme Anita Rosenholc
, était
engagée dans une réflexion visant à définir les
critères à remplir pour qu'un territoire devienne attractif,
critères au premier rang desquels apparaissait la desserte en services
de télécommunications.
Les services d'intérêt général devaient être
les plus accessibles possible, ce qui impliquait par exemple la mise en
réseau des établissements d'enseignement, le raccordement des
établissements hospitaliers, la possibilité de
" télé-vente ", notamment pour les librairies, ainsi
que la diffusion des actes administratifs sur les réseaux en ligne.
Pour les petites et moyennes entreprises,
Mme Anita Rosenholc
a
indiqué qu'une délocalisation dans les zones les moins
peuplées du territoire était envisageable et même porteuse
d'économies de gestion. La DATAR élaborait d'ailleurs des
" plans de villes " et des " plans de
départements "
en vue de promouvoir des réimplantations d'entreprises.
En réponse à une intervention de
M. Franck
Sérusclat
,
Mme Anita Rosenholc
a précisé
qu'à son sens les entreprises étaient désormais
" virtuelles ", c'est-à-dire que les procédés de
fabrication des produits et de prestation des services avaient
été transformés totalement par rapport à la
décennie précédente, le travail étant
désormais " éclaté segment par segment ", selon
une localisation répondant à de nouveaux critères de choix.
En réponse à une question de
M. Alain Joyandet
,
rapporteur
,
Mme Anita Rosenholc
a ensuite
présenté l'exemple de la ville de Besançon qui a
souhaité mettre en réseau 12 sites de son territoire en vue
d'instaurer un échange de données informatiques. La solution
retenue par la ville avait été d'assurer elle-même un
câblage en fibres optiques empruntant le réseau d'égouts.
D'une façon plus générale, la perspective de la
libéralisation des services de télécommunications au
1er janvier 1998 favorisera la réalisation d'un câblage
en " boucles locales " dans un certain nombre de
collectivités
locales.
Mme Anita Rosenholc
a souligné le rôle majeur des
élus locaux dans la mise en place de ces initiatives auxquelles la DATAR
était appelée à apporter son soutien. Elle a pris
l'exemple de l'action de la DATAR dans le Cantal pour montrer que l'engagement
des chefs d'entreprise était également un facteur
déterminant.
En réponse
à
M. Alain Joyandet, rapporteur,
Mme Anita Rosenholc
a ensuite indiqué que le facteur le plus
essentiel pour le choix des infrastructures était l'interactivité
du moyen retenu, ce qui l'a amené à préconiser
l'utilisation de la fibre optique, tout en soulignant son coût important.
Elle a, en outre, jugé intéressantes les perspectives offertes
par les techniques hertziennes, en liaison avec les programmes de lancement de
satellites en orbite basse, qui devraient remédier à l'isolement
de l'espace rural français. Toutefois, au delà de la technique
utilisée,
Mme Anita Rosenholc
a souligné l'importance
de la configuration du réseau en étoile, qui seule permet une
véritable interactivité.
En réponse à une intervention de
M. Pierre Laffitte,
président, Mme Anita Rosenholc
a précisé que le
coût de réalisation des réseaux était
extrêmement variable, en fonction du nombre de fibres optiques, de
l'importance des travaux de génie civil et du nombre de terminaux
intelligents. Elle a aussi attiré l'attention des membres de la mission
sur la nécessité de planifier l'utilisation des sous-sols des
collectivités concernées.
Mme Anita Rosenholc
a rappelé que les coûts
liés à la maintenance et au fonctionnement des réseaux de
télécommunications ne devaient toutefois pas être sous
estimés.
M. Pierre Laffitte, président
, a enfin fait part des
expériences étrangères de tarification forfaitaire, dont
il a souhaité l'application en France.
La mission a ensuite procédé à l'audition de
MM.
Georges-Yves Kervern, Jean-Michel Billaut, et de Mme Claudine Schmuck,
membres du club de l'Arche.
M. Jean-Michel Billaut
a indiqué que le club de l'Arche
était une association créée en 1993 afin de promouvoir les
nouvelles technologies de l'information et de la communication en France. Il
déploie actuellement son activité dans trois directions :
- faire prendre conscience aux professionnels intéressés des
progrès du commerce électronique. Il sera bientôt
nécessaire d'y recourir pour vendre " en ligne " à
l'étranger, compte tenu du développement de cette technique de
vente aux Etats-Unis et dans le nord de l'Europe. Le club de l'Arche a
suscité, à cette fin, la création de l'association
française du commerce et des échanges électroniques ;
- le club prépare la création d'une association des villes
numérisées destinée à favoriser l'insertion des
collectivités locales dans le courant mondial d'échanges qui se
constitue, à partir des Etats-Unis, autour du réseau Internet.
Des initiatives ont d'ores et déjà été prises en ce
sens à Parthenay et à Charleville-Mézières.
L'objectif est de répandre l'information sur les possibilités
offertes aux collectivités ;
- le troisième axe est la réflexion sur les moyens
d'améliorer les prestations des administrations de l'Etat grâce
aux nouvelles techniques, au meilleur coût. Les principaux
développements sont attendus spécialement dans les domaines de
l'éducation et de la santé.
M. Georges-Yves Kerven
a ensuite évoqué le problème
de la mise en réseau des collectivités locales. L'idée de
mise en réseau s'appuie sur le phénomène des
" city-states " en Amérique du Nord. Celui-ci résulte
d'initiatives des collectivités locales désireuses de parvenir
à une efficacité accrue grâce aux nouvelles technologies de
l'information et de la communication. A titre d'exemple,
M. Georges-Yves
Kerven
a cité une bibliothèque de New York permettant
l'accès à toutes les publications numérisées et
formant sur place les usagers à l'utilisation des postes de
travail ; une initiative de volontaires californiens impliqués dans
l'équipement des écoles en ordinateurs ; le
développement des pratiques de télétravail, pour faire
face en particulier aux pics de pollution automobiles (tele commuting).
Des expériences identiques sont en gestation dans le cadre de l'Union
européenne avec l'opération " telecities ",
financée par l'Union. De son côté, l'association
française des villes numérisées, dont la constitution est
en cours dans le cadre du club de l'Arche, devrait répandre
l'information sur les expériences les plus avancées. Enfin, les
" Technopoles de l'arc méditerranéen " devraient
apparaître comme un lieu privilégié de diffusion des
nouvelles technologies grâce à leurs importantes capacités
dans les domaines de la communication et de l'informatique.
La " cindynique ", science des risques (trafic routier,
sécurité, pollution ...), est un domaine d'application des
nouvelles technologies dans lequel la France dispose d'une certaine avance
grâce à son expérience de la gestion des risques dans des
domaines comme la production d'électricité nucléaire. Il
est possible de mettre des méthodes comparables de gestion des risques
au service de la gestion urbaine. En effet, les réseaux à grand
débit permettent de recueillir et de diffuser les informations utiles en
temps réel, de prévoir le risque grâce à une
modélisation et de proposer des modalités de gestion de la crise
en cas d'incident. Un système d'aide à la décision, le
système " DEDICS ", fondé sur le traitement
informatique des précédents et sur l'emploi de tests de
similarité, a ainsi été mis au point afin de gérer
les feux de forêt. Il est envisagé d'appliquer la même
méthode au transport de matières dangereuses.
Dans le même ordre d'idée, la " géo-cindynique "
devrait conduire à une géographie numérisée des
risques naturels ou sociaux susceptible de servir de base à la prise de
décision individuelle ou collective.
M. Georges-Yves Kerven
a enfin précisé à
Mme Danièle Pourtaud
que ce type de techniques permettait de
mieux cerner le " fardeau social des traumatismes ",
c'est-à-dire d'évaluer la fréquence, la nature et la
localisation des risques dans certains domaines (accidents de la route dus aux
modes d'aménagement des passages piétonniers), afin de lancer des
actions préventives.
M. Jean-Michel Billaut
, reprenant la parole, a rappelé que le
chiffre d'affaires réalisé en 1995 par le commerce
électronique sur Internet avait été évalué
à 300 millions de dollars, montant relativement faible, mais que les
estimations pour l'année 1996 se situaient dans une fourchette de 5
à 10 milliards de dollars. Il a en outre indiqué que la part
prévisionnelle du commerce électronique représenterait, en
l'an 2000, 20 % du commerce américain, son développement
pouvant conduire en 2010 à la disparition de la moitié des
surfaces commerciales des États-Unis.
Il a distingué trois catégories d'intervenants : les
commerçants traditionnels soucieux de développer leur
clientèle grâce aux possibilités offertes par Internet, les
nouveaux intervenants créant des magasins électroniques et les
centres de commerce électronique.
Il a précisé qu'il existait deux types de monnaie
électronique, l'une réelle, le porte-monnaie électronique
matérialisé par une carte ; l'autre, purement virtuelle,
constituée de simples flux monétaires susceptibles, dans
l'avenir, de ne plus transiter par le système bancaire.
M. Jean-Michel Billaut
a ensuite évoqué les incidences du
développement du commerce électronique sur la structure du
marché qui pourrait à terme se réduire aux distributeurs
et aux clients alors que les acteurs étaient aujourd'hui multiples et
constituaient une chaîne de commercialisation. Il a indiqué que
des services de recherche du meilleur prix pour un produit
déterminé existaient d'ores et déjà sur le
réseau américain et que ces enquêtes effectuées en
temps réel pourraient, si elles se généralisaient,
être source de déflation au niveau mondial, ce qui
témoignait de la nécessité d'organiser les marchés.
En réponse au
président Pierre Laffitte
, il a
indiqué que le commerce électronique connaissait une forte
progression dans les pays du nord de l'Europe, contrairement à ceux du
sud de l'Europe encore sous équipés.
Mme Claudine Schmuck
a enfin présenté l'apport des
nouvelles technologies de l'information pour les administrations. Elle a
rappelé que certaines d'entre-elles avaient mis en place des services de
courrier électronique mais qu'il s'agissait souvent de systèmes
propriétaires, incompatibles entre eux, et que l'installation de
réseaux Intranet permettrait de réduire les coûts. Elle a
observé que le développement des services administratifs sur
Internet devrait améliorer l'information des administrés et
faciliter certaines formalités administratives.
Elle a indiqué qu'un recensement des réalisations les plus
efficientes en ce domaine, mises en oeuvre aux Etats-Unis, en Scandinavie et
à Singapour, était en cours et qu'un groupe de travail avait
été chargé de définir les besoins prioritaires des
administrés en France.
Audition de
M. Jean-Luc ARCHAMBAULT, Directeur du Service des Industries de Communication
et de Services (SERICS)
M. Bernard VERGNES, Président de Microsoft Europe
M. Gérard MOINE, Directeur des relations extérieures
de France
Télécom
M. Gérard EYMERY, Responsable du secteur multimédia
de France
Télécom
Mercredi 30 octobre 1996
Dans un propos introductif,
M. Archambault
a
indiqué que le ministère de l'industrie, des postes et
télécommunications auquel son service était
rattaché s'appuyait, pour la réalisation de ses travaux, sur le
service juridique des techniques de l'information placé auprès du
Premier ministre. Il a rappelé que l'observatoire, composé de
parlementaires, de représentants des administrations et de
personnalités qualifiées, s'employait à entretenir une
dynamique initiée par les appels à propositions lancés en
1993, 1994 et 1995 et devait désormais dresser le bilan de cette
démarche pragmatique pour passer d'une phase expérimentale
à la mise en oeuvre de véritables projets.
M. Archambault
a estimé que les progrès récents de
la réglementation en matière de télécommunications
étaient de nature à faciliter les initiatives en ce domaine et a
précisé que les textes d'application des lois votées au
cours de la dernière session parlementaire devraient être
publiés avant la fin de l'année.
Il a indiqué que son service suivait les problèmes liés
à la cryptologie et a rappelé que la loi du
26 juillet 1996 relative à l'entreprise France
Télécom en avait libéralisé le régime en
instaurant le système des " tiers de confiance ". Il a
souligné que son service encouragerait le développement par les
acteurs privés de techniques de cryptage. Il a en outre indiqué
qu'un guichet permanent serait ouvert pour poursuivre le processus de
labellisation des projets déposés en réponse aux appels
à propositions.
En réponse à
M. Pierre Laffitte, président
,
évoquant l'utilisation des nouvelles technologies de l'information et de
la communication (NTIC) par le Gouvernement et les administrations, en
particulier les services déconcentrés de l'Etat,
M.
Archambault
a indiqué qu'une dizaine de ministères
possédaient un serveur WEB et que le premier ministre avait fixé
comme objectif que chaque ministère en soit doté d'ici la fin de
l'année 1997. Il a énoncé quelques exemples de serveurs
mis en place par des administrations telles que le ministère de
l'industrie, à destination des PME-PMI sur le thème de
l'innovation, ou la Documentation française gérant un annuaire
des services administratifs assorti d'un guide de recherche d'informations
administratives.
Il a, en outre, rappelé que la messagerie interne mise en place par le
ministère de l'industrie à l'usage des services et du cabinet
serait prochainement étendue aux directions régionales de
l'industrie.
Il a précisé qu'en 1997, les crédits du fonds
interministériel de modernisation des administrations financeraient en
priorité les projets de serveurs Internet et que le service
d'information du Gouvernement avait lancé un projet Intranet pour
faciliter et améliorer la coopération entre les administrations.
Il a enfin indiqué que le SERICS avait pour mission de veiller à
la qualité et à la cohérence des schémas directeurs
informatiques et de télécommunications des ministères.
En réponse à
M. Franck Sérusclat, M. Archambault
a
rappelé en premier lieu que des actions de formation à
l'utilisation d'Internet commençaient à être menées
au sein des ministères et, sur un second point relatif au cryptage des
données, que le système des clés détenues par des
tiers de confiance permettrait de concilier les impératifs de
confidentialité et de respect de l'ordre public. Il a confirmé
que ce système éviterait à l'utilisateur de solliciter une
autorisation.
M. Pierre Laffitte, président
, a enfin informé les
membres de la mission que la veille, lors d'une audition de M. François
Bayrou, ministre de l'éducation national, de l'enseignement
supérieur et de la recherche, celui-ci avait fait part de son intention
de développer une action de coordination entre les rectorats concernant
les réalisations de serveurs WEB dans les différentes
académies. Il a enfin formulé le souhait que les
ministères incitent les collectivités locales à se
connecter sur Internet, facteur puissant de modernisation de l'administration
locale, et a précisé que la mission s'attacherait à
contribuer à cette action de promotion.
La mission a ensuite procédé à l'
audition
de
M. Bernard Vergnes, président de Microsoft Europe.
M. Bernard Vergnes
a tout d'abord indiqué qu'il avait
axé son intervention sur le thème de la stratégie de
développement en France d'un opérateur américain. Il a
précisé qu'il aborderait successivement la présentation de
Microsoft, l'analyse de la dynamique du marché micro-informatique, le
problème de l'Europe face aux nouvelles technologies, le rôle de
Microsoft face aux entreprises et au grand public, et enfin les positions de
l'industrie du logiciel au regard du droit français et européen.
M. Bernard Vergnes
a rappelé que la vision initiale de
Microsoft reposait sur la perspective d'un monde comportant "un ordinateur
sur
chaque bureau et dans chaque maison", tracée par Bill Gates.
Il a précisé que Microsoft était essentiellement un
fournisseur de technologies logicielles, telles que les systèmes
d'exploitation de ordinateurs personnels (MS DOS et Windows), les applications
de productivité personnelle (traitement de texte et tableur), les
systèmes d'exploitation des services informatiques ainsi que des
applications multimédia.
M. Bernard Vergnes
a souligné la très forte croissance du
chiffre d'affaires de Microsoft qui atteindra 9 milliards de dollars dans
le monde en 1996. Il a rappelé que ces résultats reposaient sur
un très important effort d'investissement dans le domaine de la
recherche-développement, puisque 2,1 milliards de dollars devaient
être investis en 1997 à ce titre. Il a noté qu'un tel
niveau d'investissement plaçait Microsoft sur une échelle
comparable à celle de compagnies comme Ford. Après avoir
présenté la structure de Microsoft-Europe, dont il a
précisé qu'elle générait 31 % du chiffre
d'affaires mondial de la société,
M. Bernard Vergnes
a décrit l'organisation de Microsoft en France qui employait
500 personnes.
