B. Le Déclin des capacités de redistribution : la Crise budgétaire des états
L'idée que les marchés sont efficaces pour
produire de la richesse, mais tendent à une concentration de cette
richesse, est très largement partagée. Deux types d'intervention
sont donc préconisées :
- des interventions sur les prix - en pénalisant les activités
porteuses d'externalités négatives comme la pollution, et en
subventionnant les activités porteuses d'externalités positives
comme l'éducation ou la prévention en matière de
santé.
- des mesures de redistribution en faveur des catégories les plus
vulnérables : enfants, personnes âgées,
handicapés, etc.
C'est là le r™le du secteur public, qui a pour mission de fournir
à la communauté les biens qui, par définition, ne sont pas
susceptibles d'être sources de profit pour le secteur privé. Or
dans les deux cas cités, les interventions du secteur public s'appuient
sur une nécessaire capacité à mobiliser des ressources.
C'est cette capacité qui semble être de plus en plus
menacée par la mondialisation, et ce par l'intermédiaire d'un
grand nombre de mécanismes, directs et indirects, que nous allons
brièvement présenter :
1 - Le recul de la croissance
La croissance a un effet direct et immédiat sur les
équilibres budgétaires, en augmentant les recettes (revenus
fiscaux) et en diminuant les transferts (indemnisation du ch™mage,
prestations sociales, etc). La simple annonce d'une augmentation du
ch™mage en Allemagne a suffi pour que l'on doute fortement de la
capacité de ce pays à se conformer aux critères du
traité de Maastricht en matière de déficit
budgétaire. Inversement, la reprise américaine a augmenté
les ressources fiscales de 33 % depuis 1992, réduisant le
déficit à son plus bas niveau depuis 1981.
Tout impact de la mondialisation sur la croissance mondiale ne peut donc
qu'avoir des conséquences indirectes sur les équilibres
budgétaires.
2 - Le transfert des responsabilités, du secteur privé vers le secteur public
On parle beaucoup des nouvelles responsabilités dont
est investi le secteur privé, qui est amené à prendre la
relève dans beaucoup de domaines. Or, si l'on regarde les faits, c'est
plut™t le contraire qui se produit. Dans l'étude new yorkaise de
l'assurance médicale, la part des titulaires d'une assurance
privée a diminué de 59 % à 50 % entre 1990 et
1995, et celle des titulaires de l'assistance publique a augmenté de
21 % à 26 %. La part des non-assurés (qui n'ont pas
droit à l'assistance publique et ne peuvent se permettre une assurance
privée) a également augmenté.
En Europe, on observe un phénomène similaire, avec la
prolifération des emplois subventionnés, ou la
budgétisation des fonds de pension - et bien súr, dans les pays
en transition, ce transfert est tout à fait net, car tous les besoins
sociaux étaient couverts dans le cadre des entreprises.
1(
*
)
Cette évolution est due à la nécessité, pour les
entreprises, de résister à la concurrence de celles qui n'ont pas
les mêmes charges sociales à assumer. Pour assurer une
"égalité des chances" dans la concurrence mondiale, on exempte le
secteur privé des responsabilités qui lui revenaient autrefois.
Dès lors, on peut se poser la question : l'Etat a-t-il les moyens
de prendre le relais ? Ne trouve-t-on pas ici une des sources de la crise
budgétaire des Etats ?