M. Bernard Vergnes
a ensuite analysé l'évolution du
marché des ordinateurs personnels (PC), qui connaît un
développement exponentiel depuis vingt ans. Il a rappelé que la
puissance des processeurs, qui sont à la base des micro-ordinateurs,
doublait tous les dix-huit mois. Il a ensuite décrit les nouvelles
formes que prendraient ces ordinateurs personnels dans l'avenir, soulignant en
particulier l'intérêt des téléphones intelligents,
des ordinateurs "portefeuille" et des ordinateurs
"embarqués" à
bord d'un véhicule.
Abordant le phénomène Internet,
M. Bernard Vergnes
a
noté qu'il s'agissait de l'événement le plus important
dans le monde de l'informatique depuis l'avènement de l'ordinateur
personnel (PC). Il a précisé que le phénomène du
réseau conduisait à un raccourcissement important du temps de
développement des logiciels, qui étaient mis à disposition
des utilisateurs à des fins de tests avant d'être en version
définitive.
M. Bernard Vergnes
a ensuite présenté la situation de
l'Europe face aux nouvelles technologies. Sur ce point, il a insisté sur
le retard de l'Europe par rapport aux Etats-Unis, indiquant qu'il existait deux
fois plus d'ordinateurs personnels (PC) aux Etats-Unis qu'en Europe. Affinant
ce constat, il a fait remarquer que 90 employés sur 100 disposaient
d'un ordinateur aux Etats-Unis et que ce chiffre tombait à 50 en Europe.
Il a relevé que la France se situait dans la moyenne européenne
avec 48 %, tandis que le nord de l'Europe avoisinait les 75 % et que
l'Italie n'atteignait que 32 %.
Analysant l'équipement des familles,
M. Bernard Vergnes
a
insisté sur un écart encore plus important par rapport aux
Etats-Unis, puisque le taux d'équipement des familles aux Etats-Unis
s'élevait à 33 %, tandis que la France se situe dans la
moyenne européenne, aux alentours de 10 %.
M. Bernard Vergnes
a ensuite présenté le taux
d'utilisation d'Internet par les entreprises, précisant qu'aux
Etats-Unis 65 % des entreprises utilisaient ou prévoyaient
d'utiliser Internet, et que ce taux tombait à 28 % dans le cas de
la France, tandis qu'en Allemagne il s'élevait à 45 %.
Dans ce contexte,
M. Bernard Vergnes
a tenu à
dénoncer l'importance du problème du piratage des logiciels par
les entreprises. Rappelant que les grandes entreprises ne posaient pas de
problème en raison du besoin de maintenance de leurs logiciels, il a
indiqué que le taux de piratage s'élevait néanmoins en
France à près de 50 %. Il a souligné que l'importance
de ce piratage représentait, au niveau européen, un manque
à gagner de l'ordre de 4 à 5 milliards de dollars, ce qui
représentait la perte de quelques centaines de milliers d'emplois
potentiels. A cet égard,
M. Bernard Vergnes
a
souligné que chaque emploi créé dans l'industrie du
logiciel entraînait la création de huit emplois dans les
industries connexes.
S'agissant de la position de Microsoft face aux entreprises,
M. Bernard
Vergnes
a noté que l'univers informatique était passé
d'un schéma de fournisseur unique à un schéma où
à chaque niveau, qu'il s'agisse du processeur, de l'ordinateur, des
périphériques ou des réseaux, régnait la
concurrence et la liberté de choix de l'entreprise. Il a indiqué
que, dans ce contexte, avait trouvé naissance le nouveau métier
dit "d'intégrateur", destiné à assurer une prestation
unique et à intervenir à tous les stades des choix liés
à la mise en oeuvre d'un système informatique.
M. Bernard Vergnes
a ensuite abordé le thème de la
position de Microsoft par rapport au marché constitué par le
grand public. Il a considéré que, dans le domaine des prestations
grand public, l'Europe était un marché en retard de deux à
trois ans sur les Etats-Unis. Il a expliqué ce décalage comme la
résultante du moindre revenu des ménages européens,
conjugué au poids de la taxe à la valeur ajoutée qui
renchérit fortement le prix des ordinateurs. Il a souligné qu'aux
Etats-Unis les taxes sur les ventes variaient en effet de 2 à 5 %
seulement. Il a complété cette explication en relevant que le
comportement de marge des entreprises était beaucoup plus important en
Europe qu'aux Etats-Unis puisque les marges variaient en Europe de 25 à
45 % tandis qu'aux Etats-Unis elles se situaient aux alentours de
5 %. Il a conclu cette explication en notant que tout conduisait à
augmenter le prix d'achat d'un ordinateur en Europe.
S'agissant des produits destinés au grand public,
M. Bernard
Vergnes
a indiqué que la stratégie de Microsoft reposait sur
une stratégie double. Il a précisé qu'il s'agissait, d'une
part, des produits "off-line" qui reposaient sur la diffusion de
logiciels sur
CD-ROM, et, d'autre part, de produits "on-line" pour lesquels
Microsoft
développait une stratégie de diffuseur et de fournisseur
d'informations sur Internet. Au sujet des CD-ROM,
M. Bernard
Vergnes
a indiqué que si le produit, en langue française,
"Biblio-rom" avait pu être lancé en collaboration avec Larousse,
l'encyclopédie et l'atlas mondial "Encarta" n'avaient pas pu être
réalisés avec des partenaires français.
M. Bernard Vergnes
a cependant conclu ce développement en
rappelant que le marché grand public en Europe était
limité dans la mesure où plus de 85 % des familles
européennes ne possédaient pas encore de PC.
M. Bernard Vergnes
a ensuite abordé le dernier thème
de son intervention, consacré aux positions de l'industrie du logiciel
au regard des droits français et européen. S'agissant des
initiatives relatives à la propriété intellectuelle, il
s'est félicité des modifications envisagées au protocole
de Berne et qui portent en particulier sur la protection des droits en
matière de communication numérique, de copie temporaire et de
droit de distribution.
S'agissant de la problématique de la société de
l'information,
M. Bernard Vergnes
a précisé que
Microsoft demandait que les services en ligne soient exclus de la directive
"télévision sans frontière". Il a aussi demandé que
la France assouplisse ses positions particulièrement strictes dans le
domaine de la cryptologie. Il s'est ensuite dit favorable à une
politique du contrôle des contenus fondée sur
l'autocontrôle, à l'image du "platform for internet content
selection" (PICS), qui permet d'interdire à certaines catégories
d'utilisateurs l'accès aux données considérées
comme "offensantes".
Par ailleurs, il a estimé que le champ d'application de la loi
informatique et liberté devrait être adapté pour prendre en
compte les spécificités des services en ligne.
Enfin, il a considéré que la responsabilité des
fournisseurs d'accès à Internet devrait être alignée
sur celle des opérateurs téléphoniques pour lesquels
existait un principe de non-responsabilité à l'égard du
contenu des communications.
Un débat s'est alors engagé, au cours duquel
M. Bernard
Vergnes
a apporté les réponses suivantes aux questions des
intervenants :
A
M. René Trégouët
, il a indiqué que la mise
au point par Microsoft d'un " net PC " connectable aux
réseaux
de transports de données, plus limité dans certaines performances
que le PC traditionnel mais plus facile à gérer et plus
économique, correspondait à la stratégie traditionnelle de
son entreprise visant la simplicité d'usage et le faible coût de
gestion des outils informatiques.
La solution concurrente du " NC ", ordinateur sans disque
dur tirant
son énergie du réseau auquel il était raccordé,
impliquait l'existence de réseaux très performants et des
coûts de connection importants. Enfin, ces micro-ordinateurs ne
pourraient pas utiliser les logiciels du " PC ".
A
M. Franck Sérusclat
, il a précisé que des
machines très performantes à commande vocale apparaîtront
dans les quatre ans à un prix d'environ 30.000 F ;
A
M. Jean-Marie Rausch
, il a rappelé que si l'accès
à Internet par le câble résolvait la question de la
tarification à la durée, ce mode de connection n'existait pas
encore partout.
Il a enfin confirmé à
M. Alex Türk
la
réticence de nombreuses entreprises françaises à
l'égard des nouveaux services d'information qui bouleversent les
schémas hiérarchiques traditionnels dans lesquels le pouvoir est
lié à la détention de l'information.
Puis la mission a entendu
M. Gérard Moine, directeur des relations
extérieures de France Télécom, et M. Gérard Eymery,
responsable du secteur multimédia de France Télécom.
M. Gérard Moine
a présenté l'entrée dans la
" société de l'information " comme une véritable
révolution culturelle pour l'entreprise France Télécom qui
se considère comme l'un des acteurs essentiels de cette
évolution. Il a exposé comment, tout en sachant qu'elle ne
disposait plus du monopole, l'entreprise France Télécom explorait
la voie des nouvelles technologies, notamment par la création de
branches spécialisées par type de clientèles et non plus
seulement en fonction des technologies et par celle d'une division
multimédia.
M. Gérard Eymery
,
responsable du secteur multimédia de
France Télécom
, a ensuite présenté les
activités de cette nouvelle division. Il a tout d'abord
évoqué l'ampleur du marché potentiel que
représentait le multimédia : un marché global de
quelque 700 milliards de francs, soit 9 % du produit intérieur
brut et 5,5 % des dépenses de consommation des ménages.
Puis, il a précisé que, sur cet ensemble, chacun des secteurs qui
pouvaient intéresser France Télécom représentait de
l'ordre de quelques milliards de francs : 2,5 milliards de chiffre
d'affaires pour les 2,5 millions d'utilisateurs de micro-informatique
communicante, environ 2 milliards de francs pour le million de
ménages qui utilisent les services payants sur le câble, et
2 milliards également pour les 2 millions d'abonnés
payants à des " bouquets de programmes " offerts par
satellite.
Il a fait observer que tous les grands groupes mondiaux s'intéressaient
actuellement au multimédia, que ce soit sous l'angle de la production,
de la programmation, de la distribution ou de la réception. Il a
situé France Télécom au sein de ces évolutions, sa
place devant évoluer de la fonction d'intermédiation (celle d'un
opérateur de réseau) vers un rapprochement avec les fournisseurs
de contenu, par un partenariat de fournitures de services. Il a souligné
que cette évolution prendrait appui sur le développement du
kiosque télématique opéré depuis 1985.
Il a donc distingué les missions d'intérêt
général, relevant désormais de la maison-mère,
France Télécom, (telles que la télématique, les
annuaires et les fichiers, l'économie des réseaux
câblés et le contrôle d'accès) de ce qui relevait de
filiales, à savoir l'hébergement de services destinés soit
au grand public soit à des professionnels ainsi que la fourniture
d'accès à Internet. Il a cité les expérimentations
en cours sur l'accès à Internet par les divers moyens techniques
possibles, notamment par le câble et les réseaux satellitaires,
combinés à l'utilisation des réseaux
téléphoniques mais également des réseaux hertziens
de radiodiffusion ou de télévision.
Il a jugé primordial que le client dispose d'une panoplie d'outils
techniques lui donnant accès à Internet sans être
obligé de choisir une technique en particulier.
Puis,
MM. Gérard Moine et Gérard Eymery
ont répondu
aux questions des commissaires.
En réponse à
MM. Pierre Laffitte, président
,
Jean-Marie Rausch et Franck Sérusclat, M. Gérard Eymery
a
notamment apporté des précisions sur les lenteurs de transmission
parfois observées sur le circuit : il a souligné que le
choix de la location d'une liaison à plus ou moins fort débit
dépendait des éditeurs ; il a jugé nécessaire
que s'organise l'économie générale de ce nouveau
dispositif qu'est Internet, particulièrement afin que soient
rémunérés les prestations et le contenu en information
offerts par les fournisseurs.
Après avoir précisé que le kiosque
télématique de France Télécom
générait 9,3 milliards de francs de chiffre d'affaires,
M. Gérard Eymery
a montré comment France
Télécom s'employait à développer les services de la
télématique afin de les rendre accessibles sur Internet, en
travaillant au couplage complet entre ces services en ligne de première
(le Minitel) et de deuxième génération (Internet) une
première étape ayant été franchie grâce au
logiciel " Wanadoo ".
Répondant aux observations de
M. Pierre Laffitte,
président
, sur les conditions économiques et
financières de cette évolution,
M. Gérard Eymery
a
souligné que l'utilisation d'Internet pour des transactions,
nécessitant des relais bancaires, n'était pas encore tout
à fait opérationnel.
Il s'est déclaré confiant dans la valeur de l'expérience
issue du kiosque télématique français, qui dispose, en
termes génériques, de la même gamme de services (26.000
services en ligne) que ceux accessibles sur Internet.
M. Gérard Eymery
a ensuite tracé les orientations
actuelles, notamment la recherche de terminaux ergonomiques, simples et peu
coûteux permettant une large diffusion de ces services et des accords de
partenariats de services à l'étranger, s'appuyant sur le
réseau mondial " Global one ".
M. Gérard Eymery
a ensuite indiqué à
M. Franck Sérusclat
que les choix sur l'évolution des
micro-ordinateurs relevaient des éditeurs et des constructeurs.
Puis
M. Gérard Moine
a fait état des
expérimentations en cours, destinées notamment à cerner
les attentes du public à l'égard des nouvelles technologies.
Il a souligné que la réforme récente du centre national
d'études des télécommunications (CNET) visait notamment
à rapprocher les branches de France Télécom des
utilisateurs potentiels.
Enfin,
M. Gérard Moine
a indiqué à
M. Pierre
Laffitte
,
président,
que les opérateurs de
réseaux devaient être exonérés de toute
responsabilité à l'égard du contenu des services. Il a
aussi jugé préférable que le contrôle de
déontologie soit exercé par une autorité de
régulation existante, à la légitimité
établie, plutôt que d'en créer une nouvelle,
spécifique.
Audition de
M. Gérard THÉRY, Président de la Cité des
Sciences
M. Pierre BOURIEZ, Responsable du développement technologique
de la
Lyonnaise communications
M. Christian ROSSI, Directeur de la communication
de la Lyonnaise
communications
M. Stéphane TREPPOZ, Directeur du développement du pôle
médias
de la Compagnie Générale des Eaux (CGE)
M. Jean-Pascal TRANIE, Directeur général de la
Générale d'Images
de la Compagnie Générale des
Eaux (CGE)
Mercredi 6 novembre 1996
M. Gérard Théry
a tout d'abord
évoqué les nouveaux marchés de la communication à
haut débit et du multimédia à travers une
présentation des différents systèmes techniques.
Il a rappelé que la filière du téléphone
(numérique à très bas débit) avait
créé une dynamique de marché permettant l'émergence
du fax (qui fonctionne sur un système Numéris à haut
débit) et a estimé que cette filière était en fin
de vie, sauf pour le téléphone mobile.
Puis il a évoqué les mérites et les dangers d'Internet,
deuxième filière évoquée : il a notamment
rappelé que la structure circulaire de ce réseau mondial en
rendait les coûts indépendants de la distance. Il a
souligné qu'Internet, dans la mesure où près des
trois quarts des sites sont situés sur le territoire des
Etats-Unis, apparaissait comme un instrument d'américanisation de
l'ensemble du système de communication en voie d'apparition, observant
qu'en résulterait la promotion non seulement de la culture et des
contenus mais également des activités tertiaires
nord-américaines. Les européens et les japonais
apparaîtront en situation défensive sur des marchés
appelés à devenir marchands.
Il a ajouté que le marché d'Internet était toutefois
bridé par la faible densité d'ordinateurs personnels sur le
marché résidentiel (de sorte que le nombre d'abonnés au
Minitel dépasse largement celui des personnes connectées sur
Internet). A ceci, s'ajoute une limitation de standard qui entraîne celle
du débit, bien que la dérivation Intranet qui se développe
par ailleurs entre les postes de travail d'une même entreprise permette
de surmonter localement cette difficulté.
M. Gérard Théry
a ensuite mentionné les dangers
présentés par Internet : le risque juridique, puisque les
droits d'auteur ne sont pas protégés, la question de la
sécurisation des données, dans la mesure où le secret des
communications ne l'est pas plus, la diffusion d'informations contraires aux
lois en vigueur, notamment en matière de réseaux de pornographie,
de trafic des drogues de synthèse, de blanchiment.
M. Gérard Théry
a ensuite développé le
thème de la filière du satellite à diffusion
numérique et du câble qui en est le complément.
Il a souligné que les positions françaises étaient
satisfaisantes sur ce marché en forte expansion, à condition que
les opérateurs français s'accordent sur un standard commun. Il a
ajouté que sur cette filière, qui connaît des mouvements de
convergence avec l'informatique, la clé du succès
résiderait dans l'invention de contenus novateurs. La presse et les
acteurs régionaux et locaux ont un rôle à jouer à
cet égard.
M. Gérard Théry
a enfin insisté sur
l'intérêt présenté par la quatrième
filière, celle de la fibre optique jointe à l'Asynchronous
transfer mode (ATM), technique de communication pour les réseaux
multiservices de grand débit. Il a plaidé pour un renforcement
des investissements dans le secteur de la fibre optique. Il a donc
préconisé un remplacement progressif de la " boucle
locale " (réseau de distribution situé entre le commutateur
et l'abonné) en cuivre par de la fibre optique qui, jointe à
l'ATM, permet de traiter de très hauts débits et donc de commuter
des images vidéo.
Il a aussi jugé qu'afin de réaliser une production en
séries, seule à même d'abaisser les coûts, les
commandes devaient provenir initialement d'un donneur d'ordre qui, dans le cas
français, est essentiellement France Télécom,
opérateur dominant.
Répondant à une question de
M. Alain Joyandet, rapporteur
,
et à des observations de
M. Pierre Laffitte,
président
, il a reconnu que les possibilités de connexion au
réseau ATM étaient actuellement limitées et qu'un objectif
de 200 villes environ, puis de 2.000 à 5.000 villes devait
être visé, en utilisant au mieux les infrastructures existantes
afin de réduire les coûts de génie civil.
Répondant en outre à des questions de
M. Alain Joyandet,
rapporteur,
de
Mme Danièle Pourtaud
et de
M. Jacques
Mahéas
, il a souligné que le passage à la fibre
optique et à l'ATM pouvait constituer une réponse au monopole des
logiciels sur Internet détenu par une demi-douzaine de firmes, à
condition, comme l'a souligné
M. Pierre Laffitte
,
président
, que soient effectués les investissements dans
les logiciels correspondants. Il a également insisté d'une part
sur la nécessité d'un programme d'offre qui mobilise des contenus
variés et, d'autre part, sur la responsabilité de
l'opérateur dominant en matière d'investissements de
télécommunications, qui présentent la
caractéristique d'être à la fois collectifs (à
rentabilité différée) et productifs (très rentables
à terme).
Il a conclu son propos en appelant à une harmonisation de la
réglementation d'application de la récente loi de
réglementation des télécommunications avec l'application
des lois adoptées parallèlement en Allemagne et au
Royaume-Uni : il a en effet souligné que si les règles
applicables au service universel posaient peu de problèmes, en revanche,
celles relatives à l'interconnexion des réseaux alternatifs
risquaient, à brève échéance, d'entraîner des
distorsions de concurrence très dommageables pour les opérateurs
français par rapport à leurs principaux concurrents
européens.
La mission a ensuite procédé à l'
audition
de
M. Pierre Bouriez
,
responsable du développement
technologique de la Lyonnaise communications et de M. Christian Rossi,
directeur de la communication de la Lyonnaise communications.
M. Pierre Bouriez
a présenté l'expérience
" multicâble " de services multimédia en ligne et
d'accès à Internet à haut débit par
micro-ordinateur mise en place par la Lyonnaise communications dans le VIIe
arrondissement de Paris en octobre 1995. Cette expérience a permis de
vérifier auprès de 200 abonnés au câble que ce
type de réseau était la meilleure bretelle d'accès aux
autoroutes de l'information et de repérer les utilisateurs potentiels et
les usages les plus prisés.
La plupart des consommations enregistrées (80 à 90 %)
intéressait l'accès aux services d'Internet. Parmi les milliers
de sites visités, on a noté une préférence pour le
cinéma (accès aux programmes des salles parisiennes et
téléchargement rapide de bandes annonces), l'information
(consultation de journaux en ligne, météo), le divertissement
(musées virtuels, musique), les événements sportifs.
L'utilisation du courrier électronique a été un des autres
grands motifs de connexion à Internet et semble de plus en plus
fréquente de la part des particuliers comme de la part des entreprises.
Par ailleurs, 82 % des abonnés ont déclaré se
connecter pratiquement tous les jours, la durée moyenne de connexion
étant d'une heure quarante par jour. Les utilisateurs appartiennent
majoritairement à la tranche d'âge de 35 à 50 ans. Il
est enfin intéressant de constater que 96 % des utilisateurs ont
estimé que ce mode de connexion à Internet était
d'utilisation facile.
Abordant ensuite la configuration technique des réseaux
câblés,
M. Pierre Bouriez
a indiqué à
M. Alain Joyandet, rapporteur
, que contrairement aux réseaux
américains dont l'adaptation aux besoins de la société de
l'information nécessitait un investissement représentant 15
à 20 % de l'investissement initial, les réseaux
français étaient d'ores et déjà bidirectionnels et
parfaitement adaptés à des besoins tels que l'accès
à Internet et au fonctionnement de services utilisant des
procédés d'interactivité. Il a précisé que
le câble français était aussi adapté à la
téléphonie entre points fixes. Il a enfin noté que les
réseaux câblés permettaient à chacun d'installer
à domicile son propre serveur web pour un coût modique grâce
à l'utilisation de la connexion permanente du câble à
Internet.
M. Pierre Bouriez
a indiqué à
M. Pierre
Laffitte, président
, que ces fonctions ne posaient pas de
problème de gestion des commutations.
Il a enfin noté que l'adaptation des réseaux câblés
à l'accès à Internet nécessitait peu de travaux et
allait être généralisée sur les sites concessifs de
la Lyonnaise communications.
M. Pierre Bouriez
a ensuite abordé les problèmes
posés par l'utilisation des réseaux du plan câble pour
accéder à Internet. Ces réseaux étant
propriété de France Télécom, l'opérateur
public demande, pour autoriser leur utilisation, une redevance
représentant le triple du chiffre d'affaires qu'un
câblo-opérateur peut espérer retirer de la fonction
d'accès à Internet. En effet, France Télécom a
fixé ses exigences en tenant compte de la perspective d'un
développement de la téléphonie entre points fixes sur le
câble. Cet amalgame entre la téléphonie et les services
d'Internet va retarder de deux années la généralisation de
la connexion à Internet par le câble.
A une question de
M. Alain Joyandet, rapporteur
,
M. Pierre
Bouriez
a répondu d'une part que la poursuite du câblage du
territoire n'était pas envisageable avec le seul chiffre d'affaires
tiré des abonnements au service des télévisions et d'autre
part que le satellite apparaissait dans les zones rurales comme une meilleure
solution que le câble pour la diffusion des nouveaux services. Il a
précisé que l'accès à Internet par le satellite
était possible, le téléphone servant de voie de retour. Le
satellite permettant un accès à haut débit, le seul
véritable inconvénient de ce procédé est la
facturation à la durée en usage sur le réseau
téléphonique.
A
M. Jacques Mahéas
, il a indiqué qu'avec l'apparition
d'instruments de navigation francophones sur le web, les flux d'information
émis par les utilisateurs vont augmenter dans des proportions sensibles
avec la multiplication des " pages maison " diffusées par
les
particuliers. Il a précisé que les capacités de transport
des réseaux câblés étaient suffisantes pour faire
face à cette perspective.
M. Pierre Bouriez
a aussi indiqué à
M. Alain
Joyandet, rapporteur
, que, pour rémunérer les fournisseurs de
contenus, une solution inspirée du mode de facturation mise en place par
le système du kiosque Télétel pouvait être
imaginée. Cependant, le public ne s'intéresse actuellement
qu'à Internet où l'accès aux contenus est gratuit. Des
expériences de services multimédia payants accessibles par le
câble sont tentées avec la société Infonie. Elles ne
semblent cependant pas présenter à court terme de perspectives de
rentabilité.
M. Pierre Bouriez
a précisé au
président
Pierre Laffitte
qu'il serait possible d'entrer dans une véritable
logique économique du multimédia en lignes quand 700.000 à
un million de personnes seraient régulièrement
connectées aux réseaux.
Il a enfin indiqué à
Mme Danièle Pourtaud
que
la Lyonnaise communications, opérateur de réseau, n'entendait pas
se lancer dans la création de contenus et que son objectif était
d'attirer un nombre supplémentaire d'abonnés vers le câble
et non de tirer un profit direct de la connexion à Internet
proposée au public.
La mission a ensuite procédé à l'
audition
de
M.
Stéphane Treppoz
,
directeur du développement du pôle
médias de la Compagnie Générale des Eaux
(CGE) et de
M. Jean-Pascal Tranie
,
directeur général de la
Générale d'Images de la
CGE
.
M. Jean-Pascal Tranie
a tout d'abord indiqué que les
activités de sa direction s'articulaient autour de trois pôles :
la mise en place de réseaux câblés desservant actuellement
550.000 foyers, le développement de prestations de services,
l'activité " média " avec la mise en place de sites
expérimentaux. Il a souligné que sa société
s'attachait à exploiter les hautes capacités du câble par
le développement d'applications numériques et multimédia
accessibles aisément par la souris du micro-ordinateur, sans recours au
clavier. Il a indiqué, à titre d'exemple, que le journal
télévisé de France 3 serait ainsi disponible sur le
réseau câblé de Nice. Il a précisé que le
câble permettait aux intervenants de bénéficier de tarifs
de consultation faibles en comparaison des coûts engendrés par
l'utilisation d'une ligne téléphonique.
En réponse à
M. Pierre Laffitte, président
, il a
confirmé que l'accord du CSA n'avait pas été
sollicité pour la rediffusion sur le réseau câblé du
journal de France 3.
Interrogé par
Mme Danièle Pourtaud
, il a
précisé que cette application avait été
développée dans le cadre des expérimentations
autorisées par la " loi Fillon ".
Il a en outre estimé qu'un cadre juridique devait être
défini pour offrir des garanties suffisantes, en matière
d'éthique en particulier, mais que ce cadre devait toutefois rester
suffisamment flexible pour ne pas freiner le développement d'Internet.
M. Stéphane Treppoz
a ensuite présenté une
démonstration d'une application multimédia dénommée
Télériviera mise en service à Nice depuis le mois de
septembre 1996, accessible en souscrivant à un abonnement de 150 F par
mois. Il a indiqué que cette application offrait un accès
à Internet, à des services locaux concernant la ville de Nice,
à des jeux et à une bibliothèque de CDROM. Il a
précisé que 300 sites étaient ainsi hébergés
en tête de réseau et accessibles à haut débit.
En réponse à
Mme Danièle Pourtaud
, il a
indiqué que parmi les deux cents abonnés niçois, plus de
la moitié n'avaient jamais accédé à Internet
auparavant et qu'ils appartenaient à toutes les tranches d'âge et
à toutes les catégories professionnelles.
Interrogé par
M. Franck Sérusclat
, il a estimé
souhaitable d'abaisser le coût de l'abonnement, pour un premier niveau de
services, à 50 F ou à 80 F par mois. Il a précisé
que l'interface permettant d'accéder aux différentes applications
devrait pouvoir fonctionner sur des micro-ordinateurs peu puissants et
même, à l'avenir, sur un poste de télévision.
M. Jean-Pascal Tranie
a enfin indiqué que la CGE détenait
des sites câblés concessifs dans le Val-de-Marne, dans le Nord et
à Nice et que des négociations étaient en cours avec
France-Télécom pour permettre aux abonnés du réseau
de France-Télécom de bénéficier des services
offerts par la CGE.
Synthèse des travaux de la mission par son
Président
Mercredi 13 novembre 1996
Il a, en premier lieu, abordé les problèmes
techniques posés par l'évolution des technologies de
l'information, partant d'une synthèse des travaux menés sur ce
sujet par l'office parlementaire des choix scientifiques et technologiques.
Il a tout d'abord rappelé le fonctionnement et les performances
respectifs des modes de codage analogique et numérique, ainsi que le
passage de l'un à l'autre. Il a mis l'accent sur l'extraordinaire
progrès de l'ensemble de l'industrie informatique, qui a submergé
l'ensemble des industries de communication par la numérisation. En ceci
consiste, a-t-il estimé, la véritable nouveauté, car la
numérisation permet de communiquer, à travers le globe, textes,
images et sons à la vitesse de la lumière.
Abordant les systèmes de télécommunications,
M. Pierre Laffitte, président,
a rappelé la
différence entre les deux types de commutation : celle par laquelle
une série d'informations élémentaires est orientée
sur un circuit déterminé, et la commutation par paquets
d'informations prenant individuellement des circuits différents.
Ce dernier système présente l'avantage d'optimiser la
communication en atténuant les problèmes que pose la saturation
des circuits.
M. Pierre Laffitte, président,
a ensuite souligné la
chute des coûts unitaires des produits informatiques, liée aux
progrès considérables de cette industrie et au
développement des structures de télécommunications.
Il a aussi présenté les qualités techniques
particulières de la fibre optique qui permet d'atteindre de très
grands débits, notamment par des modes de transfert tels que
l'Asynchronus transfer mode (ATM).
La démultiplication des capacités de transport d'informations qui
en résulte est renforcée par le développement continu des
logiciels, notamment ceux destinés à la compression des
données.
A la suite de cet exposé,
M. Pierre Laffitte,
président,
en réponse à des questions de ses
collègues, a fourni des précisions sur le type de codage
impliqué par la numérisation et sur la commutation par paquets.
Il a estimé que bien que les très hautes fréquences
permettent des opérations analogues à celles des réseaux
câblés, il convenait de réserver les fréquences
hertziennes terrestres encore disponibles au téléphone mobile
à l'exception des zones dans lesquelles le coût du câblage
est excessif en raison de la faible densité de la population.
Il a en outre évoqué les solutions offertes par l'utilisation des
systèmes hertziens satellitaires. Il a fait le point sur le
système ATM, qui permet d'optimiser l'utilisation des réseaux
mais dont l'implantation demeure encore rare. Il a également reconnu que
de nombreux problèmes de compatibilité entre équipements
se posaient encore, malgré les progrès de la normalisation, ce
qui renforce le rôle de l'industrie des logiciels destinés
à l'interconnexion de systèmes différents.
M. Pierre Laffitte, président,
a conclu cet exposé en
soulignant que les effets conjugués de la chute des coûts des
nouveaux matériels de communication, des possibilités
d'accès universel aux savoirs qu'elle offre, de la mondialisation de
l'économie, de la dérégulation et du renforcement de la
concurrence entraînaient une véritable révolution dont il a
rappelé les répercussions.
M. Pierre Laffitte, président,
a principalement
évoqué à cet égard les perspectives offertes par le
télétravail, ainsi que les nouveaux services, qui ouvrent la voie
à de nouveaux emplois, et l'évolution de la structure interne des
entreprises. Il a, sur ce dernier point, cité plusieurs exemples
d'entreprises américaines et allemandes où la totalité de
l'information disponible est mise en réseau interne (système
" Intranet ").
Evoquant la décision prise récemment par deux puissantes firmes
de logiciels de partager leur information, il a souligné que l'usage
quotidien du même réseau d'information équivalait à
une fusion des deux entreprises.
Puis, il a montré comment les nouvelles technologies permettaient
à deux entreprises de petite taille de fonctionner en commun comme une
entreprise unique, sur un appel d'offres déterminé, et a
regretté le retard de la France à l'égard de ces pratiques
nouvelles.
M. Pierre Laffitte, président,
a estimé que cette
évolution transformait non seulement les relations du travail et les
systèmes hiérarchiques mais affectait également les
relations entre les pouvoirs publics et les administrés. Il a
noté, qu'à l'heure actuelle, les collectivités locales
étaient plus aptes que les administrations centrales à
répondre aux attentes des citoyens en matière de transparence et
d'information.
M. Jacques Mahéas
, ayant signalé les risques de
déshumanisation et de surinformation,
M. Pierre Laffitte,
président,
a évoqué le développement de
nouveaux métiers liés à la sélection des
informations en fonction des publics visés. Il a jugé
nécessaire que s'organise une cohérence sociale qui tienne compte
de cette nouvelle donne, sachant que, depuis son origine, Internet fonctionne
à la plus grande satisfaction de ses utilisateurs. L'essentiel, a-t-il
estimé, est de veiller à ce que les opérations
illégales ne soient pas plus aisées sur Internet que sur d'autres
moyens de communication.
Un débat s'est alors engagé sur les moyens de prévenir les
dérives observées sur Internet.
M. Alex Türk, rapporteur,
a estimé que la
responsabilité du fournisseur d'accès à Internet
était davantage susceptible d'être engagée que celle du
fournisseur d'accès au réseau téléphonique.
Il a indiqué la nécessité de parvenir à des accords
internationaux définissant un cadre juridique commun pour régir
le fonctionnement d'Internet mais a exprimé sa crainte que les
Etats-Unis ne freinent toute initiative de nature à gêner le
développement de ce réseau.
En réponse à M. Jacques Mahéas l'interrogeant sur le
problème des contenus illégaux,
M. Pierre Laffitte,
président,
a indiqué que, techniquement, leur repérage
sur le réseau était possible mais que, bien souvent, les messages
au contenu illicite étaient codés par leurs auteurs.
Il a estimé que la prise de conscience de la nécessité de
se doter de moyens de contrôle efficaces n'était pas suffisante en
France et a considéré qu'il faudrait mettre en place un
observatoire du réseau, une structure de veille, tout en
développant les actions de concertation au niveau international. Il a
indiqué que la structure actuelle de gestion d'Internet, l'Internet
Society, était favorable à une liberté absolue et qu'il
serait nécessaire de promouvoir une conception européenne tendant
à imposer des limites à cette liberté.
M. Franck Sérusclat
a estimé que l'exercice du droit de
réponse suffisait parfois à juguler une dérive et que la
censure n'était pas toujours le meilleur moyen d'y parvenir. Il a
marqué sa préférence pour la formation de l'individu et du
citoyen.
M. Alex Türk, rapporteur,
a souligné que les
caractéristiques du réseau Internet pouvaient favoriser les
dérives et a considéré nécessaire de
réfléchir aux moyens de transposer à Internet le cadre
juridique applicable à la presse.
M. Pierre Laffitte, président,
en conclusion, a indiqué
que, de son point de vue, les services qui connaîtraient le plus fort
développement sur Internet seraient ceux relatifs à
l'éducation, à la santé et aux relations entre
l'administration et les administrés. Il a précisé qu'aux
Etats-Unis les services de " télévision à la
demande " et de téléachat s'étaient
révélés peu rentables.
Audition de
M. Pierre FAURE,
Adjoint au Directeur informatique
DASSAULT-AVIATION
Mercredi 20 novembre 1997
M. Pierre Faure
a exprimé sa conviction que le
vingtième siècle sera l'ère de l'information et que seuls
les pays et les entreprises possédant une maîtrise complète
des technologies de l'information seront en position d'innover, de
conquérir de nouveaux marchés et de créer de nouveaux
emplois. Or l'Europe et la France accusent un retard sensible dans ce domaine.
Seule une véritable révolution culturelle dans le monde de
l'entreprise, spécialement chez les dirigeants, dans le système
éducatif et dans les foyers nous permettra de gagner la guère
économique qui s'annonce.
C'est afin de contribuer au lancement de cette dynamique que l'AFUU organise en
janvier prochain un colloque dont M. Pierre Faure a détaillé les
objectifs, les thèmes envisagés, les partenariats obtenus, les
publics visés, les intervenants pressentis.
Un échange de vues s'est ensuite engagé avec les membres de la
mission.
A une question du président sur le changement des structures de pouvoirs
au sein des entreprises consécutif à l'utilisation des
systèmes d'information ouverts,
M. Pierre Faure
a répondu
qu'il s'agissait en effet d'un problème essentiel, le pouvoir
étant lié à la détention de l'information,
désormais beaucoup plus partagée.
A une question du président sur l'expérience de Dassault-Aviation
en termes de système d'information interne ainsi que sur les
modifications de structure et sur les évolutions de rentabilité
constatées, il a répondu que la substitution des technologies
d'Internet à l'informatique " client-serveur " permettait une
réduction importante des coûts de développement des
produits, l'accès gratuit aux technologies des logiciels, et
l'installation de " postes clients " légers. Il a aussi insisté
sur les conséquences de l'utilisation des messageries
électroniques sur le travail des dirigeants d'entreprise et sur la
difficulté des chefs d'entreprise français à s'adapter
à cette nouvelle logique.
Il a ensuite précisé au
président Pierre Laffitte
qui demandait où en était la mise en place d'un nouveau
système de communication interne chez Dassault-Aviation qu'une migration
vers l'ensemble de technologies ouvertes était en cours.
Il a ensuite estimé que les sociétés françaises de
services en ingénierie informatique qui n'évolueraient pas vers
ces technologies disparaîtraient à terme et a évoqué
la conversion du PMU et de la Redoute aux technologies Internet.
A une remarque du
président Pierre Laffitte
sur l'absence
d'évolution du Minitel,
M. Pierre Faure
a répondu qu'aucun
offreur français de services télématiques ne pourrait
concurrencer les opérateurs américains et britanniques lors de
l'ouverture du marché en 1998 et qu'il n'avait pas, jusqu'à
présent, constaté une migration des prestataires français
de services vers le Web.
Il a enfin admis, avec
M. Alain Joyandet
, rapporteur, la
nécessité d'une démarche très pédagogique
pour faciliter la prise de conscience de ces problèmes par les chefs
d'entreprise et par le monde politique.
Audition de
M. Jean-Pierre MACHART,
Directeur
EUROTÉLÉPORT
Mercredi 27 novembre 1996
M. Jean-Pierre Machart
a tout d'abord observé
que le débat politique, en France, avait concerné les
infrastructures de télécommunications avant d'intégrer le
concept d'autoroutes de l'information, apparu beaucoup plus tôt aux
Etats-Unis. Il a rappelé que lors de l'élaboration du plan
câble, les préoccupations s'étaient portées
essentiellement sur la question des infrastructures et non sur le
problème des contenus.
Présentant la genèse de la création du
téléport de Roubaix,
M. Jean-Pierre Machart
a
indiqué qu'il s'agissait d'une initiative du sénateur
André Diligent, soucieux de réhabiliter une usine située
en centre ville et de promouvoir une activité de substitution à
l'industrie textile en déclin. Il a observé que le projet initial
était centré sur le développement de la
télévision de proximité puis qu'il avait
évolué vers les télécommunications, France Telecom
ayant proposé la création d'une zone de
télécommunications avancées (ZTA). Il a indiqué
que, ce projet n'ayant pas atteint les objectifs fixés, un projet
concurrent avait été élaboré, avec la
création d'une société d'économie mixte rassemblant
les collectivités locales concernées et des acteurs
privés. Il a souligné que, dans le cadre de ce nouveau projet, la
communauté urbaine de Lille avait été
équipée en fourreaux de câblage et que les bâtiments
municipaux de la ville de Roubaix avaient été câblés
ce qui lui avait permis de réaliser une économie de
500.000 F par an sur les coûts de télécommunications.
M. Jean-Pierre Machart
a indiqué qu'à la suite de
l'appel à proposition lancé par le Gouvernement, la
société avait obtenu une licence expérimentale
d'opérateur local lui permettant d'intervenir dans le domaine de la
téléphonie publique. Il a rappelé que le projet, d'un
coût de 150 millions de francs, devait être financé
pour moitié par une subvention européenne du FEDER et, pour
l'autre moitié, à parts égales, par
Eurotéléport, le conseil général, le conseil
régional et la communauté urbaine de Lille.
France Telecom ayant fait valoir que la candidature de Lille aux Jeux
olympiques nécessitait la mise en place d'un véritable
téléport et non d'un simple site expérimental,
M. Jean-Pierre Machart
a indiqué que les responsables
politiques locaux avaient décidé de renoncer au projet pour
laisser jouer l'initiative privée, le fond de commerce
d'Eurotéléport étant cédé à
l'opérateur belge, Belgacom, pour la somme de 20 millions de
francs. Il a précisé qu'une société anonyme au
capital de 150 millions de francs avait ainsi été
constituée proposant un accès à Internet par le
câble complété par une offre satellitaire.
M. Jean-Pierre Machart
a souligné les avantages de ce choix en
matière de coopération transfrontalière et de
développement local.
Il a apporté des précisions sur la tarification pratiquée
et précisé que l'architecture du réseau mis en place
était configurée pour une offre Asynchronus Transmission Mode
(ATM) à venir. Ce service serait activé, notamment, en fonction
des demandes de la communauté hospitalière. Il a estimé
que le développement de l'offre multimédia sur fibre optique
dépendait principalement de la politique tarifaire.
M. Jean-Pierre Machart
, ayant évoqué les limites du
réseau RENATER destiné aux universités,
M. René
Trégouët
a fait observer que ce réseau devrait se
transformer en un réseau Intranet, accessible à tous les
opérateurs.
En réponse à une question de
M. Pierre Laffitte,
président, M. Jean-Pierre Machart
a précisé que
le chiffre d'affaires d'Eurotéléport était d'un million
deux cent mille francs par mois, l'objectif visé à un
horizon de cinq ans étant d'atteindre 300 millions de francs par
an. Il a également donné des précisions sur la
répartition du capital, et annoncé que des investisseurs
étrangers envisageaient de développer dans une autre
région française un projet similaire à celui dont il avait
la charge.
Répondant à des questions
de MM. Pierre Laffitte,
président, et René Trégouët
sur les services
offerts aux collectivités locales,
M. Jean-Pierre Machart
a
cité notamment la mise en place d'un cyberespace, financé par la
ville de Roubaix. Il a suggéré que la communication de fiches
d'état civil ou de plans de cadastre empruntent cette voie. Il a
insisté sur la nécessité d'ouvrir au public, notamment
scolaire, des services ayant une vitesse et un débit suffisants pour
mettre en valeur les potentialités techniques.
M. Jean-Pierre Machart
ayant précisé que si le fonds de
commerce d'Eurotéléport avait été
transféré entièrement à Belgacom, la
société d'économie mixte qui le détenait au
préalable avait été maintenue,
M. Pierre Laffitte,
président
, a souhaité qu'une telle structure permette de
développer des expérimentations sur les mises en réseau,
d'une part, ainsi qu'une réflexion sur les contenus, d'autre part. Il a
rappelé le souhait que les municipalités et les
collectivités locales s'engagent, autant que les milieux
économiques, dans l'utilisation de ces réseaux dans le cadre
d'une démocratie participative.
Faisant un bilan de l'expérience menée par
Eurotéléport,
M. Jean-Pierre Machart
a
souligné le décalage existant entre le rythme d'évolution
des nouvelles technologies de l'information et celui de la décision
politique ou administrative. Il a également évoqué les
réticences observées actuellement dans les administrations,
habituées à une logique de système centralisé,
à l'égard de la mutualisation de l'information que suppose un
réseau Intranet.
En réponse aux questions posées par
Mme Danièle
Pourtaud, M. Alex Türk et M. Pierre Laffitte, président,
M. Jean-Pierre Machart
a apporté des précisions :
- concernant la licence expérimentale attribuée à
Eurotéléport, en application de la loi du 10 avril 1996 sur
les expérimentations en matière de technologies et services de
l'information ;
- sur les conventions d'usage et les conventions d'échange conclues avec
les autorités concédantes, offrant notamment des mises à
disposition de capacité contre un accès au domaine public pour
réaliser des travaux ;
- sur les méthodes de tarification diversifiées pratiquées
par Eurotéléport, permettant, par exemple, de fournir deux lignes
téléphoniques pour tout service de téléphone
installé et d'offrir la gratuité de la téléphonie
locale après 20 heures ;
- sur les accords entre Eurotéléport et les autres grands
opérateurs de réseau, notamment en matière
d'interconnexion.
Il a conclu en insistant sur le fait que le contrôle de la " boucle
locale " étant la clé de l'investissement en matière
de nouvelles technologies de l'information, cet objectif commandait certains
aspects de la politique commerciale et tarifaire de l'entreprise.
Audition de
Mme Louise CADOUX,
Vice-président délégué
COMMISSION NATIONALE DE L'INFORMATIQUE
ET DES LIBERTÉS
(CNIL)
Mercredi 4 décembre 1996
Mme Louise Cadoux
a présenté dans un
premier temps un panorama de l'évolution de la société de
l'information. Des logiciels puissants associés à la saisie des
données, opérée elle-même selon des techniques de
plus en plus diverses, vont permettre l'enrichissement très
considérable des contenus. La notion d'architecture distribuée
donnera par ailleurs un rôle accru aux utilisateurs dans la distribution
de l'information, pendant que les progrès des logiciels intelligents
faciliteront la recherche et l'exploitation de la connaissance dans
d'énormes bases de données.
Ces progrès permettront des innovations importantes dans le domaine du
marketing, de la banque, de l'assurance, de la santé et dans celui des
applications sociales. On peut aussi prévoir le développement de
logiciels de travail en groupe et de logiciels de surveillance des individus
qui, compte tenu de la diversification des capteurs de données
(caméras, global positioning system (GPS), balises de toutes
espèces, cartes magnétiques généralisées),
vont enrichir l'information numérique. L'interopérabilité
croissante des systèmes renforcera ce processus.
Mme Louise Cadoux
a ensuite estimé que cette
évolution suscitait des risques sur trois plans : la pornographie
et la protection des mineurs, les incitations à la haine raciale, la
protection de la vie privée.
En dépit de la possibilité technique de retracer les chemins
parcourus par l'information, les délinquants profiteront du large
anonymat des échanges sur les réseaux. En outre,
l'internationalisation des systèmes de communication et la possible
apparition de " paradis informatiques " va largement déjouer
l'application des législations nationales réprimant la diffusion
de contenus illégaux.
Il est donc nécessaire de mettre en place un dispositif international
permettant d'encadrer l'utilisation des réseaux. Il semble cependant que
l'opposition à une démarche contraignante manifestée par
certains états, dont les Etats-Unis, constitue un obstacle majeur
à des progrès significatifs.
Par ailleurs, les organisations internationales susceptibles d'évoquer
ces problèmes n'émettent pas de règles à valeur
juridique contraignante. Seule l'Union européenne a la capacité
de réglementer la matière en adoptant des directives.
M. François Fillon, ministre délégué à
La Poste, aux télécommunications et à l'espace, a
cependant demandé à l'Organisation de coopération et de
développement économiques (OCDE) d'étudier la
possibilité de réguler le fonctionnement d'Internet.
En ce qui concerne les problèmes posés par la protection de la
vie privée,
Mme Louise Cadoux
a mentionné
spécialement le probable développement d'un système de
santé empruntant les instruments de la société de
l'information afin de permettre l'amélioration des soins et la
diminution des coûts. Des données confidentielles seront ainsi
diffusées sur les réseaux avec des risques de piratage.
Elle a aussi indiqué que le problème de l'interconnexion des
fichiers administratifs, qui a été à l'origine de la
création de la CNIL, sera posé à nouveau prochainement.
Le problème de la réglementation des contenus amènera par
ailleurs à examiner le statut de l'image fictive et des effets
spéciaux, dont le développement peut poser problème.
A une question de
M. Alex Türk, rapporteur,
sur la recherche
des responsabilités juridiques,
Mme Louise Cadoux
a ensuite
répondu qu'il serait opportun de rapprocher la responsabilité
juridique de la compétence technique.
A une question de
M. Franck Sérusclat
sur les leçons
à tirer de l'expérience de la CNIL en ce qui concerne le
fonctionnement d'Internet, et à une remarque du
président
Pierre Laffitte
sur les progrès de l'idée d'un contrôle
des contenus chez les utilisateurs américains d'Internet, elle a
répondu que le Gouvernement américain restait opposé
à l'édiction de règles de conduite en se fondant sur le
premier amendement de la constitution américaine.
Enfin,
M. Jacques Mahéas
a évoqué le
rôle de l'école en matière de formation
déontologique et l'utilité d'élaborer un code
international de l'information.
Audition de
M. Roland FAURE,
Membre du conseil supérieur de l'audiovisuel
(CSA)
Président du Club Digital Audio Broadcasting (DAB)
M. Claude WARGNIER,
Directeur technique à Europe
1
Vice-président du club DAB
M. Alain STARON, Directeur des nouveaux services de TPS
Mercredi 18 décembre 1996
Après avoir brossé un bref historique de la
radiodiffusion,
M. Roland Faure
a indiqué qu'une
réflexion était actuellement menée pour adapter la radio
aux nouvelles technologies et que des expérimentations étaient en
cours en matière de Radio Data System (RDS) et d'isofréquence. Il
a rappelé que pour promouvoir le développement de la radio
numérique, DAB France avait été créé en
1991, réunissant les opérateurs de radiodiffusion, les
industriels tels que Thomson et Philips, TDF et des représentants du
CSA. Il a souligné que le club DAB fonctionnait sans subvention
publique, grâce aux seules cotisations.
M. Roland Faure
a indiqué que pour le développement
de la radio numérique, une bande de fréquence de
1,5 gigahertz, dite bande L, avait été attribuée
à la France. Il a observé que le DAB offrait deux
avantages : un son d'une qualité optimale grâce aux
techniques de compression et de codage d'une part, la possibilité
d'assortir les récepteurs numériques d'écrans affichant
des images, d'autre part. Il a illustré ses propos par l'exemple de
Matra en matière de service inforoute. Il a estimé
nécessaire la mise en oeuvre d'une expérimentation grand public
avant la commercialisation des récepteurs numériques dont le prix
varie aujourd'hui de 18.000 F à 24.000 F. Il a observé
que cinq Länder allemands avaient d'ores et déjà
contribué au financement de telles expérimentations et que 6.000
récepteurs numériques y étaient en service, l'objectif
s'élevant à 25.000. Il a, en outre, souligné l'importance
de l'enjeu commercial avec, en particulier, l'ouverture du marché
chinois.
En réponse à
M. Alex Türk, rapporteur
,
M. Roland Faure
a indiqué qu'à la différence
de la France, les pouvoirs publics allemands avaient fait le choix de
contribuer à la promotion de la radio numérique et que
Deutschtelecom avait été associé aux
expérimentations réalisées. Il a en outre observé
que les Japonais projetaient de commercialiser en 1997 un récepteur DAB
sans écran au prix unitaire de 3.000 F.
M. Pierre Laffitte, président
, a précisé que
l'implication des pouvoirs publics en Allemagne pouvait s'expliquer par la
répartition des compétences entre les Länder et l'Etat
fédéral, la culture constituant une attribution régionale.
En réponse à M. Pierre Laffitte, président, et
M. Alex Türk, rapporteur,
M. Claude Wargnier
a
indiqué que l'Internet se caractérisait par
l'interactivité et que le DAB permettait d'accéder à des
services sans coût de liaison. Il a observé que, comme sur
l'Internet, les utilisateurs pourraient accéder à des banques de
données de sons et d'images, avec l'avantage de pouvoir instaurer des
systèmes d'alerte. Il a précisé que le DAB concernait en
priorité les récepteurs mobiles et que les quelque dix millions
d'auditeurs potentiels de l'Ile-de-France en bénéficieraient pour
un coût global annuel de 250.000 F, à la charge de
l'émetteur.
Répondant à
M. Pierre Laffitte, président
,
M. Claude Wargnier
a indiqué que, d'une part, le système GSM
offrait aux utilisateurs une voie de retour et que, d'autre part, d'ici l'an
2000, les récepteurs numériques auraient la capacité de
recevoir aussi bien la diffusion terrestre que la diffusion satellitaire, pour
une couverture de l'ensemble du territoire.
M. Roland Faure
a
confirmé qu'actuellement seule l'Ile-de-France bénéficiait
de la diffusion terrestre DAB et qu'aucun autre secteur géographique
susceptible d'être desservi n'avait été
déterminé.
M. Claude Wargnier
a observé que cette nouvelle technologie
ouvrirait aux PME un marché publicitaire important. Concernant la
publicité,
M. Roland Faure
a précisé que le
CSA, lors de la délibération sur la convention entre les
opérateurs radio et l'Etat, avait décidé d'appliquer la
réglementation en vigueur en matière de programmes radiophoniques.
En réponse à
M. Jean-Paul Hugot, M. Roland Faure
a indiqué que dans le cadre de l'expérimentation en cours, quinze
autorisations avaient été accordées par le CSA et que cinq
canaux restaient encore disponibles.
Puis, la mission a entendu
M. Alain Staron, directeur des nouveaux services
de TPS (Télévision par satellite).
M. Alain Staron
a évoqué les trois aspects
complémentaires de l'économie du secteur audiovisuel.
Il y a d'abord les moyens de diffusion de l'information : le satellite, le
câble, le réseau hertzien terrestre. Le coût du transport de
l'information les différencie fortement dans la mesure où
l'utilisation du câble a un prix dix fois plus élevé que
celle du hertzien terrestre qui revient elle-même dix fois plus cher que
le satellite. Le câble ne peut en fait être économiquement
attractif que dans les zones urbaines. Quant à la diffusion hertzienne
terrestre, ses capacités de transport d'informations sont
limitées. On ne peut guère envisager la diffusion, par ce
vecteur, de plus d'une demi douzaine de programmes de télévision
sauf à faire le choix de la diffusion par micro-ondes, qui pose d'autres
problèmes.
C'est ainsi que la diffusion satellitaire, qui permet de toucher
d'emblée l'ensemble du territoire, apparaît comme une solution
économiquement intéressante. Elle équivaut d'ailleurs dans
une certaine mesure à un transfert du coût de diffusion sur le
consommateur qui doit s'équiper d'une parabole d'environ
10.000 francs alors que le coût de l'antenne râteau
utilisée en diffusion hertzienne terrestre est d'environ 100 francs.
Le second aspect de l'économie de l'audiovisuel est la normalisation.
M. Alain Staron
a souligné qu'elle permet la production en
très grande série et la baisse des coûts des
équipements, indispensable au lancement de nouveaux marchés.
Le troisième aspect abordé par
M. Alain Staron
est le
problème des contenus. Il a souligné que les
procédés numériques de diffusion de l'information
ouvraient de nouveaux champs à l'économie de l'audiovisuel en
permettant, dans un premier temps, la démultiplication des programmes
diffusés et, dans un second temps, le passage d'une logique
traditionnelle de diffusion télévisuelle " point à
multipoints " à une logique de communication " point à
point " utilisant des procédés d'interactivité.
Il a estimé que l'augmentation quantitative des programmes traditionnels
(chaînes généralistes ou chaînes thématiques)
présentait des perspectives limitées sur le plan
économique, notant que l'équilibre financier des chaînes
thématiques existantes était d'ores et déjà
précaire compte tenu de l'étroitesse du marché francophone.
Le développement de services " point à point "
utilisant les procédés du paiement à la demande
présente des perspectives plus intéressantes. A l'origine, les
câblo-opérateurs américains, menacés par l'irruption
du bouquet satellitaire de Direct TV sur le marché américain, ont
envisagé la commercialisation de services à la demande pour
rendre au câble un avantage concurrentiel sur le satellite, dont le
coût de diffusion est beaucoup moins élevé. Les
expérimentations mises en place ont cependant démontré que
l'adaptation des réseaux câblés à cette nouvelle
offre serait trop coûteuse par rapport aux recettes probables de la
télévision à la demande. Le satellite conserve son
avantage concurrentiel sur le câble dans la mesure où les nouveaux
services seront " presqu'à la demande ", secteur sur lequel
la
diffusion satellitaire est aussi efficace que le câble.
L'avenir semble donc appartenir aux services et programmes " presque
à la demande " qui mettent à la disposition du public une
offre limitée, périodiquement renouvelée, chaque
consommation effective donnant lieu à paiement grâce à
l'apparition de " porte-monnaies électroniques " dont on
prévoit à terme l'implantation dans la totalité des foyers
grâce à la diminution des coûts de production.
M. Alain Staron
a ensuite estimé qu'il y avait largement place
pour deux bouquets satellitaires sur le marché français compte
tenu de l'arrêt du câblage et de l'intérêt
constaté dans les zones câblées pour une offre de
programmes accessible par abonnement.
Il a noté qu'avec un parc de 700.000 abonnés au moins à
son bouquet, TPS pouvait espérer développer à terme des
services de paiement à la demande rentables. L'expérience du
Minitel montre en effet que sur mille personnes informées de l'existence
d'un serveur, une se connectait effectivement. Ce ratio paraît applicable
aux services de paiement à la demande dont les programmes accessibles
par abonnement feraient la promotion.
M. Alain Staron
a estimé à nouveau que ces services
seraient le véritable vecteur du développement du secteur de
l'information, contrairement à Internet, dont l'avenir économique
et commercial est limité par le coût de l'ordinateur
domestique ; le taux d'équipement des ménages paraît
en effet atteindre un plafond aux Etats-Unis.
En réponse à une question de
M. Alex Türk,
rapporteur
, il a indiqué que non seulement TPS allait offrir
à ses abonnés un accès rapide à Internet par le
satellite, mais aussi que la société allait peu à peu
intégrer à son offre les services les plus attractifs d'Internet.
A une question de
M. Jean-Paul Hugot
, il a ensuite répondu que
l'on cherchait actuellement à adapter Internet au grand public en
simplifiant le fonctionnement et en diminuant le prix des terminaux et que la
diversification de TPS vers les services de paiement à la demande
interviendrait à une échéance encore imprécise
compte tenu de la nécessité d'évaluer au préalable
l'intérêt du consommateur pour ce type de service. Actuellement,
l'offre de TPS se limite à un certain nombre de chaînes
thématiques auxquelles sont associés quatre services
interactifs : un guide des programmes, une information sur la
météo, une page automobile et une aide à la prise à
domicile de paris hippiques.
A terme, l'accès aux services à la demande sera possible sans
passer par l'abonnement au bouquet satellitaire, grâce à la
location d'un terminal pour un coût évalué à
33 francs par mois.
Audition de
Mme Clara DANON, sous-directeur des technologies nouvelles
M. Alain ELIE,
chef du bureau pour l'enseignement scolaire
Mme Françoise THIBAULT,
chargée de mission à l'enseignement supérieur,
à
la direction de l'information scientifique, des technologies et des
bibliothèques du ministère de l'Education nationale, de
l'enseignement supérieur et de la recherche
Mercredi 29 janvier 1997
M. Pierre Laffitte, président
, a souhaité
connaître la conception du ministère de l'Education nationale sur
l'entrée dans la société de l'information. Il a
estimé en effet indispensable l'implication de ce ministère dans
ce dossier et manifesté son inquiétude sur le retard pris par la
France en ce domaine, selon le critère du nombre comparé de
connexions sur des sites Web en France et en Allemagne, et en fonction de la
proportion de sites en français par rapport à ceux en anglais ou
en allemand.
Mme Clara Danon
a déclaré que le ministère
était conscient des enjeux rappelés par M. Pierre Laffitte,
président, à savoir : l'identité culturelle de la France
et de la francophonie, la dynamique économique et sociale du secteur des
nouvelles technologies, ainsi que les créations d'emplois liées.
Elle a souligné la récente accélération des
préoccupations, tout en rappelant que la gestion de ce dossier
dépendait non seulement du ministère mais également de ses
partenaires, parmi lesquels les collectivités locales.
Tout en estimant que le critère du nombre de connexions devait
être complété par ceux, plus qualitatifs, de la pratique
pédagogique et des matériels utilisés, Mme Clara Danon a
exposé les différentes orientations de l'action du
ministère qui font l'objet, pour ce qui est de l'enseignement scolaire,
d'une note d'orientation adressée aux recteurs concernant :
- les utilisations pédagogiques des outils fournis par les nouvelles
technologies,
- la formation des enseignants,
- les produits multimédia en tant que ressources pédagogiques,
- la progression de l'installation d'équipements et de la mise en
réseau.
Mme Clara Danon
a estimé qu'une proportion non négligeable
des enseignants manifestaient leur intérêt pour les nouvelles
technologies, comme en témoignent les nombreuses demandes de stages de
formation, et que les instituts universitaires de formation des maîtres
(IUFM) accordaient une place notable à ces outils.
Elle a souligné le rôle déterminant du niveau administratif
de l'académie dans le développement de la pratique
pédagogique utilisant les nouvelles technologies, et
évoqué par ailleurs le rôle du ministère non
seulement en matière de validation de produits pédagogiques mais
également de soutien à leur production et à leur diffusion.
Concernant l'enseignement supérieur,
Mme Françoise
Thibault
a souligné que les nouvelles technologies, couramment
utilisées dans la recherche depuis des années, le sont en
revanche trop peu dans l'enseignement. Toutefois les avantages
présentés par la souplesse de ces outils, en particulier pour la
formation autonome des étudiants, a-t-elle poursuivi, conduisent le
ministère à inciter les universités à mettre en
place des espaces de " libre service " informatique destinés
aux étudiants et à développer l'enseignement à
distance.
Elle a souligné que la création récente au sein du
ministère d'une direction de l'information scientifique, des
technologies nouvelles et des bibliothèques, témoignait de la
volonté d'organiser cette évolution.
A une question de
M. Pierre Laffitte, président,
sur le nombre de
sites connectés,
M. Alain Elie
a précisé que plus
de mille établissements étaient connectés, dans les 13
académies participant à l'opération de mise en
réseau lancée par le ministère en 1994, mais que
l'objectif était de faire entrer les 30 académies dans le
dispositif. Il a valorisé l'effet d'entraînement d'une mise en
place d'un service intranet au niveau académique. De ce point de vue, il
a reconnu que des négociations étaient encore en cours en
matière de coûts de communication, dans le but d'obtenir un
débit acceptable, au coût d'une communication locale, en attendant
une forfaitisation.
A ce propos,
M. Pierre Laffitte, président
et
M. René
Trégouët
ont rappelé les facilités
récemment accordées aux établissements d'enseignement en
matière d'accès préférentiel, grâce à
l'amendement voté dans le cadre de la récente réforme des
télécommunications.
Puis,
M. René Trégouët
a évoqué
l'avenir de la chaîne de télévision éducative la
Cinquième créée en 1993 : il a manifesté son entier
soutien à la création d'une banque nationale de programmes
multimédia destinée notamment à régler le
problème du paiement des droits sur les programmes éducatifs.
M. Pierre Laffitte, président
, partageant ce point de vue, a
insisté sur la prise en compte de la formation continue dans cette
opération. Il a préconisé en outre des décharges
d'heures de cours pour les enseignants qui travaillent à la fabrication
de ces programmes et évoqué le modèle du réseau Net
Uno en Italie, auquel participent les meilleures universités. Il a
valorisé l'enrichissement du métier d'enseignement
qu'entraîne ce type d'activité.
Mme Françoise Thibault
a répondu en faisant état
des contacts pris avec La Cinquième afin de financer une partie de
cette opération.
Elle a précisé à
Mme Danièle Pourtaud
que
800 heures de programmes avaient été réalisées par
les centres universitaires.
En réponse à des observations de
M. Pierre Laffitte,
président
, et de
M. René Trégouët
,
Mme
Clara Danon
a confirmé la volonté du ministère
d'orienter et de coordonner les différentes actions menées au
moyen de textes de cadrage généraux.
M. Alain Elie
a par ailleurs évoqué le projet
" Educasource " de recensement des ressources d'information
numérisées ou pouvant l'être en vue de la constitution de
répertoires de données destinés aux enseignants. Il a en
outre mentionné les modifications en profondeur des comportements
pédagogiques entraînés par le travail en commun au moyen
des nouvelles technologies.
En réponse aux demandes de précisions formulées par
Mme Danièle Pourtaud
, il a été indiqué
que le nombre global de postes informatiques dans les établissements
d'enseignement primaire et secondaire s'élevait à environ
500.000, parmi lesquels 180.000 postes multimédia.
La disparité des niveaux d'équipement selon les
départements, la dispersion des établissements ainsi que
l'intérêt manifesté par les équipes
pédagogiques, a toutefois été reconnue, la proportion
moyenne s'établissant à un micro-ordinateur pour 28
élèves. De ce point de vue, la place de l'informatique parmi les
matières obligatoires dans l'enseignement technologique joue un
rôle moteur, a-t-il été souligné.
M. Pierre
Laffitte, président
, a suggéré, dans le but de
développer l'usage des nouvelles technologies au sein d'un public
scolaire élargi, l'institution d'une forme de " service volontaire
de formation à la télématique ". Des formules
alternatives à l'installation de micro-ordinateurs ont également
été évoquées, parmi lesquelles l'expérience,
menée auprès de classes de collège, de l'utilisation
d'ordinateurs portables.
En réponse à des questions de
M. Pierre Laffitte,
président
, sur le budget consacré à ces actions,
Mme Clara Danon
a précisé que l'essentiel du budget (en
matière d'enseignement primaire et secondaire) concernait l'aide
à la production et à la diffusion des produits, selon le
système de l'aide à la licence mixte, pour un montant d'environ
20 millions de francs en 1996.
Le nombre de produits informatiques achetés (logiciel ou bases de
données) en 1996 a été estimé à environ
100.000, pour un coût individuel d'environ mille francs. Par ailleurs, le
chapitre d'investissement, au titre V du budget du ministère,
spécifiquement consacré à la micro-informatique et
à l'équipement en matière de technologies nouvelles
s'élevait, en 1996, à environ 350 millions de francs, et a
donné lieu à un nombre élevé de contrats
Etat-région (d'où un équipement plus poussé des
lycées en comparaison des collèges).
Concernant l'enseignement supérieur, il a été
indiqué que les contrats des universités pour la production
d'outils pédagogiques sur les nouvelles technologies s'élevait,
en 1995, à 71 millions de francs, auxquels s'ajoute notamment le
budget réservé à l'enseignement à distance des
universités.
Audition de
M. Jean-Marie RAUSCH,
Sénateur
Mardi 18 février 1997
M. Jean-Marie Rausch
a tout d'abord souligné
l'importance du thème des communications dans la ville. En tant que
maire de grande ville, il a fait part de l'importance du lien existant entre
l'évolution de la société et l'évolution de la
ville. Il a constaté qu'après le passage de la
société agricole à la société industrielle,
la France connaissait le passage de la société industrielle
à la société de la communication. A cet égard, il a
considéré que les grandes villes ne pouvaient se
désintéresser du développement des formes
immatérielles de la richesse et que de la même façon dont
elles s'étaient préoccupées du développement des
infrastructures routières et aéroportuaires, elles devaient
favoriser l'essor du "transport de l'information".
Considérant que parmi les principales préoccupations des maires
de grandes villes figurait le développement économique,
M.
Jean-Marie Rausch
a souligné la forte responsabilité des
élus locaux dans la promotion des nouvelles technologies de
l'information. Il a indiqué que de nombreuses activités avaient
un grand besoin de moyens de liaisons rapides autorisant la transmission
d'informations de plus en plus denses, les villes devant, par
conséquent, se "placer" sur ces nouveaux axes de communication pour
attirer les entreprises.
M. Jean-Marie Rausch
a par ailleurs souligné, qu'au-delà
des infrastructures, il convenait aussi de s'intéresser aux "contenus"
diffusés sur les réseaux de communication. A cet égard, il
a rappelé sa vision libérale du rôle des villes dans ce
domaine, estimant que celles-ci n'avaient pas à se substituer aux agents
privés dans la mesure où une telle intervention fausserait le jeu
de la concurrence. En revanche, il a admis qu'en cas de carence de l'initiative
privée, une ville puisse intervenir dans le domaine des services
à valeur ajoutée. Poursuivant sa réflexion,
M.
Jean-Marie Rausch
s'est interrogé sur l'intérêt des
grandes villes à développer leur action au-delà des
serveurs minitel ou des serveurs d'information purement municipale. Dans cet
esprit, il a signalé les diverses possibilités offertes en
matière de télévision locale interactive, de
télévision à la carte, de "télémarketing",
de télésurveillance ou encore de gestion informatisée des
parcs de stationnement.
S'agissant de la diffusion d'informations municipales sur le "web",
M. Jean-Marie Rausch
s'est inquiété de la concurrence
que risquait de constituer la diffusion d'informations relatives à
l'état-civil par rapport à la rubrique "carnet du jour" de la
presse locale. Par ailleurs, il a fait remarquer l'intérêt de
serveurs contenant la liste des entreprises et permettant de favoriser la
recherche d'emplois au moyen de formulaires électroniques
destinés à permettre l'établissement de curriculum vitae
"actifs", comportant du texte ainsi que des photos, voire des
séquences
vidéo.
M. Jean-Marie Rausch
a ensuite procédé à l'analyse
des économies de fonctionnement pouvant résulter pour les villes
de l'utilisation des nouvelles technologies de l'information. A cet
égard, il a souligné l'intérêt de l'utilisation du
câble pour l'ensemble des télécommunications internes des
services de la mairie. Par ailleurs, il a insisté sur les
économies résultant de l'accès de l'ensemble des
écoles à Internet au moyen du réseau câblé de
la ville en raison de l'absence de tarification à la durée. Il a
précisé que ces accès à coût forfaitaire
pourraient être progressivement étendus aux entreprises et
à l'ensemble des citoyens.
M. Pierre Laffitte, président,
s'est interrogé sur le
développement de points de diffusion de ces nouvelles technologies
auprès du public.
M. Jean-Marie Rausch
a répondu que,
pour l'instant, un serveur minitel permettait un accès du public
à la location de produits audiovisuels auprès de la
bibliothèque municipale. Il a indiqué que la ville comptait sur
le développement des accès à son site Internet.
S'agissant de l'utilisation des nouvelles technologies par les services de la
ville,
M. Pierre Laffitte, président,
a souhaité
connaître les problèmes posés en matière de
formation des agents municipaux. Sur ce point,
M. Jean-Marie Rausch
a indiqué qu'après une phase d'initiation difficile, le personnel
de la ville s'était pleinement adapté à la
micro-informatique et que la formation était très largement
conduite "en interne".
M. Jean-Marie Rausch
a cependant
souligné
le dérapage financier que pouvait entraîner la mise à
niveau permanente du matériel et des logiciels.
M. Pierre Laffitte, président,
tout en approuvant la
volonté de lutter contre une fuite en avant en matière de
bureautique, a insisté sur l'intérêt d'utiliser les
nouvelles technologies de l'information dans des domaines tels que la
télémédecine. Sur ce point,
M. Jean-Marie Rausch
a
répondu qu'une liaison spécifique avait été
établie entre le centre hospitalier régional (CHR) de Metz et le
centre hospitalier universitaire (CHU) de Nancy, et qu'une liaison avec des
hôpitaux d'Atlanta était en cours d'étude.
En conclusion,
M. Jean-Marie Rausch
a insisté sur le fait que la
réflexion au sujet des nouvelles technologies de l'information devrait
à l'avenir porter beaucoup plus sur les "contenus" que sur les
"contenants".
Auditon de
M. Philippe LEVRIER,
Directeur général
FRANCE 3
Mercredi 26 février 1997
M. Pierre Laffitte, président
, a tout d'abord
précisé que la mission avait choisi d'auditionner le directeur
général de France 3, en sa qualité d'auteur du rapport sur
la télévision numérique terrestre adressé en mai
1996 à M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture et à M.
François Fillon, ministre délégué à la
Poste, aux télécommunications et à l'espace.
M. Philippe Levrier, directeur général de France 3
, a
indiqué qu'il avait conduit son étude autour de trois axes
respectivement consacrés à l'étude de la
disponibilité technologique, à l'analyse de la demande
potentielle et à la détermination des autorités
chargées de réguler ce domaine. Tout en précisant qu'il ne
s'agissait pas pour lui de faire un résumé de son rapport, il a
indiqué que l'ensemble de ce travail l'avait conduit à des
conclusions nuancées sur le thème de la numérisation de
l'hertzien terrestre.
M. Philippe Levrier, directeur général de France 3,
a
insisté sur le fait que la technologie numérique
développée en Europe depuis 1992 connaissait ses premières
applications commerciales sur le satellite et sur le câble depuis 1996,
puis, a précisé que l'extension de cette technologie au support
terrestre était en cours de développement. Il a estimé que
l'introduction de la télévision numérique terrestre sur le
marché grand public était susceptible d'intervenir autour des
années 1998-1999. Sur ce point, il a cependant relevé la
nécessité d'arriver à une fabrication en série des
postes de télévision numérique, dits
"intégrés", qui devraient comporter la possibilité de
bénéficier d'un ensemble de services nouveaux.
En ce qui concerne le marché de la télévision
numérique
, M. Philippe Levrier, directeur général
de France 3
, a distingué le marché des diffuseurs de celui
des industriels. S'agissant des diffuseurs hertziens français, il a
constaté que leurs bons résultats commerciaux et financiers ainsi
que l'absence de menaces sérieuses en provenance du satellite ou du
câble les conduisaient à adopter une position attentiste. Il a
relevé que cette situation ne favorisait pas l'émergence d'une
demande française pour la télévision numérique
terrestre. S'agissant des industriels, il a relevé que ces derniers
étaient encore marqués par les "avatars" de la
télévision à haute définition dont le souvenir ne
les incitaient pas à prendre des risques dans ce domaine.
M. Philippe Levrier, directeur général de France 3,
a
cependant estimé que la télévision numérique
terrestre comportait des enjeux majeurs dans le long terme. A cet égard,
il a souligné que le développement de cette technologie
permettrait une très importante récupération d'espace au
sein des fréquences hertziennes. Il a considéré que la
valorisation de ces espaces pourrait représenter de 15 à 30
milliards de francs, soit un coût équivalent à celui de la
conduite du processus de numérisation. Il a néanmoins
indiqué que cette évaluation avait été
contestée et qu'il fallait tenir compte de la durée du processus
de substitution de la diffusion numérique à la diffusion
analogique qui ne pourrait s'opérer que sur une période longue de
quinze ans.
Il a par ailleurs fait remarquer que l'exploitation des capacités
nouvelles offertes par la compression numérique pourrait conduire
à un important accroissement du nombre de programmes transmis par voie
hertzienne. Il a enfin évoqué les perspectives que permettait
d'envisager l'accès du grand public à la télévision
numérique en tant que terminal permettant le traitement et le stockage
d'informations numériques.
Sur cet ensemble
, M. Philippe Levrier, directeur général de
France 3
, a indiqué qu'il avait conclu son étude par la
nécessité de conduire un programme d'études de
faisabilité sur l'introduction de la télévision
numérique terrestre destiné à permettre aux pouvoirs
publics d'effectuer des choix dans ce domaine à partir de 1998.
En conclusion, il a souligné que le développement de la
télévision numérique terrestre était
fondamentalement lié à l'émergence d'une gamme de
téléviseurs numériques dont les prix seraient comparables
à ceux des téléviseurs analogiques.
Interrogé sur la technologie "microwave multichannel distribution
system" (MMDS, distribution multicanaux par micro-ondes),
M. Philippe
Levrier, directeur général de France 3,
a relevé que
celle-ci était de nature à constituer un concurrent
sérieux par rapport au câble qui constituait pour l'instant un des
rares secteurs préservés au sein du grand mouvement de
libéralisation touchant le domaine des télécommunications.
Audition de
M. Richard BION,
Chargé de mission pour les nouvelles technologies et
les systèmes d'information
Commissariat à la Réforme de
l'Etat
M. Xavier AUTEXIER, Délégué général
M.
Gilles RAGUENEAU, Vice-président
Syndicat de l'Industrie des
Technologies de l'Information
Mercredi 12 mars 1997
Dans un exposé introductif,
M. Richard Bion
a
rappelé les étapes de l'informatisation des administrations
centrales et des services déconcentrés de l'Etat :
- dans le cadre du plan calcul, le Gouvernement a imposé, entre 1966 et
1984, la création de commissions de l'informatique dans chaque
ministère ;
- de 1984 à 1986 ont été mises en place des commissions de
l'informatique et de la bureautique dans chaque ministère, ainsi que des
schémas directeurs et des conventions de développement permettant
le suivi des choix effectués ;
- de 1986 à 1995, le comité interministériel de
l'informatique et de la bureautique dans l'administration (CIBA) a
confirmé la nécessité pour chaque ministère de
réaliser un schéma directeur. Chaque ministère
était, et reste, responsable de son informatisation.
- en 1992, le rapport Fontaine a évalué l'informatique de
l'Etat ;
- en 1994, le CIBA a élaboré une circulaire sur les
schémas directeurs ;
- en septembre 1995, le comité interministériel pour la
réforme de l'Etat a été créé ainsi que le
commissariat à la réforme de l'Etat. Le CIBA a
parallèlement été supprimé.
Le comité interministériel est chargé d'animer et de
coordonner les actions des administrations en matière de systèmes
d'information, dans le cadre des schémas directeurs existants.
Le commissariat est quant à lui chargé de veiller à la
prise en compte par les administrations des conséquences des nouvelles
technologies de l'information sur leur fonctionnement et leur
organisation ;
- enfin, en 1996, une circulaire a prévu la remise à jour des
schémas directeurs d'ici la mi-1997 en fonction des décisions
prises par ailleurs en ce qui concerne la réorganisation des
administrations centrales. Un comité technique a été mis
en place afin de valider les schémas directeurs modifiés. Trois
schémas ont à ce jour été examinés. Dans le
cadre ainsi défini, les liaisons entre les administrations centrales et
les services déconcentrés ainsi que les organismes sous tutelle
ont fait l'objet d'un examen particulier afin de renforcer la circulation de
l'information et les conditions d'exercice de la tutelle.
M. Richard Bion
a poursuivi son exposé en présentant des
informations sur l'informatisation des administrations.
Il existe actuellement, en dehors du ministère de la défense, 28
structures informatiques dans les administrations centrales (8 au
ministère des finances), qui représentent un coût annuel de
5 milliards de francs, et nécessitent la conclusion de
1.000 marchés informatiques par an. La valeur du parc
installé est de 15 milliards de francs. 13.700 informaticiens,
dont la moitié en poste au ministère de l'économie et des
finances, participent au fonctionnement de ces systèmes. Enfin, les
budgets, en diminution depuis cinq ans, se décomposent ainsi :
- 41 % pour l'achat des matériels ;
- 18 % pour l'entretien ;
- 12 % pour les télécommunications ;
- 12 % pour l'achat de logiciels et de progiciels ;
- 12 % pour les prestations de services ;
- 2 % pour la formation ;
- 3 % de frais divers.
Les administrations n'ont pas encore pris totalement la mesure de
l'évolution des métiers impliqués.
En ce qui concerne les matériels, il existe actuellement quelque
110 grands systèmes, dont le nombre diminuera au profit de la
mini-informatique. De nombreux micro-ordinateurs (un tiers sur un total de
250.000) ne sont pas encore en réseau. Il existe, en moyenne, à
l'heure actuelle un micro-ordinateur pour deux agents.
Les gains de productivité et d'efficacité résultant de
l'effort d'informatisation n'ont pas été chiffrés.
M. Richard Bion
a indiqué par ailleurs que l'informatisation
n'avait pas conduit à l'adaptation des procédures et de
l'organisation administrative et que les gisements d'information
gérés par l'administration n'avaient pas été
valorisés. Le commissariat à la réforme de l'Etat appuie
le renouvellement des schémas directeurs, qui va prendre du retard en
raison de la nécessité de tenir compte des mesures en voie
d'élaboration pour la réforme des structures des administrations
centrales. Il a aussi été décidé de mettre en place
des plans de développement des systèmes d'information au niveau
territorial. Enfin, des applications informatiques nouvelles devront être
mises en oeuvre spécialement en ce qui concerne la gestion
financière et budgétaire et la gestion des personnels. De
façon générale, le recours aux nouvelles technologies de
l'information et de la communication devra être accru à tous les
niveaux des administrations centrales et déconcentrées.
Revenant sur le renouvellement des schémas directeurs
, M. Richard
Bion
a précisé que ceux-ci devraient préciser la
politique d'utilisation des nouvelles technologies de l'information, que leur
champ d'application devait être bien identifié, qu'ils devaient
mettre en place de véritables systèmes d'information et
prévoir une meilleure gestion du gisement d'information afin de
faciliter l'évaluation des politiques publiques et la tutelle des
organismes rattachés.
En ce qui concerne les systèmes d'information territoriaux,
M.
Richard Bion
a précisé que les services
déconcentrés de l'Etat devaient communiquer entre eux.
A une question du
président Pierre Laffitte
sur la
nécessité de passer d'une structuration hiérarchique des
administrations à une structuration par objectifs, à la suite de
l'utilisation des nouvelles technologies dans les relations avec les usagers,
M. Richard Bion
a répondu qu'une prise de conscience
était en cours, spécialement dans les services
déconcentrés.
De nombreuses initiatives ont été prises en matière
d'accueil, de même que des serveurs d'information ont été
mis en place, sur lesquels des obstacles juridiques restreignent la diffusion
des textes législatifs et réglementaires. Il existe aussi des
" maisons des services publics " pour lesquelles le
commissariat
souhaite financer des expérimentations avec les crédits inscrits
au fonds de réforme de l'Etat. Un guide devra ultérieurement
être élaboré sur les technologies disponibles dans ce
domaine.
A une question du
président Pierre Laffitte
,
M. Richard
Bion
a répondu que les préfets pouvaient proposer le
financement de projets élaborés en partenariat avec les
collectivités locales.
A une question de
M. Alain Joyandet
, il a répondu par ailleurs
que les " maisons des services publics " devaient
s'appuyer, chaque
fois que possible, sur les implantations de l'Etat existantes et pouvaient
couvrir une très large gamme de services aux administrés.
Il a enfin indiqué à
M. Franck Sérusclat
que ces
expériences pouvaient favoriser la revitalisation de certaines petites
communes dépourvues de ressources.
La mission a ensuite auditionné une
délégation
du syndicat de l'industrie des technologies de l'information (SFIB),
conduite par
M. Gilles Ragueneau, vice-président.
M. Gilles Ragueneau
a tout d'abord précisé que les
technologies de l'information représentaient en France
37.000 emplois et 77 milliards de francs de chiffre d'affaires. Le
SFIB mène, a-t-il indiqué, des études sur le retard
français en matière d'équipement micro-informatique -dont
il a souligné qu'il concernait non seulement les particuliers mais aussi
les entreprises et l'administration- ainsi que sur l'utilisation des normes
internationales, l'interopérabilité des systèmes et des
matériels, la libéralisation des marchés, tant
informatiques que de télécommunications.
M. Michel Fromon, membre du comité stratégique du SFIB
, a
chiffré le retard français en matière d'équipement
en terminaux informatiques. Il a précisé que l'Europe
était en retard dans ce domaine sur les Etats-Unis et l'Asie, et qu'au
sein des pays européens, la France était le pays disposant du
plus faible taux de pénétration puisqu'on y trouvait seulement
13,6 ordinateurs pour 100 personnes, contre un ratio de 19,2 en
Allemagne, 23 en Suède et 17 en moyenne pour l'ensemble des pays
européens.
Il a affirmé que ce retard touchait toutes les catégories
d'utilisateurs. S'agissant des entreprises, la France compte 6 ordinateurs
pour 100 personnes, alors que ce chiffre est de 9 aux Pays-Bas, de 10
en Suède et de 7 en Angleterre. En ce qui concerne les foyers, le taux
de pénétration français n'est que de 16 %, contre
24 % en Allemagne et jusqu'à 40 % aux Etats-Unis. Le retard
touche aussi les écoles, avec un taux de 0,6 ordinateurs pour
100 élèves en France, 1,6 en Grande-Bretagne et
3 en Suède.
M. Michel Fromon
a déploré ce retard dont il a
souligné la nouveauté puisque, grâce à l'utilisation
du Minitel, la France avait été dans la décennie
précédente plutôt en avance sur le reste du monde. Il a,
d'autre part, dénoncé l'attitude critique des Français
vis-à-vis d'Internet. Il s'est dit préoccupé de ce que les
entreprises françaises ne saisissaient pas les opportunités de
créations d'activités et d'emplois ainsi que de nouveaux moyens
de commercialisation qu'offraient les technologies de l'information.
M. Pierre Laffitte, président,
a rappelé que son
récent rapport fait au nom de l'office parlementaire d'évaluation
des choix scientifiques et technologiques, relatif à la France et la
société de l'information, avait déjà permis de
dresser le constat du retard français.
M. Gilles Ragueneau
a ensuite abordé le sujet de la
cryptographie, nécessaire à la sécurité des
transactions commerciales sur les réseaux informatiques. Il a
exprimé les souhaits du syndicat de l'industrie des technologies de
l'information de voir une libéralisation totale de la cryptologie en ce
qui concerne les algorithmes de 40 bits. Il a indiqué que la
libéralisation opérée par la loi de réglementation
des télécommunications du 26 juillet 1996 n'était pas
suffisante, d'autant plus que le décret d'application concernant la
cryptologie n'était pas encore paru. Il a jugé la
réglementation actuelle inadaptée au développement du
commerce électronique. Prenant en compte les impératifs de
défense nationale,
M. Gilles Ragueneau
a opéré une
distinction entre la cryptologie dite " faible ", nécessaire
aux transactions commerciales -et que l'administration de la défense
pouvait techniquement facilement décrypter- qu'il convenait de
libéraliser, et la cryptologie dite " dure " devant, selon
lui, relever d'un régime moins souple.
M. Jean Laurens, président de la commission de
normalisation,
a ensuite abordé la normalisation. Il a
souligné la particularité de la normalisation dans le domaine des
technologies de l'information, liée au fait que, dans ce domaine, le
cycle de vie de produits était plus court. Il a précisé
que les normes internationales étaient élaborées par des
groupes de travail d'industriels et s'attachaient surtout à
l'interopérabilité -capacité de fonctionner ensemble- et
à la portabilité -la faculté de fonctionner sous
différentes configurations- des équipements et des logiciels. Il
a décrit la normalisation comme un moyen de diffusion et de valorisation
de la culture française.
Mlle Françoise Bousquet, membre de la délégation du
SFIB,
a regretté la pauvreté de la représentation
française dans les instances de normalisation des organisations
internationales. Elle a affirmé que la normalisation était un
moyen de valorisation non seulement de la culture française, mais aussi
de l'industrie française.
En réponse à
M. Pierre Laffitte, président,
qui citait l'exemple de la norme issue du club Digital Audio Broadcasting
(DAB),
M. Jean Laurens
a indiqué sa préférence pour
des structures légères de normalisation, composées
d'experts élaborant des standards diffusés ensuite aux
industriels. Critiquant le manque d'implication des directions
générales des grandes entreprises françaises dans la
normalisation, il a prôné leur participation plus active à
ce processus.
M. Claude Boulle, membre de la délégation du SFIB,
a
ensuite affirmé qu'une stratégie politique était aussi
nécessaire pour la standardisation qu'il a définie, à la
demande de
M. Pierre Hérisson,
comme une
réalité technique imposée de fait au marché par
l'entreprise la plus puissante, à la différence de la
normalisation, qui relevait d'une démarche normative et concertée.
Reprenant son propos sur la normalisation,
Mlle Françoise Bousquet
s'est déclarée favorable à une meilleure collaboration
entre les industriels et l'AFNOR, responsable de l'édiction des normes
officielles en France.
M. Pierre Laffitte, président,
a interrogé les
représentants du SFBI sur les solutions qui permettraient de combler le
retard d'équipement français. Il a notamment évoqué
le passage de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) au taux de 5,5 %
pour les équipements informatiques.
M. Pascal Cagni, membre de la délégation du SFIB,
a
déclaré soutenir cette proposition. Il a rappelé les
principales propositions du syndicat pour parer le faible taux
d'équipement français, en évoquant le problème du
tarif trop élevé des connexions au réseau Internet, celui
des trop longs délais d'homologation de certains matériels comme
les " Modem ", celui de la durée d'amortissement et de la
fiscalité des équipements informatiques. Il a affirmé la
nécessité d'intégrer au cursus scolaire un enseignement du
clavier et du fonctionnement des micro-ordinateurs.
Le président Pierre Laffitte
a rappelé que le Sénat
avait déjà adopté un amendement baissant le taux de la TVA
qui frappe les achats d'équipements informatiques, même si cette
mesure n'avait pas été définitivement adoptée.
En réponse à
M. Pierre Hérisson
,
M. Michel Fromon
a précisé qu'une formation des
professeurs de l'éducation nationale était indispensable puisque,
bien souvent, les équipements informatiques n'étaient pas
utilisés. Revenant à la TVA, il a indiqué que les
études montraient une très grande sensibilité du grand
public aux prix en matière d'achat d'ordinateurs. Il a fixé
à 5.000 francs le palier psychologique en deçà duquel
on pouvait espérer une forte augmentation du taux de
pénétration. Il a évalué à 6.900 à
7.900 francs le prix actuel des ordinateurs performants, et a relevé
l'importance stratégique d'une éventuelle réduction du
taux de la TVA qui permettrait de se rapprocher du seuil de 5.000 francs.
M. Gilles Ragueneau
a ensuite abordé le problème de
l'amortissement accéléré par les entreprises des
équipements informatiques. Il a rappelé qu'en dépit d'une
disposition législative votée il y a plus d'un an, le
Gouvernement ne semblait pas vouloir prendre les décrets d'application
qui permettraient de rendre cette mesure effective. Il a dénoncé
la mauvaise volonté de ce dernier, liée à des
préoccupations budgétaires.
M. Pierre Hérisson
a alors évoqué les
problèmes que pourrait poser un abaissement du taux de la TVA face
à la nécessité d'harmonisation des taux de cette taxe
entre les différents pays de l'Union européenne. Il a
évoqué l'éventualité de la création d'un
taux intermédiaire de TVA, plus proche du taux moyen européen,
qui serait susceptible de s'appliquer à de nombreux secteurs
d'activité. Il a écarté l'idée que la TVA puisse
être un frein au développement de l'équipement informatique
des écoles puisque les collectivités locales étaient
susceptibles de se la voir rembourser par le biais du fonds de compensation de
la TVA (FCTVA).
M. Pascal Cagni
a ensuite évoqué la hausse actuelle du
cours du dollar comme un frein possible à l'équipement
informatique.
M. Gilles Ragueneau
a enfin fait part des exemples, allemand et
américain, qu'il a jugé positifs, de déduction des achats
d'ordinateurs de l'impôt sur le revenu.
Audition de
M. Bruno CHETAILLE,
Président
TDF
Mercredi 26 mars 1997
M. Bruno Chetaille
a tout d'abord rappelé que les
premiers travaux français concernant l'application de la technique
numérique au domaine de l'audiovisuel remontaient à 1977.
Il a noté que l'emploi de ces techniques numériques permettaient
de multiplier par quatre au minimum le nombre de programmes diffusés sur
un même canal hertzien, tout en améliorant la qualité
visuelle et sonore de ces programmes et en autorisant la diffusion
d'informations associées ou non à ceux-ci.
S'agissant de la mise en oeuvre de ces techniques,
M. Bruno
Chetaille
a précisé qu'il analyserait tout d'abord les
caractéristiques de ce qui pourrait être un "scénario
national" axé autour d'un engagement volontariste de l'Etat pour le
déploiement d'un réseau numérique sur l'ensemble du
territoire, puis présenterait les pistes d'un "scénario local"
essentiellement fondé sur la technologie dite MMDS (Microwave
multichannel distribution system).
En ce qui concerne le scénario national,
M. Bruno Chetaille
a
tout d'abord souligné les avantages que présenterait le
déploiement d'un réseau numérique pour les
différentes parties concernées.
Il a noté que pour le consommateur, cette solution déboucherait
sur une multiplication du nombre de programmes télévisés
offerts et sur une amélioration de leur qualité visuelle et
sonore, tout en favorisant la "portabilité" de la
télévision.
Pour l'Etat,
M. Bruno Chetaille
a relevé que ce scénario
favoriserait une bonne gestion patrimoniale de l'espace hertzien, en
libérant à terme des fréquences pour d'autres usages,
éventuellement les télécommunications, et constituerait un
atout pour la politique culturelle.
Il a précisé que la moindre "consommation" de la technologie
numérique en matière de fréquences hertziennes permettrait
de valoriser, à moyen terme, l'espace qui serait libéré
par la diffusion hertzienne en mode analogique.
Il a ensuite noté, qu'en termes de politique culturelle, la diffusion
hertzienne numérique terrestre était le seul moyen pour la
puissance publique de conserver un contrôle en la matière.
Pour les industriels,
M. Bruno Chetaille
a souligné que cette
option présenterait l'avantage d'ouvrir un marché de masse
n'exigeant aucune technologie nouvelle à l'exception de l'installation
de boîtiers décodeurs chez les "consommateurs".
Du point de vue des chaînes de télévision et des
opérateurs, il a relevé que ce scénario permettait la mise
en oeuvre de "décrochages" locaux et qu'il autorisait une plus grande
souplesse de programmation au moyen de la démultiplication des
programmes (multiplex), tout en permettant la baisse des coûts de
diffusion.
M. Bruno Chetaille
a ensuite analysé des exemples
étrangers de choix du "scénario national".
Il a indiqué que, dans le domaine de la diffusion hertzienne
numérique terrestre, la Grande Bretagne avait engagé une action
volontariste en adoptant une législation spécifique au mois de
juin 1996, conduisant à réserver trois "multiplex", de quatre
chaînes chacun, aux opérateurs existants (BBC, ITV, Channel 5) et
à soumettre à la concurrence l'attribution des trois derniers
"multiplex".
Il a souligné que cette politique devrait permettre de
récupérer à l'horizon 2010, de 100 à 150 megahertz
de bande passante restitués à l'occasion de la cessation de la
diffusion analogique.
M. Bruno Chetaille
a précisé que l'ouverture des
réseaux numériques britanniques serait effective vers le milieu
de l'année 1998.
Abordant l'exemple des Etats-Unis d'Amérique, il rappelle que ce pays
avait choisi de s'orienter vers la télévision haute
définition, avant de se tourner progressivement vers la
télévision hertzienne numérique terrestre. Prévu
pour l'année 1998, le lancement de ce mode de diffusion
s'insérera dans un cadre juridique contraignant où les
opérateurs analogiques existants se verront réserver la
totalité des capacités nouvelles pendant une durée de dix
ans avant l'ouverture à la concurrence.
Interrogé sur la part de la capacité de diffusion de ces
réseaux qui serait réservée aux données,
M.
Bruno Chetaille
a indiqué qu'en Grande-Bretagne 10 % des ressources
de diffusion leur seraient dédiées. Sur ce point, il a
souligné que la logique audiovisuelle restait très largement
dominante.
Analysant ensuite les perspectives françaises dans ce domaine,
M. Bruno Chetaille
a tout d'abord relevé la faible
motivation des industriels et des chaînes de télévision
pour la télévision hertzienne numérique terrestre.
Il a expliqué que ce manque d'intérêt résultait
très largement de l'actuelle focalisation de ces acteurs sur les
développements de la diffusion télévisée par
satellite.
M. Bruno Chetaille
a cependant considéré que si la
télévision hertzienne numérique terrestre connaissait le
succès en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis, il serait difficile de ne
pas en tenir compte et qu'il était nécessaire de permettre aux
pouvoirs publics de se déterminer en la matière dans le courant
de l'année 1988. A cet égard, il a indiqué que le
développement maximal du satellite ne permettrait - dans le meilleur des
cas - à couvrir que 25 à 30 % de la population d'ici à
2005 et qu'il subsisterait en conséquence d'importantes perspectives
pour les autres modes de diffusion.
Sur ce point,
M. Bruno Chetaille
a contesté le bien fondé
d'une analyse malthusienne des différentes technologies de diffusion.
A cet égard, il a souligné le développement
simultané des bouquets numériques par satellite et du nombre de
réseaux hertziens terrestres aux Etats-Unis.
Mme Danièle Pourtaud
a cependant relevé que les
difficultés du câble en France suscitaient des interrogations sur
la possibilité pour chaque support de trouver son équilibre
financier dans un contexte de développement simultané.
M. Bruno Chetaille
a indiqué que le faible développement
du câble était en grande partie la conséquence de la
création d'une télévision hertzienne payante. Il a
ajouté qu'en outre le prix de l'abonnement au câble en France
était trop élevé, rappelant qu'en Allemagne où le
prix était fixé à moins de 100 francs par mois, plus
de 50 % des foyers étaient reliés à un réseau
câblé.
Il a conclu ce point en notant que le faible développement du
câble en France résultait des limites de la capacité
financière des ménages.
Enfin, dans la perspective, d'une prise de décision en 1998 au sujet de
la télévision hertzienne numérique terrestre, il a
insisté sur sa volonté d'éviter un "plan câble bis"
ainsi que l'adoption d'une technique nationale spécifique à la
France.
M. Bruno Chetaille
a ensuite évoqué l'hypothèse du
déploiement local des réseaux de diffusion hertzienne terrestre
numérisée. Il s'agit de la technique " de diffusion
multiplexée sur canal micro-ondes " désignée
généralement par les initiales MMDS, dont
M. Bruno
Chetaille
a détaillé les avantages par rapport au câble
: absence des coûts de génie civil, rapidité de
déploiement du réseau, utilisation possible de petites antennes.
Le recours à cette technique est particulièrement
approprié dans les zones d'habitat peu denses ou pour étendre les
réseaux câblés existants.
Deux problèmes sont à régler. Il est d'une part
nécessaire de vérifier le potentiel commercial du MMDS et
l'existence d'un marché solvable. Il est d'autre part nécessaire
d'identifier les fréquences qui permettront le déploiement de
réseaux. Dans la plupart des pays, la banque de fréquence de 2,5
Ghz est affectée au MMDS. Elle est cependant détenue en France
par l'armée qui ne souhaite pas s'en dessaisir. La bande de 3,6 à
3,8 Ghz peut être utilisée dans des conditions économiques
encore satisfaisantes : les coûts d'adaptation des équipements
utilisés sur les marchés étrangers pour la bande de 2,5
Ghz ne sont pas très élevés. Cependant, l'affectation au
CSA de cette bande de fréquence n'est pas encore définitive.
M. Bruno Chetaille
a noté que les réglementations
susceptibles de ralentir le développement du MMDS étaient en
cours de modification. Le projet de loi sur la communication audiovisuelle
actuellement discutée par le Parlement devrait aligner la
réglementation applicable à ce mode de diffusion sur celle du
câble. En revanche, continuerait de se poser le problème de
l'interdiction de la diffusion par micro-ondes dans les zones
câblées.
Afin de favoriser le développement du MMDS, TDF a lancé un
certain nombre d'expériences dans les communes de Feltin et de Prades.
Des contacts sont en cours pour le lancement de nouvelles initiatives à
Annonay et à Lourdes
. M. Bruno Chetaille
a ensuite
estimé que la diffusion par micro-ondes était adaptée
à des communications à grand débit et permettait
l'interactivité. Les travaux en cours permettraient de tester la
possibilité d'utiliser l'antenne de réception pour permettre aux
abonnés de réémettre des informations.
Il a ensuite indiqué, en réponse à une question
de
M. Alain Joyandet, rapporteur
, que sur le plan européen il
était envisagé d'affecter à la diffusion en MMDS la bande
de 40 Ghz mais que celle ci ne permettait de diffuser que dans un rayon de 2
à 3 km et ne présentait donc pas un intérêt
économique très sensible.
Interrogé ensuite par
M. Pierre Laffitte, président,
sur le développement de la norme de diffusion radiophonique
numérique DAB,
M. Bruno Chetaille
a indiqué que
l'avenir de celle-ci dépendait de la capacité des industriels
à produire des équipements commercialisés à un
coût inférieur à 5 000 F.
A
M. Alain Joyandet
,
rapporteur
, qui lui demandait dans quel
délai était envisageable, dans l'hypothèse d'un passage
à la diffusion numérique hertzienne terrestre, la restitution des
fréquences actuellement affectées à la diffusion
analogique, il a enfin répondu que le renouvellement du matériel
et le changement des habitudes des téléspectateurs demanderait au
moins une quinzaine d'années et que les britanniques avaient
prévu de leur coté, l'arrêt de la diffusion hertzienne
terrestre analogique vers 2010.
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
PAR M.
ALEX TÜRK, RAPPORTEUR
M. Hervé RONY
: Directeur général
du Syndicat national de l'édition phonographique
M. GOLDSMITH
: Délégué général du
SNEP
Professeur VIVANT
Professeur à l'université de
Montpellier. Directeur de recherche au CNRS
Capitaine RIVIERE
: Chef du département informatique
électronique de l'Institut de recherche criminelle
M. François DRUEL
: Net Surfer de la Compagnie bancaire
M. Antoine BEAUSSANT
: Délégué de GESTE
M. PADOUIN
: Directeur du SEFTI
M. FALQUE-PIERROTIN
: Maître des requêtes au Conseil d'Etat
M. ITEANU
: Avocat à la Cour
M. DEBRESSON
: Président du CST
M. LECAT
: Président Internet-Way-SA
M. PASGRIMAUD
: Délégué général du
Syndicat des Editeurs de logiciels de loisirs
M. DUTHIL
: Directeur du CELOG, centre d'expertise de logiciel
M. Henri de MAUBLANC
: Président de l'Association
française de la télématique
M. MACHART
: Nornet - Eurotéléport de Roubaix
M. PINAY
: Conseiller d'Etat - Membre de la CNIL
4EME DE COUVERTURE PROJET
L'entrée de la France dans la société de
l'information est en cours. Beaucoup de Français le constatent, mais la
plupart sont moins avertis des transformations profondes et des défis
que cela implique : une révolution culturelle, économique et
sociale sans précédent s'amorce. Elle touchera toute la
planète et l'ensemble des activités. Il convient, pour l'avenir
de notre pays, de la gérer de façon dynamique.
C'est pourquoi il est nécessaire de fournir à nos compatriotes,
et spécialement aux élus locaux à l'égard desquels
le Sénat a une responsabilité particulière, une
information synthétique et complète sur les questions, les
débats, les enjeux, les opportunités qui se manifestent. Il est
aussi nécessaire de dessiner quelques axes stratégiques à
partir desquels il sera possible de réussir le pari de l'entrée
dans la société de l'information.
Tel était l'objectif de la mission du Sénat, qui espère
contribuer par le présent rapport à la mobilisation de la
société française face à ce qui apparaît en
dernière analyse comme l'avènement du XXIème siècle.
1
Les vocables synonymes
"digital" et
"digitalisé" sont d'origine anglo-saxonne et proviennent du mot
anglais
"digit" qui signifie chiffre.
2
A la différence d'un ordinateur raccordé à un
réseau informatique, dans le cadre duquel la transmission de
données numériques vers un autre ordinateur est directe, les
échanges entre des ordinateurs par le truchement d'une ligne
téléphonique ordinaire exigent que chaque station dispose d'un
"modem" (modulateur/démodulateur) permettant de transcrire les
données numériques en signal analogique "à la sortie" et
d'effectuer l'opération inverse "à l'entrée".
3
On qualifie d'analogiques les systèmes dans lesquels
l'information est représentée par l'intensité d'une
grandeur physique (le plus souvent une tension électrique). Ainsi lors
de sa transmission, il y a "analogie" entre le signal émis et le
signal
restitué. La transmission de ce signal nécessite une liaison
permanente entre l'émetteur et le récepteur, le volume de cette
information étant de ce fait incompressible.
4
Il s'agit soit d'un
canal
de télévision
hertzien ou câblé, soit d'un
répéteur
de
satellite (équivalent du mot canal utilisé dans le cas d'un
émetteur hertzien terrestre ou d'un réseau câblé).
- 5 A l'été 1997, la société IBM a annoncé la sortie de deux nouveaux disques durs pour ordinateurs portables baptisés Travvelstar 4 GT et 5 GS, permettant de stocker respectivement 4 et 5 gigaoctets. Ainsi un nouveau record de densité de stockage sur disque dur est dépassé avec 406 mégaoctets par centimètre carré.
7 On appelle "bouquet" un ensemble de chaînes commercialisées de façon groupée.
8 Mode de communication dans lequel les deux extrémités de la transmission sont en dialogue.
9 Pour laquelle votre mission d'information renvoie à la lecture du "Rapport sur la France et la société de l'information" présenté par le président de votre mission, M. Pierre Laffitte, dans le cadre de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques. Sénat n° 213, session ordinaire 1996-1997.
10 Littéralement, cette appellation signifie la toile d'araignée mondiale, souvent appelée "La Toile".
11 Au milieu des années 1950, la Caravelle construite par Sud Aviation représentait en effet la rencontre d'un concept nouveau et d'une réalisation technologique inédite.
Le concept nouveau tenait à l'utilisation de la propulsion par réacteurs d'un avion moyen courrier, alors qu'à l'époque seuls les longs courriers utilisaient ce mode de propulsion. La réalisation technologique inédite reposait pour sa part sur l'installation des réacteurs sur l'empenage, et non sous les ailes, offrant ainsi un silence accru dans la cabine des passagers et favorisant la maniabilité de l'appareil.
12 Ces " cartes " insérables dans un ordinateur lui ouvrent les fonctions d'un minitel.
13 Les principaux aspects de ces questions sont analysés dans les prochaines parties du présent rapport.
14 (Union Européenne, Association européenne de libre-échange, pays d'Europe centrale et orientale et Chypre).
- 15 cf. ci-après : III. Une économie en expansion.
17 Pour un Etat en réseau. Jean-Noël Tronc (commissariat au Plan) Planète Internet. Janv. 1997.
18 L'arrêt devrait être rendu à l'automne 1997.
19 même si ce point est contesté et que certains -et en particulier le Sénat- estiment que la diffusion sur Internet ne rentre pas dans le champ d'application du régime concessif décrit ci-dessus.
20 le site Internet du Journal officiel (www. Journal officiel - gouv. fr) ne remédie pas à cette carence puisqu'il ne présente que le Journal officiel " Lois et décrets " du jour ainsi que les cinq dernier numéros.
21 Parmi eux, M. Pierre de la Coste, de l'association " Mélusine " (www.Melusine-transgraphe.asso.fr). Cette association explore les nouvelles formes d'écriture permises par, notamment, l'intégration de l'hypertexte.
22 Rapport n° 343, 1993-1994, " Aménagement du territoire " de MM. Jean François-Poncet, Président, Gérard Larcher, Jean Huchon, Roland du Luart et Louis Perrein, rapporteurs. Voir également le rapport " Refaire la France " des mêmes auteurs.
23 Ibid, p. 101, tome I.
24 Voir le rapport n° 389 de M. Gérard Larcher, au nom de la Commission des Affaires économiques, Sénat, 1995-1996.
25 Annonce de M. Michel Bon à l'AFP le 7 avril 1997.
26 " Les téléservices en France ", la documentation française, collection rapports officiels, p. 582 - 1994.
27 Et parmi ses membres, les rapporteurs du projet de loi pour la Commission des Affaires économiques : MM. Gérard Larcher, Jean-Marie Girault et Claude Belot.
28 La deuxième phase du troisième alinéa de l'article 24 de la Constitution dispose que le Sénat "assure la représentation des collectivités territoriales de la République."
29 Présidé par M. Antoine Rufenacht, président du conseil régional de Haute-Normandie et maire du Havre et placé auprès de France-Télécom, l'OTV a pour mission d'analyser les attentes et les besoins des collectivités et de les relayer auprès de France Telecom.
30 Le Sénat sur Internet : http : // www.senat.fr
31 Rappelons que les cablô-opérateurs étaient en conflit avec France Télécom puisqu'à l'exception de quelques villes où ceux-ci sont concessionnaires du réseau, les cablô-opérateurs n'assurent que l'exploitation commerciale des câbles dont France Télécom est propriétaire, ce qui subordonne toute utilisation des câbles, à d'autres fins que le transport d'images télévisées, à la conclusion d'un nouveau contrat. Or, les cablô-opérateurs contestaient, notamment, les conditions financières posées par France- Télécom dans ce cadre.
32 Dans " Technologie, productivité et création d'emplois ", la stratégie de l'OCDE pour l'emploi, 1996.
33 " Quel investissement pour une économie fondée sur la connaissance ? " Dominique Foray et Christian de Perthuis, Le Monde, 13 mai 1997.
34 Rapport n° 213, Sénat, février 1997, tome II, pages 24 et suivantes par M. Pierre Laffitte, sénateur
35 Il convient de préciser que ceci ne concerne qu'une infime part des conséquences économiques de l'entrée dans la société de l'information puisque tous les secteurs sont touchés par l'impact mondial de l'information sur Internet.
36 MM. David et Foray, 1995, cités par " Perspectives de la science, de la technologie et de l'industrie ", 1996, OCDE.
37 Stephen J. Kline et Nathan Rosenberg, 1986, " An overview of innovation ".
38 " Perspectives de la science, de la technologie et de l'industrie ". Ibid.
39 notamment M. Thomas Malone, du Massachussets Institute of Technology.
40 Jacques Lesourne, dans la revue " Réseaux ", Janvier-février 1997.
41 Dans son livre " l'entreprise virtuelle et les nouveaux modes de travail ", ainsi que lors de son intervention au colloque d'Interconférences consacré à " l'avenir du télétravail : ses conséquences économiques et sociales ".
-
42
D'après le rapport de la Chambre de commerce et
d'industrie de Paris, Assemblée générale du 27 mars 1997,
" Échange et commerce électroniques.
43 Article des Échos du 4 juin 1997.
44 Rapport précité, " Échanges et commerce électroniques ",mars 1997.
46 Le CREDOC mène une enquête annuelle sur la consommation depuis 1992. 1.005 personnes représentatives de la population âgée de plus de 18 ans résidant en France métropolitaine ont été interrogées au mois de décembre 1996.
47 Voir le rapport n° 389 de M. Gérard Larcher, rapporteur de la Commission des Affaires économiques, Sénat 1996-1997.
48 Un numéro spécial du Financial Times était récemment intitulé " Doing financial Business on-line ", qui affirmait que le visage de la finance allait être modifié par Internet.
49 cf. Jean-Paul FIGER, La Jaune et la Rouge, avril 1997, p. 22 et ss.
50 Rapport de M. Pierre Fauchon intitulé " Vers la construction d'un espace judiciaire européen ? ", n° 352, 1996-1997, p. 20.